Dimanche 15 février va marquer le 20ième anniversaire du retrait des troupes Soviétiques d’Afghanistan. Ce jour la, le dernier soldat Soviétique (le lieutenant général Boris V Gromov), commandant des troupes Soviétiques d’Afghanistan, traversa le “pont de l’amitié” qui relie la ville frontalière Afghane de Hayratan avec la ville de Termez, en URSS, marquant ainsi la fin de 9 ans de désastreuse compagne militaire Soviétique en Afghanistan, campagne militaire qui commença en décembre 1979.
Le retrait des 100.000 soldats d’Afghanistan fut terminé le 15 février 1989, poussé par les accords de Genève signés le 14 avril 1988 entre le Pakistan et l’Afghanistan, avec les États Unis et l’Union Soviétique comme garants.
J’étais présent à Kaboul durant la parade militaire du 15 mars 1988 qui marquait le début du retrait des troupes Soviétiques. L’union Soviétique ne considéra pas le retrait de ces troupes comme une défaite mais plutôt comme l’affirma le général Gromov comme “l’achèvement d’une mission internationale et le respect des accords de Genève; aucune de nos unités, même la plus petite n’a battu en retraire, c’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas de défaite militaire“.
Lors d’un meeting tenu à l’ambassade Soviétique fortifiée de Kaboul, une semaine avant le retrait des troupes soviétiques, mon ami l’ambassadeur Yuliy Vorontsov, avec son sens de l’humour habituel, attira mon attention sur le très grand nombre de médias massés devant l’ambassade. “Je suis désolé qu’ils soient décus” dit il. “Ils attendent que je quitte Kaboul. Mais nous n’allons pas abandonner l’Afghanistan comme les Américains ont quitté Saigon en hélicoptère, alors même que la ville s’écroulait autour d’eux” ajouta t’il.
L’union Soviétique a échoué en Afghanistan non pas à cause de la persévérance militaire des combattants moujahidins soutenus par les États Unis et le Pakistan, mais parce que avant tout elle n’a pas réussi à conquérir les coeurs et les esprits des Afghans. Au lieu de cela, les Soviétiques ont concentré leurs efforts sur une solution militaire.
L’intervention militaire Soviétique n’a pas été coûteuse qu’à l’union Soviétique mais également au peuple Afghan : 1,5 millions de morts, 3 millions de réfugiés au Pakistan, 2 millions en Iran; 1 million de déplacés en interne et des milliers de mutilés, veuves et orphelins, le pays étant dévasté et infesté de mines.
Dès que les Soviétiques ont laissé l’Afghanistan, le peuple Afghan a été oublié et l’attention du monde s’est déplacé ailleurs. Il est regrettable que personne n’ai compris la leçon du retrait Soviétique d’Afghanistan. A ce jour, un prix très élevé est payé pour cette faute.
Dans le même temps, les Talibans se sont déversés sur tout le territoire Afghan et ont créé le chaos au Pakistan. Le faible gouvernement de Hamid Karzai n’a en plus pas contribué à amélioré la situation. Il semble que le président Karzai est perdu sa position acquise sous le règne de Bush et soit abandonné comme un citron pressé.
Le Pakistan paye lui le prix de son “engagement” dans les affaires Afghanes sous l’occupation Soviétique, lorsqu’il servait de ligne de front de la guerre froide. Le Pakistan procurait des caches et des abris aux moujahidins Afghans et les services secrets Pakistanais (ISI), qui dirigeait quasiment le conflit en Afghanistan, étaient eux impliqués dans le recrutement et l’entrainement de ces mêmes moujahidins.
Le Pakistan a également servi de courtier de transferts des fonds et de l’approvisionnement militaire (fourni à la base par la CIA et l’Arabie Saoudite), favorisant les leaders moujahidins les plus extrêmes comme Gulbuddin Hekmatyar, Ustad Abdul Rabi Rasul Sayyaf (tenu comme étant un des premiers à avoir invité Ossama Ben Laden en Afghanistan) et Mawlawi Mohammad Yunus Khalis.
J’ai régulièrement alerté les représentants des États Unis, du Pakistan et d’Arabie Saoudite, autant que d’autres impliqués dans l’aide aux groupes extrémistes Afghans en leur disant qu’ils feraient mieux de supporter les leaders Moujahidins plus modérés. je les ai alerté sur le fait que les “frankensteins” qu’ils étaient en train de créer viendraient un jour les chasser dans leur propre pays.
Lors d’un meeting avec le président du Pakistan de l’époque (Ghulam Ishaq Khan), il m’a été dit que le Pakistan était intéressé à avoir une “amicale république islamique d’Afghanistan”. j’ai répondu que la politique menée allait au contraire mené l’Afghanistan a devenir un cimetière Islamique, et que les cimetières ne connaissant pas les frontières, il allait s’étendre au Pakistan.
J’ai eu des conversations similaires avec les anciens premiers ministres Benazir Bhutto et Nawaz Sharif. L’Afghanistan est devenu, et continue de devenir le terrain d’entraînement pour tous les groupes extrémistes du monde entier, de l’Algérie aux Philippines.
Il ne peut y avoir aucune solution militaire en Afghanistan. Il est regrettable que durant les années récentes, les États Unis et leur alliés se soient appuyés sur la même stratégie d’échec que celles des Soviétiques en Afghanistan. Durant les récentes discussions tenues à Munich malheureusement, l’accent à plus été mis sur une solution militaire impliquant que l’OTAN augmente ses troupes stationnées et l’engagement armé en Afghanistan.
Pendant que l’Afghanistan pose le “plus grand challenge militaire” aux États Unis, comme l’a récemment affirmé le secrétaire à la défense Robert Gates, il ne faut pas sous estimer le challenge que représente le risque grandissant dans certains cercles au Pakistan, particulièrement dans les cercles militaires , la résistance grandissante aux critiques Américaines sur le gouvernement Pakistanais afin qu’il accentue sa lutte contre le terrorisme. Selon certains rapports, il y a en effet une suspicion grandissante envers l’Amérique et ses intentions, particulièrement depuis l’établissement des relations stratégiques établies entre l’Amérique et l’Inde.
Avec le départ de l’administration Bush, obsédée par la lutte contre “le terrorisme” sans faire aucune distinction entre Islam et terroristes Islamiques, il y peut être un espoir que la nouvelle administration Américaine va modifier sa politique envers l’Afghanistan, en évitant les erreurs commises non seulement en Irak mais également en Afghanistan. La nomination de Richard Holbrooke comme représentant du président Obama en Afghanistan et au Pakistan est bienvenue. Il a l’expérience et le courage de dire les vérités dérangeantes. Les Afghans apprécient les fortes personnalités, ce qu’est Holbrooke.
Répéter la stratégie et la politique Irakienne en Afghanistan n’apporterait pas les mêmes résultats. Les énormes sommes d’argent distribuées aux chefs de tribus Afghans pour qu’ils empêchent l’évasion des Talibans et membres d’Al Qaida n’ont pas servi à grand chose, les mêmes chefs de tribus acceptant des sommes encore plus importantes du camp d’en face pour “aider” ces mêmes membres d’Al Qaida et Talibans à s’évader au Pakistan.
Cela me rappelle le proverbe : “Vous pouvez louer un Afghan, mais vous ne pouvez pas l’acheter“.
Pendant que la sécurité en Afghanistan est impérative – donc il est impératif d’avoir des forces armées – celles ci devraient être utilisées pour supporter l’effort diplomatique et le processus de développement. Si l’actuelle option militaire se développe, l’Afghanistan deviendra l’Irak de la nouvelle administration Américaine.
Il est par conséquent essentiel d’établir un programme coordonné d’assistance humanitaire, fournissant des fonds suffisants dans le domaine social et économique, incluant l’éducation, des projets ou la réforme essentielle des institutions gouvernementales. Il y a un besoin majeur de programme de reconstruction d’infrastructures. Il est essentiel de comprendre et respecter les traditions Afghanes, en y incluant les structures tribales.
Les Afghans doivent complètement participer au développement des programmes concernés et être les maîtres du processus dans son ensemble. Simultanément, des négociations doivent être entamés avec tous les Talibans qui ne sont pas membres d’Al Qaida, et qui sont “prêts” à une réconciliation. Cela est parfaitement soutenu par le président Karzai.
Dans un de mes premiers rapports de kaboul au siège des Nations Unies à New-York, j’ai un jour écrit : “Je vois la lumière, mais pas le tunnel. j’ai bien peur que nous ne devions creuser le tunnel nous mêmes.”
Voila ambassadeur Holbrooke, c’est exactement ce qui doit être fait sans délais. je vous souhaite bonne chance. Il est impératif néanmoins d’impliquer tous les voisins de l’Afghanistan, incluant l’Iran, pour creuser ce tunnel.
Benon Sevan, ancien secrétaire général adjoint aux Nations Unis, a servi comme représentant du secrétaire général des Nations Unis en Afghanistan et au Pakistan (1989-1992).
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