Cet article a été publié originellement sur Ria-Novosti
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Le 28 mars dernier, la Russie commémorait le triste anniversaire des attentats qui ont frappé le métro de Moscou il y a tout juste un an. Alors que les Moscovites se recueillaient dans les stations de métro et déposaient des fleurs à la mémoire des 39 victimes, tout au sud du pays une opération militaire de grande ampleur avait lieu en Ingouchie, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
L’assaut terrestre appuyé par des frappes aériennes, a permis l’élimination de 21 terroristes, liés à l’organisation “Emirat du Caucase“ qui est la principale branche terroriste de la région.
L’Emirat du Caucase a été créé en Octobre 2007 par le Tchétchène Dokou Oumarov, qui a participé aux deux premières guerres de Tchétchénie. L’Emirat du Caucase remplace la république Tchétchène d’Itchkérie, un Etat non officiel qui se voulait indépendant de la Russie, prônait la Charia sur le modèle du Soudan et qui ne fut reconnu que par les Talibans Afghans et le premier gouvernement de la Géorgie indépendante. La déclaration d’indépendance de cette république imaginaire amena à la première guerre de Tchétchénie.
Dokou Oumarov abolit ensuite la République tchétchène d’Itchkérie dont il était président en octobre 2007 et proclama à la place un Émirat du Caucase, dont la Tchétchénie n’était qu’une simple province parmi bien d’autres. Dokou Oumarov a revendiqué les principaux attentats de ces dernières années, que ce soit l’attentat contre le train Nevski-express de novembre 2009 (26 morts et une dizaine de blessés), celui du métro à Moscou de mars 2010 (39 morts et 102 blessés) ou l’attentat de janvier 2011 à l’aéroport Domodedovo (35 morts et 180 blessés).
En février dernier, Oumarov avait prédit une année de sang et de larmes à la Russie, menaçant de faire déclencher des attentats sans répit. Début mars, il avait appelé dans une vidéo à un Djihad total en Russie, s’adressant à tous les musulmans de Russie. Depuis sa création en 2007 l’Emirat du Caucase à mené près de 1.600 attaques en Russie, dont 99% dans le Caucase du nord. Ces attaques ont tué près de 1.400 personnes (dont 300 civils) et blessé près de 1.700 personnes (dont 900 civils). Pour la seule année 2009, 511 attaques terroristes ont eu lieu sur le territoire russe, dont 508 dans le Caucase nord, et 159 en Tchétchénie.
Ces attaques ont causé la mort de 427 personnes (dont 51 civils) et ont blessé 844 personnes (dont 199 civils).
En 2010, la situation ne s’est pas améliorée. L’Emirat du Caucase à directement perpétré 583 attaques, ayant entrainé la mort de 410 personnes (dont 119 civils). Cela représente la moitié des attaques terroristes dans le Caucase pour cette seule année. Ces attaques ont au total coûté la vie à 754 personnes, en blessant 956 autres. La moitié de ces attaques ont eu lieu au Daguestan avec 378 morts. Toujours en 2010, 375 terroristes ont été tués, plus de 600 arrêtés, et 93 attaques prévenues. En 2011 l’activité terroriste reste élevée, par exemple pour la seule semaine du 28 Mars au 3 avril, 38 personnes ont été tuées dans le Caucase du Nord.
L’opération anti-terroriste de mars dernier a semble-t-il visé les dirigeants de l’Emirat du Caucase. De nombreux lieutenants et proches d’Oumarov ont été tués, notamment son médecin mais également son plausible successeur. Les autorités russes ont affirmé qu’il était fort possible que Dokou Oumarov soit parmi les victimes mais ce n’est pas la première fois que sa mort est annoncée après une opération anti terroriste. En 2006 après l’élimination de Chamil Bassaïev, l’élimination d’Oumarov avait été annoncée comme imminente. En 2009, il avait également été tenu pour mort après une opération spéciale des troupes fédérales. Cette fois, son décès n’a pas encore été confirmé, et il faudra sans doute attendre la fin des analyses ADN pour le savoir.
Les conflits dans le Caucase sont généralement présentés par la main stream médiatique comme des guerres pour l’indépendance. Pourtant, les liens entre l’Emirat du Caucase et la nébuleuse Islamiste terroriste internationale sont avérés. Ils datent de la guerre en Afghanistan et des guerres de Tchétchénie. Des groupes qui ont soutenu Chamil Bassaïev dans sa lutte contre Moscou ont, après la chute de Grozny en 2000, ont notamment formé une organisation appelée Jamaat. Ce mouvement terroriste qui a combattu tant en Asie centrale que dans le Caucase est lié directement au chef de guerre saoudien Khattab.
Ce saoudien, qui avait combattu au sein des Moudjahidines en Afghanistan et était devenu proche d’Oussama Ben Laden et d’Al-Qaïda, avait ensuite importé le Djihad dans le Caucase, avant d’être tué en 2002 par les forces spéciales Russes. Ces liens sont avérés depuis longtemps et pourtant, ce n’est que cette année que le conseil de sécurité de l’Onu, via le Comité chargé de la lutte contre Al-Qaïda, a inclu Dokou Oumarov dans sa liste des terroristes internationaux les plus dangereux. L’adoption de cette résolution est un progrès important, car jusqu’au début de l’année, les autorités américaines bloquaient son adoption, en affirmant que: “Le lien entre Al-Qaïda et le groupe terroriste d’Oumarov n’était pas suffisamment démontré dans la requête russe“. Les russes ont souvent mal compris la relative tolérance occidentale envers ces anciens chefs de guerre. C’est le cas par exemple pour Akhmed Zakaïev, ancien ministre de la “République Tchétchène d’Itchkérie“ et ancien commandant militaire du mouvement indépendantiste Tchétchène. Celui-ci depuis les années 2000 bénéficie d’un confortable asile politique au sein de l’UE.
La guerre dans le Caucase a changé de forme et les autonomies relativement importantes dont bénéficient maintenant les entités politiques locales, par rapport au pouvoir fédéral ne justifient sans doute plus les guerres pour une autonomie déjà acquise. Aujourd’hui la région est menacée par une métastase terroriste radicale, à laquelle le pouvoir fédéral Russe et les autorités locales répondent avec le maximum d’énergie. L’affirmation forte de l’autorité centrale de l’état dans le Caucase nord doit bien sur accompagner un développement humain et économique important, mais rien ne sera sans doute possible tant que la situation ne sera pas réellement stabilisée.
La méthode de stabilisation russe pour paraitre excessivement énergique pour des observateurs français, pourtant elle est sans doute la seule alternative d’affirmation de l’autorité de l’Etat dans le Caucase nord. La fédération de Russie ne souhaite pas que se développent sur son territoire des foyers de terrorisme. Il en va tant de l’intérêt de la Russie et de ses citoyens bien sur, mais également de la stabilité de la région toute entière.
La presse occidentale a souvent critiqué la Russie pour son “recours démesuré“ à la force brutale dans le maintien de l’ordre pendant les conflits du Caucase. Pourtant deux guerres interminables, en Afghanistan et en Irak, ont commencé sous la forme d’opérations de représailles anti terroristes après l’attentat du 11 septembre. Mais la comparaison doit s’arrêter là: pour la Russie, il s’agit de maintenir son intégrité territoriale et sa sécurité nationale.