Il n’existe pas en Russie de statistiques claires sur la structuration du vote en fonction de critères sociologiques tels que / statut professionnel / niveau de classe d’age / niveau de revenus / niveau d’éducation / sexe etc.
J’ai deja sur ce blog écrit sur la situation des deux capitales, au sein desquelles le vote anti-pouvoir se manifeste par un vote totalement alternant entre communistes ou libéraux-nationaux.
Une des lignes de scission etait celle du vote pour le Parti communiste.
En 1999, une réelle ceinture rouge (vote pour le parti communiste) existait, prédominante au sein de la 4-ième Russie (les républiques ethniques du Caucase et de Sibérie), ainsi que la 3-ième Russie, soit la Russie agraire de l’ouest et une grande partie de la 2-ième Russie, celle des zones industrielles de l’Oural.
Comme on peut le voir en comparant avec la carte ci-dessous, la ceinture rouge se superpose sur la zone de densité de population de la Russie.
En 22 ans, entre 1999 et 2021 le vote communiste d’antan s’est effondré.
La carte ci-dessous montre l’évolution du vote communiste entre 1999 et 2021, plus c’est rouge, plus la baisse est forte ; comme on peut le voir, le Caucase et les régions agricoles notamment les terres noires, ont été “récupérées” par le Kremlin et le pouvoir central.
Dès 2008 le vote Communiste s’est déplacé vers des zones développées mais plus à l’est comme le territoire de Krasnoïarsk, les régions de Nijni Novgorod, de Samara ou Tcheliabinsk.
En 2016, un rapport analytique sur la nouvelle ceinture rouge identifie les zones ou le ressenti anti-pouvoir central est le plus fort, et cite notamment Moscou et Saint-Pétersbourg (notamment les quartiers riches de ces villes), mais aussi les zones très à l’est comme Irkoutsk, Novossibirsk, Omsk, Khabarovsk et Irkoutsk et toujours l’Oural du sud avec Tcheliabinsk et Sverdlovsk. C’est d’ailleurs en partie dans ces villes que ne s’est déplacé la contestation pro-Navalny ; hormis Novossibirsk c’est la 2-ieme Russie.
En 2021, le vote communiste a été atomisé et repousse à l’Est, effet politique, et démographique également.
La commission électorale de Russie affirme qu’il n’existe plus d’homogénéité des comportements électoraux de l’électeur moyen post-soviétique et que l’hétérogénéité de la multitude d’électeurs dépasse même les cadres différentiants villes / campagnes.
Pourtant, les dernières élections ont montré quelque chose d’intéressant, qui ramène à la conception du centre et des distances avec ce centre.
La commission électorale a analysé les résultats des circonscriptions suivantes : Barnaul, Arkhangelsk, Astrakhan, Belgorod, Ulan-Ude, Vladimir, Volzhsky, Vologda, Cherepovets, Voronezh, Chita, Ivanovo, Irkutsk, Kaliningrad, Kaluga, Kirov, Krasnodar, Krasnoïarsk, Kourgan, Koursk, Lipetsk, Mourmansk, Nizhny Novgorod, Novosibirsk, Omsk, Orenburg, Orel, Penza, Perm, Vladivostok, Rostov-on-Don, Riazan, Samara, Tolyatti, Saratov, Iekaterinbourg, Nizhh Smolensk, Tver, Tomsk, Toula, Ijevsk, Oulianovsk, Khabarovsk, Surgut, Magnitogorsk, Chelyabinsk, Cheboksary, Yaroslavl soit 62.119.821 électeurs et 53 % de tous les électeurs en Russie.
Les bureaux de vote dans ces zones sont situés dans un rayon pouvant aller jusqu’à 400 km des centres de ces villes.
Les points rouges indiquent les bureaux de vote situés à une distance de 0 à 6 km des centres des grandes villes.
Les points oranges – à une distance de 6 à 35 km.
Les points verts – à une distance de 35 à 94 km.
Les points bleus – à une distance de 94 à 233 km.
Les points Violet > 233 km à 400 km.
Que nous montre la carte ci-dessous ?
Les points verts sont le nombre d’électeurs qui se sont rendus dans les bureaux de vote et ont voté. Il est à noter que le nombre d’électeurs augmente avec l’éloignement des centres-villes et atteint un pic à environ 150 km ce qui signifie que la participation à une distance de 150 km est environ 20 % plus élevée que dans les centres-villes.
Les points bleus indiquent le nombre de ceux qui ont voté pour le parti Russie unie. Le graphique montre une augmentation notable des résultats avec l’éloignement des centres-villes et notamment jusque 150 km.
Les points rouges indiquent le nombre de ceux qui ont voté pour le Parti communiste et à cette échelle, cela ne montre pas une dépendance significative des résultats du vote sur la distance.
Dans l’image ci-dessous, la distance aux centres est limitée à six kilomètres.
Dans l’image ci-dessous, la distance centres est limitée à 35 kilomètres.
f Dans l’image ci-dessous, la distance centres est limitée à 90 kilomètres.
Bien sur, on trouvera toujours des arguments pour dire que le pouvoir central truque les élections des centres villes par le vote électronique, et facilement les périphéries des 2de et 3ieme Russie plus dépolitisées, et aussi par manque de capacité de contrôle par l’opposition.
Pour autant la hausse sensible des votes pour Russie Unie qui va avec l’éloignement des centres villes fait écho dans un sens a la situation sur Moscou ou le centre vote contre le pouvoir central tandis que les banlieues, et surtout les plus populaires, votent pour le pouvoir central ou son axe nationaliste.
Cette Russie des périphéries des périphéries est clairement plus dépolitisée, et plus dépendante, plus sensible aux secousses économiques et donc au besoin de stabilité. Une Russie qui vote pouvoir central par pragmatisme et logistique, et non par idéologie.