Ce nom inhabituel pour le Nord a été créé par une chaude journée d’été.
Quelqu’un a comparé la chaleur du nord à celle de l’Afrique, ajoutant le deuxième mot racine “- kanda “des langues finno-ougriennes pour plaisanter:
Non loin du village, il y a la gare “Okhtokanda”.
Cependant, au début, un passage à niveau, construit en 1925 (selon différentes versions, en 1930 ou 1932), s’appelait “Afrikanda”’
Et le nom s’est avéré populaire. La situation s’est développée comme suit:
1934: Le village d’Afrikanda apparaît près du passage à niveau. 1937: La ville militaire “Afrikanda” apparaît dans la région. 1948: Un village ne suffisait pas et un deuxième est apparu du nom
le village se trouve sur de vastes richesses naturelles. En 1935, du titane, du niobium, du tantale, du thorium radioactif ainsi que des terres rares y ont été découverts.
Un nouveau type de roche y a aussi été découvert, qui a été nommé “afrikandit” , ainsi que quatre autres minéraux Afrikanda-2″’
En ce mois de juin 2045, la nouvelle ville de Polargrad, située au nord de l’île Vaïgatch, fête ses cinq ans d’existence. La population, qui se monte a déjà 385 000 habitants, est sur les quais de la ville pour observer l’incroyable feu d’artifice qui, en pleine nuit polaire, magnifie l’anniversaire de cette ville nouvelle.
Alors que la foule composée de jeunes femmes blondes, de travailleurs kazakhs, d’ingénieurs ouest-européens et de marins chinois et coréens se masse devant les immeubles flambant neufs pour contempler le ciel illuminé, le port de la ville est totalement rempli de bateaux qui, partis de Shanghai, font escale dans le détroit de Kara avant de rejoindre Mourmansk pour y décharger des marchandises ensuite acheminées vers la Finlande et l’Europe.
La Russie aura ainsi réorienté près de dix millions d’habitants le long de sa côte nord pour permettre la mise en service de la route du Grand Nord. Ouvert en 2036, ce nouvel axe commercial rendu possible par la fonte accélérée des glaces va modifier l’architecture mondiale des routes maritimes commerciales, mais aussi nécessiter la création de nouveaux pôles urbains le long des côtes russes. Un mouvement historique similaire, mais accéléré, de celui qui a vu une longue ceinture de villes se créer le long de la frontière sud de la Russie, pour accompagner l’extension territoriale vers l’est et l’Asie de la Russie, puis le développement des grands axes ferroviaires.
Roman de Science Fiction en conclusion de mon ouvrage : “un printemps russe“.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que j’avais vu juste.
Vendredi 6 octobre 2023, la Russie a annoncé l’arrivée depuis la Chine du premier navire par la voie maritime arctique, et donc l’ouverture de cette voie maritime commerciale du grand Nord (source).
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Illustration dans le monde russe d’aujourd’hui
La vie dans la région polaire de Norilsk serait impossible sans le port de Doudinka, situé sur le fleuve Ienisseï. C’est ici que la nourriture, le carburant et les matières premières en provenance du «continent», comme appellent la partie «civilisée» du pays les habitants des zones reculées, arrivent par voie maritime.
Le port de Doudinka est unique. C’est le port maritime international le plus septentrional de Russie. À la fois maritime et fluvial, il reçoit et expédie des marchandises le long du fleuve Ienisseï (via Igarka et Krasnoïarsk) et le long de la route maritime du Nord (qui est connectée avec Mourmansk, Arkhangelsk par la mer de Kara et plus à l’est avec l’Asie).
Le port de Doudinka a rendu possible l’émergence d’un centre industriel septentrional tel que Norilsk. Pour qu’une grande ville industrielle puisse se développer au milieu de la toundra, il fallait des matériaux de construction, du combustible et des matières premières. Tout cela a été livré via le port de Doudinka, qui était alors une modeste cité sur l’Ienisseï.
Le port a commencé à être construit en 1935 par les prisonniers du goulag local (Norillag), et dans les années 1950, après la fermeture du camp, de jeunes spécialistes de tout le pays ont commencé à affluer volontairement ici, ainsi qu’à Norilsk. Aujourd’hui, 20 000 personnes vivent à Doudinka et le travail d’une personne sur dix est lié au port. Nous avons visité cet endroit hors du commun.
Comment fonctionne le port de Doudinka
La saison navigable sur le fleuve Ienisseï est très courte : elle s’étend de mi-juin à début octobre. À l’heure actuelle, le port reçoit, outre des navires maritimes, des navires fluviaux en provenance de Krasnoïarsk (située à environ 2000 km par le fleuve), qui acheminent des produits frais et les marchandises nécessaires à Doudinka et à Norilsk. Dès que la navigation reprend après la saison froide, des étals de légumes et de fruits apparaissent immédiatement dans les rues et les prix des produits alimentaires dans les magasins baissent sensiblement. Des navires de passagers et de grands bateaux de croisière atteignent Doudinka le long de l’Ienisseï.
Et lorsque l’Ienisseï est gelé, Doudinka accueille des brise-glace qui empruntent la route maritime du Nord. Ils expédient la production du complexe minier et métallurgique de Norilsk et livrent aux usines le carburant et les matières premières nécessaires à leur bon fonctionnement.
Le port fonctionne toute l’année, sauf quelques semaines par an. Après tout, c’est le seul port au monde qui est inondé lors des crues. La dérive des glaces commence sur l’Ienisseï fin mai. Le spectacle est impressionnant : d’énormes blocs de glace s’entrechoquent et défilent le long de l’eau. Les gens viennent de toute la région pour assister à cet événement !
Toutefois, les employés du port n’ont pas de temps à perdre avec ces distractions. Pendant les crues, le port cesse de recevoir et d’expédier des marchandises, et les ouvriers transportent les grues vers des hangars spéciaux, en attendant la fin des hautes eaux.
Pourquoi le port préfère-t-il l’hiver à l’été?
Pendant la saison de navigation, plus de 50 navires arrivent à Doudinka. Le jour de notre passage, 11 navires attendaient de décharger, ce qui représente un à deux jours de travail, comme on nous l’a expliqué.
Pavel Kouzmitchev
Nous avons même réussi à monter à bord du porte-conteneurs Norilsk Nickel (brise-glace de classe 7) et à nous entretenir avec son capitaine.
Pavel Kouzmitchev
« Notre navire ne craint pas les couches de glaces faisant jusqu’à 2 mètres d’épaisseur. Mais nous n’avançons pas en ligne droite, nous cherchons des fissures plus faciles à franchir », nous a expliqué le capitaine Andreï Chlapak.
Pour réduire les délais et les coûts liés au transport, un brise-glace nucléaire est périodiquement utilisé. Il crée dans la banquise des « chenaux » par lesquels le navire prend la mer. « Une fois arrivés sur la glace dérivante, nous continuons à avancer par nous-mêmes », explique le capitaine. Bien sûr, en cas de chutes de neige, ces voies se bouchent, et les marins aiment particulièrement travailler par temps glacial, quand il n’y a pas de neige.
Andreï précise qu’il y a souvent des tempêtes dans les mers du Nord, et que les conditions sont dangereuses durant la seconde quinzaine de septembre, lorsque l’apparition de glaces s’ajoute aux tempêtes. « À cette époque de l’année, nous attendons avec impatience la glace, car les navires sont plus stables dans la glace », a-t-il déclaré.
Le plus souvent, le Norilsk Nickel dessert Mourmansk et Arkhangelsk, mais il réalise également des voyages vers la Chine, car la route maritime du Nord est la voie la plus courte de l’Europe vers l’Asie. « On peut atteindre la Chine en seulement deux semaines en été », explique le capitaine. Logiquement, pendant la saison des glaces, la durée du voyage augmente.
En moyenne, l’équipage passe cinq jours en mer et, au total, ses membres travaillent par équipes pendant deux mois, avant d’être relayés par un autre équipage.
À l’intérieur, le navire est assez spacieux, moderne et même relativement confortable. Il y a une salle de repos avec un canapé, une télévision et une table de ping-pong, unepetite salle de sport et un bania (sauna). Mais ce qui nous a le plus impressionné, c’est l’abondance de fleurs en pots cultivées par les marins. Le capitaine explique que beaucoup de membres d’équipage aiment faire pousser des fleurs, et qu’il essaie de les arroser régulièrement.
Capitale du Taïmyr
Contrairement à Norilsk, Doudinka est une colonie ancienne. Elle a été fondée en 1667 comme un lieu destiné à passer l’hiver par le streltsy (c’est-à-dire militaire) Ivan Sorokine, originaire de la ville commerçante de Mangazeïa (lire notre article sur la disparition de Mangazeïa), quand, avec un petit détachement de militaires, il allait percevoir les impôts (yassak).
Aujourd’hui, Doudinka est le centre administratif du district dolgano-nénètse du Taïmyr, situé dans le territoire de Krasnoïarsk. Le district est immense, sa superficie dépassant celle de n’importe quel pays européen, mais seulement 30 000 personnes vivent sur la péninsule du Taïmyr, et les deux tiers d’entre elles se trouvent à Doudinka (Norilsk est considérée comme une région distincte). Les autres municipalités sont Khatanga, Dikson et Karaoul, dispersées à des centaines de kilomètres les unes des autres.
En arrivant à Doudinka, l’on ne voit pas uneville de province, mais bien une capitale, car on trouve tout ici : des commerces, un cinéma, des points de livraison et même un palais des glaces, le seul au monde situé au-delà du cercle polaire arctique. La ville accueille des compétitions internationales de curling.
Malgré la riche histoire de la ville, aucune maison ancienne n’a survécu à Doudinka. La plupart des zones résidentielles sont des immeubles en « panneaux » soviétiques, soutenus par des piliers enfoncés dans le pergélisol. Pour remonter le moral des habitants pendant les longs hivers, les bâtiments sont peints dans des couleurs vives. Par beau temps, les résidents passent également du temps sur la place des Aviateurs, où est exposé un avion An-24 qui assurait il y a 20 ans le transport vers Krasnoïarsk, Khatanga et Dikson.
Outre les Russes, qui représentent plus de la moitié des habitants du Taïmyr, des représentants de cinq peuples du Nord vivent ici : Dolganes, Nénètses, Nganassans, Evenks et Énètses. À Doudinka paraît l’hebdomadaire Taïmyr, qui publie des informations non seulement en russe, mais aussi dans ces langues du nord.
On trouve également un musée d’histoire locale, l’un des plus grands et des plus intéressants de l’Arctique. 90 000 objets divers sont exposés ici.
L’on peut voir les objets du quotidien qui ont aidé les ancêtres des peuples du Taïmyr à survivre dans cette région hostile, ainsi que des tambours et des masques rituels chamaniques.
L’un des étages est dédié à l’histoire soviétique du Taïmyr et aux scientifiques polaires. Vous pouvez voir le mammouth Jenia, qui a environ 45 000 ans ! Les scientifiques ont trouvé sur l’animal des traces d’outils fabriqués par l’homme, ce qui signifie que les hommes vivaient dans l’Arctique bien plus tôt qu’on ne peut l’imaginer.
Doudinka et Norilsk sont séparées par 90 km de toundra forestière, de marécages et de pergélisol. Aucune des deux villes n’a de connexion terrestre avec d’autres régions de Russie. Cependant, elles sont reliées entre elles par un chemin de fer, l’un des plus septentrionaux au monde. Il a été construit en 1937 et, jusqu’à la fin des années 1990, des trains électriques tout à fait ordinaires le desservaient. Aujourd’hui, il n’est utilisé que pour la livraison de marchandises. Nous en parlerons dans un prochain article.
Vladimir Poutine a signé un décret selon lequel les territoires de la Carélie, la république des Komis, la Bouriatie et l’Okrug autonome des Komi-Permyak ne sont plus inclus dans les régions de l’Extrême-Nord.
Ce document, publié sur le portail d’information juridique, annule le décret de Boris Eltsine en date du 20 décembre 1993 n° 2226 “sur l’attribution de certains territoires de la République de Carélie aux régions de l’Extrême-Nord et zones équivalentes” et permet une mise à jour législative et juridique de ces territoires en vue de l’entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2022, du décret présidentiel n° 651 « Modifiant la stratégie de développement de la zone arctique de la Fédération de Russie et garantissant la sécurité nationale jusqu’en 2035 »
Le 01 juin 2016 une loi est entrée en vigueur offrant l’octroi gratuit de parcelles de terres pour les habitants des Districts fédéraux extrême-orientaux existe, et étendu à tous les citoyens russes à partir du 1er février 2017.
La loi permet d’acquérir la propriété de la parcelle après 6 ans (pour les parcelles forestières après 15 ans) à condition qu’elle ait été mise en valeur par une exploitation viable et utilisée pour des activités non interdites par la loi russe.
Il est également permis de vendre le bois des parcelles forestières et le terrain ne peut être donné, vendu ou transféré à des citoyens étrangers ou à des citoyens apatrides ou encore à des personnes morales constituées en sociétés.
Il est également possible de se regrouper en coopérative pour grossir la taille de la parcelle.
Les parcelles doivent être situés à une distance d’au moins 10 km des agglomérations de plus de 50.000 habitants et à au moins 20 km des villes de plus de 300.000 habitants.
Depuis le début du projet, quelques 90.000 russes ont reçu des parcelles de terrain (données de 02/2021) pour une superficie totale de 62 500 hectares.
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Au mois de juin 2021 les autorités russes ont élargi ce projet aux zones arctiques du nord de Sibérie mais aussi de la partie européenne de la Russie. Désormais toute la frontière nord de l’extreme orient, de Sibérie et de la partie occidentale sont couverts par le programme.
Comme pour l’arctique des parcelles jusqu’à 1 hectare seront louées, et après 5 ans d’utilisation, elles pourront être réenregistrées en tant que propriété gratuitement ;
Les familles nombreuses pourront obtenir des parcelles plus grandes, en tenant compte des enfants mineurs et comme en Extrême-Orient, il sera permis de créer des coopératives afin de recevoir et de transformer de vastes étendues de terres.
A partir d’août 2021 le programme sera implémenté notamment en Carélie qui mettra à disposition 21.000 hectares et dans la région de Mourmansk avec 700.000 hectares.
Revue défense nationale est une revue mensuelle française créée en 1939, traitant des grandes questions militaires, politiques, sociales, économiques et scientifiques sous l’angle de la stratégie et de la défense. Elle est traditionnellement dirigée par des officiers généraux : son directeur est depuis 2008 le général d’armée aérienne Bernard Norlain, et son rédacteur en chef est le contre-amiral Jean Dufourcq depuis 2009.
Je tiens la revue a disposition de ceux qui souhaiteraient la lire, me la demander par mail. L’article est ci-dessous :
L’âge de L’arctique
En 2007, Arthur Chilingarov, un explorateur polaire russe a participé à une expédition au cœur de l’arctique, baptisée Arktika 2007. L’homme n’étaitpas inconnu en Russie: Explorateurpolaire, élu à la douma comme député pour la région du grand nord russe Nénétsie sous l’étiquette Russie-Unie, il est également le représentant spécial du président de la fédération de Russie pour la coopération internationale en Arctique et en Antarctique. Cette expédition Arktika a été une affirmation on ne peut plus claire des revendications territoriales russes dans la région. Arthur Chilingarov et 5 explorateurs russes, amenés sur place par un brise glace nucléaire, sont descendus en bathyscaphe à près de 4.200 mètres de profondeur, pour déposer sur le fond une capsule de titane contenant drapeau de la fédération de Russie. Une fois l’opération réussie[1], Arthur Chilingarova affirmé : “L’arctique est russe. Nous sommes heureux d’avoir planté le drapeau russe au fond d’un océan où aucun homme n’avait jamais été. Je me moque de ce qu’on en dit à l’étranger. Si cela déplait à certains, ils peuvent essayer de plonger aussi et de planter quelque chose“. La presse anglaise avait comparé cette expédition au premiers pas sur la lune en 1969[2] en termes de témérité et de performance technologique.Mais l’expédition russe n’était pas uniquement une performance technique. Elle a montré l’importance que les autorités russes accordent à cette zone, et elle préfigure, entre pays riverains, des négociations qui seront peut-être difficiles. Si l’arctique ne représente que 1,5% de la population de la Russie, la région compte déjà pour 11% de son PIB et 22% de ses exportations. En outre, le pays s’apprête à investir[3] d’ici 2039 plus de 310 milliards de dollars dans des projets d’exploration de son plateau continental.Bien que les russes affirment vouloir faire de l’arctiqueun territoire de dialogue[4] et écartent par avance tout risque de conflit[5] dans cette zone du monde, l’influent premier ministre Vladimir Poutine a néanmoins récemment rappelé[6] que: “La sécurité et les intérêts géopolitiques de la Russie sont liés à l’Arctique”. Pour certains, l’importance de l’arctique pour la Russie dans le siècle à venir sera tel qu’il entraînera une modification de la vision géopolitique du pays, qui pourrait passer du statut de puissance eurasiatique à celui de puissance arctique[7]. En perspective, il y a les intérêts des états dans les nouvelles routes maritimes du nord ouvertes par le réchauffement climatique, et surtout leurs intérêts dans le domaine minier et off-shore de la région.
Quel cadre légal pour l’arctique?
Après la fin de la guerre froide, les pays riverains de l’Arctique (Russie, Canada, Norvège, Danemark, Etats-Unis) ont constitué trois organisations de coopération régionale :
1/ Le Conseil des Etats de la mer Baltique (1992), qui réunit les pays riverains de la mer Baltique et favorise les coopérationsinter-arctique en rapprochant ses membres de la Russie notamment.
2/ La Coopération de Barents, (1993) afin de favoriser les contacts entre les individus de la région de Barents, ainsi que de promouvoir le
développement économique de la région. Le Conseil euro-arctique de la mer de Barents réunit les ministres des Affaires étrangères des six pays membres et de la Commission européenne, la France y a également le statut d’observateur.
3/ Le Conseil de l’Arctique (1996) qui réunit les huit états arctiques,6 représentants des populations autochtones arctiques, et également un grand nombre de membres observateurs dont la Finlande, la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Pologne.
En 1982, la convention des nations unies sur le droit de la mer a été signée à Montego Bay, et elle est entrée en vigueuren 1994. Certains pays comme la Turquie ou le Venezuela, qui ont des problèmes aigus avec des archipels voisins ne l’ont pas signée, mais tous les pays riverains de l’arctique l’ont signée et ratifiée, à l’exception notable des Etats Unis qui l’ont signée mais pas encore ratifiée.Cette convention précise les statuts des diverses zones maritimes, définissant les “eaux territoriales”, les “mers territoriales” (12 milles marins à partir des côtes soit 22 kms), les “zones économiques exclusives (ZEE) ” qui s’étendent sur 200 milles marins (360 km), les détroits de navigation libre et enfin le “plateau continental“, sur lequel les états peuvent prétendre étendre leur souverainetéà certaines conditions. Au-delà, les fonds marins sont considérés comme “patrimoine commun de l’humanité”. Une commission existe ayant pour mission d’examiner les données présentées par les états côtiers en ce qui concerne la limite extérieure du plateau continental lorsque celui-ci s’étend au-delà des 200milles nautiques. Cette commission peut donner des avis mais elle ne peut pastrancher les litiges. A cette fin la commission a créé un tribunal international du droit de la mer. La Russie, le Canada et le Danemark ont déjà lancé des dossierspour affirmer que certains secteurs de l’Arctique devraient appartenir à leur zone économique exclusive,mettant au grand jour des litiges probables concernant la souveraineté dans la région[8].
En 2008[9], lors de la réunion d’Ilulissat les pays riverains de l’Arctique (Russie, Canada, Norvège, Danemark, Etats-Unis) ont confirmé le maintien des accords sur les droits de propriété de leurs membres sur le plateau continental au-delà de la zone de 200 milles marins. En 2012[10]la Russie envisage de déposer à l’Onu une demande d’extension des frontières de son plateau continental dans l’Arctique afin de rattacher à sa zone économique exclusive de 200 milles une surface de 1,2 millions de kilomètres carrés qui parait être riche en hydrocarbures. Cette revendication est basée sur l’existence de 2 dorsales sous marines (dorsale Mendeleïev et dorsale Lomonossov). La prise en compte de la dorsale Lomonossov pourrait aussi procurer des avantages territoriauxau Canada et au Danemark.
L’Arctique: Heartland du nord ?
Au cours du siècle dernier, les pères de la géopolitique moderne, opérationnelle, et active comme Halford John Mackinder ou Nicholas Spykman, ont défini des concepts clefs, qui facilitent la compréhension des évènements géopolitiques actuels. Ilspensaient que le monde était composé d’une “île mondiale“ ou Heartland(Europe-Asir-Afrique), d’“îles périphériques“, (l’Amérique, l’Australie) et enfin du reste du monde : “l’océan mondial“.Mackinder estimait donc que pour dominer le monde, il fallait contrôler le heartland, cette plaine s’étendant de l’Europe centraleà la Sibérie occidentale, et qui offre des débouchés sur la Méditerranée, leMoyen-Orient, l’Asie du Sudet laChine.Nicholas Spykman pensait pour sa part que la zone déterminante n’était pas localisée au cœur du continent eurasiatique (Heartland) mais plutôt sur la périphérie de cette zone centrale, sur l’anneau de terres côtières, qu’il définit comme le Rimland. Ilpensait donc que les États-Unis devaient contrôler les États de ce Rimland afin de s’imposer comme puissance dominante à l’échelle planétaire.
Mackinder et Spykman ont adapté au 20ème siècle des théories plus anciennes.Alfred Thayer Mahan avait déjà démontré l’importance d’une flotte militaire massive pour les Etats-Unis, afin que ceux-ci deviennent la puissance maritime dominante, ce qui sera le cas durant le 20ème siècle. Plus loin encore dans le passé, au 17èmesiècle, le grand navigateur anglais Sir Walter Raleigh avait affirmé : “Qui tient la mer tient le commerce du monde; qui tient le commerce tient la richesse; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même“. Ces théories géopolitiques anglo-saxonnes destinées à construire une domination militaire et commercialepermettent de comprendre comment uneopposition fondamentale a pu apparaître entre les puissances maritimes (Angleterre, Etats Unis) et les puissances continentales (Allemagne, Russie). Pour Harold Mackinder le monde devait être évalué via une cartographie “polaire“, permettant clairement d’identifier le coeur de cette île monde qu’il avait définie : Il s’agit de la zone comprenant la Russie d’aujourd’hui, l’Ukraine, la Biélorussie, le Caucase et le Kazkhstan, ainsi que les débouchés sur les mers du nord, caspienne et noire. Soit un bloc contenant les zones énergétiques du continent eurasien, mais aussi les routes énergétiques les reliant entre elles, ainsi que les débouchés sur les mers de la région. Comme nous pouvons le constater de façon évidente, la frontière nord du Heartland est l’arctique russe le long du territoire allant de la pointe nord de la Norvège au détroit de Béring. Avec la vision « polaire » de Mackinder, on comprend les enjeux stratégiques dans cette région et les raisons qui ont fait que durant la guerre froide, l’arctique est rapidement apparu comme la route la plus courte pourune confrontation entre les deux grandes puissances du moment: l’Amérique et l’Union Soviétique.Pour Jean Claude Besida[11], l’arctique est devenu à ce moment une “interface géopolitique entre puissances“. En 2011, cette affirmation semble plus que jamaisd‘actualité.
L’arctique terre de conflits?
Pour Krauss Clifford, journaliste et membre du think tank, Council on Foreign Relations “les différends territoriaux concernent les États du monde entier, mais c’est bien en Arctique que les experts s’attendent à voir le plus de conflits“ (Krauss Clifford, The New York Times, oct. 2005).
Si le passage par l’arctique était la route la plus directe pour attaquer l’autre pendant la guerre froide, les évolutions climatiques en cours (réchauffement de la planète et fonte des glaces liées) devraient rapidement permettre l’apparitiond’un intérêt nouveau pour cette zone : Des routes commerciales maritimes bien plus courtes,plus rentables mais aussi bien plus sûres par l’absence de piraterie, entre l’Asie et l’occident . En effet l’arctique a perdu 20% de superficie de glace depuis 1979, d’ici a 2100 ce taux devrait atteindre 50%[12]. Deux routes retiennent l’attention aujourd’hui:- La Route Maritime Nord (rmn) qui longe la Russie par le nord et permet de passer de l’Atlantique au Pacifique en longeant les côtes de la Sibérie. Cette route de 13.000 kms est considérée aujourd’hui “comme la voie de communication unique et la plus accessible qui relie Mourmansk à Vladivostok et les gisements naturels du Grand-Nord russe, de Sibérie et de l’Extrême-Orient entre eux[13]”.
– Le passage du Nord-Ouest qui relie l’océan Atlantiqueà l’océan Pacifiqueen passant entre les îles arctiques à travers le grand Nord Canadien. L’état canadien défend la théorie selon laquelle ce passage est situé dans les eaux intérieures du pays, s’opposant ainsi aux positions américaines et francaises qui affirment que cepassage devrait avoir un statut de détroit international.
A titre de comparaison, le trajet maritime Rotterdam-Tokyo, serait long de 14.100 km par lepassage du Nord-Est russe, de 15.900 km par le passage du Nord-Ouest canadien, contre 21.100 km par lecanal de Suez, et de 23.300 km par le canal de Panama. Evidemment cespositions russes et canadiennes sont rejetées par d’autres états qui souhaitent que ces routes maritimes soient qualifiées de détroits internationaux.De toute manière, l’ouverture de ces routes commerciales fera à nouveau de l’arctiqueun bassin stratégiquement important, cœur des routes commerciales entre le monde Occidental et l’Asie.
Bien sur, la guerre froide est terminée, et le risque d’affrontement militaire direct s’est éloigné. Pourtant le renouveau russe enclenché depuis 1999 et l’élection de Vladimir Poutine, à modifié les rapports internationaux dans l’hémisphère nord.La Russie est en mesure de faire entendre sa voix, et de ne pas négocier en position de faiblesse. Dans l’arctique, il n’y a pas que les perspectives de nouvelles routes maritimes. Il y a aussi les ressources minières off-shore. On estime qu’un quart des réserves mondiales non encore découvertes de pétrole et de gaz se situent en Arctique. En 2010 la Section sibérienne de l’Académie des sciences russe (ASR)[14] a estimé que les réserves off-shore de l’arctique devrait atteindre 90 milliards de tonnes de pétrole et 250.000 milliards de mètres cubes de gaz. A comparer avec celles de l’Océan Pacifique (10 milliards de tonnes de pétrole et environ 25.000 milliards de mètres cubes de gaz), de l’océan Atlantique (35 milliards de tonnes de pétrole et 65.000 milliards de mètres cubes de gaz), et de l’océan Indien (40 milliards de tonnes de pétrole et 70.000 milliards de mètres cubes de gaz). L’arctique est également très riche en minerais divers (nickel, fer, phosphates, cuivre, cobalt,charbon, or, étain, tungstène, uranium ou argent). Enfin la région comprend également les plus vastes réserves en eau douce de la planète[15] ( Groenland).Les dernières années ont donc vu une réelle escalade militaire dans l’Arctique. En fait cinq nations ont des revendications sur la région —États-Unis, Canada, Russie, Danemark et Norvège— et ces pays sont tous, hormis la Russie, membres de l’OTAN. La Grande-Bretagne, la Finlande et la Suède ont également rejoint le conflit de l’Arctique, quand à la Norvège elle a annoncé des plans visant à établir un Commandement Arctique inter-armées, une force de réaction arctique et un renforcement de la base aérienne de Thulé (Groenland) pour la partager avec ses alliés de l’OTAN. Durant la guerre froide déjà, les Etats-Unis avaient développé un réseau de bases aériennes, qui ont été depuis modernisées et transformées pour être partie intégrante du réseau radar lié au projet de système de défense antimissile. Aujourd’hui le Canada et les États-Unis travaillent ensemble pour mieux surveiller et contrôler l’espace aérien nordique dans le cadre du NORAD.
L’état canadien a en outre régulièrement ré-affirmé son engagement à faire de l’Arctique un territoire dont il assurera un contrôle plus efficace, via une présence militaire accrue, et l’affirmation de sa souveraineté sur une portion importante du plateau continental arctique[16]. Des manœuvres militaires massives ont lieu, dans le cadre de l’Otan, et sont plus importantes chaque année, que l’on pense par exemple aux manœuvres Nanook. Les manœuvres impliquent de plus en plus de pays, dans le cadre de manœuvres conjointes avec l’Otan. Nanook 2011[17] a vu par exemple la participation de 100 participants de pays étrangers, en plus des 1.100 militaires canadiens[18]. “Le Nord, c’est à nous. On veut démontrer à nos partenaires internationaux (…) que nous sommes présents. C’est notre but“, a confié le capitaine de corvette Luc Tremblay, à Radio-Canada juste après l’opération[19]. Le pays a également récemment décidé d’augmenter les effectifs de ses brigades arctiques.
Pendant que des scientifiques canadiens et danois tentent de faire valoir que la fameuse dorsale Lomonosov est une continuité de l’île canadienne d’Ellesmere ou encore du Groenland danois, la Russie revendique elle la souveraineté sur cette dorsale. En 2008 des hauts responsables militaires russes avaient déjà affirmé que le pays devait être prêt à faire la guerre en arctique si nécessaire[20]. Le lieutenant-général Vladimir Shamanov qui dirigeait le secteur de l’entraînement de l’armée russe avait affirmé que “Après la contestation des intérêts russes dans l’Arctique de la part d’autres pays, nous avons immédiatement lancé une révision de nos programmes d’entraînement militaire en raison de conflits potentiels dans l’Arctique“. La Russie a ainsi révisé ses programmes militaires vers le nord. Si en 2010 elle n’envisageait pas la création de brigades arctiques[21],
cela n’est plus le cas cette année. Le ministère de l’intérieur ayant décidé récemment la création de deux brigades[22] pour contribuer à la protection des interêts nationaux russes dans l’arctique.
Quel avenir pour l’arctique?
D’aprèsdes sources Opep, l’off-shore russe en arctique représente la 3e et dernière étape d’extraction énergétique, avant le basculement aux “techniques d’extractions avancées“[23].Bien que l’accès à ces ressources soit difficile, la fonte des glaces facilite progressivement l’accès aux gisements. Un think tank occidental renommé et de tendance atlantiste, le North Institute[24] a d’ailleurs en 2008 fait des prévisions jugées à risques, comme celles d’une alliance continentale Russie/Chine et une prise de contrôle de ces réserves du nord par ces états via la constitution d’un corridor énergétique eurasiatique. On retrouve dans ces inquiétudes la rhétorique des maitres à penser de la géopolitique anglo-saxonne, relativement obsédés par une possible mise à l’écart des Etats-unis en arctique oudans la maitrise des affaires du monde.
En dehors des Etats Unis, riverains de l’arctique via l’Alaska, d’autres pays ont manifesté récemment des visées sur l’Arctique : La Chine[25] ou encore l’Iran[26]. Routes commerciales du futur, exploitation des richesses minières, l’Arctique va faire l’objet de négociations intenses pour départager les états riverains. La France a donc toutes les raisons de s’investir dans ce dossier via l’union européenne et via ses relations bilatérales avec la Russie, qui est le pays clef pour l’équilibre mais surtout le développement de la région.
L’ambassadeur Français pour l’arctique Michel Rocard a ainsi récemment rappelé que “s’il fallait respecter la souveraineté Canadienne dans le nord[27], le pays n’était probablement pas assez solide financièrement pour développer des infrastructures nécessaires au développement de cette route commerciale“. En outre toujours d’après l’ancien ministre ” Le chemin de l’est le long de la Sibérie est (…) moins risqué et plus direct, même s’il est un peu plus long. La Russie est une “force arctique” avec de nombreux brise-glaces, dont quatre récents à propulsion nucléaire (…) Il y a aussi une différence concernant la base portuaire, a-t-il poursuivi: au Canada, Resolute Bay doit avoir 280 habitants, Iqaluit six mille, tandis qu’en Russie, Mourmansk en a 300.000 et Arkhanguelsk 350.000.
En outre, alors que le moyen orient est entré dans unepériode d’instabilité dont personne ne peut évaluer les conséquences, l’arctique apparait de plus en plus comme un lieu de négociations Nord-Nord, et la Russie apparaît de plus en plus clairement comme une alternative stable et sure pour l’approvisionnement énergétique de l’union européenne et de la France, dont les besoins énergétiques vont être couvert au milieu du siècle à près de 70% par des importations. Comme prévu par Oran Young[28] il y a déjà 20 ans, nous rentrerons peut être alors au cours du 21ème siècle dans l’âge de l’arctique.
L’article original a été publié sur Ria Novosti. *
Très prochainement aura lieu à Arkhangelsk, dans le grand nord russe, la deuxièmeédition du forum international “Arctique, territoire de dialogue”, organisé par la Société géographique de Russie. Pour la majorité arctique rime avec pôle nord c’est à dire une zone glaciale, peuplée d’ours blancs et de manchots, avec une faible présence humaine. Pour d’autres, plus initiés (dont sans doute bon nombre de lecteurs de Ria Novosti) l’Arctique est au contraire un formidable théâtre d’opérations, avec un potentiel minier important. C’est également une zone de rivalités entre grandes puissances, préfigurant la bataille pour l’énergie que connaîtra sans doute ce siècle. Cette tension autour du pôle nord n’est pas totalement nouvelle. Durant la guerre froide, soviétiques et américains considéraient l’Arctique comme passage le plus court pour observer l’autre mais aussi comme passerelle géographique en cas d’interventions militaires. Pour Jean Claude Besida, l’Arctique est devenu à ce moment là une “interface géopolitique entre puissances”.
Après la chute de l’URSS et la fin de la guerre froide, les pays riverains de l’Arctique (Russie, Canada, Norvège, Danemark, Etats-Unis) ont constitué trois organisations de coopération régionale destinées à promouvoir la collaboration entre les états ayant des intérêts dans la zone: Le conseil des états de la mer Baltique en 1992, La Coopération de Barents en 1993 et enfin Le Conseil de l’Arctique en 1996. Auparavant, en 1982, la convention des nations unies sur le droit de la mer avait été signée à Montego Bay, mais elle n’est entrée en vigueur qu’en 1994. Ce timide réchauffement des relations s’est accompagné d’un réchauffement climatique aux conséquences majeures pour la planète.La fonte des glaces devrait en effet s’accélérer durant ce siècle, puisque depuis 1979 la superficie de glace en Arctique a diminué de 20%, et qu’elle devrait encore diminuer de 50% d’ici 2100. Cette fonte des glaces ouvre des perspectives économiques et stratégiques majeures, via le développement de routes commerciales maritimes bien plus courtes, plus rentables et plus sûres, entre l’Occident et l’Asie.
Deux variantes principales existent, la route du nord qui longe les côtes de la Sibérie et la route du nord ouest qui passe à travers le grand nord Canadien. En outre, on estime qu’un quart des réserves mondiales non encore découvertes de pétrole et de gaz se situent en Arctique. La région est également très riche en minerais divers (nickel, fer, phosphates, cuivre, cobalt, charbon, or, étain, tungstène, uranium ou argent). Enfin L’Arctique comprend également les plus vastes réserves d’eau douce de la planète. Le retour de la Russie dans le concert des puissances internationales a considérablement changé la donne dans la région Arctique. En effet, si les relations entre la Russie et les puissances du nord se sont timidement et diplomatiquement réchauffées, il reste que tous les Etats concernés ainsi que les états au statut d’observateur comme la France sont membres de l’OTAN, sauf la Russie.
Avec leur statut de futurs propriétaires des routes commerciales, Russie et Canada ont décidé d’affirmer activement leur souveraineté sur la région. Lors d’une mémorable expédition en 2007, la Russie a planté son drapeau au fond de l’océan Arctique en utilisant des bathyscaphes. A l’époque, la presse anglaise avait comparé cette expédition aux premiers pas de l’homme sur la lune en 1969 en termes de témérité et de performance technologique. Mais au delà de la prouesse technique, l’expédition a montré l’importance que les autorités russes accordent à cette zone. Si l’Arctique ne représente que 1,5% de sa population, la région compte déjà pour 11% de son PIB et 22% de ses exportations. Enfin, 75% des habitants de l’Arctique sont russes.
La Russie a aussi la frontière arctique la plus longue. Par conséquent une militarisation de l’Arctique est en cours. Elle est alimentée par les cinq nations qui ont des revendications sur la région: États-Unis, Canada, Russie, Danemark et Norvège. Plus récemment, la Grande-Bretagne, la Finlande et la Suède ont également rejoint le débat sur l’Arctique. Symbole de cette démonstration dissuasive occidentale, les manœuvres militaires Nanook qui ont lieu dans le cadre de l’OTAN tous les étés. Chaque année le nombre de participants et la quantité de matériel impliqué sont en hausse. Cet été par exemple, 100 militaires étrangers se sont entrainés avec plus d’un millier de soldats canadiens. En 2008, les entrainements étaient basés sur le scénario d’un état envahissant l’Arctique. Il est légitime de se demander à quel état les organisateurs pensaient, sachant encore une fois que le seul état Arctique non membre de l’Otan et n’ayant donc pas participé à ces manœuvres est la Russie.
Flotterait-il un parfum de nouvelle guerre fraîche entre russes d’un coté, et américano-canadiens de l’autre? La Norvège vient d’annoncer un projet visant à établir un commandement arctique interarmées, une force de réaction arctique et un renforcement de la base aérienne de Thulé pour la partager avec ses alliés de l’OTAN.
Le Canada, pour sa part, a récemment décidé de développer les effectifs et le matériel de ses brigades arctiques. Quand à la Russie, elle revendique clairement sa souveraineté sur une bonne partie de la dorsale sous marine Lomonossov. Certains officiels affirmaient déjà en 2008, tel le général Vladimir Chamane, que “le pays devait être prêt à faire la guerre en arctique si nécessaire”. Cette année a vu la création de deux nouvelles brigades arctiques pour contribuer à la protection des intérêts nationaux russes dans la région. Mais par ailleurs, la Russie affirme vouloir faire de l’Arctique un territoire de dialogue et écarte par avance tout risque de conflit dans cette zone du monde. Récemment, l’influent premier ministre Vladimir Poutine a rappelé que: “La sécurité et les intérêts géopolitiques de la Russie sont liés à l’Arctique”. Enfin en dehors des Etats Unis, riverains de l’Arctique via l’Alaska, d’autres pays plus lointains ont manifesté récemment des visées sur l’Arctique: La Chine ou encore l’Iran.
Routes commerciales du futur, exploitation des richesses minières, l’Arctique va sans doute faire l’objet de tractations compliquées et de nouveaux rapports de force entre puissances. Pour les européens, le filtre Otan et nord-américain ne semble pas le plus conforme à leurs intérêts. En effet un équilibre en Arctique n’est pas concevable sans la Russie. En outre, à l’heure ou le moyen orient multiplie les signes d’instabilité, et alors que le besoin en énergie va augmenter durant le siècle, le rapprochement avec la Russie semble plus que jamais utile. C’est ce qu’a laissé entendre l’ambassadeur français pour l’Arctique Michel Rocard: “La Russie est une puissance arctique disposant de nombreux atouts (expérience, matériel…) pour assurer le développement de la route commerciale arctique”.
Russes et européens ont sans doute l’occasion de faire ensemble de l’Arctique un territoire de paix et de dialogue, et d’utiliser ces richesses ensemble, afin de renforcer leurs positions dans le monde.
Cela fait longtemps que je regarde attentivement les développements d’une région du globe à laquelle peu de gens pensent, car elle est inhabitée, il s’agit du grand nord, de l’arctique. J’ai écrit en juillet 2008 un texte intitulé “bataille pour l’arctique” dans lequel je prédisais que cette zone serait le théâtre d’un conflit militaire entre la Russie et “l’ouest”.
Depuis quelques “mois” la température ne cesse de monter en arctique .. Les soldats de l’OTAN intensifient la préparation de leurs différentes composantes aux conditions de combat dans l’arctique et les exercices d’acclimatation et d’aguerrissement aux conditions arctiques se multiplient.
En novembre 2009, le gouvernement Conservateur Canadien reprend une réthorique belliciste contre la Russie sur le dossier arctique affirmant que :” le Canada est prêt à défendre ses régions arctiques contre les nations qui ” dépasseraient les bornes .. C’est pour cela que nous allons continuer à réagir de manière si forte quand d’autres nations comme la Russie s’engagent dans des exercices qui apparaissent mettre en jeu notre sécurité dans le Nord ” .. ” Nous allons , aussi , continuer à travailler avec nos alliès comme les Etats-Unis avec qui nous partageons des intêrets communs et nous allons répondre de manière appropriée lorsque d’autres nations * dépassent les bornes * quand il devient question de l’arctique Canadien “.
Ce regain de réthorique belliciste survient aprés la tenue à Halifax , du 20 au 22 novembre, d’un raout sécuritaire Atlantiste organisé par l’ultraconservateur German Marshall Fundof The United States et le gouvernement Canadien. Lors de cette conférence, les participants ont discuté des dossiers chauds de l’actualité internationale, qu’il s’agisse de la situation politique en Afghanistan, au Pakistan, en Iran et au Proche-Orient, ou de piraterie maritime, de prolifération nucléaire, de la sécurité en Arctique et de l’avenir de l’OTAN. Parmi les participants on a noté la présence du secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, le ministre canadien de la Défense, Peter MacKay, et ses homologues allemand, belge, brésilien, colombien, hollandais et néo-zélandais, le directeur exécutif du Fonds monétaire international Arvind Virmani, le commandant en chef des forces de l’OTAN en Europe, l’amiral James Stavridis, le sénateur américain John McCain et le conseiller pour la défense à la présidence française, l’amiral Édouard Guillaud, lui qui s’oppose actuellement vivement à la vente des frégates MISTRAL par la France à la Russie. MISTRAL qui (comme le rappelle Ariel Cohen) pourraient très bien être déployés non sur la mer noire mais également ailleurs ou le gouvernement Russe le souhaiterait, à savoir sur la mer du nord.
A noter que sans doute pour cette raison, l’OTAN cherche à rassurer les pays Baltes inquiets (mais on se demande sincèrement de quoi) et va procéder à des exercices aériens avec les 3 républiques.
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COLD RESPONSE est un exercice OTAN sous le commandement de l’Armée Norvégienne et avec la participation de certains états de l’auto-proclammé ” Partenariat pour la paix ” et qui se focalise sur des opérations amphibies par condition de grand froid, l’interopérabilité des différentes forces expéditionnaires , les opérations terrestres spéciales et conventionnelles. Des manoeuvres avaient eu lien en 2009, il s’agissait de COLD RESPONSE 2009. Durant le mois de décembre 2009 , des Marines du 2eme bataillon du 25 éme régiment de Marines ( réserve ) ont été déployés en Norvège pour les exercices COLD RESPONSE 2010 qui ont eu lien en ce début mars 2010. Cet exercice COLD RESPONSE 2010 sont annoncés comme étant d’une “ampleur inégalée”. Plus de 9000 soldats de 14 pays y ont participés, provoquant la colères des éleveurs de rênes de la région.Juste après ces manoeuvre, des exercices Dano-Canadiens ont eu lieu, sous le nom d‘exercices Syrius.
Ces derniers exercices ont provoqué l’irritation de la diplomatie Russe, le représentant de la Russie au sein du COR, Dmitry Rogozin a d’ailleurs à ce sujet posé la question de savoir ” qui l’OTAN se préparait à affronter dans le nord arctique : l’Iran, les Talibans ou Ben Laden ?”. Cette irritation est bien compréhensible, on peut se demander pour quelles raisons les troupes Américaines font leurs exercices militaires en Norvège et non en Alaska par exemple. Est ce du à ce rapport du CFR qui affirme l’impérieuse nécessité d’une présence militaire de l’OTAN en arctique ? Ou plutôt de l’interet porté par l’OTAN aux routes maritimes nouvelles ?
Ces manoeuvres militaires “devant” les frontières Russes de la péninsule de Kola (nord) sont à rajouter au déploiement du bouclier antimissile Américain en Pologne, Roumanie et peut être Bulgarie et enfin à la pression qui a été faite par l’OTAN pour intégrer l’Ukraine et la Georgie, ce dernier pays ayant été entraîné dans un conflit militaire contre la Russie.
Du nord au sud, la Russie fait face à un arc de cercle dressé par l’OTAN, qui multiplie les provocations et augmente la militarisation à outrance des états frontaliers de la Russie. Comment après cela, après la guerre dans le Caucase de aout 2008 due à la militarisation de la Georgie par l’OTAN, s’étonner du contenu de la doctrine militaire Russe qui affirme que l’expansion militaire de l’OTAN à ses frontières représente une menace principale ?
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Pour les spécialistes en géopolitique de l’arctique Rick Rozoff et Daniel Besson, cette zone du monde est la zone clef des décennies à venir, et sera le théâtre d’opposition des puissances mondiales, Amérique, Canada, Norvège et Russie mais aussi la Chine qui souhaite bénéficier des voies de navigation qui vont apparaitre en arctique. Une vision intéressante alors que l’UE a été débouté de sa demande d’avoir un statut d’observateur de l’arctique.