En complément : lire l’ITV de Alexandre DOUGUINE accordée à DISSONANCE en avril 2009 ! et sa synthèse du programme Eurasien, ci dessous :
LE CENTRE EURASIEN
Le dialogue culturel eurasien – base de l’histoire humaine. Le continent eurasien est le berceau de la culture et de la civilisation humaines. Le continent eurasien a donné naissance à différentes formes sociales, spirituelles et politiques qui constituent la base de l’histoire humaine. L’Eurasie est bipolaire : elle est formée de l’Europe et de l’Asie, de l’Ouest et de l’Est. L’histoire humaine est faite du dialogue qui s’est instauré dans le cours des siècles, de l’énergie dialectique et de l’échange des valeurs et de la technologie entre ces deux pôles pendant plus de mille ans.
L’Est et l’Ouest se complètent mutuellement. L’Eurasie a été traversée d’Ouest en Est et vice-versa par de nombreuses nations et civilisations. Les ancêtres de l’Europe moderne traversaient les déserts asiatiques à l’époque où la Chine, l’Inde et la Perse fleurissaient grâce à une philosophie et une technologie avancées ainsi que dans des modes de vie élevés.
Chaque culture a son développement historique propre, différent pour chacune.
Ce que nous qualifions “d’absurde” aujourd’hui pourrait être compris comme “progressiste” demain. De la même manière qu’il peut avoir de la valeur, dès aujourd’hui, pour d’autres personnes. Ce que nous considérons comme un truisme absolu pourrait être un véritable culte pour d’autres nations. Il n’y a aucune façon d’idéaliser les événements actuels, étant donné que le monde et par conséquent ses valeurs, changent. Nous devons toujours vérifier nos jugements avec, en tête, l’Histoire du monde. L’Eurasie est un critère essentiel de notre jugement. Nous devons étudier le mode de pensée de l’Eurasie pour comprendre l’Ouest et l’Est, le progrès et la tradition, la stabilité et la flexibilité ainsi que les religions dans le passé et le futur.
La globalisation est un défi pour les nations et les civilisations du continent eurasien. Aujourd’hui, dans le processus de globalisation, le dialogue entre les civilisations est plus important que jamais auparavant. La globalisation vient de l’Ouest, mais l’influence de l’Est. Ce processus est très complexe et contradictoire et soulève des questions (parfois de plus en plus dramatiques). L’Eurasie – en tant que lieu essentiel de ce processus historique – souffre spécialement de difficultés parce qu’il a été un lieu de passage entre les grandes civilisations. Comme jamais jusqu’ici, nous devons comprendre la logique des processus historiques. Chaque jour, nos prises de décision influent sur le futur de nos enfants. Il est évident qu’aucune nation, qu’aucune religion traditionnelle, aucune classe sociale ou même aucune civilisation ne peut résoudre, seule de son côté, tous ces problèmes. Nous devons nous écouter les uns les autres : l’Europe et l’Asie, les Chrétiens et les Musulmans, les peuples blancs et les peuples noirs, les citoyens des Etats démocratiques et des nations traditionnelles. La clef de cette compréhension mutuelle correcte, qui ne tire pas de conclusions hâtives, est tolérante et respecte ceux qui ont des systèmes de valeurs différents.
Le mouvement eurasien propose un dialogue multilatéral à tous ceux qui sont concernés. Le Mouvement international eurasien est constitué dans le but de créer un dialogue entre les civilisations, les confessions, les nations et les groupes sociaux plus ou moins importants de notre continent. Le mouvement eurasien est ouvert au dialogue sur tous les sujets de Tokyo aux Açores et choisit de ne dicter à personne les réponses. Nous avons aujourd’hui davantage de questions que de réponses. Nous faisons appel à ceux qui se sentent responsables de l’Eurasie, pour son évolution historique depuis son passé jusqu’à son avenir, qui souhaitent joindre leurs efforts pour créer un futur pour les nations de notre continent. Nous sommes convaincus que notre but est de sauver le caractère unique des nations, cultures, confessions, langues, valeurs et systèmes philosophiques qui, dans leur ensemble, forment la “complexité florissante” (K. Leontiev) de notre continent. La création de l’Eurasie ne veut pas dire la perte pour chacun de son identité, qui est la valeur la plus importante de notre point de vue. Nous nous élevons fermement contre la globalisation en tant que forme idéologique, économique et politique de l’impérialisme : personne n’a le droit d’imposer sa “vérité”, son système de valeurs et son modèle sociopolitique aux grandes nations de l’Eurasie. Des notions telles que l’individu, la liberté, la vie, l’autorité, la loi, la société, la politique etc, varient grandement dans des contextes différents de culture, de langue et de civilisations. Les nations d’Eurasie doivent être libres et indépendantes. À l’Ouest et à l’Est, chaque confession et culture a sa propre vérité et nous pouvons partager ces vérités entre nous tous, mais nous ne devons jamais rien imposer.
Contre le “creuset babylonien” et la “nouvelle xénophobie”. Les avancées dans les sciences et la technologie nous ont rapprochés les uns des autres. Cependant, dans le même temps sont apparues des menaces à propos du “choc des civilisations”, de nouvelles vagues de terrorisme et des guerres meurtrières. Comment pouvons-nous sauver nos identités propres et éviter les conflits ? Nous cherchons une réponse à cette question au travers de la constitution du Mouvement International Eurasien.
L’Eurasie comme terre natale Le continent eurasien n’est pas petit et il n’est pas grand non plus. Il est suffisant. Il est moins grand que la planète tout entière mais beaucoup plus grand qu’aucune zone nationale, culturelle ou religieuse prise séparément. Nous avons pour objectif d’augmenter la richesse de toutes les nations du continent eurasien par la création du Centre eurasien.
Nous nous efforçons vers un objectif majeur, mais nous sommes suffisamment forts pour y parvenir, avec le trésor de la pensée humaine, les lignes de force de la pensée spirituelle, la propriété économique, les systèmes économiques divers, des langues uniques, etc…
L’Eurasie est un ensemble essentiel qui fut créé par nos ancêtres, il y a plusieurs milliers d’années en Europe et en Asie. L’Eurasie est notre terre natale et si nous la respectons et l’aimons, nous avons beaucoup à y gagner. L’Eurasie nous donne de la puissance, mais a besoin de notre soutien et que nous la défendions. Le Mouvement international eurasien veut être la pulsation de cette entreprise.
L’IDEE EURASIENNE
Qu’est-ce que l’eurasianisme aujourd’hui ? Qu’est-ce qui forme le concept d’Eurasie ? Les sept significations du mot “eurasianisme”. L’évolution de la notion d’eurasianisme. Les changements intervenus depuis la signification première de l’eurasianisme.
Différents termes ont perdu leur signification première au cours de leur utilisation quotidienne, s’échelonnant sur bien des années. Des notions fondamentales comme le socialisme, le capitalisme, la démocratie ont changé, profondément. En fait, elles sont devenues banales. Les termes d’”eurasianisme” et d’”Eurasie” sont entourés d’une certaine imprécision parce qu’ils sont neufs, appartenant à un nouveau langage politique et intellectuel qui est toujours en cours de création à notre époque.
L’idée eurasienne reflète un processus très actif et dynamique. Sa signification est devenue plus claire au travers de l’Histoire, mais nécessite d’être développée plus avant.
L’Eurasianisme comme combat philosophique. L’idée d’Eurasie représente une révision fondamentale de l’histoire politique, idéologique, ethnique et religieuse de l’humanité et elle offre un nouveau système de classification et de catégories qui dépassera les clichés communs. La théorie eurasienne est passée à travers deux étapes – une période de formation de l’eurasianisme classique au début du XXe siècle chez des intellectuels russes immigrés (Troubetzkoy, Qsavickiy, Alexkseev, Suvchinckiy, Iliin, Bromberg, Hara-Davan etc.), suivie par les travaux historiques de Lev Gumilev et, pour finir, la constitution du nouvel eurasianisme (deuxième moitié des années 1980 jusqu’à nos jours).
Vers le nouvel eurasianisme. La théorie eurasienne classique appartient sans aucun doute au passé et peut être classé de manière correcte à l’intérieur de la structure des idéologies du XXe siècle. L’eurasianisme classique aurait pu disparaître, mais le nouvel eurasianisme lui a apporté une seconde naissance, une nouvelle signification et une nouvelle dimension. Lorsque l’idée eurasienne revint sur le devant de la scène intellectuelle, cela devint moins évident, mais depuis la réconcilliation entre anciens et modernes s’est opérée.
À travers le nouvel eurasianisme, la théorie eurasienne tout entière reçoit une nouvelle dimension. Aujourd’hui, nous ne pouvons ignorer l’époque historique du nouvel eurasianisme et nous devons tâcher de le comprendre dans son contexte moderne. Nous allons décrire les aspects variés de cette notion.
L’Eurasianisme comme tendance globale. La globalisation comme corps principal de l’histoire moderne. Dans son sens large, l’idée eurasienne, et même le concept d’Eurasie, ne correspondent pas strictement aux frontières géographiques du continent eurasien. L’idée eurasienne est une stratégie à l’échelle globale qui prend en compte l’objectivité de la globalisation et la fin des “Etats-nations”, mais en même temps, elle offre une alternative à la globalisation, alternative qui ne comporte pas de monde unipolaire ou de gouvernement global unifié. À la place, il propose plusieurs pôles globaux. L’idée eurasienne est une alternative, une version multipolaire de la globalisation, mais celle-ci est aujourd’hui le principe fondamental d’un processus mondial qui décide des vecteurs principaux de l’Histoire moderne.
Le paradigme de la globalisation – paradigme de l’Atlantisme L’Etat-nation actuel est changé en Etat global ; nous nous trouvons en face de la constitution de systèmes de gouvernement planétaires à l’intérieur d’un unique système administratif et économique. Croire que toutes les nations, classes sociales et modèles économiques peuvent commencer à coopérer tout d’un coup, sur la base de cette nouvelle logique à l’échelle de la planète, est dangereux. La globalisation est un phénomène unidimensionnel, avec un seul vecteur, qui tente d’universaliser le point de vue occidental (anglo-saxon, américain) concernant la manière de faire fonctionner l’histoire humaine. C’est (très souvent connectée avec la répression et la violence) l’unification de différentes structures sociopolitiques, ethniques, religieuses, en un seul système. C’est la tendance historique de l’Europe occidentale qui a atteint son maximum du fait de sa domination par les Etats-Unis d’Amérique.
La globalisation impose le paradigme atlantiste. La globalisation comme atlantisme tente d’échapper à cette définition. Les tenants de la globalisation argumentent le fait que, lorsqu’il n’y aura plus d’alternative à l’atlantisme, celui-ci cessera d’être l’atlantisme. Le philosophe et politicien américain Francis Fukuyama a écrit au sujet de la « fin de l’histoire » — ce qui signifie en fait la fin de l’histoire géopolitique et celle du conflit entre atlantisme et eurasianisme. Cela signifie une nouvelle architecture du système mondial, sans opposition et tournant autour d’un pôle unique — celui de l’atlantisme. Nous pouvons aussi parler ici de Nouvel Ordre Mondial. Le modèle d’opposition entre deux pôles (Est-Ouest ; Nord-Sud) se transforme en modèle centre-circonférence (Centre-Ouest — « Nord riche » d’une part et circonférence-sud). Cette variante de l’architecture mondiale est en complet désaccord avec l’eurasianisme.
La globalisation unipolaire comme alternative Aujourd’hui, le Nouvel Ordre Mondial n’est rien de plus qu’un projet, un plan ou une tendance. C’est une hypothèse très sérieuse, mais elle n’est pas fatale. Les tenants de la globalisation nient qu’il puisse exister un plan alternatif pour le futur, mais aujourd’hui, nous faisons l’expérience d’un phénomène à grande échelle – la contre globalisation (alter mondialisation) et l’idée eurasienne rassemble tous les opposants à cette globalisation unipolaire d’une manière constructive. De plus, cette alternative propose l’idée très intéressante d’une globalisation multipolaire (ou contre globalisation).
L’eurasianisme comme pluralité L’eurasianisme rejette le modèle centre-circonférence du monde. À sa place, l’idée eurasienne suggère que la planète consiste en une constellation d’espaces de vie autonomes, partiellement ouverts les uns aux autres. Ces espaces ne sont pas des Etats-nations, mais une coalition d’Etats, réorganisée en fédérations continentales ou « empires démocratiques » avec un degré important de gouvernements particuliers à chaque Etat. Chacune de ces zones est multipolaire, comportant un système compliqué de facteurs ethniques, culturels, religieux et administratifs.
Dans ce sens global, l’eurasianisme est ouvert à chacun, quel que soit son lieu de naissance, de résidence, sa nationalité ou son appartenance à une communauté. L’eurasianisme propose la possibilité de choisir un avenir différent du cliché qu’est l’atlantisme et d’un seul système de valeurs pour l’humanité tout entière. L’eurasianisme ne cherche pas seulement à retrouver le passé ou à préserver un statu quo, mais s’efforce vers un avenir, avec la conviction que la structure actuelle du monde demande un changement radical, que les Etats-nations et la société industrielle ont épuisé toutes leurs ressources. L’idée eurasienne ne conçoit pas la création d’un gouvernement mondial, sur la base des valeurs libéro-démocratiques, comme la voie unique pour l’humanité. Dans ce sens le plus primaire, l’eurasianisme du XXIe siècle est défini comme l’adhésion à une idée d’alter mondialisation, synonyme d’un monde multipolaire.
L’atlantisme n’est pas universel. L’eurasianisme rejette absolument l’universalisme de l’atlantisme et de l’américanisme. Le modèle de l’Europe occidentale et de l’Amérique a bien des aspects attirants qui peuvent être adoptés ou loués, mais — dans l’ensemble — il s’agit seulement d’un système culturel qui a le droit d’exister dans son contexte historique propre, de la même manière qu’ont le droit d’exister d’autres civilisations et systèmes culturels.
L’idée eurasienne protège non seulement les systèmes de valeurs anti-atlantistes, mais la diversité des structures de valeur. C’est une forme de « pluralité » qui propose un espace de vie pour chacun, y compris les Etats-Unis d’Amérique, et les autres civilisations, car l’eurasianisme défend également les civilisations d’Afrique, les deux continents américains et la zone pacifique.
L’idée eurasienne promeut une idée révolutionnaire globale L’idée eurasienne sur une échelle globale est un concept global révolutionnaire, que l’on utilise pour former la nouvelle plateforme d’une compréhension mutuelle et d’une coopération pour un vaste conglomérat de puissances diverses : Etats, nations, cultures et religions qui rejettent la version atlantique de la mondialisation.
Si nous analysons les déclarations et prises de parole de nombreux politiciens, philosophes et intellectuels, nous verrons que dans leur majorité, ils adhèrent (parfois sans le savoir) à l’idée eurasienne.
Si nous voulons bien penser à tous ceux qui sont en désaccord avec l’idée d’une « fin de l’histoire », nous serons dans un état d’esprit plus agréable et l’échec du concept américain d’une stratégie de sécurité pour le XXIe siècle, en relation avec la constitution d’un monde unipolaire, sera beaucoup plus réaliste.
L’eurasianisme est la somme d’obstacles naturels, artificiels, objectifs et subjectifs, sur le chemin de la mondialisation unipolaire. Elle propose une opposition constructive et positive au globalisme, au lieu d’une simple négation.
Ces combats, cependant, demeurent non-coordonnés et les tenants de l’atlantisme sont en mesure de les gérer facilement. Pourtant, si ces obstacles peuvent, d’une façon ou d’une autre, être intégrés dans une force unique, ils pourront être englobés dans une unité, avec la vraisemblance d’une réusite devenant de plus en plus sérieuse.
L’eurasianisme conçu comme l’Ancien Monde (continent) Le Nouveau Monde fait partie du deuxième Ancien Monde — dans le sens plus spécifique et plus étroit du mot eurasianisme, applicable à ce que nous appelons l’Ancien Monde. La notion d’Ancien Monde (traditionnellement associée à l’Europe), peut être considérée dans un contexte nettement plus large. C’est un super-espace aux civilisations multiples, peuplé de nations, d’Etats, de cultures, d’ethnies et de religions, liés les uns aux autres, historiquement et géographiquement, par une destinée dialectique. L’Ancien Monde est un produit organique de l’Histoire humaine.
L’Ancien Monde est souvent opposé au Nouveau Monde, le continent américain découvert par les Européens et transformé en plateforme d’une civilisation artificielle où les projets européens du modernisme furent créés. Il fut construit sur des idéologies humaines comme une civilisation purifiée du modernisme.
Les Etats-Unis d’Amérique furent la création réussie de la « société parfaite », conçue par des intellectuels d’Angleterre, d’Irlande et de France, cependant que les pays de l’Amérique centrale et du sud demeuraient les colonies de l’Ancien Monde. L’Allemagne et l’Europe de l’Est furent moins influencées par cette idée d’une « société parfaite ».
Selon les termes d’Oswald Spengler, le dualisme entre Ancien et Nouveau Mondes peut être ramené à des oppositions : culture-civilisation, organique-artificiel, historique-technique.
Le Nouveau Monde considéré comme Messie. En tant que produit de l’histoire de l’Europe occidentale tout au cours de son évolution, le Nouveau Monde a précocement réalisé sa destinée messianique, lorsque les idéaux de la démocratie libérale des Lumières furent combinés avec les idées eschatologiques des sectes protestantes radicales. Les Lumières furent appelées « théorie de la Destinée manifeste », qui devint le nouveau symbole de la croyance pour des générations d’Américains. Selon cette théorie, la civilisation américaine dépasse toutes les cultures et civilisations de l’Ancien Monde et, dans sa forme universelle actuelle, la rejoindre devient une obligation pour toutes les nations de la planète.
Avec le temps, cette théorie entra en conflit non seulement avec les cultures de l’Est et d’Asie, mais s’opposa à celles d’Europe, qui paraissaient aux Américains archaïques et remplies de préjugés et de traditions antiques.
À son tour, le Nouveau Monde se détourna de l’héritage de l’Ancien Monde. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, le Nouveau Monde devint le chef incontesté en Europe même, appliquant le « critère de vérité » d’autres nations. Ceci fut à la source d’une vague correspondante de domination américaine et, dans le même temps, le début d’un mouvement à la recherche d’une libération géopolitique, trans-océanique, stratégique, économique et politique du « grand frère ».
L’intégration du continent eurasien Durant le XXe siècle, l’Europe prit conscience de son identité commune et, pas à pas, commença à avancer vers l’intégration de toutes les nations qui la composent dans une Union commune, capable de garantir une souveraineté, une sécurité totale, ainsi que la liberté pour elle-même et tous ses membres.
La création de l’Union européenne devint l’événement le plus important qui favorisa le rétablissement de l’Europe dans son statut de puissance mondiale, aux côtés des Etats-Unis d’Amérique. Telle fut la réponse de l’Ancien Monde au défi excessif du Nouveau Monde.
Si nous considérons l’alliance des Etats-Unis d’Amérique et de l’Europe occidentale comme le vecteur atlantique du développement européen, l’intégration européenne sous les auspices de pays européens (France, Allemagne), on peut la qualifier d’eurasianisme européen. Cela devient de plus en plus évident si l’on prend en considération la théorie de l’Europe depuis l’Océan atlantique jusqu’à l’Oural (Charles De Gaulle), voire Vladivostok. En d’autres termes, l’intégration de l’Ancien Monde inclut le vaste territoire russe.
Ainsi, l’eurasianisme dans ce contexte peut être défini comme un projet de l’intégration stratégique, géopolitique et économique du Nord du continent eurasien, considéré comme le berceau de l’Histoire européenne et la matrice des nations européennes.
Parallèlement à la Turquie, la Russie (également ancêtre des Européens) est historiquement liée aux nations turques, mongoliennes et caucasiennes. La Russie donne à l’intégration de l’Europe une dimension eurasienne dans les deux applications symboliques et géographiques (identification de l’eurasianisme avec le continentalisme).
Durant les derniers siècles, l’idée de l’intégration européenne a été proposée par la faction révolutionnaire des élites européennes. Dans des temps plus reculés, des tentatives similaires furent entreprises par Alexandre le Grand (intégration du continent eurasien) et Gengis Khan (fondateur du plus grand empire de tous les temps).
L’Eurasie comporte trois grands espaces de vie, intégrés autour du méridien.
Les trois ceintures eurasiennes (zones des méridiens)
Le vecteur horizontal de l’intégration est suivi par un vecteur vertical.
Les plans eurasiens pour l’avenir sous-entendent la division de la planète selon quatre ceintures géographiquement verticales (les zones des méridiens) du nord au sud.
Les deux continents américains formeraient un espace commun orienté vers et contrôlé par les Etats-Unis d’Amérique, à l’intérieur de la structure de la doctrine de Monroe. C’est la zone atlantique.
En plus de la zone décrite ci-dessus, trois autres zones sont planifiées, à savoir :
• L’Eurafrique, avec en son centre, l’Union européenne;
• La zone d’Asie centrale et de la Russie;
• La zone pacifique.
À l’intérieur de ces zones, la division régionale du travail et la création d’espaces de création et de corridors de croissance prendront place. Chacune de ces ceintures (ou zones de méridiens) s’équilibre les unes avec les autres et, prises ensemble, contrebalancent la zone du méridien atlantique. Dans le futur, ces ceintures pourraient bien être la fondation sur laquelle bâtir un monde multipolaire. Le nombre de pôles sera supérieur à deux, certes, mais leur nombre sera de beaucoup inférieur au nombre actuel d’Etats-nations.
Le modèle eurasien propose que le nombre de pôles soit de quatre.
Les Grands espaces
Les zones des méridiens dans le projet eurasien consistent en plusieurs « Grands espaces » ou « empires démocratiques ». Chacun y possède une liberté relative ainsi qu’une indépendance, mais est intégré de façon stratégique dans sa zone de méridien particulière. Les Grands espaces correspondent aux frontières des civilisations et incluent plusieurs Etats-nations ou unions d’Etats.
1/ L’Union européenne et le Grand espace arabe, qui intègre le Nord de l’Afrique et la partie trans-saharienne, de même que le Moyen-Orient, forment l’Eurafrique.
2/ La zone Russie-Asie centrale est formée par trois Grands espaces qui, parfois, se chevauchent. La première est la Fédération de Russie, avec plusieurs pays de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) — membres de l’Union eurasienne. La seconde est le Grand espace de l’Islam continental (Turquie, Iran, Afghanistan, Pakistan). Les pays asiatiques de la CEI empiètent sur cette zone.
3/ Le troisième Grand espace est l’Hindoustan, qui est un secteur de civilisation autonome.
La zone du méridien pacifique est déterminée par un condominium de deux Grands espaces (Chine et Japon) et comprend également l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et l’Australie (quelques chercheurs l’assimilant à la zone du méridien américain). Cette région géopolitique est une véritable mosaïque et peut être différencié par de nombreux critères.
4/ La zone du méridien américain comprend les Grands espaces du Canada américain, l’Amérique du Nord et Centrale.
L’importance de la quatrième zone
La structure du monde fondée sur les zones des méridiens est acceptée par la plupart des géopoliticiens américains qui cherchent la création d’un Nouvel Ordre Mondial et une globalisation unipolaire. Cependant, la pierre d’achoppement est l’existence de l’espace méridien Russie-Asie Centrale. La présence ou l’absence de cette ceinture change radicalement le dessin géopolitique du monde.
Les « futurologues » atlantistes séparent le monde en trois zones, à savoir :
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Un pôle américain, avec l’Union européenne dans sa périphérie immédiate (excluant l’Eurafrique)
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Les régions d’Asie et du Pacifique dans sa périphérie lointaine.
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La Russie et l’Asie centrale sont fractionnables, mais hors du pôle américain, et en tant que zone méridienne indépendante notre monde étant ainsi unipolaire.
Cette dernière zone du méridien contrebalance la pression américaine et donne aux zones européennes et du Pacifique la possibilité d’agir en tant que zones de civilisations autonomes. Un véritable équilibre multipolaire, la liberté et l’indépendance des ceintures des méridiens, les Grands espaces et les Etats-nations dépendent du succès de la création d’une quatrième zone. De plus, il n’est pas suffisant de représenter un seul pôle dans un modèle bipolaire du monde. Le progrès rapide des Etats-Unis d’Amérique peut seulement être contrebalancé par la synergie des trois zones méridiennes. Le projet eurasien propose ce projet des quatre zones à un niveau stratégiquement géopolitique.
L’eurasianisme comme intégration de la Russie et de l’Asie centrale : l’axe Moscou-Téhéran La quatrième zone des méridiens est donc l’intégration de la Russie et de l’Asie. Le point le plus important de ce processus est la mise en place de l’axe Moscou-Téhéran. Le processus tout entier de l’intégration dépend de l’établissement réussi d’un partenariat à moyen et long termes avec l’Iran. L’économie, l’administration militaire et la puissance politique de l’Iran et de la Russie favoriseront le processus d’intégration de la zone, la rendant irréversible et autonome. L’axe Moscou-Téhéran sera une base pour une intégration plus poussée. Moscou comme Téhéran sont toutes les deux des puissances autonomes, capables de créer leur propre modèle d’organisation stratégique dans la région.
Le plan eurasien pour l’Afghanistan et le Pakistan Le vecteur d’intégration avec l’Iran est d’une importance vitale pour la Russie qui souhaite obtenir l’accès à des ports d’eau tempérée, mais également pour la réorganisation politico-religieuse de l’Asie centrale (les pays asiatiques de la CEI, l’Afghanistan et le Pakistan). Une coopération rapprochée avec l’Iran suppose la transformation de la région afghano-pakistanaise en une confédération islamique libre, loyale aussi bien envers Moscou qu’envers Téhéran. La raison de cette nécessité est que les Etats indépendants de l’Afghanistan et du Pakistan seront une source de déstabilisation perpétuelle, menaçant les pays voisins. Le conflit géopolitique permet la possibilité d’une implantation d’une fédération nouvelle d’Asie centrale, transformant cette région compliquée en une zone de coopération et de prospérité.
L’axe Moscou-Delhi. La coopération russo-indienne est l’axe n°2 de l’intégration dans le continent eurasien et les systèmes de sécurité collective en Eurasie. Moscou jouera un rôle important, atténuant la tension entre Delhi et Islamabad (Cachemire). Le plan eurasien pour l’Inde, soutenu par Moscou, est la création d’une fédération qui rendra une image fidèle de la diversité de la société hindoue, avec ses nombreuses minorités, incluant les Sikhs et les Musulmans.
L’axe Moscou-Ankara. Le partenaire principal dans le processus de l’intégration en Asie centrale est la Turquie. L’idée eurasienne est en passe de devenir vraiment populaire là-bas, en raison des tendances occidentales qui sont entrelacées avec les tendances orientales. La Turquie reconnaît les différences de sa civilisation et de celle de l’Union européenne, ses buts et intérêts régionaux, la menace que représentent la globalisation et une possible perte supplémentaire de souveraineté.
Il est d’une importance stratégique pour la Turquie d’établir un partenariat avec la Fédération de Russie et l’Iran. La Turquie sera capable de maintenir ses traditions seulement si elle reste dans la structure d’un monde multipolaire. Certains cercles de la société turque comprennent cette situation – depuis les politiciens et les socialistes jusqu’aux élites militaires et religieuses. Ainsi, un axe Moscou-Ankara peut devenir une réalité géopolitique malgré un éloignement réciproque d’une longue durée.
Le Caucase. Le Caucase est la région la plus problématique dans l’intégration eurasienne parce que la mosaïque de cultures et d’ethnies qui le compose conduit facilement à des tensions entre les nations. C’est l’une des armes les plus importantes utilisées par ceux qui cherchent à arrêter le processus d’intégration d’un bout à l’autre du continent eurasien. La région du Caucase est peuplée de nations qui appartiennent à différents Etats et différentes zones de civilisation. Cette région pourrait être un polygone pour tester différentes méthodes de coopération entre peuples, car ce qui peut y réussir peut réussir à travers tout le continent eurasien. La solution eurasienne à cette question ne se situe pas dans la création d’Etats fondés sur les ethnies ou en attribuant une nation strictement à un Etat, mais dans le développement d’une fédération flexible, sur la base des différences ethniques et culturelles, à l’intérieur du contexte stratégique de la zone du méridien.
Le résultat de ce plan est un système de demi-axes entre Moscou et les centres du Caucase (Moscou-Bakou, Moscou-Erevan, Moscou-Tbilissi, Moscou-Mahachkala, Moscou-Grozny etc) et entre les centres du Caucase et les alliés des Russes.
Le plan eurasien pour l’Asie centrale L’Asie centrale doit progresser vers l’intégration dans un bloc uni, stratégiquement et économiquement, avec la Russie, à l’intérieur de l’Union eurasienne, le successeur de la CEI. La fonction principale de cette zone particulière est le rapprochement de la Russie avec les pays de l’Islam continental (Iran, Pakistan, Afghanistan).
Depuis les tout débuts, le secteur de l’Asie centrale a de nombreux vecteurs d’intégration. Un projet fera de la Russie le partenaire principal (similarités de cultures, d’intérêts économiques et énergétiques, un système commun de sécurité stratégique). L’alternative serait de placer l’accent sur les ressemblances ethniques et religieuses (turques, iraniennes et monde islamique).
L’intégration eurasienne des territoires post-soviétiques
L’Union eurasienne Une signification plus précise de l’eurasianisme, partiellement similaire à la définition donnée par les intellectuels eurasiens dans les années 20-30 du XXe siècle est liée au processus de l’intégration locale des territoires post-soviétiques.
Différentes formes d’intégration peuvent être relevées dans l’histoire : depuis les Huns et les empires nomades (Mongol, Turc et Indo-européen) jusqu’à l’empire de Gengis Khan et ses successeurs. Une intégration plus récente fut tentée par l’empire russe des Romanov et, plus tard, par l’URSS. Aujourd’hui, l’Union eurasienne perpétue ces traditions d’intégration au travers d’un modèle idéologique unique qui prend en considération des procédures démocratiques ; le respect des droits des nations. Elle fait attention aux traits culturels, linguistiques et ethniques de chacun des membres de l’Union. L’eurasianisme est la philosophie de l’intégration des territoires anciennement soviétiques sur une base démocratique, non-violente et volontaire, sans la domination d’aucun groupe religieux ou ethnique.
Astana, Doshanbe et Bichkek comme forces principales de l’intégration
Différentes républiques asiatiques de la CEI traitent ce processus d’intégration post-soviétique de façon diverse. L’adhésion la plus active à l’intégration vient du Kazakhstan. Le président de ce pays, Noursultan Nazarbayev est un partisan farouche de l’idée eurasienne. La Kirghizie et le Tadjikistan soutiennent de la même façon le processus d’intégration, bien que leur soutien soit moins tangible que celui du Kazakhstan.
Tachkent et Ashakbad
L’Ouzbékistan et particulièrement le Turkménistan s’opposent au processus d’intégration, essayant de s’assurer du maximum de résultats positifs de leur souveraineté récemment acquise. Cependant, très prochainement, ces deux Etats se trouveront en face d’un dilemme en raison du progrès rapide de la globalisation : perdre leur souveraineté et se fondre dans un monde global unifié, sous la domination des valeurs libérales américaines ou bien préserver leur identité culturelle et religieuse dans le contexte de l’Union eurasienne. À notre avis, une comparaison non-biaisée entre ces deux options devrait conduire à la seconde hypothèse, qui suit naturellement ces deux pays et leur Histoire.
Les Etats trans-caucasiens L’Arménie continue de graviter en direction de l’Union eurasienne et considère la Fédération de Russie comme un soutien essentiel et un conciliateur qui l’aide dans ses relations avec les pays voisins musulmans. Il est évident que Téhéran préfère établir un partenariat avec les Arméniens qui sont ethniquement proches d’elle. Ce fait nous permet de prendre en considération des demi-axes : Moscou-Erevan et Erevan-Téhéran – comme des pré-requis positifs d’une intégration.
Bakou demeure neutre, mais cette situation changera de manière radicale pour suivre le mouvement continu qui porte Ankara vers l’eurasianisme (affectant immédiatement l’Azerbaïdjan). Une analyse du système culturel de ce pays montre qu’il est plus proche de la Fédération de Russie et des républiques post-soviétiques du Caucase et de l’Asie centrale, que l’Iran religieux et même que la Turquie modérée.
La Géorgie est la question centrale de cette région. Le caractère de mosaïques de l’Etat géorgien est la cause de graves problèmes au cours de la construction d’un nouvel Etat national qui est fortement rejetée par ses minorités ethniques : Abkhazie, l’Ossétie du Sud, Adjarie etc. De plus, l’Etat géorgien n’a pas de partenaires solides dans la région et doit rechercher l’aide des Etats-Unis d’Amérique et de l’Otan pour contrebalancer l’influence russe. La Géorgie est une menace importante, capable de saboter le processus même de l’intégration eurasienne. La solution à ce problème se trouve dans la culture orthodoxe de la Géorgie, avec ses traits et traditions eurasiens.
L’Ukraine et la Biélorussie – pays slaves de la CEI
Il est suffisant d’obtenir le support du Kazakhstan et de l’Ukraine pour réussir à créer l’Union eurasienne. Le triangle géopolitique formé par Moscou, Astana et Kiev est une structure capable de garantir la stabilité de l’Union eurasienne — raison pour laquelle les négociations avec Kiev sont plus urgentes que jamais auparavant. La Russie et l’Ukraine ont beaucoup en commun : culture, langue, religion et similarités ethniques. Ces aspects doivent être soulignés parce que, depuis le début, la récente souveraineté de l’Ukraine, une russophobie et l’idée de désintégration ont été mises en avant.
Plusieurs pays de l’Union européenne peuvent influencer de façon positive le gouvernement ukrainien, intéressés qu’ils sont par l’harmonie en Europe de l’Est. La coopération de Moscou et de Kiev démontrera les attitudes paneuropéennes de ces deux pays slaves.
Les facteurs que nous venons de mentionner continuent à exister en Biélorussie, où les intentions en faveur de l’intégration sont beaucoup plus évidentes. Cependant, le statut stratégique et économique de la Biélorussie importe moins pour Moscou que celui de Kiev et d’Astana. De plus, la domination par un axe Moscou-Minsk ralentira l’intégration de l’Ukraine et du Kazakhstan, raison pour laquelle l’intégration de la Biélorussie doit avancer de manière fluide avec les autres vecteurs du processus d’intégration eurasienne.
L’eurasianisme comme « Weltanschauung » (vision du monde) La dernière définition de l’eurasianisme caractérise une « Weltanschauung » spécifique : une philosophie politique qui combine tradition, modernité ainsi que des éléments de postmodernisme. Cette philosophie a, pour première priorité, les sociétés traditionnelles ; elle reconnaît les impératifs d’une modernisation technique et sociale (sans séparation d’avec la culture traditionnelle) et s’efforce vers une adaptation de son programme idéologique à la société de l’information post-industrielle, appelée post-modernisme.
Le post-modernisme repousse formellement les positions contraires de la tradition et du modernisme, s’en affranchissant et les considérant égaux. Le post-modernisme eurasien, au contraire, promeut une alliance de la tradition et du modernisme, comme impulsion constructive, optimiste et énergique vers la création et la croissance.
La philosophie eurasienne ne nie pas les réalités découvertes par les Lumières : religion, nation, empire, culture etc. Dans le même temps, les plus grandes réussites du modernisme sont largement utilisées : avancées technologiques et économiques, garanties sociales, liberté du travail. Les extrêmes se rencontrent, se fondant dans une harmonie unifiante et une théorie originale qui inspire une pensée neuve et de nouvelles solutions pour les éternels problèmes que les peuples ont dû affronter au cours de l’histoire.
L’eurasianisme est une philosophie ouverte L’eurasianisme est une philosophie ouverte, non dogmatique, qui peut être enrichie par un contenu nouveau : des découvertes religieuses, sociologiques et ethnologiques, la géopolitique, l’économie, la géographie, la culture, la recherche politique etc. De plus, la philosophie eurasienne dans sa version française, allemande ou iranienne est déjà une réalité. Cependant, la structure principale de cette philosophie demeurera intangible.
Les principes de l’eurasianisme Les principes de base de l’eurasianisme sont les suivants :
• Le différentialisme, la pluralité des systèmes de valeurs, par opposition à la domination obligatoire et conventionnelle d’une idéologie ;
• La tradition par opposition à la suppression des cultures, des dogmes et des découvertes de la société traditionnelle ;
• Les droits des nations, par opposition à l’extrême richesse et l’hégémonie néo-coloniale du « Nord riche » ;
• Les ethnies comme valeurs et sujets d’une histoire, par opposition à la dépersonnalisation des nations, emprisonnées dans des constructions sociales artificielles ;
• La justice sociale et la solidarité humaine par opposition à l’exploitation et l’humiliation de l’homme par l’homme.
LA VISION EURASISTE
Principes de base de la plate-forme doctrinale eurasiste
« Selon 71 % des citoyens russes interrogés, la Russie appartient à une civilisation particulière – ‘eurasienne’ ou Orthodoxe – par conséquent elle ne doit pas suivre la voie occidentale de développement. Seuls 13 % considèrent que la Russie fait partie de la civilisation occidentale. »
(sondage de VCIOM, Centre Pan-russe pour l’Etude
de l’Opinion Publique, 2-5 novembre 2001)
L’air du temps Chaque époque historique a son propre « système de coordonnées » particulier – politique, idéologique, économique et culturel. Par exemple, le XIXe siècle s’est déroulé en Russie sous le signe de la dispute entre « slavophiles » et « pro-occidentaux » [zapadniki]. Au XXe siècle, la ligne de partage était entre les « Rouges » et les « Blancs ». Le XXIe siècle sera le siècle de l’opposition entre « atlantistes » * (les partisans du « mondialisme unipolaire » **) et les « eurasistes » ***.
* Atlantisme – terme géopolitique désignant :
– du point de vue historique et géographique, le secteur occidental de la civilisation mondiale.
– du point de vue militaro-stratégique, les pays membres de l’OTAN (en premier lieu les Etats-Unis).
– du point de vue culturel, le réseau d’information unifié créé par les empires médiatiques occidentaux.
Atlantistes : stratèges de la civilisation occidentale et leurs supporters conscients dans d’autres parties de la planète, visant à mettre le monde entier sous contrôle et à imposer les stéréotypes sociaux, économiques et culturels typiques de la civilisation occidentale à tout le reste de l’humanité.
Les atlantistes sont les bâtisseurs du « Nouvel Ordre Mondial » – le système mondial sans précédent, bénéficiant à une absolue minorité de la population de la planète, le dénommé « milliard doré ».
** Mondialisme – le processus de construction du « Nouvel Ordre Mondial », au centre duquel se tiennent les groupes oligarchiques politico-financiers de l’Occident, est appelé mondialisation. Les victimes de ce processus sont les Etats souverains, les cultures nationales, les doctrines religieuses, les traditions économiques, les manifestations de justice sociale, l’environnement – toute diversité spirituelle, intellectuelle et matérielle sur la planète. Le terme « mondialisme » dans le lexique politique habituel signifie seulement « mondialisme unipolaire », c’est-à-dire non pas la fusion des différentes cultures, systèmes sociaux-politiques et économiques en quelque chose de nouveau (ce qui serait un « mondialisme multipolaire », un « mondialisme eurasiste ») mais plutôt l’imposition des stéréotypes occidentaux à l’humanité.
*** Eurasisme (dans son sens le plus large) – terme géopolitique de base indiquant :
- du point de vue historique et géographique, le monde entier, à l’exclusion du secteur occidental de la civilisation mondiale.
- du point de vue militaro-stratégique, tous les pays qui n’approuvent pas la politique expansionniste des Etats-Unis et de leurs partenaires de l’OTAN.
- du point de vue culturel, la préservation et le développement des traditions organiques culturelles, nationales, ethniques et religieuses.
- du point de vue social, les différentes formes de vie économique et la «société socialement juste».
L’eurasisme (dans son sens strictement historique) est un courant philosophique né dans les années 20 parmi les émigrés russes. Ses auteurs fondamentaux sont N.S. Trubetskoï, P.N. Savitsky, N.N. Alexeiev, V.G. Vernadsky, V.I. Ilyn, P.P. Suvchinski, E. Khara-Davan, Ya. Bromberg et d’autres. A partir des années 50 et 80 ce courant fut développé et approfondi par L.N. Gumiliev.
Le néo-eurasisme – il a surgi à la fin des années 80 (le fondateur étant le philosophe A.G. Dugin) et a élargi le champ du concept traditionnel de l’eurasisme, en le combinant avec de nouveaux blocs d’idées et de méthodologies – traditionalisme, géopolitique, métaphysique, « Nouvelle Droite », « Nouvelle Gauche », « Troisième Voie » en économie, théorie du « Droit des Peuples », écologie, philosophie ontologique, vecteur eschatologique, nouvelle compréhension de la mission universelle de l’histoire russe, perspective paradigmatique de l’histoire de la science, etc.
Face à l’établissement de l’ordre mondialiste atlantiste et face à la mondialisation, se tiennent les partisans du monde multipolaire : les eurasistes. Les eurasistes défendent par principe la nécessité de préserver l’existence de chaque peuple sur terre, la diversité florissante des cultures et des traditions religieuses, l’imprescriptible droit des peuples à choisir indépendamment leur voie de développement historique. Les eurasistes saluent l’ensemble des cultures et des systèmes de valeur, le dialogue ouvert entre les peuples et les civilisations, la combinaison organique entre la dévotion aux traditions et l’impulsion créatrice.
Les eurasistes ne sont pas seulement les représentants des peuples vivant sur le continent européen. Etre eurasiste est un choix conscient, qui signifie combiner l’aspiration à la préservation des formes de vie traditionnelles avec l’aspiration au développement libre et créatif (social et individuel). De cette manière, les eurasistes sont tous des personnalités libres et créatrices qui reconnaissent les valeurs de la tradition ; parmi eux figurent aussi des représentants de cette région qui forme objectivement la base de l’atlantisme.
Les eurasistes et les atlantistes sont opposés en tout. Ils défendent deux images du monde et de son avenir, deux images différentes, alternatives, s’excluant mutuellement. C’est l’opposition entre les eurasistes et les atlantistes qui définit la ligne historique du XXIe siècle.
La vision eurasiste du monde futur
Les eurasistes défendent logiquement le principe de la multi-polarité, s’opposant au mondialisme unipolaire imposé par les atlantistes.
Comme pôles de ce nouveau monde, il n’y aura pas les Etats traditionnels, mais plusieurs nouvelles formations civilisationnelles intégrées (« grands espaces »), unies en «arcs géo-économiques» («zones géo-économiques»).
Selon le principe de la multi-polarité, l’avenir du monde est imaginé comme des relations de partenariat équitable et bienveillant entre tous les pays et tous les peuples, organisé – selon le principe de proximité en termes de géographie, de culture, de valeurs et de civilisation – en quatre arcs géo-économiques (chacun lui-même formé de plusieurs « grands espaces »).
L’arc euro-africain, comprenant trois « grands espaces » : l’Union Européenne, l’Afrique islamo-arabe et l’Afrique sub-tropicale (Noire).
L’arc Asie-Pacifique, comprenant le Japon, les pays de l’Asie du Sud-Est et l’Indochine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
L’arc continental eurasien, comprenant quatre « grands espaces » : la Russie et les pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), les pays de l’islam continental, l’Inde, la Chine.
L’arc américain, comprenant trois « grands espaces » : l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud.
Grâce à cette organisation de l’espace mondial, les conflits mondiaux, les guerres sanglantes et les formes extrêmes de confrontation, menaçant l’existence même de l’humanité, deviendront bien moins probables.
La Russie et ses partenaires de l’arc continental eurasien établiront des relations harmonieuses non seulement avec les arcs voisins (euro-africain et Asie-Pacifique), mais aussi avec l’arc des antipodes – l’arc américain, qui sera aussi appelé à jouer un rôle constructif dans l’hémisphère occidental dans le contexte de la structure multipolaire.
Une telle vision de l’humanité future est à l’opposé des plans mondialistes des atlantistes, visant à créer un monde unipolaire, stéréotypé, sous le contrôle des structures oligarchiques de l’Occident, avec la perspective de créer le « gouvernement mondial ».
La vision eurasiste de l’évolution de l’Etat Les eurasistes considèrent l’Etat-Nation, sous ses traits actuels, comme une forme obsolète d’organisation des espaces et des peuples, typique de la période historique allant du XVe au XXe siècle. A la place des Etats-Nations, de nouvelles formes politiques doivent émerger, combinant l’unification stratégique des grands espaces continentaux avec le système multi-dimensionnel complexe des autonomies nationales, culturelles et économiques. Certains traits d’une telle organisation des espaces et des peuples peuvent être observés dans les anciens empires du passé (par ex. l’empire d’Alexandre le Grand, l’empire romain, etc.) et dans les plus récentes structures politiques (Union Européenne, CEI).
Les Etats contemporains font aujourd’hui face aux perspectives suivantes :
1. auto-liquidation et intégration dans un unique espace planétaire sous domination des Etats-Unis (atlantisme, mondialisation).
2. s’opposer à la mondialisation en tentant de préserver leurs propres structures administratives (souveraineté formelle) en dépit de la mondialisation.
3. entrer dans des formations supra-étatiques de taille régionale (« grands espaces ») sur la base d’une communauté historique, civilisationnelle et stratégique. Cette variante est la variante eurasiste. Du point de vue de l’analyse eurasiste, c’est la seule voie de développement capable de préserver tout ce qui est le plus valable et le plus original, et que les Etats contemporains sont appelés à sauvegarder face à la mondialisation. La simple aspiration conservatrice à préserver l’Etat à tout prix est condamnée à l’échec. L’orientation consciente des dirigeants politiques des Etats à se dissoudre dans le projet mondialiste est considéré par les eurasistes comme un renoncement à ces valeurs corrélatives dont la préservation a été le devoir des Etats historiques envers leurs sujets.
Le XXIe siècle sera l’arène de la décision fatale des élites politiques contemporaines concernant la question de ces trois perspectives possibles. Le combat pour la troisième variante de développement se trouve à la base d’une nouvelle grande coalition internationale de forces politiques, en accord avec la vision-du-monde eurasiste.
Les eurasistes considèrent la Fédération Russe et la CEI comme le noyau d’une future formation politique autonome : l’« Union Eurasienne » (« l’Eurasie-noyau ») et plus tard de l’un des quatre arcs géo-économiques mondiaux (le « bloc continental eurasien »).
En même temps, les eurasistes sont les supporters convaincus du développement d’un système multi-dimensionnnel d’autonomies *.
* Autonomie (ancien grec : auto-gouvernement) – forme d’organisation naturelle d’un groupe de gens, unis par un signe organique quelconque (national, religieux, professionnel, familial, etc.). Un trait distinctif de l’autonomie est la plus grande liberté dans les domaines ne concernant pas l’intérêt stratégique des formations politiques de dimension continentale.
Autonomie s’oppose à souveraineté – un trait de l’organisation des peuples et des espaces, typique des Etats-Nations dans leur forme actuelle. Dans le cas de la souveraineté, nous avons affaire au droit prioritaire à l’organisation libre et indépendante du territoire ; l’autonomie suppose l’indépendance dans les questions d’organisation de la vie collective des peuples et des régions, non liées à l’organisation du territoire..
Le principe de l’autonomie multi-dimensionnelle est vu comme la structure organisatrice optimale de la vie des peuples, des groupes ethniques et socio-culturels, dans la Fédération Russe comme dans l’Union Européenne, dans l’« arc continental eurasien » comme dans tous les autres « grands espaces » et « arcs géo-économiques » (« zones »).
Toutes les terres (territoires) des nouvelles formations politico-stratégiques (« grands espaces ») doivent être sous l’autorité directe d’un centre de gouvernement stratégique. De la compétence de l’autonomie doivent relever les questions liées aux aspects non-territoriaux du gouvernement des collectivités.
Le principe eurasiste de la division des pouvoirs Le principe eurasiste d’autorité politique suppose deux niveaux différents de gouvernement : local et stratégique.
Au niveau local, le gouvernement est exercé à travers les autonomies – bien sûr composées d’associations de différentes sortes (depuis les peuples de plusieurs millions d’individus jusqu’aux petites collectivités composées de quelques travailleurs). Ce gouvernement agit selon une liberté absolue et n’est pas dirigé par une instance supérieure. Le modèle pour une sorte donnée d’autonomie est choisi librement, provenant de la tradition, de l’inclination, de l’expression démocratique directe de la volonté des collectivités organiques – sociétés, groupes, organisations religieuses.
Sous l’autorité des autonomies se trouvent :
-
les questions civiles et administratives.
-
le domaine social.
-
l’éducation et les services médicaux.
-
tous les domaines d’activité économique.
C’est-à-dire tout ce qui se trouve en dehors des branches stratégiques et des questions concernant la sécurité et l’intégrité territoriale des « grands espaces ».
Le niveau de liberté des citoyens, grâce à l’organisation de la société selon le principe eurasiste de l’autonomie, est d’une hauteur jamais atteinte auparavant. L’homme obtient des possibilités d’auto-réalisation et de développement créatif jamais vues auparavant dans l’histoire de l’humanité.
Les questions de sécurité stratégique, les activités internationales en-dehors du cadre de l’espace continental, les questions économiques au niveau supérieur, le contrôle des ressources stratégiques
et des communications – se trouvent sous l’autorité du centre stratégique unique *.
* Centre stratégique unique – Définition conventionnelle pour tous les cas où le contrôle est délégué au gouvernement régional stratégique des « grands espaces ». C’est une structure hiérarchique rigide, combinant les éléments des services militaires, juridiques et administratifs.
la planification géopolitique et du gouvernement des « grands espaces » Les domaines de compétence des niveaux de pouvoir stratégique et local sont strictement délimitées. Toute tentative d’introduire l’autonomie dans les questions se trouvant sous la compétence du centre stratégique unique doivent être brisées. L’inverse est vrai aussi.
De cette manière, les principes eurasistes de gouvernement combinent organiquement le droit traditionnel et religieux, les traditions nationales et locales, prennent en compte toutes les richesses des régimes socio-politiques qui se sont formés tout au long de l’histoire, et offrent par conséquent une solide garantie de stabilité, de sécurité et d’inviolabilité territoriale
La vision eurasiste de l’économie Les atlantistes visent à imposer à tous les peuples du monde un modèle unique de construction économique, érigeant l’expérience de développement économique de la partie occidentale de la civilisation mondiale aux XIX-XXe siècles au statut d’une règle.
Au contraire, les eurasistes sont convaincus que les régime économiques dérivent des traits historiques et culturels du développement des peuples et des sociétés, par conséquent dans le domaine économique ils se conforment à la diversité, à la pluralité des régimes, à la recherche créative, au libre développement.
Seuls les domaines stratégiques à grande échelle, liés à la nécessité d’assurer la sécurité générale (le complexe militaro-industriel, les transports, les ressources, l’énergie, les communications) doivent être soumis à un contrôle rigide. Tous les autres secteurs économiques doivent se développer librement et organiquement selon les conditions et les traditions des autonomies concrètes où l’activité économique prend naturellement place.
L’eurasisme arrive à la conclusion que dans le domaine économique il n’y a pas de vérité ultime : les recettes du libéralisme * et du marxisme ** ne peuvent être appliquées que partiellement, dépendant des conditions concrètes. En pratique, ce qui est nécessaire est de combiner de diverses manières l’approche du libre-échangisme avec le contrôle des domaines stratégiques, et d’opérer la redistribution des profits selon les objectifs nationaux et sociaux de la société dans son ensemble. De cette façon, l’eurasisme se conforme au modèle de la « troisième voie » *** en économie.
* Libéralisme – doctrine économique soutenant que seule la liberté totale du marché et la privatisation de tous les instruments économiques créent les conditions optimales pour la croissance économique. Le libéralisme est la doctrine économique dogmatique des atlantistes et des mondialistes.
** Marxisme – doctrine économique soutenant que seuls le plein contrôle du processus économique par quelque instance sociale, la logique de la planification générale obligatoire, et la distribution égale des surplus entre tous les membres société (collectivisme) peut poser les fondations économiques d’un monde juste. Le marxisme rejette le marché et la propriété privée.
*** Economie de la « troisième voie » – ensemble de théories économiques, combinant l’approche du marché avec une certaine part d’économie régulée sur la base de tels ou tels critères et principes supra-économiques.
L’économie de l’eurasisme doit être construite sur les principes suivants :
-
subordination de l’économie à certaines valeurs spirituelles civilisationnelles plus élevées.
-
principe de l’intégration macro-économique et division du travail à l’échelle des « grands espaces » (« union douanière »).
-
création d’un unique système financier, de transports, d’énergie, de production et d’information à l’intérieur de l’espace eurasien.
-
frontières économiques différenciées avec les « grands espaces » et les « zones géo-économiques » voisins.
-
contrôle stratégique par le centre des branches formant le système et liberté maximale parallèle pour l’activité économique au niveau du moyen et petit commerce.
-
combinaison organique des formes d’autorité (structure du marché) avec les traditions sociales, nationales et culturelles des régions (absence d’une règle économique uniforme dans les moyennes et grandes entreprises).
La vision eurasiste de la finance Le centre stratégique unique de l’Union Eurasienne doit également considérer comme d’importance stratégique la question du contrôle de la circulation monétaire. Aucun moyen de paiement ne doit prétendre au rôle de devise de réserve mondiale. Il est nécessaire de créer une véritable devise de réserve eurasienne, ayant cours légal sur les territoires appartenant à l’Union Eurasienne. Aucune autre devise ne doit être utilisée comme devise de réserve dans l’Union Eurasienne.
D’autre part, il faut encourager de toutes les manières la création de moyens locaux de paiement et d’échange, ayant cours légal à l’intérieur d’une ou plusieurs autonomies voisines. Cette mesure empêche l’accumulation du capital à des fins spéculatives et fournit un stimulant à sa circulation. En outre, cela accroît le volume d’investissement dans le secteur réel de l’économie. Par conséquent, les fonds seront investis avant tout là où ils peuvent être employés de manière productive.
Dans le projet eurasiste, le domaine financier est vu comme un instrument de production réelle et d’échange, dirigé vers l’aspect qualitatif du développement économique. A la différence du projet atlantiste (mondialiste), la sphère financière ne doit avoir aucune sorte d’autonomie (financialisme *).
* Financialisme – système économique de la société capitaliste dans sa phase post-industrielle, résultat logique du développement illimité des principes libéraux en économie. Son trait distinctif est la subordination du secteur réel de l’économie aux opérations virtuelles (marchés boursiers, marchés des titres financiers, investissements de portefeuilles, opérations sur des dettes internationales, futures transactions, prévision spéculative des tendances financières, etc.). Le financialisme joue sur les politiques monétaristes, séparant le domaine monétaire (devises de réserve mondiale, monnaie électronique) de la production.
La vision régionale du monde multi-polaire suppose différents niveaux de devises
– devise géo-économique (argent et valeur papier, ayant cours légal à l’intérieur d’une zone géo-économique déterminée, en tant qu’instrument de relations financières entre les centres stratégiques d’un ensemble de « grands espaces »).
- devise du « grand espace » (argent et valeur papier, ayant cours légal à l’intérieur d’un « grand espace » déterminé – particulièrement à l’intérieur de l’Union Eurasienne – en tant qu’instrument de relations financières entre les autonomies).
- devise (les différentes formes d’échange) au niveau des autonomies.
Les institutions d’émission et de crédit financier – banques régionales, banques des « grands espaces », banques (et leurs équivalents) des autonomies – doivent être organisée en accord avec ce schéma.
L’attitude eurasiste envers la religion Dans la foi en l’héritage spirituel des prophètes, dans la grande valeur de la vie religieuse, l’eurasisme voit une marque de renouveau authentique et de développement social harmonieux.
Les atlantistes refusent par principe de voir autre chose que l’éphémère, le temporaire, le présent. Pour eux il n’y a essentiellement ni passé ni avenir.
La philosophie de l’eurasisme, au contraire, combine la foi profonde et sincère dans le passé avec une attitude ouverte envers l’avenir. Les eurasistes saluent la fidélité aux sources aussi bien que la libre recherche créatrice.
Le développement spirituel est pour les eurasistes la principale priorité de la vie, dont l’absence ne peut trouver de compensation dans des biens économiques ou sociaux.
Selon l’opinion des eurasistes, chaque tradition religieuse ou système de foi local, même le plus insignifiant, est le patrimoine de toute l’humanité. Les religions traditionnelles des peuples, reliées aux divers héritages spirituels et culturels, méritent la plus extrême attention et le plus grand intérêt.
Les structures représentatives des religions traditionnelles doivent bénéficier du soutien des centres stratégiques. Les groupes schismatiques, les associations religieuses extrémistes, les sectes totalitaires, les prêcheurs de doctrines et d’enseignements non-traditionnels, et toutes les autres forces orientées vers la destruction doivent être activement combattues.
La vision eurasiste de la question nationale Les eurasistes considèrent que tous les peuples du monde – depuis ceux ayant fondé de grandes civilisations jusqu’aux plus petits ayant soigneusement préservé leurs traditions – forment une richesse inestimable. L’assimilation par l’influence externe, la perte de la langue ou du mode de vie traditionnel, l’extinction physique de n’importe lequel des peuples de la Terre est une perte irréparable pour toute l’humanité.
La profusion des peuples, des cultures, des traditions, est appelée « diversité florissante » par les eurasistes – un signe du développement sain et harmonieux de la civilisation humaine.
Les Grand-Russiens, à cet égard, représentent un cas unique de fusion de trois composants ethniques (slave, turc, et finno-ougrien) en un peuple, avec une tradition originale et une riche culture. Le fait même de l’émergence des Grand-Russiens à partir de la synthèse de trois groupes ethniques contient un potentiel d’intégration d’une valeur exceptionnelle. Pour cette raison même, la Russie est devenue plus que jamais le cœur de l’union de nombreux peuples et cultures différents en un seul tissu civilisationnel. Les eurasistes pensent que la Russie est destinée à jouer encore le même rôle au XXIe siècle.
Les eurasistes ne sont pas isolationnistes, dans la mesure même où ils ne sont pas des partisans de l’assimilation à tout prix. La vie et le destin des peuples est un processus organique qui ne tolère aucune interférence artificielle. Les questions interethniques et internationales doivent être résolues selon leur logique interne. Chaque peuple de la Terre doit avoir la liberté de faire indépendamment ses propres choix historiques. Personne n’a le droit de forcer un peuple à perdre son caractère unique dans un « melting-pot » mondial », comme les atlantistes le souhaitent.
Pour les eurasistes, les droits des peuples ne sont pas moins importants que les droits de l’homme.
L’Eurasie comme planète L’eurasisme est une vision du monde, un projet géopolitique, une théorie économique, un mouvement spirituel, un noyau pour consolider un large spectre de forces politiques. L’eurasisme est libre de tout dogmatisme, de toute soumission aveugle aux autorités et aux idéologies du passé. L’eurasisme est la plate-forme idéale des habitants du monde nouveau, pour lesquels les disputes, les guerres, les conflits et les mythes du passé n’ont qu’un intérêt historique. L’eurasisme en tant que principe est la nouvelle vision du monde pour les nouvelles générations du nouveau millénaire. L’eurasisme tire son inspiration de diverses doctrines philosophiques, politiques et spirituelles, qui jusqu’à présent semblaient réciproquement irréconciliables et incompatibles.
En même temps, l’eurasisme possède un ensemble précis d’idées fondatrices, desquelles on ne peut dévier dans aucune circonstance. L’un des principaux principes de l’eurasisme est l’opposition conséquente, active et en tous lieux au projet mondialiste unipolaire. Cette opposition (différente de la simple négation ou du simple conservatisme) a un caractère créatif. Nous comprenons le caractère inévitable de certains processus historiques : notre but est d’en être conscients, d’y prendre part, et de les conduire dans la direction qui correspond à nos idéaux.
On pourrait dire que l’eurasisme est la philosophie de la mondialisation multipolaire, appelant à l’union de toutes les sociétés et de tous les peuples de la Terre pour construire un monde original et authentique, dont chaque composante proviendra organiquement des traditions historiques et des cultures locales.
Historiquement, les premières théories eurasistes ont fait leur apparition parmi les penseurs russes au début du XXe siècle. Mais ces idées étaient en accord avec la recherche spirituelle et philosophique de tous les peuples de la Terre – du moins, de ceux qui comprenaient la nature limitée et inadéquate des dogmes banals à l’échec et à l’impasse desquels étaient liés les clichés intellectuels, [de ceux qui comprenaient] la nécessité de s’évader des cadres habituels pour aller vers de nouveaux horizons. Aujourd’hui nous pouvons attribuer à l’eurasisme une signification nouvelle et globale ; nous pouvons comprendre que notre héritage eusasiste n’est pas l’œuvre de la seule Ecole russe, le plus souvent désignée par ce nom, mais aussi celle de l’immense source culturelle et intellectuelle de tous les peuples de la Terre n’appartenant pas strictement au cadre étroit de ce qui jusqu’à une date récente (au XXe siècle) était considéré comme l’orthodoxie immuable (libéralisme, marxisme et nationalisme).
Dans son sens le plus élevé et le plus large, l’eurasisme acquiert une signification nouvelle et extraordinaire. A présent il n’est plus seulement la forme de l’idée nationale de la nouvelle Russie post-communiste (ainsi qu’il était considéré par les pères fondateurs du mouvement et par les néo-eurasistes contemporains durant la première phase), mais plutôt un vaste programme d’importance planétaire, dépassant de loin les frontières de la Russie et même du continent eurasien. Tout comme le concept d’« américanisme » peut aujourd’hui être appliqué à des régions géographiques se trouvant au-delà des limites du continent américain, l’« eurasisme » signifie un choix civilisationnel, culturel, philosophique, stratégique particulier, qui peut être fait par n’importe quel représentant de l’espèce humaine, quel que soit l’endroit de la planète où il vit, ou la culture nationale et spirituelle à laquelle il appartient.
Pour donner un contenu réel à cette signification de l’eurasisme, il y a encore beaucoup à faire. Et dans la mesure où de nouvelles strates culturelles, nationales, philosophiques et religieuses rejoindront notre projet, la même signification globale de l’eurasisme sera élargie, enrichie, changée dans ses traits … Cependant une telle évolution du sens de la plate-forme eurasiste ne doit pas simplement rester une question théorique – de nombreux aspects ne pourront trouver leur expression et leur accomplissement que par la pratique politique concrète.
Dans la synthèse eurasiste, il ne peut y avoir de pensée sans action, ni d’action sans pensée.
Le champ de la bataille spirituelle pour le sens et pour l’issue de l’Histoire est le monde entier. Le choix d’un camp dépend de chacun personnellement. Le temps décidera du reste. Cependant, tôt ou tard, par de grandes réalisations et au prix de combats dramatiques, l’heure de l’Eurasie viendra.
LA VISION EURASISTE
Structure du Mouvement
La structure du international eurasien La structure du Mouvement international eurasien est déterminée par des objectifs généraux et les conditions historiques actuelles qui sont sans précédent. Le principal objectif stratégique du mouvement est la coordination de tous les pouvoirs eurasiens dans un front sociopolitique uni. Cela signifie coordination, consolidation, et intégration de tous les mouvements, les organisations sociopolitiques, les institutions, les fonds etc, pour qu’ils adhèrent aux objectifs d’un monde multipolaire et à la “complexité florissante”, par opposition à la globalisation unipolaire et à l’expansion de l’atlantisme.
Ces pouvoirs eurasiens (dans la signification la plus large du terme) varient grandement – depuis les organisations internationales puissantes (par exemple l’ONU qui devrait s’effacer en raison de l’hégémonie américaine), les institutions gouvernementales, les partis politiques aussi bien que les petits groupements de personnes qui sont unies par des critères communs, politiques, culturels, nationaux, religieux et professionnels.
En raison d’une diversité de sujets aussi grande, la structure du mouvement doit être flexible et complètement différente de ce qui fait l’expérience d’un parti politique, d’un mouvement, d’un centre de recherche, d’une institution gouvernementale ou d’un consortium économique.
La fondation d’un monde unipolaire est une tâche sans précédent et à laquelle l’humanité n’a jamais encore été confrontée. Ce nouveau combat international (système de communications global, nouvelles technologies, transports, structures sociales et économiques etc) exige une direction dans toutes les sphères, y compris les aspects organisationnels.
L’efficacité de nos actions repose sur une structure flexible et adaptée du mouvement. Par exemple, la démocratie ouverte et l’activité internationale sont corrélatives de la mise en oeuvre de projets pour le développement eurasien, les organisations religieuses retrouvent les structures politiques (sur la base de la coopération et du dialogue), les centres de coopération (dirigés par des corporations transnationales eurasiennes) doivent collaborer avec les structures militaires, etc.
Tous les aspects de l’activité du mouvement présentent un système diversifié de relations : l’économie liée avec la politique, la technologie avec l’écologie, les systèmes d’information avec la culture, les questions militaires avec les questions religieuses, la structure du potentiel stratégique avec les progrès industriels et l’organisation administrative, enfin les avancées intellectuelles avec les mécanismes qui créent les élites. Une approche aussi complexe, qui amalgame différentes sphères de l’activité humaine, est l’aspect central unique du Mouvement international eurasien en tant que forme innovante de l’existence d’une société.
Les structures atlantistes modernes, les fondations “charitables, les centres de recherche et les mass-média à l’échelle mondiale, représentent des instruments tangibles du système idéologique opposé à l’eurasianisme et ont un objectif : la création d’un monde unipolaire, dirigé par les Etats-Unis et les pays “milliardaires en or”. Nous faisons actuellement l’expérience non seulement de modes généraux de développement, d’un “processus spontané”, ou “théorie sans pratique”, mais également d’un mécanisme puissant et efficace pour la réalisation de tout objectif posé par les adeptes de l’atlantisme (globalisation).
L’atlantisme n’est pas seulement théorie pure : il inclut l’OTAN, le potentiel économique de la plupart des pays développés (Etats-Unis d’Amérique), une information de masse globale et contrôlée, un réseau de centres de recherche à travers le monde (support idéologique), d’innombrables agents d’influence (représentés dans les organisations internationales, les partis politiques, les religions etc.). Tous ces éléments sont les instruments qui sont appelés à établir et renforcer le monde unipolaire.
L’eurasianisme doit développer une structure, centralisée et efficace (de façon idéologique et organisationnelle) afin d’unir les adversaires de la globalisation. Celle-ci a dépassé les frontières des Etats-Unis et du monde occidental : aujourd’hui, nous pouvons parler d’une “internationale atlantiste”. La mission historique de l’eurasianisme repose dans la création d’une base commune pour le combat et la tentative d’établir une nouvelle version de l’avenir (multipolaire). Nous devons mettre en place une structure équivalente, l’eurasianisme international, avec l’objectif à long terme de coordonner l’activité multipolaire.
Le Mouvement eurasien et le projet d’une ceinture continentale eurasienne. Le Mouvement international eurasien considère que la Fédération de Russie est le lieu de lancement et la base principale de ses activités. La raison en est que, pendant des siècles, la Russie a recherché une alternative au mode occidental de développement social (le conflit entre les églises catholiques et protestantes et l’église orthodoxe russe ; l’opposition du Moyen-Age jusqu’à la fin du XIXe siècle, suivie par la confrontation entre deux systèmes socioéconomiques globalisants au cours du XXe siècle). Pendant toute son histoire, la Russie a tenté de réaliser ses idéaux éthiques alternatifs (parfois avec des conséquences tragiques).
L’histoire russe n’est pas arrivée à sa fin et le peuple russe demeure dévoué à sa mission historique, raison pour laquelle la Russie est destinée à devenir le conducteur mondial d’une nouvelle alternative mondiale (eurasianisme), alternative de la version occidentale de l’avenir du monde : la globalisation unipolaire. L’eurasianisme propose un plan pour une nouvelle organisation sociopolitique de tous les peuples de la terre. Le développement de l’organisation sociopolitique peut commencer en même temps à l’échelle de la planète, partout la globalisation peut se trouver repoussée. Toute expérience d’une telle opposition est vitale pour la politique russe et le processus eurasien dans le monde entier. De plus, l’expérience des réformes eurasiennes dans la Fédération de Russie pourrait être très importante pour les adeptes de la multipolarité à travers le monde.
Dans le domaine politique, le Mouvement international eurasien doit soutenir la création de quatre zones géo-économiques. La quatrième zone géo-économique est la ceinture continentale eurasienne (les trois autres étant l’Amérique, l’Eurafrique et le Pacifique). La géo-économie atlantiste propose seulement trois zones et appelle l’Eurasie le « trou noir », territoire possédé en partie par les trois autres zones. Ainsi, l’intégration de ce territoire est le stage le plus important de la mise en place de la géoéconomie eurasienne et le pré-requis géopolitique. C’est pourquoi, si les trois zones primitives (Amérique, Eurafrique et Pacifique) doivent se transformer selon les règles eurasiennes, la ceinture continentale eurasienne doit être créée.
La ceinture continentale eurasienne propose une intégration stratégique rapide sur le plan économique comme sur le plan stratégique pour chacun de ces quatre Grands espaces du globe. Tout d’abord, la consolidation politique et économique de chacun de ces espaces, qui consiste aujourd’hui en un ou plusieurs Etats-nations. Les frontières de la Chine et de l’Inde atteignent les limites de ces Grands espaces, mais pour la Russie et les pays de la CEI, ainsi que pour les pays musulmans continentaux (Iran, Pakistan, Afghanistan et probablement la Turquie, l’Irak et la Syrie), l’intégration est un processus compliqué. La fondation de ces Grands espaces est un objectif primordial pour le mouvement eurasien. L’intégration des Grands espaces pourra se faire en même temps que la construction de la ceinture continentale eurasienne. Le succès dans une direction entraînera le progrès dans un autre domaine.
L’activité conjointe (économique, stratégique, politique et diplomatique) avec les pays du continent eurasien est très active aujourd’hui, raison pour laquelle nous serons en mesure d’annoncer très prochainement le projet d’une ceinture continentale eurasienne d’un système unifié, géo-économique et stratégique pour la sécurité collective du continent. De plus, tous les participants sont des adhérents depuis longtemps acquis au monde multipolaire. Dans le passé, ils formaient le cadre du “camp socialiste” ou appartenaient à des pays du Tiers-monde (mouvement des non-alignés). Ils soutiennent aujourd’hui leur propre avenir, différent du concept de globalisation unipolaire. L’objectif principal du Mouvement international eurasien est de promouvoir ce processus ; de lui donner corps ; et de donner de la force à la fondation des institutions nécessaires, stratégiques et diplomatiques, des structures, fonds et corporations ; de promouvoir la coopération, en prenant en compte les facteurs historiques, religieux et ethniques.
Le modèle eurasien d’intégration politique dans les Grands espaces offre une occasion de résoudre des conflits et de coopérer sur la base d’une compréhension et d’une harmonie. L’utilisation réussie du modèle eurasien résoudra aussi bien les conflits ethniques, que tout autre conflit dans la Fédération de Russie (spécialement dans le Caucase) et se montrera d’une grande valeur pour les pays de la CEI (Karabak, Kirghizie, Tadjikistan). L’utilisation intensive du modèle russe et des pays de la CEI conduira à la création rapide de l’Union eurasienne, des Grands espaces et de la ceinture continentale eurasienne.
La ceinture américaine La domination indiscutable du Grand espace de l’Amérique du Nord (Etas-Unis d’Amérique et Canada) doit commencer par le processus d’intégration de l’Amérique latine (deux Grands espaces : l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale), pour préserver les aspects spécifiques, historiques, économiques et politiques de la civilisation latine, différents de ceux de type anglo-saxon. Ceci laisse présumer d’une indépendance plus grande de cette civilisation dans les pays latino-américains par rapport au “leader” de cette zone du méridien : les Etats-Unis. Cette théorie de l’intégration eurasienne pour les civilisations proches et les espaces culturels est capable de garantir aux nations d’Amérique latine un développement complet, qui mettra en avant leur statut géopolitique et des solutions harmonieuses pour les questions ethniques, sociales, technologiques, écologiques, démographiques et économiques.
En ce qui concerne la ceinture géo-économique américaine, les eurasianistes soutiennent les points suivants :
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La limitation des intérêts américains, qu’ils soient stratégiques, politiques ou économiques, à l’intérieur des frontières de la zone du méridien américain (nos alliés dans ce contexte sont les conservateurs américains – adeptes de l’isolationisme et de l’expansionisme, limités par la doctrine Monroe.
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L’autonomie maximum des mouvements démocratiques, écologiques et culturels au niveau national.
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L’intégration des pays latins dans les Grands espaces des pays d’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, qui renforceront leur autonomie culturelle.
Aujourd’hui, l’influence des Etats-Unis est la tendance globale la plus négative car elle apporte l’atlantisme à toutes les nations du monde. Cette option peut être acceptée si Washington renonce à promouvoir une globalisation unipolaire et à agir comme le gendarme mondial. Cependant, cette situation changera dès que l’Amérique rejettera son plan d’une hégémonie mondiale et acceptera de n’être qu’une super-puissance régionale, à l’intérieur des limites de la zone du méridien américain. Nous ne pouvons pas non plus exclure qu’après avoir éliminé la répression culturelle, cette nation reconsidèrera objectivement les valeurs de la civilisation américaine et pourra éventuellement adopter ce qu’ils considèrent comme positif ailleurs. Ainsi, les Etats-Unis pourront multiplier le nombre de leurs “satellites”, sans aucune pression. L’objectif eurasien pour la zone du méridien est de rechercher les adeptes de la théorie eurasienne à l’intérieur des Etats-Unis et de l’Amérique latine.
La ceinture eurafricaine L’Union européenne est en train de devenir rapidement la force économique principale du Grand espace eurafricain et elle projette la promotion de son statut stratégique et géopolitique dans un avenir à moyen et long termes (Eurocorps, Plan de sécurité commune en Europe). Se développe actuellement pour l’intégration en Europe, l’expression d’une logique eurasienne (sauf chez les régionalistes qui souhaitent la promotion d’orientations démocratiques et traditionnelles).
Le projet eurasien pour l’Union européenne est un saut qualitatif vers l’idée de Grand espace eurafricain. Les étapes de l’intégration européenne sont les véritables signes de l’eurasianisme : le rejet des Etats-nations, un système commun pour l’économie et la monnaie et, pas après pas, l’indépendance de l’Union européenne par rapport au contrôle américain.
L’Asie présente une volonté stratégique d’un monde multipolaire mais, parallèlement elle ne dispose que de ressources en matières premières limités. L’Europe possède un système géo-économique intégré ; cependant, jusqu’à un temps récent, il n’y a pas eu de déclarations ni de prise de position claire de l’UE sur l’importance qu’elle accorde au monde multipolaire. Le Mouvement international eurasien est évidement intéressé par le développement de l’intégration d’une Europe unie, en même temps qu’il souhaite préserver les principes de la multipolarité organique de l’Europe. Les nations européennes doivent se tourner vers la tradition et renouveller l’extraordinaire culture de l’Europe.
L’eurasianisme soutient le renforcement du statut stratégique régional, économique et politique de l’Union européenne et croit qu’il peut devenir le meneur géopolitique de la ceinture eurafricaine. Ce processus a deux vecteurs :
• Les relations entre Europe et Maghreb
• Les relations entre Europe et Afrique sub-saharienne
L’indépendance du choix dans la résolution des questions euro-arabes et euro-américaines donnera à l’Union européenne l’occasion de devenir un partenaire puissant dans le monde multipolaire.
La fondation de la zone du méridien eurafricain éliminera la dépendance en matière de ressources mais si l’Europe tente de devenir la puissance principale dans le Sud, cela entraînera un choc contre la pression et l’hégémonie des Etats-Unis. Empêcher l’Union européenne de parvenir jusqu’au Sud, est un impératif pour le contrôle américain de l’Europe. Le projet eurasien a pour but la désintégration de la structure de puissance trans-atlantique et promeut une coopération forte et avantageuse avec l’Afrique.
Le deuxième Grand espace est le monde arabe, depuis l’Afrique du Nord musulmane jusqu’au Maghreb et au Moyen Orient. C’est une région très complexe qui est contenue dans les frontières historiques de l’Empire ottoman. Ces territoires doivent être intégrés dans une structure géopolitique qui établira les relations économiques et politiques avec l’Europe et l’Afrique saharienne. Le fait que ces territoires sont sous domination des traditions islamiques peut constituer un facteur supplémentaire d’intégration. Néanmoins, il y a des formes de radicalisme islamique (qui se disent universelles) et qui s’opposent aux principes de base de l’eurasianisme. Elles proposent d’une part une multiplicité interne et d’autre part un système d’autonomies intérieures (la complexité florissante de l’Eurasie). Ainsi, les principaux alliés de l’Eurasie dans le monde arabe, qui adhèrent à l’Islam et, en même temps respectent les traditions locales, sont des soufis tarikats, des chiites et d’autres groupes ethno-religieux qui promeuvent une diversité spirituelle et culturelle.
Un autre danger réside dans les tentatives des islamistes intégristes de s’étendre dans des régions non arabo-islamistes, depuis la Turquie jusqu’au Kazakhstan et les Philippines. Ceci est typique des régimes orientés vers l’atlantisme (par exemple, l’Arabie séoudite). Cette tendance doit être vigoureusement combattue.
Un but essentiel de l’eurasianisme est l’intégration stratégique de l’Afrique saharienne et sa transformation en un Grand espace indépendant – les frontières de pratiquement tous les pays africains ont été héritées des temps coloniaux. Elles ne s’adaptent pas aux spécificités historiques, ethniques, culturelles ou économiques des nations africaines. Le système fragmentaire et artificiel des Etats est la cause de difficultés ethniques et crypto-colonialistes. Le type psychologique du peuple africain est plus adapté aux idées de l’eurasianisme, parce que l’idée européenne est ouverte à un sens d’intégration complète et organique d’un peuple, d’une histoire, d’une société et de la nature. La libération africaine de son héritage post-colonial n’est possible qu’au travers de l’intégration au sein d’une seule civilisation stratégique, amicale pour le monde arabe et orientée vers une Europe unie, qui deviendrait le meneur de la zone du méridien eurafricain. Une attention spéciale doit être donnée à l’influence d’Israël qui joue le rôle particulier d’agent atlantiste dans cette région. Nous devons trouver un nouveau modèle pour arrêter le conflit israélo-arabe et proposer une formule positive pour leur participation à la construction de la zone du méridien eurafricain.
La ceinture pacifique Le meneur stratégique, politique et économique de la ceinture pacifique est assurément le Japon, civilisation unique représentée par un petit groupe d’îles et un exemple extraordinaire de concentration d’un Grand espace dans une très petite région géographique. Le Japon possède un potentiel énorme d’expansion, un ordre social très strict et une énergie interne inégalée. Le potentiel japonais, artificiellement limité par les Etats-Unis d’Amérique et utilisé uniquement dans la sphère économique, doit être libéré et utilisé pour la réorganisation de la zone pacifique tout entière.
Le Japon (tout comme l’Europe dans la zone du méridien eurafricain) est le “leader” objectif du Pacifique. L’indépendance par rapport au contrôle américain dans les sphères géopolitiques, politiques et militaires est la condition nécessaire à la mise en place d’une multipolitarité réelle. Le Japon, comme l’Europe, appartient actuellement à la sphère d’influence atlantique, mais il a un potentiel interne énergétique qui lui vient de la psychologie nationale pour pouvoir être le cadre de la zone du méridien pacifique. Ce pays a besoin du soutien fort de l’Eurasie dans les sphères économiques et stratégiques – tout renforcement de ce pays augmentant automatiquement le potentiel général de l’eurasianisme.
Les autres Grands espaces potentiels de la ceinture pacifique sont la Malaisie, l’Atlantique et quelques pays de la péninsule indochinoise. Ils représentent un système complexe de progrès technologique (en raison de leur inclusion dans le système du monde capitaliste), avec des éléments variés d’une société traditionnelle.
Il est très important pour les élites politiques de cette région de prendre en considération la situation présente, comme étant un ”eurasianisme potentiel”, parce que la philosophie eurasienne est fondée sur l’adhérence organique à la tradition, combinée avec une avance technologique et un développement social. L’Australie et la Nouvelle Zélande doivent être intégrées dans le contexte civilisationnel et géoéconomique d’une Grande Asie et se sentir libérées de l’héritage colonialiste du XXe siècle. L’eurasianisme australien est la création d’un nouveau modèle de relations entre les Anglo-saxons d’Europe et le nombre toujours croissant d’émigrants venus d’Asie (Chine, Vietnam, Malaisie etc).
Vers l’Union eurasienne au travers du processus eurasien (expérience politique et structures de coordination) La transition du modèle de l’Etat-nation au modèle des Grands espaces doit se poursuivre à différents niveaux sur la base d’une intégration multidimensionnelle. Ces niveaux sont :
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économique,
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géopolitique
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stratégique
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politique
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culturel,
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informationnel,
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linguistique.
Chacun de ces niveaux propose son propre modèle d’action politique pour le Mouvement International Eurasien.
Une attention spéciale doit être prêtée au processus de la transformation des pays de la CEI dans l’Union eurasienne. La CEI est un exemple de groupe asymétrique d’Etats-nations, où l’un des pays (la Fédération de Russie) possède des droits de souveraineté partielle sur le plan géopolitique, tandis que les autres n’ont pas de droits semblables. Le Grand espace qui doit être créé sur la base de ce groupe d’Etats-nations dans l’Union eurasienne sera une structure organisationelle politique avec une économie centralisée et des systèmes d’administration stratégique.
La création de l’Union eurasienne est l’objectif central du Mouvement International Eurasien, qui mettra en place, contrôlera et coordinera le processus eurasien pour parvenir à cet objectif. Le processus eurasien est l’évolution multidimentionnelle des institutions gouvernementales, économiques, politiques, industrielles et culturelles de chacun des Etats membres de la CEI, en une nouvelle formation politique et stratégique, l’Union eurasienne.
La création de cette union est d’une extrême importance, et pas seulement comme déclaration d’intention. Le cadre légal de l’Union doit être précédée par un processus prolongé et fondamental d’intégration. Avant que nous n’annoncions la mise en place d’une nouvelle puissance internationale, nous devons établir un système international flexible qui soutiendra le processus tout entier. Pour cela, nous utiliserons l’expérience de l’Union européenne.
La base du système administratif doit être internationale, ce qui est obligatoire pour pouvoir coordonner l’intégration. Cette intégration doit être dirigée par le Mouvement international eurasien et ses bureaux de représentation dans la CEI. Nous pouvons, de manière provisoire, l’appeler “Quartier Général du processus eurasien”. Toute activité doit être coordonnée en liaison avec des institutions gouvernementales : Président, Administration présidentielle, Parlement, Gouvernement, la Communauté économique eurasienne, l’Accord public pour la Sécurité collective, etc.
Le but principal de ce QG est l’élaboration et la réalisation des projets d’intégration qui ne seront pas nécessairement considérés comme des initiatives officielles du gouvernement. Les initiatives peuvent être prises par une organisation sociale (telle que le Mouvement eurasien etc.) qui promeut de manière large ses programmes et est responsable devant tous les gouvernements étatiques et leurs services.
L’Union eurasienne n’est pas seulement une association comprenant différents Etats qui serait suivie par la dissolution des administrations nationales ; il n’est pas non plus une version élargie de la Fédération de Russie avec ses institutions gouvernementales, administratives et politiques. Il nécessite un système complètement neuf sur le plan administratif, l’évolution des anciennes structures et la création de nouvelles entités, raison pour laquelle les gouvernements de la CEI sont incapables de formuler les objectifs de l’intégration eurasienne.
La structure du Mouvement international eurasien inclut un système de fonds, de consortium, et de centres de recherches experts sur le plan stratégique et géopolitique, des banques et des systèmes d’actions, des entreprises de presse, des institutions scientifiques et d’éducation, qui sont les meilleurs vecteurs d’une accélération du progrès de l’intégration eurasienne. Le Mouvement international eurasien, essentiel pour la coordination de l’intégration doit différer qualitativement des partis politiques, des organisations sociales, des commissions intergouvernementales ou des communautés économiques les plus simples. Les éléments existants de l’administration politique peuvent coopérer avec le Mouvement, mais ne peuvent le remplacer. Les nouveaux défis demandent de nouveaux moyens, parce que le processus d’intégration exigera la transformation des éléments existants de l’Etat-nation et de la société.