«Valeurs traditionnelles», «unité», «désarmer l’Ukraine»… Le nouveau programme «patriotique» des écoliers russes
Le ministère de l’Éducation russe a annoncé instaurer le lever de drapeau chaque lundi à compter du 1er septembre, ainsi qu’une nouvelle matière obligatoire sur les «valeurs spirituelles et morales russes traditionnelles».
Dans la boîte mail des parents d’élèves en Russie est arrivé un message inhabituel à la veille de cette rentrée scolaire 2022. Signé du ministère russe de l’Éducation, le mail, traduit sur le blog d’un Français vivant à Moscou, explique qu’à partir de ce 1er septembre, les questions «de l’éducation des enfants, la formation aux valeurs spirituelles et morales russes traditionnelles, le sens du patriotisme et de la citoyenneté», seraient intégrées de manière «obligatoire» dans les activités parascolaires.
En plein contexte de guerre en Ukraine, le ministère annonce notamment la création d’une nouvelle matière obligatoire, intitulée «Parler de l’important». Cette discipline sera l’occasion de traiter «des valeurs familiales, de la culture, des opportunités et des valeurs de l’éducation, des dates importantes», explique le message adressé aux parents. Les nouveautés 2022 ne s’arrêtent pas là. À compter du 1er septembre également, «chaque semaine commencera par la levée du drapeau d’État de la Fédération de Russie», une cérémonie effectuée «sous la direction de l’enseignant de la classe».
Protéger les écoliers contre «la guerre de l’information»
Vendredi, plusieurs parents d’élèves français scolarisés dans des écoles publiques à Moscou confirmaient avoir vu le drapeau aux bandes horizontales bleu, blanc, rouge dressé dans la cour de l’école. Cette tonalité patriotique n’est pas nouvelle en Russie. Déjà en 2013, le Kremlin publiait un décret ordonnant aux écoles russes de déployer le drapeau national en permanence, et de jouer l’hymne russe le jour de la rentrée scolaire. Le président Vladimir Poutine, à l’initiative du texte, estimait que cette réforme contribuerait «à former des patriotes surtout chez les jeunes générations».
Dans le nouveau programme ébauché en cette rentrée par le ministère de l’Éducation, le conflit en Ukraine est présent en filigrane. Parmi les thématiques proposées jusqu’à fin novembre, de «Notre pays, c’est la Russie» aux «Valeurs familiales traditionnelles», chaque niveau a son propre programme. Au primaire, les élèves parleront «de l’unité du pays, de la nécessité de préserver et de protéger sa culture, son peuple». Les collégiens, eux, seront invités à discuter de l’«opération militaire spéciale», nom donné par Moscou à l’invasion de l’Ukraine, comme une «manifestation du vrai patriotisme». L’enseignant devra expliquer que l’objectif est de «protéger la population du Donbass, qui a été victime d’intimidation et d’oppression par le régime de Kyiv, désarmer l’Ukraine, empêcher l’installation de bases militaires de l’OTAN sur son territoire».
Quant au lycée, les élèves se verront expliquer «le fait que les habitants des Républiques populaires de Lougansk et Donetsk», dans le Donbass, «sont des Russes, et que leur retour en Russie est important». Selon un site russe d’information sur l’éducation, le ministère aurait alloué 22 millions de roubles (360.000 euros) pour fournir les supports pédagogiques de cette nouvelle discipline traitant de «l’important». Ainsi, «les enfants seront sensibilisés chaque semaine au patriotisme et à la morale pendant les heures de classe», détaille le site russe, afin de «ne pas laisser les écoliers “en tête à tête avec la guerre de l’information”».
Autre aspect de la réforme entrant en vigueur ce 1er septembre, l’apprentissage de l’Histoire dès la première année. L’annonce en avait été faite en avril dernier par Sergueï Kravtsov, ministre de l’Éducation. «Vous pouvez toujours (…) instiller l’amour pour la patrie, même à partir de la première année», avait-il fait valoir lors d’un forum sur l’éducation, disant faire confiance aux historiens russes pour construire un programme adapté aux plus petits. «Nous sommes très sérieux quant à la mise en œuvre de ces tâches importantes, nous nous préparons et attendons nos enfants !», conclut le ministère de l’Éducation dans son mail aux parents.