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La francophonie en Russie

Cet article a été publié originalement sur Ria-Novosti
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Le 20 mars dernier, c’était la journée de la francophonie dans le monde. La francophonie c’est quelque chose. Pensez donc: près de 65 millions de Français, et on estime aujourd’hui le nombre de locuteurs réels du français dans l’ensemble des pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie à près de 250 millions.
Dans le  Québec canadien, en Suisse Romande, à Monaco, en Wallonie belge, le français est la langue maternelle de la population. Dans les pays du Maghreb, c’est la seconde langue utilisée, et dans de nombreuses ex-colonies françaises d’Afrique sub-saharienne, le français est resté la langue officielle et administrative. En 2010, la langue française est la 8ème langue la plus répandue dans le monde par nombre de locuteurs, et c’est une des six langues de travail  de l’ONU avec le mandarin, l’espagnol, l’arabe, l’anglais et le russe.
La langue française, jusqu’au 20ème siècle, a bénéficié d’une aura exceptionnelle à l’étranger et notamment en Russie. Dès la fin du 18ème siècle, sous l’influence d’Elizabeth 1ère, le français s’impose progressivement comme langue des courtisans. Pour la haute société de Saint-Pétersbourg, parler français était même devenu parfois plus naturel que parler russe. Cette prédominance de la langue française est par ailleurs présente dans toute l’Europe des lumières, puisque l’élite intellectuelle de nombreux pays (monarques, diplomates, femmes du monde, écrivains) s’exprimait généralement en français.

 

Malgré de nombreuses interdictions liées au rejet de la révolution française, l’empereur russe Paul Ier communiquait lui-même presque exclusivement en français. Au début du 19ième siècle, la langue française était encore très répandue dans la noblesse russe. Pouchkine, par exemple, parlait mieux français que russe, ce qui lui valu le surnom de Француз (“Le Français“).
Autre exemple: dans Guerre et Paix, le célèbre roman  de Léon Tolstoï, l’un des personnages affirme que “même étant né en Russie, il pense en français“, car cette langue représente pour lui “la manière de parler mais aussi celle de penser“. Dans le courant de ce siècle, certains grands écrivains russes créaient leurs œuvres dans les deux langues, russe et français, puisque qu’ils parlaient français en famille, dès leur plus tendre enfance.

 

Jusqu’au début du 20ème siècle, le français était également la langue des diplomates. En 1905, le traité de paix russo-japonais fut, par exemple, rédigé en français. Pourtant, le 20ème siècle marqua le début du déclin de la langue française, déclin que les pessimistes affirment irréversible, en corrélation directe avec l’importance prise par la langue anglaise surtout depuis 1945. Malgré cela, l’attachement traditionnel et formel au français s’est prolongé durant le 20ème siècle en Russie, ou parler français était toujours la marque d’une éducation de bon niveau et aussi d’appartenance à une certaine élite.

 

Pour cette raison, de nombreuses familles soviétiques aimaient que leurs enfants parlent le français. Depuis la fin de l’Union Soviétique, la langue française n’a pas disparu en Russie, mais son influence s’est réduite. Elle est supplantée par l’anglais et l’allemand  jugés plus utiles pour travailler. Au début des années 1990, selon les données du ministère russe de l’Education, 55% des écoliers apprenaient l’anglais, 34,9% l’allemand et 8% seulement le français, contre 20% dans les années 1960.

 

Autres chiffres, selon l’ambassade de France, qui bénéficie des données communiquées par le ministère fédéral de l’Education et de la science, il y avait en 2009 en Russie 410.000 personnes apprenant le français dans l’enseignement primaire et secondaire et 344.000 dans le supérieur, ainsi que 6.250 enseignants de français dans le primaire/secondaire, et 5.750 dans le supérieur. Ce déclin de l’apprentissage de la langue française touche malheureusement la Russie comme le reste du monde, sauf l’Afrique qui est en très forte expansion démographique.

 

Parallèlement, il y a aussi un recul de l’enseignement de la langue russe en France. Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, confirmait cette baisse l’année dernière, durant l’année France-Russie. En 2008, 14.000 élèves apprenaient le russe en France dont 48% en 3ème langue, et 29% en 2ème langue. Il faut noter qu’en 20 ans, le nombre de ces élèves a diminué de 50%.  L’effectif des enseignants baisse aussi et sur les 85 universités françaises, seules 22 proposent l’enseignement du russe, contre 25 en2005, par exemple. Il y a environ 260 professeurs certifiés ou agrégés qui enseignent le russe aujourd’hui dans le secondaire français contre 487 en 1989.

 

Cette baisse de l’intérêt pour la langue russe en France s’explique sans doute en partie par l’image négative véhiculée par les médias depuis une douzaine d’années. Il faut pourtant rappeler que les perspectives économiques sont très encourageantes dans la zone russophone d’Eurasie, ce qui devrait inciter les Français à apprendre le russe mais également les Russes à apprendre le français. De nombreuses entreprises françaises, grandes et petites, sont en cours d’implantation en Russie et dans la zone russophone, mais il reste encore difficile de trouver, dans de nombreux domaines de l’activité économique, des spécialistes russes francophones ou des spécialistes français russophones.

 

Pour terminer sur une note positive, saluons ceux qui font vivre la langue de Molière jusqu’au bout de l’Eurasie. C’est le cas de la principale agence d’information multimédia russe, RIA Novosti qui dispose d’une version en langue française de son site internet et ce depuis 2000! L’agence s’adresse également depuis cette année en langue française aux lecteurs francophones sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter avec toujours la même logique: permettre de mieux comprendre la Russie d’aujourd’hui. Il est même désormais possible de discuter en direct avec les journalistes/traducteurs sur Facebook.

 

A une plus humble échelle, citons également le travail d’Olga, enseignante de français à l’Université pédagogique de Blagovechtchensk et également responsable du Centre de ressources en français. Depuis 2005, elle fait vivre avec son équipe la langue et la culture française en extrême orient russe, via un journal en français intitulé: “salut ca va“ ainsi que via “le blog des francais de l’amour“. Comme Olga le dit elle-même: “L’échange interculturel ne fait que renforcer l’intercompréhension de nos deux peuples et aide à mieux se comprendre. Le dialogue entre nos deux cultures apporte l’unique richesse qui compte, celle de l’esprit“.
Une belle initiative, à soutenir et sans nul doute, à reproduire.

Comment BHL a poussé la France à s’engager dans le conflit libyen

J’invite mes lecteurs à lire avec soin et à diffuser le plus possible ce texte de Dmitry Babitch publié sur Ria-Novosti, c’est un joyau!

L’homme qui pratiquement à lui seul a réussi à convaincre le président français Nicolas Sarkozy de reconnaître le gouvernement “alternatif” de la Libye, exhortait à la fin des années 1990 l’Occident à reconnaître le “président” tchétchène Aslan Maskhadov et son “premier ministre” Chamil Bassaïev. Après les événements de Tskhinvali (conflit russo-géorgien d’août 2008, ndlr), il qualifiait également Mikhaïl Saakachvili d'”homme le plus hostile à la guerre” qu’on puisse jamais rencontrer. Tous ces faits invitent à se poser la question suivante: sur quelles informations et en provenance de quelles sources l’opération militaire internationale en Libye se base-t-elle?
Le nom de cet homme, de l’informateur de Sarkozy, est Bernard-Henri Lévy, BHL pour les intimes. Il signe ses articles, comme son ami et collègue André Glucksmann, “Bernard-Henri Lévy, le philosophe.”
BHL est millionnaire, et il a accordé un entretien aux journalistes du magazine allemand Spiegel dans sa résidence permanente de l’hôtel parisien Raphaël en présence d’un valet. Ses jugements sont comme toujours péremptoires et sans appel: “Vous avez un mauvais ministre des affaires étrangères et il vous faut s’en débarrasser…

Et l’Allemagne aura beaucoup de mal à satisfaire son ambition légitime d’avoir un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU”.

On pourrait croire entendre le seigneur de l’Univers, et non pas un modeste “activiste de la diplomatie populaire qui n’a aucun pouvoir, à l’exception de celui que lui donne la conscience” (c’est ainsi que BHL s’est modestement décrit lors d’une conférence en ligne avec les lecteurs du quotidien Le Monde). Mais le problème est précisément dû au fait que l’influence de BHL sur la politique mondiale au cours des dernières semaines a été plus importante que celle des 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis.
En se rendant début mars à Benghazi, Lévy appelle Sarkozy et propose au président de la république de rencontrer personnellement les dirigeants du Conseil national de transition (CNT) qui luttent contre Kadhafi. Sarkozy donne immédiatement le feu vert à la visite de ces messieurs accompagnés par Lévy à Paris, sans même prendre la peine de prévenir son propre ministre des Affaires étrangères Alain Juppé.

Le 10 mars, Sarkozy annonce personnellement la reconnaissance du CNT par la France en tant que gouvernement légitime de la Libye. Juppé a été pris au dépourvu par cette décision.

“C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’une décision majeure de politique étrangère est annoncée par… des personnalités étrangères !”, s’étrangle  dans Le Monde un diplomate français qui a souhaité garder l’anonymat.
Le fait est que les diplomates français sont arrivés en Libye quelques jours après Lévy. Et les Libyens ont expliqué aux diplomates qu’une personnalité bien plus importante qu’eux, “l’homme du président”, était déjà venu et qu’il avait accompagné les dirigeants des rebelles à Paris.
“Tu mesures que leur arrive,  c’est un acte politique majeur ? “, lui demande Bernard-Henri Lévy.

Ces phrases de Lévy ont accompagné la discussion avec Sarkozy et ont beaucoup impressionné les Libyens. Seul un philosophe du calibre de Lévy ou de Glucksmann peut se permettre de tutoyer le président français.

“J’ai seulement proposé au président d’accueillir les représentants de la Libye libre”, dit modestement Lévy aujourd’hui, depuis que sa “proposition” a provoqué un nouveau cycle de guerre civile en Libye avec l’implication des puissances européennes.

Rappelons que de la même manière en 1999, après l’attaque contre le Daguestan par Chamil Bassaïev, Lévy avait recommandé à l’Occident de reconnaître l’autorité de Maskhadov en Tchétchénie.

Le reconnaître afin de contrarier le régime russe “stalino-hitlérien” (sa propre expression!). Il ne reste plus qu’à regretter qu’à l’époque les Français n’aient pas apprécié à sa juste valeur la proposition de Lévy et ne l’aient pas envoyé de l’hôtel Raphaël dans un établissement plus adapté pour des auteurs d’idées de ce genre.

Probablement, Alain Juppé, qui a rencontré le philosophe hyperactif pendant son premier mandat à la tête du ministère des Affaires étrangères en 1993-1995, aurait même accepté de l’accompagner.

A l’époque, après s’être rendu à Sarajevo, Lévy exigeait des pays de l’OTAN qu’ils bombardent sans attendre les positions serbes en sabotant ainsi les actions des diplomates français et allemands, qualifiées à l’époque de “plan Kinkel-Juppé”, qui cherchaient un règlement politique du conflit.

En regardant les images de l’opposition libyenne à la télévision et en voyant ces “cavaliers” du XXIe siècle avec des mitrailleuses sur des pick-up japonais, d’autres protégés de Lévy viennent à l’esprit.

Les combattants tchétchènes, les moujahids afghans (la mention du nom de Massoud dans l’appel téléphonique de Benghazi n’est pas un hasard), les miliciens bosniaques d’Alija Izetbegovic. Et le tout dernier: Mikhaïl Saakachvili. Voici ce qu’a écrit Lévy à son sujet le 20 août 2008 dans Le Monde: “Il est francophile et francophone. Féru de philosophie. Démocrate. Européen. Libéral au double sens, américain et européen, du mot. De tous les grands résistants que j’aurai rencontrés dans ma vie, de tous les Massoud ou Izetbegovic dont il m’a été donné de prendre la défense, il est le plus évidemment étranger à l’univers de la guerre, à ses rites, ses emblèmes, sa culture – mais il fait face.”

Personnellement, les emblèmes de la guerre sont probablement étrangers à BHL, mais il ne dédaigne pas de déclencher des guerres.

L’algorithme est toujours le même: il faut d’abord trouver un conflit, suivi de “l’hystérie pour la défense des droits de l’homme”, puis un règlement militaire (et seulement militaire, jusqu’à l’anéantissement total de l’ennemi!).

“Allez fouiller dans mon inconscient!”, a lancé avec mépris Lévy aux lecteurs du Monde, lorsqu’ils ont osé supposer que l’amour pour les combattants était proche des complexes étudiés par Freud. Ou peut-être les Etats-Unis, l’Union européenne et surtout la France devraient fouiller dans leur propre subconscient: pourquoi de telles personnes forgent-elle l’opinion publique et sont-elles considérées comme la “conscience de l’Europe”? Et cela vaut-il la peine de les écouter? Ainsi que les interlocuteurs recommandés par messieurs Lévy et Glucksmann en Russie, au Kosovo, en Libye…

Vers un redémarrage russo-japonais ?

Cet article a été publié originalement sur Ria-Novosti

 

Le 11 mars dernier, un violent séisme suivi d’un tsunami ont frappé le Japon, faisant à ce jour  plus de 20.000 victimes et disparus et près de 360.000 déplacés. La centrale nucléaire de Fukushima, située à seulement 250 km de Tokyo, est depuis victime d’une série d’incidents techniques graves, faisant craindre une contamination radioactive dans l’archipel nippon, mais également un accident nucléaire pouvant avoir des conséquences régionales. Ces évènements au Japon ont réveillé des souvenirs tragiques pour les Russes mais aussi pour tous les habitants de l’ex Union Soviétique.

 

Le 26 avril 1986, à la frontière entre l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie, près de la petite ville de Tchernobyl, un accident à la centrale nucléaire Lénine déclencha la catastrophe nucléaire la plus grave de l’histoire. Les conséquences de cet accident se font encore sentir 25 ans après, puisque les experts de l’OCDE affirment que les populations de Biélorussie, d’Ukraine et de Russie en ressentent encore dans une certaine mesure les conséquences sanitaires. D’ailleurs, lors des terribles incendies de forêts qui ont frappé la Russie l’été dernier, des craintes d’évaporation dans l’atmosphère de particules radioactives déposées dans le sol russe (que ce soit dans la région de Briansk ou de Mayak) ont ressurgis, réveillant des souvenirs douloureux.

 

La question du nucléaire est donc de nouveau au premier plan et de nombreux pays ont remis sur la table la question de savoir s’il fallait ou non mettre un coup d’arrêt au développement des centrales. Les 27 pays de l’Union Européenne par exemple tirent 31% de leur électricité et 15% de leur énergie primaire du nucléaire. L’Allemagne est bien sur en tête de ce mouvement anti-nucléaire, le pays ayant une tradition écologiste assez prononcée. Mais les autres pays de l’UE comprennent également des partis écologistes, traditionnellement opposés au nucléaire et dont l’importance politique n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Cette question pourrait donc devenir un des points essentiels des futures échéances électorales, notamment au sein de pays fortement dépendants du nucléaire comme la France par exemple. Pour autant ce sentiment anti-nucléaire ne semble pas partagé partout, notamment en Asie, en Europe de l’est au Moyen Orient. A tel point que le nombre de centrales nucléaires dans le monde devrait doubler dans les 14 prochaines années selon l’association mondiale du nucléaire.

Les pays gourmands en nucléaire ne sont pas seulement les grands pays émergents comme la Chine ou l’inde qui devraient théoriquement doubler le nombre de leurs centrales d’ici 2030. La Turquie mais également la Biélorussie ont récemment, et malgré l’accident au Japon, réaffirmé leur souhait de construire leurs premières centrales nucléaires, avec l’appui de la Russie, comme cela a été le cas pour l’Iran et la centrale de Bouchehr. La Russie qui compte 32 réacteurs opérationnels sur son territoire à une grosse expérience de participation à la construction de centrales partout sur la planète. C’est aussi l’un des pays les plus nucléaires de la planète, derrière les Etats-Unis (104 réacteurs), la France (58 réacteurs) et le Japon (54 réacteurs). Ces réacteurs russes assurent 18% de sa production électrique nationale mais la part du nucléaire devrait attendre 35% d’ici 2030. Le président russe a récemment réaffirmé son soutien au développement du nucléaire lors d’une rencontre avec le premier ministre turc sur le projet de collaboration pour la construction du premier réacteur turc par la Russie. Selon le président russe: “l’énergie nucléaire n’est pas dangereuse si les centrales sont construites au bon endroit et convenablement surveillées”.

 

Le terrible accident japonais survient en outre dans un contexte très tendu entre la Russie et le Japon, puisque la question des îles Kouriles empoisonne la relation entre les deux pays depuis plus d’un demi-siècle. Le Japon revendique quatre îles rattachées après la guerre à l’Union soviétique, puis transmises à la Russie en tant que successeur en droit de l’URSS. Au début de cette année 2011 une visite du président Russe dans les îles Kouriles avait déclenché un incident diplomatique et la colère des Japonais. Le 7 février, des militants japonais d’extrême-droite ont manifesté devant l’ambassade Russe à Tokyo, traînant par terre un drapeau russe déchiré et couvert d’inscriptions. La justice Japonaise refusera d’organiser une enquête sur cet outrage au drapeau ni d’en poursuivre les responsables. Malgré cela, la Russie a rapidement et très généreusement réagi à la tragédie japonaise, et immédiatement proposé l’envoi d’une aide très conséquente. Dès le 13 mars, un Il-76 du ministère russe des Situations d’urgence a emmené 50 sauveteurs, ainsi que trois véhicules spéciaux et près de 17 tonnes de fret humanitaire. Le 15 mars, un second groupe de 25 sauveteurs russes à rejoint la première équipe, accompagné de quatre voitures de sauvetage, de matériel de recherche et d’instruments hydrauliques, de modules, de groupes électrogènes, de denrées, d’eau mais également de médicaments.
Les sauveteurs russes opèrent dans la région de Sendai, la zone la plus touchée par le séisme. Enfin, le 19 mars, deux Il-76 transportant près de 40 tonnes de chargement humanitaire se sont envolés de Khabarovsk et Blagovechtchensk, en Extrême-Orient. A cette aide humaine et matérielle s’ajoute une aide énergétique, puisque la Russie devrait livrer rapidement du gaz naturel liquéfié, et augmenter ses livraisons de charbon. La Russie, qui a en extrême orient des surcapacités énergétiques, a aussi proposé au japon la fourniture rapide de 6.000 mégawatts d’électricité supplémentaire. La Russie vient aussi d’annoncer qu’elle était prête à accueillir des victimes du séisme mais aussi et à proposer des emplois aux ressortissants du japon en Extrême-Orient russe. Enfin, elle a proposé que des sociétés japonaises participent  à l’exploitation de gisements de gaz en Sibérie tout en espérant considérablement augmenter en 2011 les livraisons d’hydrocarbures au Japon.

 

La centrale de Fukushima ne devrait plus être utilisée semble affirmer le gouvernement Japonais. Une solution à la Tchernobyl est même envisagée, c’est-à-dire la constitution d’un sarcophage pour envelopper la centrale et tenter d’en limiter les émanations toxiques. Les graves accidents nucléaires ont toujours permis d’apprendre et de développer des méthodes de sécurité toujours supérieures. L’accident de Tchernobyl a par exemple mis en évidence la nécessité des enceintes de confinement, qui ont fait leur preuve lors d’un autre grave accident nucléaire survenu en 1979 aux Etats-Unis, celui de three miles island. De son malheur, le Japon va sans doute tirer des leçons qui bénéficieront au monde entier. L’économie japonaise ne devrait pas connaitre trop de difficultés à se relever et surmonter cette tragique épreuve. Exsangue après le second conflit mondial, l’empire du soleil levant est devenu en 30 ans la seconde puissance économique de la planète. Suite aux évènements récents, on ne peut donc que souhaiter que s’opère un réel reset des relations avec la Russie afin de purger toutes les tensions inutiles, et rendre possible une réelle coopération régionale, garante de l’émergence d’un monde multipolaire stable.

Les enjeux de la bataille pour Tripoli

Cet article a été publié originalement sur Ria-Novosti

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Le directeur de l’Institut du Proche-Orient, Evgueny Satanovsky à donné récemment une interview extrêmement intéressante sur la position que la Russie devrait selon lui adopter face aux révolutions dans le monde Arabo-musulman. Cette interview mérite une place dans le panthéon du multilatéralisme et du non-interventionnisme.
 

 

Selon lui, ces mutations dont on ne peut pour l’instant réellement prédire l’évolution pourraient également s’étendre aux pays d’Afrique noire (car ceux-ci sont victimes des même maux et que leurs frontières issues de la décolonisation sont fragiles) mais également à certains pays d’Asie comme par exemple le Pakistan, par ailleurs doté de l’arme nucléaire. 

 

Cette potentielle agitation pourrait donc entraîner une modification des frontières mais aussi des grands équilibres internationaux. La Russie, poursuit Evgueny Satanovsky devrait “s’abstenir d’intervenir et conserver son énergie et son argent sur son développement intérieur, et ne pas du tout rentrer dans une logique néo-soviétique d’investissement à perte”. Il affirme que “la Russie devrait probablement imiter la Chine qui construit des routes et des chemins de fer sur son territoire et qui ne va au Proche-Orient et en Afrique qu’à la recherche des matières premières”. Enfin rappelle t-il “beaucoup de régions russes en Sibérie et en Extrême-Orient ont un niveau de vie inférieur aux pays que la Russie pourrait être tentée d’aider”. 

 

Ces révolutions qui se déclenchent ci et là ne sont réellement pas toute de mêmes natures même si on peut leur trouver des points communs, le premier étant d’appartenir à ce grand moyen orient que l’administration Américaine en 2003 s’était juré de remodeler et transformer en une zone libre, comprenne qui pourra. Certes la plupart des pays concernés ont en général une situation interne propice à des explosions sociales mais on peut se poser la question de savoir comment interpréter l’offensive diplomatique et médiatique anti-Khadafi en faveur de rebelles, en partie Islamistes, mais qui ont déjà les faveurs de Nicolas Sarkozy, de Bernard Henri Lévy et de quasiment toute la communauté internationale. Bien sur le colonel Khadafi est loin d’être un grand démocrate et la Libye loin d’être une social-démocratie à l’Européenne, mais la Lybie n’a jamais adhéré à l’Islamisme radical global. 

 

La révolution socialiste y a abouti à la constitution d’un régime qui n’est finalement pas le moins démocratique ni le plus pauvre de la région, et ce malgré 10 ans d’embargo, et un leader ennemi public de la communauté internationale. En 40 ans, la population libyenne à été multipliée par quatre, une classe moyenne éduquée à vu le jour, le taux d’analphabètes était en 2006 de 8% pour les hommes (contre 36% au Maroc et 16% en Tunisie) et 29% pour les femmes (contre 50% au Maroc et 36% en Tunisie). Enfin les droits des femmes y sont mieux défendus que dans nombre d’autres pays musulmans puisque elles sont actuellement majoritaires dans l’enseignement supérieur. Une leçon aux Ben-Ali et autres Moubarak, amis de la communauté internationale, de l’Occident et du FMI, mais incapables d’instaurer le moindre embryon de justice sociale et financière au sein de leurs sociétés.

 

J’ai brièvement expliqué dans ma précédente tribune le risque quasiment nul qu’une révolution à l’Egyptienne puisse survenir en Russie. Pour autant, la Russie reste très attentive aux derniers évènements, notamment en Libye. Les conséquences que la chute du régime Libyen, souhaitée hâtivement par les Occidentaux, France en tête, auraient par ricochet sur la Russie sont en effet assez importantes. Bien sur depuis le début des évènements dans le monde arabe la Russie profite de la hausse du prix du pétrole qui lui permet de réduire fortement son déficit budgétaire mais également de consolider ses réserves financières. En outre, et peut être surtout, la Russie apparaît désormais (et il était temps) à l’Union Européenne comme un fournisseur stable et apte à compenser le manque libyen. 

 

L’analyste Dmitri Babitch à même souligné que la crise Libyenne était d’ailleurs devenue le catalyseur des bonnes relations Russie/UE. Néanmoins cette dépendance confortable et accrue envers l’or noir ne va pas dans le sens voulu par les autorités russes. La Russie souhaite en effet réorganiser et renforcer son industrie et ne souhaite pas s’installer seulement dans la rente pétrolière. Rappelons-nous également que la dernière flambée excessive des prix du pétrole en aout 2008 avait mené (plus ou moins directement) à l’implosion financière mondiale qui a fait tant de mal à l’économie russe. Enfin, les pertes économiques qui pourraient résulter d’un remplacement de Kadhafi ou d’une dislocation à la Yougoslave de la Libye pourraient faire perdre à la Russie des milliardsde dollars, que l’on pense aux contrats en cours de vente d’armes, d’extraction de pétrole, de constructions d’installations énergétiques ou hydrotechniques, ou de l’immense projet par les chemins de fers russe de construction d’un réseau ferré à travers tout le pays. 

 

Les évènements en Libye restent donc aujourd’hui l’équation la plus incertaine pour la Russie. Ce qui justifie les positions neutres et non interventionnistes russes, cherchant sans doute un statu-quo. C’est peut être pour cette raison que Khadafi, après avoir joué la carte du Panarabisme, du Panafricanisme, puis la carte d’un rapprochement désordonné avec l’Occident, vient de sortir un  joker BRIC en appelant  très récemment la Russie, la Chine et l’Inde à investir en Libye. Il est également possible que si les contestations venaient à se généraliser et s’étendre, le Caucase, voir l’Asie centrale pourraient être touchés par ces “agitations non violentes”. Pas plus tard que avant-hier, l’Azerbaïdjan a par exemple connu sa première manifestation Facebook. 

 

Bien sur il est possible que ces révolutions entraînent également la chute de régimes plutôt hostiles à la Russie comme en Géorgie, mais pour autant l’instabilité de son étranger proche n’a jamais contribué à sa sérénité intérieure, surtout à la veille d’élections. Evgueny Satanovsky pense lui que “la boite de Pandore est ouverte, et qu’on verra ce qui va en sortir”. Une chose est certaine, la Libye pourrait marquer un coup d’arrêt à ces mouvements de protestations si Khadafi arrivait à restaurer l’ordre et écraser la rébellion, ou les accélérer dans le cas contraire.

La disparition des “dictateurs” a déclenché un courant d’enthousiasme dans de nombreux pays occidentaux, qui comprennent mal l’attitude prudente de la Russie. Il suffit pourtant de regarder le prix de l’essence à la pompe pour comprendre ce qui se passe. Si d’autres producteurs de pétrole sont déstabilisés, notamment dans le golfe arabo-persique, c’est la faible croissance économique des USA et de l’Europe occidentale qui sera menacée en premier.

Les enjeux de la bataille pour Tripoli

Cet article a été publié à l’origine sur Ria-Novosti
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Le directeur de l’Institut du Proche-Orient, Evgueny Satanovsky à donné récemmentune interview extrêmement intéressante sur la position que la Russie devrait selon lui adopter face aux révolutions dans le monde arabo-musulman. Cette interview mérite une place dans le panthéon du multilatéralisme et du non-interventionnisme. 

 

 
Selon lui, ces mutations dont on ne peut pour l’instant réellement prédire l’évolution pourraient également s’étendre aux pays d’Afrique noire (car ceux-ci sont victimes des même maux et que leurs frontières issues de la décolonisation sont fragiles) mais également à certains pays d’Asie comme par exemple le Pakistan, par ailleurs doté de l’arme nucléaire. 
 

 

Cette potentielle agitation pourrait donc entrainer une modification des frontières mais aussi des grands équilibres internationaux. La Russie, poursuit Evgueny Satanovsky devrait “s’abstenir d’intervenir et conserver son énergie et son argent sur son développement intérieur, et ne pas du tout rentrer dans une logique néo-soviétique d’investissement à perte”. Il affirme que “la Russie devrait probablement imiter la Chine qui construit des routes et des chemins de fer sur son territoire et qui ne va au Proche-Orient et en Afrique qu’à la recherche des matières premières”. Enfin rappelle t-il “beaucoup de régions russes en Sibérie et en Extrême-Orient ont un niveau de vie inférieur aux pays que la Russie pourrait être tentée d’aider”. 
 

 

Ces révolutions qui se déclenchent ci et là ne sont réellement pas toute de mêmes natures même si on peut leur trouver des points communs, le premier étant d’appartenir à cegrand moyen orient que l’administration Américaine en 2003 s’était juré de remodeler et transformer en une zone libre, comprenne qui pourra. Certes la plupart des pays concernés ont en général une situation interne propice à des explosions sociales mais on peut se poser la question de savoir comment interpréter l’offensive diplomatique et médiatique anti-Kadhafi en faveur de rebelles, en partie Islamistes, mais qui ont déjà les faveurs de Nicolas Sarkozy, de Bernard Henri Lévy et de quasiment toute la communauté internationale. Bien sur le colonel Kadhafi est loin d’être un grand démocrate et la Lybie loin d’être une social-démocratie à l’Européenne, mais la Libye n’a jamais adhéré à l’Islamisme radical global. 

 

 
La révolution socialiste y a abouti à la constitution d’un régime qui n’est finalement pas le moins démocratique ni le plus pauvre de la région, et ce malgré 10 ans d’embargo, et un leader ennemi public de la communauté internationale. En 40 ans, la population libyenne à été multipliée par quatre, une classe moyenne éduquée à vu le jour, le taux d’analphabètes était en 2006 de 8% pour les hommes (contre 36% au Maroc et 16% en Tunisie) et 29% pour les femmes (contre 50% au Maroc et 36% en Tunisie). Enfin les droits des femmes y sont mieux défendus que dans nombre d’autres pays musulmans puisque elles sont actuellement majoritaires dans l’enseignement supérieur. Une leçon aux Ben-Ali et autres Moubarak, amis de la communauté internationale, de l’Occident et du FMI, mais incapables d’instaurer le moindre embryon de justice sociale et financière au sein de leurs sociétés. 

 

 
J’ai brièvement expliqué dans ma précédente tribune le risque quasiment nul qu’une révolution à l’Egyptienne puisse survenir en Russie. Pour autant, la Russie reste très attentive aux derniers évènements, notamment en Libye. Les conséquences que la chute du régime Libyen, souhaitée hâtivement par les Occidentaux, France en tête, auraient par ricochet sur la Russie sont en effet assez importantes. Bien sur depuis le début des évènements dans le monde arabe la Russie profite de la hausse du prix du pétrole qui lui permet de réduire fortement son déficit budgétaire mais également de consolider ses réserves financières. En outre, et peut être surtout, la Russie apparait désormais (et il était temps) à l’Union européenne comme un fournisseur stable et apte à compenser le manque libyen. 

 

 
L’analyste Dmitri Babitch à même souligné que la crise libyenne était d’ailleurs devenue le catalyseur des bonnes relations Russie/UE. Néanmoins cette dépendance confortable et accrue envers l’or noir ne va pas dans le sens voulu par les autorités russes. La Russie souhaite en effet réorganiser et renforcer son industrie et ne souhaite pas s’installer seulement dans la rente pétrolière. Rappelons-nous également que la dernière flambée excessive des prix du pétrole en aout 2008 avait mené (plus ou moins directement) à l’implosion financière mondiale qui a fait tant de mal à l’économie russe. Enfin, les pertes économiques qui pourraient résulter d’un remplacement de Kadhafi ou d’une dislocation à la Yougoslave de la Libye pourraient faire perdre à la Russie des milliardsde dollars, que l’on pense aux contrats en cours de vente d’armes, d’extraction de pétrole, de constructions d’installations énergétiques ou hydrotechniques, ou de l’immense projet par les chemins de fers russe de construction d’un réseau ferré à travers tout le pays. 
 

 

Les évènements en Libye restent donc aujourd’hui l’équation la plus incertaine pour la Russie. Ce qui justifie les positions neutres et non interventionnistes russes, cherchant sans doute un statuquo. C’est peut être pour cette raison que Kadhafi, après avoir joué la carte du Panarabisme, du Panafricanisme, puis la carte d’un rapprochement désordonné avec l’Occident, vient de sortir un  joker BRIC en appelant  très récemment la Russie, la Chine et l’Inde à investir en Libye. Il est également possible que si les contestations venaient à se généraliser et s’étendre, le Caucase, voir l’Asie centrale pourraient être touchés par ces “agitations non violentes”. Pas plus tard que avant-hier, l’Azerbaïdjan a par exemple connu sa première manifestation Facebook. 

 

 
Bien sur il est possible que ces révolutions entrainent également la chute de régimes plutôt hostiles à la Russie comme en Géorgie, mais pour autant l’instabilité de son étranger proche n’a jamais contribué à sa sérénité intérieure, surtout à la veille d’élections. Evgueny Satanovsky pense lui que “la boite de Pandore est ouverte, et qu’on verra ce qui va en sortir”. Une chose est certaine, la Libye pourrait marquer un coup d’arrêt à ces mouvements de protestations si Kadhafi arrivait à restaurer l’ordre et écraser la rébellion, ou les accélérer dans le cas contraire.

 

La disparition des “dictateurs” a déclenché un courant d’enthousiasme dans de nombreux pays occidentaux, qui comprennent mal l’attitude prudente de la Russie. Il suffit pourtant de regarder le prix de l’essence à la pompe pour comprendre ce qui se passe. Si d’autres producteurs de pétrole sont déstabilisés, notamment dans le golfe arabo-persique, c’est la faible croissance économique des USA et de l’Europe occidentale qui sera menacée en premier.

Le rôle de la Russie dans la journée de la femme

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Cet article a été publié originalement sur Ria-Novosti
  
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J’ai déjà évoqué lors d’une précédente tribune l’émancipation des femmes en Russie, l’importance de leur rôle actuel dans tous les domaines de la société  et même dans l’armée. Arriver à l’égalité de droits civiques entre hommes et femmes, ne pas tomber dans l’opposition entre revendications féministes et féminité, obtenir un statut solide pour les mères de famille pose encore beaucoup de problèmes dans de nombreux pays.
Dans ces domaines, la société russe a pris de l’avance depuis presque un siècle. Aujourd’hui dans de nombreux pays, les droits civiques des femmes sont encore presque inexistants, et dans d’autres pays un peu moins archaïques, les mouvements féministes qui luttent pour l’égalité des droits entre femmes et hommes rencontrent encore de grandes difficultés. Hier mardi 8 mars c’était la journée de la femme en Russie comme dans de nombreux autres pays du monde. C’est l’occasion de revenir aux sources.

Pour la sociologue française Françoise Picq, le mouvement d’émancipation des femmes en Europe trouve son origine dans la lutte des classes, et dans une volonté de contrecarrer l’influence du  féminisme petit bourgeois sur les femmes du peuple. Pour cette raison sans doute, le concept d’une journée de la femme est né en 1910 à Copenhague, lors de la deuxième conférence de l’Internationale socialiste des femmes. L’idée d’une telle journée est adoptée, sur une proposition de Clara Zetkin, représentante du Parti socialiste Allemand.
Cette idée s’inscrivait alors dans une perspective socialiste, internationaliste et révolutionnaire. En Russie, dès 1913, les femmes russes ont commencé à célébrer leur première Journée internationale de l’ouvrière et ce en organisant par exemple des rassemblements clandestins. C’est seulement quatre ans plus tard, le 8 mars 1917 (selon le calendrier Julien qui n’était pas encore en vigueur) que commence en Russie la contestation sociale à laquelle les femmes participeront activement. A Saint-Pétersbourg (Petrograd à l’époque) elles manifesteront aux cris de: “du pain, de la chaleur“, traduisant leur souhait de voir leurs maris revenir du front mais aussi leur contestation face à la misère et à la hausse du prix du pain. Ces émeutes de la faim sont une étape importante de la révolution bolchevique et contribueront à l’écroulement du régime impérial russe, en moins d’une semaine.

Dès 1919, le statut de la femme soviétique sera matérialisé dans un “Code de la famille“ qui  prône l’émancipation des femmes par le “travail et la maternité“ et qui garantit un grand nombre de droits nouveaux, notamment pour les femmes, comme l’accès aux soins et au marché du travail, ainsi que des aides à l’éducation et à la garde des enfants. Plus tard, en 1921, Lénine déclare que le 8 mars sera la “Journée internationale des femmes”. Lénine rappelle à cette occasion que l’égalité homme/femme est une condition nécessaire à l’avènement d’une société nouvelle. En Russie, l’avortement avait été légalisé en 1917, et les femmes ont eu le droit de vote en 1918.  A titre de comparaison, les femmes françaises n’obtiendront le droit de vote qu’en 1944,  le droit à l’avortement en 1975 et ce n’est qu’en 1982 que la journée de la femme sera officiellement décrétée dans l’hexagone.
A l’époque de l’URSS, les femmes seront régulièrement mentionnées et mises en valeur par la propagande d’état. Elles seront d’ailleurs appelées à lutter contre le fascisme durant le second conflit mondial, confirmant leur rôle de citoyennes à l’égal des hommes, puisqu’elles sont aptes à défendre le pays en prenant les armes. Durant ce conflit meurtrier près de 800.000 femmes ont fait partie des troupes combattantes (médecins, infirmières, pilotes d’avion de bombardement ou snipers au front) et beaucoup d’entre elles ont été faites héroïnes de l’Union Soviétique. Pendant cette période, la phraséologie de l’idéologie communiste mythifie le rôle de la femme. Elle est associée à toutes les facettes de la société en marche.  Elle est mise en valeur par des textes, des images, par des films ou des monuments qui la montrent tour à tour ouvrière, paysanne, mère ou héroïne.

A la fin de l’URSS, en 1991, l’Institut allemand de la jeunesse coordonne une enquête sociologique sur la condition de la femme notamment en Russie. Il en ressort que en 1991, les femmes “représentaient 53 % de la population active et prédominaient parmi les spécialistes ayant une instruction secondaire ou supérieure”. Egalement, il ressort de cette étude qu’une “majorité écrasante de femmes russes s’est orientée vers une combinaison de leurs rôles familial et professionnel, mais que seule une infime minorité d’entre elles a pensé à une véritable carrière professionnelle”. Ce cumul des rôles est l’une des manifestations de la place qu’à la femme comme pilier de la société en Russie. L’effondrement de l’URSS et l’anarchie qui s’installera entraineront un renouveau provisoire du féminisme politique et revendicatif en Russie. Aux élections législatives de 1993, un mouvement politique des femmes de Russie obtiendra même 8% des voix, mais le phénomène ne durera pas car l’émancipation des femmes est il est vrai déjà totale et dès la fin du chaos libéral des années 90, l’état est revenu à sa conception de la femme en tant que mère, pilier de la famille et de la société. C’est tout le sens des mesures prises par le pouvoir russe dans les années 2000, pour relancer une natalité en chute libre.

La journée de la femme en Russie, le 8 mars n’a donc rien d’une journée de revendications, c’est au contraire une fête. L’atmosphère de la journée est toute en fleurs et charme, les hommes offrant des bouquets et des cadeaux aux représentantes de la gent féminine. Illustration de l’ambiance: les femmes qui travaillent au ministère de la défense (elles sont près de 40.000) ont cette année organisé un concours de beauté à l’occasion de cette journée, histoire de rappeler qu’elles sont avant tout des femmes. Car comme l’a dit le premier ministre russe l’année dernière à l’occasion de la journée de la femme: “nous estimerons toujours dans la femme ce qui fait qu’elle est unique: sa douceur, son élégance et son charme“.

Tunis, le Caire mais pas Moscou

Cet article a été publié originellement sur Ria-Novosti 
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Le président Medvedev a déclaré à Vladikavkaz ce 22 février 2011 que: “La situation dans le monde Arabe, qui est secoué par des révoltes populaires risque d’aboutir à la désintégration de certains Etats (…) Un scénario analogue a également été conçu pour la Russie, mais il a échoué”.
 

 

Beaucoup de lecteurs m’ont demandé à quel scénario le président faisait allusion, en me renvoyant aux propos de l’opposant Boris Nemtsov qui, interrogé par la presse française, affirme tout simplement que “Poutine finira comme Ben-Ali”. Quelques années après la désintégration de l’union soviétique, le morcellement de la Russie en trois entités nationales distinctes a été envisagé par quelques idéologues américains parmi lesquels Zbigniew Brzezinski. Dans son livre “le grand échiquier”, publié en 1997, Brzezinski décrit un projet de management général de la planète par l’hyper puissance américaine. Conformément aux thèses géopolitiques Anglo-saxonnes des maitres géopolitiques que sont Mackinder ou Spykman, Brzezinski considère c’est dans le Heartland (partie centrale de l’Eurasie) que se trouve la clé du pouvoir mondial.

 

Il imagine donc de faire de l’Asie centrale, autour d’une “nouvelle route de la soie”, un protectorat américain, en écartant la Russie et en s’appuyant sur la Turquie, pion essentiel de l’OTAN dans cette région. Il imagine ainsi une mainmise américaine sur les ressources énergétiques de cette zone, le remodelage de tous les projets d’oléoducs de la région Asie centrale Caucase, et parallèlement, un élargissement massif de l’OTAN en Europe orientale et balkanique, jusqu’au frontières ouest et sud de la Russie. Dans ce projet, l’union européenne devient une simple tête de pont américaine en Eurasie, la puissance et le territoire russes sont réduits au minimum, et la culture dominante américaine dirige un monde unipolaire.  Je recommande la lecture de ce livre hystérique qui aurait pu être sous titré : “Docteur Folamour: le retour” ou “Prologue pour une troisième guerre mondiale”. Bien sur les temps ont changé, mais pas réellement les obsessions de ce stratège démocrate, puisqu’une version à jour du grand échiquier est sortie en 2004 intitulée: “le vrai choix”.

 

C’est peut être à ce projet d’asphyxie de la Russie que le président Medvedev a voulu faire allusion dans sa déclaration de Vladikavkaz. Une partie des projets envisagés dans l’ouvrage de Zbigniew Brzezinski s’est concrétisée dans les évènements qui ont frappé certains pays de la zone postsoviétique, notamment la Serbie en 2000, la Géorgie en 2003 et l’Ukraine en 2004. A l’époque, on a parlé de “révolutions de couleurs” pour décrire ces évènements qui furent présentés comme des manifestations populaires démocratiques et spontanées. On sait maintenant que les révolutions de couleurs ne furent en fait que des coups d’états démocratiques, spontanés en apparence seulement, organisés de l’extérieur pour faire tomber des régimes jugés fragiles, via une armée de révolutionnaires non-violents regroupés au sein de mouvements de jeunesse financés par une kyrielle d’ONG nées aux USA.

 

Néanmoins on peut constater que ces révolutions de couleur ont toutes eu lieu dans des pays ou le pouvoir contesté n’était plus en position de force, et ou le gap générationnel/politique entre pans de la population était marqué, ce qui était le cas en l’Ukraine (scindée culturellement en deux entre Est et Ouest), en Serbie (scindée entre pro et anti union européenne) ou encore en Géorgie ou une partie naïve de l’opinion imaginait qu’une adhésion a l’OTAN déboucherait rapidement sur une adhésion à l’union européenne et sur une pluie de subventions.  On sait aussi ce qu’il advint, ces révolutions de couleurs échouèrent toutes sur le moyen terme. Ces révolutions ont amené au pouvoir des régimes qui ont aggravé considérablement la situation économique et politique des états concernés, et qui n’ont pas survécu aux élections après leur premier mandat. Les projets d’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN ont échoué du même coup.

 

Certains rares commentateurs imaginent maintenant que des évènements du type “printemps arabe” pourraient se produire en Russie. Tout en soulignant les différences fondamentales entre la Russie et les pays du “printemps arabe”, ils mettent donc en garde le pouvoir russe contre des évènements sociaux pouvant dégénérer, voire aboutir à une révolution à l’Égyptienne. Pourtant la Russie à sans doute déjà vécu sa révolution démocratique lorsqu’en 1993, le Congrès annule le projet de référendum visant à adopter le nouveau projet de constitution, préparé par Boris Eltsine et qui visait à permettre la poursuite des difficiles et contestées réformes libérales. La tension politique aboutit à un conflit armé de 10 jours dans les rues de la capitale opposant les communistes et les nationalistes, aux progressistes  soutenant Boris Eltsine. On connait la suite, l’armée restée fidèle au président donna finalement l’assaut de la maison blanche et mis au pas la rébellion. Ces évènements furent la vraie rupture avec le passé Soviétique. Boris Eltsine dirigea le pays 6 années de plus, jusqu’en 1999 ou il laissa la place à Vladimir Poutine.

 

Il faut en outre beaucoup d’imagination pour trouver des points communs entre  la situation dans l’Egypte du régime Moubarak, et la situation actuelle en Russie. Même à l’époque des révolutions de couleur, alors que le redressement de l’économie Russe était embryonnaire et rencontrait bien des difficultés, la Russie est restée politiquement stable et n’a pas connu l’embryon d’un tel mouvement. Il y a des raisons à cela: l’immédiate solidité politique de l’état Russe, le solide ancrage populaire du pouvoir et l’absence de substance ou de volume d’une quelconque opposition. Les pays qui vivent ou se préparent à vivre des révoltes populaires dans le monde arabe présentent des points communs: Misère populaire, surpeuplement des villes, tensions religieuses, tensions à propos du droit des femmes, chômage endémique, surtout des jeunes, illettrisme important.

Ce ne sont pas les caractéristiques de la Russie d’aujourd’hui. L’amélioration de la situation en Russie sur la dernière décennie laisse objectivement peu de place à une révolution de ce type. La Russie est maintenant la 9ème économie mondiale et elle est au 6ième rang mondial pour le PIB à parité de pouvoir d’achat. La croissance économique est soutenue, l’endettement public est très faible, les réserves de change sont importantes, le rouble est stable et le niveau de vie de la population augmente régulièrement. Le pays se réindustrialise progressivement et retrouve son statut de grande puissance. Manifestement, les conditions ne sont pas du tout réunies pour une quelconque révolution sociale.

Far Est

Cet article a été publié originellement sur Ria-Novosti

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Lorsque j’ai décidé d’émigrer en Russie, les nombreux français de ma génération tentés par l’expatriation pensaient en général à des destinations plus classiques, comme le Canada francophone, l’Angleterre et l’Irlande, alors en plein boom économique, ou encore l’Australie et surtout les USA, parce qu’on pense toujours qu’en Amérique, tout est possible. Bien sur, la situation n’est pas encore catastrophique en France mais nous sommes nombreux à pressentir qu’il n’y aura pas d’améliorations dans les années à venir. Je fais partie d’une génération de Français dont un très grand nombre c’est vrai est parti s’installer à l’étranger. Je ne parle la pas des retraités qui pensent avant tout à leur confort de vie et à partir dans des régions ensoleillées et bon marché, chaudes et peu chères, comme le Maroc par exemple, mais des jeunes diplômés, dont l’émigration est à finalité économique, professionnelle.

La crise financière de 2008 a cependant modifié les choses en profondeur. L’Angleterre et l’Irlande ont perdu leur attractivité, les USA sont en pleine crise économique et sociale, et les Français sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans des régions moins habituelles, mais présentant de réelles opportunités économiques, que ce soit par exemple le Brésil, la Chine ou encore la Russie. C’est un signe de confiance dans l’avenir du pays et les sociétés françaises du CAC 40 s’installent  les unes après l’autre en Russie. Pourtant, même si la présence française en Russie augmente, elle reste encore relativement faible par rapport à d’autres pays Européens comme l’Allemagne. Que l’on en juge par le nombre de sociétés présentes, en Russie: environ 600 pour la France et 6.000 pour l’Allemagne. Il y a une logique à ce fort attrait économique qui se traduit dans les chiffres d’immigration et qui démontre bien l’influence croissante de la Russie, par ailleurs seul pays européen du groupe BRIC, dans la région Eurasie. La Russie est en effet le second pays au monde accueillant le plus grand nombre d’étrangers juste après les Etats-Unis.
En 2010, il était estimé que la Russie comptait 12 millions d’étrangers sur une population de 142 millions d’habitants. Bien sur les gaustarbeiters d’Asie centrale (main d’œuvre à faible coût) représentent le gros de ces migrants, mais selon l’AEB (l’Association of European Business) près de 500.000 ressortissants de l’Union Européenne vivent ou travaillent en Russie, tout du moins occasionnellement.

Désormais les nouveaux arrivants d’Europe de l’ouest sont de moins en moins nombreux à arriver mutés au sein d’une société, mais plus nombreux à venir en Russie individuellement pour une courte période, que ce soit un stage ou un échange étudiant. Certains choisissent de  rester pour chercher du travail, voire commencer une nouvelle vie. D’un point de vue professionnel, la forte croissance et le dynamisme du marché intérieur de la Russie sont une mine d’or pour les entreprises étrangères et cette bonne santé économique permet de trouver des débouchés en tant que salarié bien plus facilement que dans nombre de pays d’Europe de l’ouest.

Pour autant la Russie n’est pas encore la destination qui fait rêver et elle n’est vraiment pas non plus le pays le plus simple dans lequel émigrer, même pour les jeunes spécialistes. Les difficultés de la langue russe, la dureté du climat (si l’on pense à la Russie Européenne et donc aux pôles économiques que sont Moscou et aussi Saint-Pétersbourg) ou surtout les nombreuses difficultés administratives (visas, démarches diverses..) n’ont il est vrai rien pour faciliter la tâche. En outre, la grande méconnaissance qu’ont encore la majorité des Français par exemple de ce pays et le tableau noir qu’en font nos médias coupent toute envie d’y aller pour travailler, ne parlons pas de s’y installer.Malgré tout à Moscou, j’ai rencontré de nombreux français qui ont eux aussi choisi la Russie, certains depuis peu, et d’autres depuis 10 ans voire plus. Dans des discussions sur la vie en Russie, sur la dureté du climat, ou sur les difficultés de la langue russe, j’ai été étonné d’entendre souvent la même phrase: “Je ne souhaite pas repartir”. C’est vrai que mes premières impressions, à titre personnel, ont aussi été assez rapidement plutôt positives. En Russie, il n’y a pas ces grèves à répétition qui empêchent de vivre normalement et de se déplacer.

Dans les villes, les magasins, les bars, les restaurants sont souvent ouverts 24/24, ce qui confère une sensation de liberté importante. Le pays est réellement multiculturel et multiconfessionnel mais contrairement aux sociétés occidentales, les tensions ethniques, religieuses et sociales se ressentent très faiblement, et n’empoisonnent pas la vie de tous les jours, comme par exemple en France. On peut ressentir à Moscou l’énergie qui se dégage de la ville et la vitalité des gens, dans les rues, dans le métro, dans les magasins. Il y a dans cette ville quelque chose de vibrant, de positif et d’attachant.

La sensation d’être dans un pays ou l’impression de déclin (omniprésente en France) ne se fait pas sentir, est fort plaisante, il faut bien l’avouer. Je pense que c’est une des clefs pour comprendre l’attrait que la Russie procure sur les étrangers. En Russie, cette sensation de  “c’est possible” existe encore, alors qu’elle semble avoir disparu dans bien d’autres pays. La Russie, Far-Est du 21ème siècle, saura-t-elle être l’eldorado des Européens, comme les Etats-Unis l’ont été au cours du siècle précédent?  Il est difficile de prévoir l’avenir, néanmoins il y a deux décennies, si les Européens migraient d’est en ouest, aujourd’hui il n’est pas impossible que nous assistions au début d’un mouvement inverse, d’ouest vers l’est, vers les immenses espaces par delà l’Oural.

Ce mouvement devrait selon moi sensiblement s’accélérer dans la prochaine décennie, au vu des prévisions économiques solides en Eurasie (Russie, Biélorussie et Kazakhstan, les 3 pays de la nouvelle union douanière) et relativement faibles en Europe de l’ouest. Déjà la Russie se classe devant la France et juste derrière l’Allemagne selon le FMI, dans le classement des pays selon leur PIB à parité de pouvoir d’achat.

Pour ma part, en tant que Français d’Eurasie, c’est décidé depuis longtemps, je reste vivre en Russie!

Couleurs de Russie

Cet article a été publié originalement sur Ria Novosti
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Vendredi dernier, le 11 février s’est ouverte à Moscou l’exposition “best of Russia“, qui se tient au Centre d’exposition d’art contemporain Vinzavod. L’exposition, patronnée par le ministère de la Culture, a lieu tous les ans depuis 2008 et consiste en la publication des meilleures photos de l’année pour illustrer le meilleur de la Russie.

 

Le principe est très simple, tous les citoyens russes peuvent participer. L’objectif est de découvrir parmi les photographes, ceux qui sont capables de donner une image authentique de la Russie. Loin des stéréotypes, les participants exposent  la vie, la beauté, la diversité et les contrastes dont le pays regorge. Les photos sont classées selon plusieurs thématiques : la nature, l’architecture, les gens, les évènements et le style.

 

365 photos sont sélectionnées dans chaque catégorie, constituant la sélection des gagnants de l’année. Les expositions  2008 et 2009 ont connu un grand succès. Celle de 2010 a attiré 300.000 visiteurs. Chaque année, le nombre de participants augmente et des milliers de photos sont triées. Cette année, 569 villes ont participé, 25.239 photos ont été envoyées et 365 sélectionnées. L’exposition aura lieu à Moscou, Saint-Pétersbourg, Perm, Novossibirsk et aussi Paris.

 

Toujours dans le domaine de la photo, il existe une autre manifestation, “Colours of Russia“, qui existe depuis 2007. Organisée par Michael Hockney and William Zlatanov, deux photographes Canadiens qui parcourent le monde. Colours of Russia comprend près de 15.000 photos prises entre Moscou, Saint-Pétersbourg et Nijni-Novgorod. Elle a été reconnue par l’agence Itar-Tass comme un projet important et représentatif de la Russie moderne. Il est à noter que Colours of Russia n’est que la partie Russe d’un projet plus global, également de très grande qualité.

 

Le but commun de ces deux projets vous l’aurez bien compris est de donner une image de la Russie hors des préjugés, mais également réelle et actuelle. Ces projets ont tout à fait leur place pour tenter de modifier l’image de la Russie à l’étranger qui est assez catastrophique. Bien sûr, nous le savons, le courant médiatique global n’est que rarement favorable à la Russie et la France en est une bonne illustration.

 

Dans une récente interview, Emmanuel Quidet, directeur général d’Ernst& Young  Russie, et président fondateur de la chambre de commerce et d’industrie franco-russe, rappelait que: “la presse est très négative sur la Russie et l’a toujours été, particulièrement la presse française“. Par conséquent, l’illustration de la Russie en photos me semble une relativement bonne méthode pour faire découvrir ce pays encore relativement méconnu.

 

Je me souviens que lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la Russie, il y a de cela bien des années, j’ai désespérément cherché un site, avec de vraies photos sur la Russie. J’ai regardé une bonne partie des images qui étaient disponibles en ligne et j’y ai trouvé surtout des photos publicitaires des villes de l’Anneau d’or ou des deux villes incontournables que sont Moscou et Saint-Pétersbourg. Mais je n’ai pas trouvé de photos de Barnaoul, Vladivostok, Petrozavodsk ou Krasnodar. Pas de photos des facultés, des étudiants, des villages ou encore des bars, des restaurants, des plages russes et surtout des gens…

 

Depuis, une quantité de blogs russes se sont développés, il est possible d’y voir la Russie en images, telle qu’elle est, mais l’accès en ligne reste compliqué pour les étrangers et pour les touristes potentiels, souvent à cause de l’obstacle de la langue.

 

Depuis que j’écris sur la Russie, j’ai souvent pensé à illustrer mes propos par des images. Il faut bien avouer que ce n’est pas facile. La Russie est un pays immense et varié, à la fois si moderne et si archaïque, qu’il est difficile à illustrer. Comment comparer les avenues ultramodernes de Moscou avec les éleveurs de rennes de l’Extrême-Orient? Comment comparer l’aspect polaire du grand Nord arctique avec l’oriental Caucase? Quelle Russie montrer comme étant la Russie? Comment choisir dans la mosaïque des peuples et des traditions? C’est tout le mérite de ces deux expositions: réunir les images de la  diversité russe pour le plaisir des visiteurs.

 

Pour une très grande majorité de gens, la Russie est un pays froid, hivernal et gris, un pays sans lumières. Une amie russe me décrivait récemment ce que représentait la Russie pour elle, en l’illustrant par les tourbillons de neige créés par le vent sur les quais enneigés de la gare de banlieue où elle prend son électrichka (train de banlieue-ndlr) tôt tous les matins pour aller travailler.

 

Un tableau dans un sens réaliste mais il est vrai pas vraiment vendeur, surtout d’un point de vue touristique. L’absence de lumière dans nombre de régions du nord ou de l’est du pays est un fait climatique mais ce n’est pas le cas partout, par exemple au bord de la mer Noire ou dans le Caucase.

 

Pour montrer à quoi ressemble le cadre de vie “dans le sud“, le blogueur français Arthur par exemple, donne une image assez inattendue de la Russie. Depuis 2006, il met en ligne des photos de la ville dans laquelle il habite, Novorossisk, qui est, comme il le rappelle, la 77ème ville du pays. Il démontre ainsi que la vie en Russie est non seulement possible, mais aussi agréable, loin des grosses agglomérations où sont encore concentrés la majorité des étrangers. On le voit bien sur ses photos: sa Russie à lui est chaude, bleue et exotique, les palmiers se disputant la place avec les Kit-Surfers ou les scooters des mers. Et pourtant vous ne rêvez pas, vous êtes bien en Russie, même si cette Russie du sud est bien loin de l’image que l’on peut s’en faire.



Loin des stéréotypes et des fantasmes, les photos ne nous mentent pas: elles nous montrent la Russie d’aujourd’hui.

Féminité vs féminisme

Cet article a été publié originalement sur Ria Novosti
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Mon avant dernière tribune intitulée: “polémiques vestimentaires” a entraîné une avalanche de mails ainsi que de commentaires sur ma page Facebook. Visiblement le sujet est pris très au sérieux par nombre de commentateurs. Posté le 26 janvier sur mon mur, l’article à entrainé quelques 98 commentaires en moins d’une semaine, de Russes et de Français, avec une grande majorité de jeunes filles des deux côtés.
Tout a été abordé: la femme russe, la femme française, une comparaison entre les deux, l’avis des hommes, la religion, et le rapport entre les sexes en Russie et en France! Ouf, un sociologue aurait sans doute pu écrire le début d’une thèse avec les arguments étayés par les uns et les autres. Beaucoup de commentaires sont une réflexion sur le sujet du féminisme.

L’article, rappelons-le, traitait de l’appel d’un évêque orthodoxe pour que les jeunes femmes russes s’habillent plus décemment, comprenez: cessent de porter des minijupes trop courtes. L’affaire a été traitée par la presse internationale comme russe et l’évêque a reçu le soutien des principaux responsables religieux de Russie. Le Courrier international (publié en France) nous apprenait même le 27 janvier dernier qu’en Tchétchénie, dans les rues de Grozny, on tirait désormais au pistolet à peinture (paint-ball) sur les filles qui ne s’habillent pas “décemment”.

Pour Irina par exemple, qui commentait mon article, la femme français serait “victime du féminisme, ce qui justifie son habillement unisexe, puisque la carrière est devenue prioritaire pour elle sur la famille”. La femme française voudrait donc pour être l’égal de l’homme, avant tout lui ressembler, et surtout ne plus présenter une apparence qui rappelle au regard de l’homme qu’elle est une femme. En France, résume parfaitement Irina, féminisme signifie souvent absence de féminité.

Cet abandon d’une apparence attirante pour le regard a certes été motivé par des raisons pragmatiques, comme l’insécurité dans les rues ou le confort, mais pas seulement. Irina a sans doute raison: cette évolution a été encadrée par une idéologie qui a finalement fait beaucoup de mal aux relations hommes / femmes: le féminisme.
Je n’ai pour ma part jamais bien compris ce que souhaitaient les féministes en France, et surtout leur représentantes, au sein par exemple de la très célèbre association « chiennes de gardes ». Si on peut imaginer une représentation égalitaire des femmes dans la politique par exemple, je reste persuadé que l’important est avant tout d’avoir de bons dirigeants politiques, peu importe leur sexe. L’égalité dans les salaires hommes-femmes en France est une bonne idée mais la chasse aux machos ou la discrimination basée sur un système de quotas sont probablement de mauvaises idées. Il est certain qu’en France, la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes a rencontré beaucoup de difficultés pendant tout le 20ème siècle.

Je remarque cela dit que les “chiennes de garde” ne demandent jamais l’égalité sans dévaloriser les hommes en général. Le mouvement par son influence politique dans quelques cénacles et par une réelle représentation médiatique à considérablement influencé les mentalités en France mais généralement dans le mauvais sens. Les différences complémentaires entre les sexes ne sont en rien réductrices, ni synonymes d’une hiérarchie inter-sexes défavorisant les femmes. Malheureusement pour elles, la diffusion du féminisme en France s’est accompagnée d’une déféminisation inutile, sur le plan vestimentaire.

Contraste: depuis que je suis en Russie, je ne crois pas avoir entendu le terme de féminisme une seule fois alors que pourtant je vis entouré de femmes russes. Ce petit miracle est à mon sens beaucoup plus qu’un détail, mais bien la preuve que les femmes russes n’ont sans doute plus rien à prouver, et c’est dû notamment à l’histoire de la Russie. Au début du 20ème siècle, les bolcheviques ont proclamé en Russie l’égalité des sexes, égalité de fait et de droit. Les femmes ont dès 1918 obtenu le droit de vote en Russie, alors que les Françaises ont dû elles attendre jusqu’en 1944.

Les femmes russes ont ensuite participé activement à la Grande guerre patriotique, et pas seulement en travaillant dans les usines. Il y a eu plus de 800.000 femmes russes dans les troupes combattantes, elles ont été médecins, infirmières, pilotes d’avion de bombardement et snipers au front. Elles ont participé aux batailles les plus terribles et beaucoup d’entre elles ont été faites héroïnes de l’Union Soviétique. En Russie, personne ne l’a oublié. Après la guerre, le manque d’hommes dans la société a fait que les femmes se sont débrouillées par elles-mêmes et ont appris à vivre sans le soutien masculin.

Ces difficultés n’ont pourtant pas enlevé leur féminité aux femmes russes, bien au contraire. Elles n’ont pas oublié quelques équations essentielles des relations inter-sexes, à savoir qu’une femme qui plait à un homme à tous les pouvoirs sur lui. Pour cette raison, il n’est pas question pour une femme russe, qu’elle réussisse professionnellement ou qu’elle occupe un travail physique ingrat, de pouvoir oublier de rester séduisante,  bien au contraire.

Je me souviens de la grande surprise qui était la mienne lorsque je suis arrivé en Russie et que j’observais les hommes qui portaient les sacs à mains des femmes, et les femmes qui ne poussaient pas les caddies pour ne pas s’abimer les ongles. J’observais l’homme qui était là pour veiller au grain, pour protéger la sainte manucure et acheter des fleurs. On parle souvent du “panier de la ménagère” pour estimer les niveaux de vie des pays, mais si on estime la quantité de fleurs achetées pour les femmes pour établir un “panier des fleurs offertes”, il devient évident que la femme russe n’a aucune concurrente en Europe.

C’est peut-être pour ces raisons que les mouvements féministes de type occidental n’ont jamais eu de grand succès en Russie. Plutôt que d’essayer de satisfaire des revendications féministes qui n’existent pas, les femmes russes continuent à soigner leur look, et l’Etat russe se concentre sur les revendications qui concernent la famille. La femme russe bénéficie d’un des plus longs congés maternités du monde (jusqu’à 3 ans avec emploi protégé) mais également depuis quelques années de très solides allocations (plusieurs milliers d’euros) dès le second enfant adopté ou procréé. Ce rôle clef de la femme en tant que mère est jugé tout à fait normal en Russie puisqu’elle est la clef de voûte de la société. Pour ma part, en tant qu’homme je trouve cela parfaitement normal.