Vers une nouvelle réalité en Syrie ?

imagesLes récents développements militaires en Syrie ont relancé la machine de guerre médiatique qui affirme que désormais la chute du régime Syrien est proche.

Pour Libération ça craque à Damas tandis que le JDD se demande si le bastion d’Assad (la cote Syrienne et la région de Lattaquié) n’est pas lui aussi sur le point de tomber.

Même scénario pour la presse anglo-saxonne que l’on pense par exemple au « national-interest » ou à de nombreux sites spécialisés affirmant que la dynamique d’une défaite militaire de l’Etat syrien était engagée. Dans la presse des Etats du Golfe, on affirme qu’il est temps de reconsidérer la vie après Assad.

Ce regain d’intensité du Bachar-bashing coïncide il est vrai avec une situation militaire qui au cours de ces dernières semaines n’a pas été favorable au régime. Comme les lecteurs de Sputnik avaient pu le lire dans mon précédent texte sur le dossier Syrien, une telle inflexion de la situation ne peut être due qu’à « une intervention extérieure très appuyée ». C’est peut-être ce qui est en train de se passer.Résumons les évolutions récentes sur le terrain: Continue reading

Où en est la Russie en mai 2015?

imagesAu plus fort de la crise financière de la fin de l’année 2014, il semblait bien téméraire de parier sur un rapide rétablissement de l’économie russe.

La grande majorité des commentateurs envisageaient plutôt la situation comme la preuve de l’échec de la stratégie Poutinela fin de ses fanfaronnades tandis que la crise le mettait au pied du mur. Pour d’autres, la « bulle Poutine » venait de se dégonfler et l’on pouvait se demander si la crise n’allait pas mettrePoutine à genoux, voire même provoquer sa chute en 2015. Cette crise menaçait même le « projet d’union économique » de Poutine, entendez l’Union douanière puis eurasiatique. Selon un panel d’experts occidentaux interrogés début 2015, la crise allait plausiblement causer une récession très profonde, d’au moins 5% du PIB, ce qui pouvait permettre d’envisager des scenarios politiques assez inattendus.

Dans le même temps, le président russe affirmait lui pourtant son optimisme et sa sérénité en affirmant que la crise était passagère et qu’elle durerait au maximum deux ans. Cette différence d’appréciation de la situation avait vraisemblablement contribué à ce que des experts américains attribuent à Vladimir Poutine une forme d’autisme affectant sa capacité d’interaction avec les autres et le monde extérieur.Un semestre plus tard, il est intéressant de confronter les prédictions astro-économico-politiques occidentales avec la réalité de terrain en Russie, ce qui permet d’en tirer quelques grandes conclusions.

Tout d’abord, contrairement à toutes les prévisions, hormis celles de l’irremplaçable Jacques Sapir, le rouble ne s’est pas effondré mais est revenu à un seuil de 50 et 55 contre le dollar et l’euro. Dans le même temps, les prix du pétrole continuent leur lente remontée pour atteindre aujourd’hui les environs de 65 dollars le baril. Même si les revenus des ménages (et donc la consommation) continuent de diminuer au cours de ce second trimestre, et malgré une forte et inattendue baisse de la production industrielle en avril (indicateur qu’il faudra surveiller), les prévisions pour la Russie sont plus optimistes qu’il y a six mois. Le PIB russe ne se serait contracté « que » de 1,9% lors du premier trimestre 2015 et le FMI ne prévoit plus qu’une contraction du PIB de 3,4% pour 2015 avec une plausible reprise de la croissance dès 2016.

Cette sensible amélioration de la situation économique en Russie est sans doute liée tant à la solidité de l’économie russe, qui s’est avérée bien plus résistante que prévu, mais aussi à l’évolution du contexte international au sein duquel la Russie surfe de victoires en victoires, et dont on ne peut imaginer qu’il puisse être plus favorable au Kremlin.Il y a tout d’abord le dossier ukrainien sur lequel, contrairement à toutes les prévisions et attentes, la Russie est passée du statut de perdante programmée à celui de gagnante potentielle. Acteur diplomatique de poids et garantes du respect des accords de Minsk, les autorités russes peuvent désormais patiemment attendre la faillite ukrainienne tandis qu’elles continuent de surfer sur la vague du succès obtenu en Crimée.

Dans le même temps, les sanctions ont tout autant bénéficié à la Russie qu’elles ont fédéré les Russes derrière leurs élites, la pression de pays extérieurs étant considérée comme injuste par la grande majorité des citoyens russes. Pour autant, les sanctions ont eu des effets ricochets psychologiques lourds en faisant sans doute réaliser à beaucoup de Russes qu’il y avait finalement une vie normale sans les importations d’Europe.

Enfin, et c’est peut-être le plus inattendu, la situation en Syrie et en Irak et l’expansion de l’Emirat Islamique, a favorisé la reprise des discussions entre la Russie et l’Occident, de facto ressoudés face à cet ennemi commun menaçant.

Toutefois, la situation économique reste fragile, à l’instar de la situation en Ukraine — le pays demeure menacé par un effondrement économique et une nouvelle provocation américaine destinée à relancer la logique militaire, et donc la pression sur la Russie.

 

9 mai 2015 : Moscou capitale du monde libre

imagesLe 9 mai n’est jamais une journée comme les autres en Russie, mais ceux qui ont pu vivre la journée du 9 mai 2015 dans les rues de Moscou ne l’oublieront sans doute jamais.

Pour les 70 ans de la victoire de la Russie soviétique sur l’Allemagne nazie, la journée avait été placée sous le symbole du « bataillon immortel » (Бессмертный полк) et les russes étaient notamment conviés, après la fin du défilé militaire, à marcher en tenant les portraits de leurs aïeux tombés lors de la grande guerre patriotique, afin d’honorer leur mémoire dans ce lieu symbolique au moins le temps d’une journée.Il fallait être à Moscou pour ressentir cette atmosphère absolument incroyable de fierté et de patriotisme mais aussi et surtout d’unité nationale puisque dans tout le pays, ce sont 12 millions de russes qui ont participé aux cérémonies. 500.000 personnes ont rejoint les rues de la capitale, des moscovites de tous âges, certains en tenue militaire, arborant le ruban de Saint Georges orange et noir.Il fallait définitivement être à Moscou pour voir ces quelques 150.000 russes qui défilaient portraient de leurs ancêtres a la main, dont de nombreux enfants et femmes et les entendre crier « Hourra! » a pleins poumons en traversant le centre de la capitale.Seule la Russie de Vladimir Poutine est sans doute capable au sein du monde européen de produire cette extraordinaire communion patriotique et populaire dans une totale sérénité.

Alors que certains commentateurs disaient le président russe isolé, il était en tête du cortège et il portait une photo de son père. Continue reading

L’autre visage de l’OTAN

Le 14 mai 2015 – REUTERS
À la fin d’un meeting des ministres des Affaires étrangères de l’Otan, à Antalya, en Turquie. Le Secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, la Haute-Représentante de la politique étrangère de l’UE Federica Mogherini et le commandant suprême des forces alliées de l’OTAN en Europe le général Philip Breedlove ont battu la mesure et dansé lorsque les ministres de l’Otan ont chanté We are the World [Otan über alles, NdT].

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Comparatif des pourcentages de population entre 0 et 14 ans

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L’histoire des 25 dernières années de démographie russe en courbe.

En 1991 la Russie a un %age de jeunes de moins de 14 ans assez élevé et dans la moyenne des pays de l’Est et en tout supérieur a la Tchéquie ou l’Estonie, CF ma première barre rouge.

Au sortir des années 2000, les conséquences de l’effondrement démographique de la décennie Eltsine se manifeste par le fait que les femmes russes entre 1991 et 2000 ont fait de moins en moins d’enfants. La Russie est donc au niveau le plus bas tout comme la Tchéquie dont l’indice de fécondité entre 1996 et 2003 a été inférieur a 1,2 enfants par femme.

En 2015, le boom démographique des 10, 12 dernières années se manifeste et la Russie a désormais plus d’enfants de – de 14 ans (en proportion de la population totale) que la Slovaquie, la Roumanie, la Pologne, l’Estonie ou la Tchéquie.

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La surprenante évolution démographique russe

imagesEn ce début 2015, la démographie russe a réservé bien des surprises à ceux qui s’y intéressent.

Contrairement à ce que pouvaient laisser supposer les tendances lourdes initiées par la catastrophique situation que la Russie a connue au cours des années 90 (effondrement des naissances et forte dégradation de la situation sanitaire du pays), la Russie a connu au cours de la décennie suivante un printemps démographique hautement improbable, qu’aucun spécialiste n’avait su anticiper.De 1999 à 2014 le nombre de naissances annuelles est ainsi passé de 1.214.689 à 1.947.301 (58% d’augmentation du nombre de naissances en 15 ans c’était hautement improbable pour tout démographe) tandis que pour la première fois depuis 1992 le nombre de décès est passé sous la barre des 2 millions à partir de 2011.Depuis 2009 la population de la Russie augmente grâce à un solde migratoire positif et depuis 2013 la population augmente même sans tenir compte de l’immigration, avec des soldes naturels positifs de 24.013 et 33.688 habitants en 2013 et 2014.Fait intéressant, alors que le taux de fécondité est remonté de 1,2 enfant par femme en 1999 à 1,75 en 2014, ce taux est supérieur à 2 enfants par femme dans la Russie rurale, ou il culmine même à 2,338 enfants par femme en 2014. Le nombre d’avortements officiels est lui passé de 4.103.425 en 1990 à 940.000 en 2014, contribuant sans doute énormément à la hausse du nombre de naissances, en parallèle de la très puissante politique familiale déployée par le gouvernement russe visant à soutenir financièrement les familles ayant un second et un troisième enfant. Continue reading

La guerre pour l’Eurasie va-t-elle s’accentuer ?

imagesGeorge Friedman, président du très célèbre « think-tank » Stratfor, spécialisé dans le renseignement et employeur de certains exécutants des révolutions de couleurs, a récemment donné une longue interview dans laquelle il a expliqué sans langue de bois les intentions stratégiques américaines en Europe et en Eurasie.

L’intéressé nous explique ce que les initiés en géopolitique savaient déjà: à savoir que l’Amérique souhaite conserver son statut de première puissance mondiale et continuer à régenter les affaires de la planète. A ces fins, les Etats-Unis sont déterminés à empêcher tout imprévu, y compris en Eurasie, zone dans laquelle ils ne sont pas en position de force.

Cette incapacité de l’Amérique à exercer un contrôle sur le cœur de l’Eurasie a au moins deux raisons: l’existence de puissances régionales déterminées et dont la puissance militaire est en augmentation (Chine, Russie…) mais aussi un déséquilibre démographique qui mettrait la puissance militaire américaine en totale infériorité en cas d’affrontement sur le terrain.

George Friedman revient sur l’exemple historique de l’alliance entre l’Allemagne (nazie) et de la Russie (Soviétique), et rappelle que seule une alliance entre ces deux puissances continentales ayant une complémentarité naturelle “risquerait” de devenir un concurrent sérieux pour les Etats-Unis. Continue reading

Désoccidentalisation, retour des frontières et rôle de l’Etat

imagesAu cours des années 90, l’effondrement soviétique menaçait d’engloutir avec lui ses principaux voisins dans un grand chaos qui aurait pu s’étendre sur 13 fuseaux horaires, déstabilisant l’Eurasie et peut-être également le monde tout entier. Finalement, il n’y a pas eu de conflagration, le modèle marxiste-léniniste a tout simplement disparu.

Pour la plupart des pays issus du bloc soviétique, seul le modèle occidental semblait pouvoir, à ce moment précis de l’histoire, incarner une solution « viable ». Ce modèle se matérialisait dans la démocratie, l’économie de marché avec sa fameuse « main invisible » qui arrange tout, la fin du grand ensemble autoritaire et la victoire d’une idéologie libérale qui envisageait le règne éternel d’un binôme parfaitement fonctionnel entre le marché tout puissant et l’individu roi, mais surtout consommateur.

Durant la décennie suivante, la donne a changé: Moscou a récupéré son statut de pôle d’influence régional et l’on a assisté à la poursuite de l’extraordinaire développement du modèle chinois. Pendant cette décennie, la crise financière née aux Etats-Unis en 2008 et l’installation progressive de l’Union européenne dans la stagnation, le chômage chronique et la dette publique ont fait naître des doutes sur tout le système de gouvernance démocratique à économie libérale de l’Occident.

Dans de nombreux pays, une vaste désoccidentalisation des esprits a commencé; elle a déjà eu et elle aura sans aucun doute encore de nombreuses conséquences. Elle a tout d’abord permis de penser que la course vers le modèle occidental n’était pas la seule trajectoire envisageable. De plus, elle a fait naître un espoir: le monde de demain ne vivra pas forcément sous la domination politique et financière d’un seul centre de pouvoir, un monde multipolaire paraît possible.En remettant en cause ce modèle unique, le monde se dirige vraisemblablement vers un bouleversement des modèles actuels, que ce soit sur le plan territorial, financier ou politique. Le retour à une pluralité de modèles impliquera probablement la réaffirmation des régulateurs naturels que sont l’Etat et les frontières, avec un retour en force de l’autorité étatique comme modérateur essentiel et primordial du territoire.

Ce retour de l’Etat, des Etats, pourrait s’accompagner de la définition de zones d’influence autour des différents modèles qui pourraient émerger et constituer des ensembles géo-civilisationnels cohérents. Cette évolution vers un monde multipolaire est amorcée, on comprend déjà autour de quels Etats poids-lourds les choses pourraient s’organiser. Toutefois, une telle évolution remet en cause la conception de la construction européenne.

Ceux qui pensaient que la destruction des frontières et les abandons de souveraineté des nations européennes étaient justifiés par la construction d’un super-Etat ont été trompés. Pour le moment, aucun super-Etat ne semble émerger à l’horizon, personne ne sait si la future frontière extérieure commune de l’Europe doit englober ou non la Turquie, la Moldavie ou l’Ukraine. Les autorités de Bruxelles sont atlantistes, mais elles ont bâti avec les USA une relation asymétrique qui ressemble plus à une soumission qu’à une association.Un retour de l’Etat et des frontières pourrait donc structurer de nouveaux pôles d’influence autour de puissances comme la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil, mais en même temps mettre l’Europe de Bruxelles et nombre de nations européennes, dont la France, sur le banc de touche de l’histoire.

La légitimité des autorités de Bruxelles est contestée par un nombre croissant d’Européens qui ne voient aucun modèle de société cohérent émerger après un demi-siècle de construction européenne. Bruxelles et l’Europe du nord semblent maintenant plus proches de Washington que d’Athènes. En outre, la construction européenne organise une prospérité en partie artificielle, basée sur l’endettement des Etats. Il est facile de vérifier que les pays européens les moins endettés sont les derniers à avoir rejoint l’UE.

Le modèle européen semble avoir de plus en plus de mal à gérer la diversité de sa population et son marché du travail. On ne voit rien des évolutions globalisantes pacifiques, harmonisées par une monnaie unique et un marché financier autorégulé, que nous promettaient les intellectuels et les élites issues du monde d’hier, du monde d’avant.Pour toutes ces raisons, les eurosceptiques sont de plus en plus nombreux dans une Europe qui cherche encore un modèle original d’organisation, alors que de nouveaux pôles de puissance sont en train de s’organiser sur la planète.

La situation est sans appel: la construction européenne ne pourra continuer que si l’Europe devient à nouveau un pôle de civilisation indépendant