
Vous avez intitulé votre livre un Printemps russe. Pourquoi ?
Parce que la Russie revit après un hiver éprouvant qui aurait pu la faire disparaitre. Après l’effondrement soviétique et la pérestroïka, elle a traversé dans les années 90 une décennie cauchemardesque où l’État a pratiquement cessé d’exister. Peu de gens en Occident ont idée de ce que ces années furent pour la Russie.
Les actifs de l’État et des grandes sociétés étatiques furent privatisés et rachetés par des hommes d’affaires sans scrupule. Ceux qu’on appellera les « oligarques » prirent le contrôle de pans entiers de l’économie dans les secteurs stratégiques, industriels ou financiers. Dans une atmosphère de corruption généralisée, le pays fut livré aux mafias qui le transformèrent en gigantesque zone de non-droit où règlements de comptes et enlèvements étaient devenus monnaie courante.
Pour la population, cela a été une catastrophe sanitaire. Il y eut une hausse sans précédent du nombre d’homicides et de suicides. La consommation de drogue explosa, l’alcoolisme et le sida firent des ravages. Des maladies qui n’existaient même plus dans nombre de pays du tiers-monde – typhus, choléra, tuberculose – refirent leur apparition ! Au bout du compte, l’espérance de vie passa de 64 ans pour les hommes en 1966, à 59 ans en 1999… Ajoutez à cela l’effondrement de la fécondité et des taux records de mortalité enfantine et vous aboutissez à cette situation improbable d’un pays en voie de quasi-disparition à la fin des années quatre-vingt-dix. Continue reading