Le conseiller spécial d’Emmanuel Macron sur questions européennes et le G-20, Clément Beaune, vient de faire une « sortie » ce 08 juillet 2021 sur France2 en affirmant que si certains pays ont été tentés de reconnaitre des vaccins étrangers, la France redit son NON à ses partenaires européens concernant les vaccins russes et chinois.
Ce ton concernant le dossier du vaccin russe fait suite à une campagne de presse larvée dans les médias francais qui accusent le vaccin russe d’être une arme politique (voir ici, là ou encore ici) au lieu de chercher à comprendre si c’est un remède et donc une solution ou partie d’une solution qui pourrait sauver des vies de citoyens francais.
Une position d’autant plus surprenante alors que l’Europe, plus désorganisée que jamais, fait une fois de plus preuve d’une absence d’unité affligeante. En effet si la France à la pointe du rejet de SputnikV en Europe, certains États européens utilisent eux déjà le SputnikV comme la Hongrie ou la Slovaquie, d’autres le reconnaissent pour les touristes, comme Chypre et certains envisagent de le produire comme l’Italie ou certains Landers allemands.
Alors que les médias francais ressassent que les informations fournies par les russes seraient opaques et incomplètes et ne permettraient pas d’avoir confiance dans le vaccin on se demande comment dans ce cas les sud-coréens qui ne sont sans doute pas plus bêtes que les francais, y sont eux arrivés.
Et puis il cet article récent de la revue NATURE, une revue scientifique généraliste de référence, l’une des plus anciennes et des plus réputées au monde avec une vocation d’excellence dans tous les domaines des sciences telles que la physique, les mathématiques, la chimie, la biologie, la génétique — mais aussi en paléontologie, géologie, sciences de l’évolution, archéologie ou sciences sociales.
La revue NATURE vient de publier un article fort intéressant sur le vaccin SputnikV, article scientifique et chiffré.
Que dit l’article sur SputnikV ?
Que la communauté internationale scientifique avait eu des doutes sur les premiers chiffres du premier essai en phase 3 publiés par les producteurs du Vaccin annonçant qu’il était efficace à 91,6 % pour prévenir l’infection symptomatique au COVID-19 et à 100 % pour prévenir les infections graves.
Certains scientifiques ont alors, en effet, critiqué les auteurs pour ne pas avoir fourni l’accès aux données brutes complètes des essais à ce stade précoce, et ont également exprimé des inquiétudes concernant les changements dans le protocole d’administration du vaccin et certaines incohérences dans les données.
Malgré l’absence de validation officielle par l’EMA ou de l’OMS, ce sont aujourd’hui 63 pays, qui ont validé et achètent, souhaitent acheter et/ou produire du SputnikV. La demande est telle que les autorités russes ont dû signer des accords avec de nombreuses capacités de production asiatiques, principalement de Chine, Corée et Singapour à ce jour, pour augmenter les capacités de production et livraison de SputnikV dans le monde.
La particularité de SputnikV serait donc que le vaccin qui est un vaccin à base d’adénovirus similaire aux vaccins Oxford-AstraZeneca et Johnson & Johnson. Mais au lieu d’utiliser un seul adénovirus modifié, comme le font ces deux vaccins, Sputnik V utilise différents adénovirus, appelés rAd26 et rAd5, pour les premières et secondes doses, ces deux adénovirus ayant des méthodes différentes pour introduire leur matériel génétique dans les cellules hôtes ce qui améliorerait théoriquement le taux de réussite pour permettre au matériel génétique viral là où il doit aller.
Les essais ?
– L’essai randomisé de phase III, publié sous forme provisoire en février, concerne l’administration de 14.964 adultes avec le vaccin à deux doses et 4.902 avec deux doses de placebo. Seuls 16 sujets du groupe vaccin ont développé un COVID-19 symptomatique, contre 62 dans le groupe placebo, ce qui représente une efficacité vaccinale de 91,6 %. De plus, il n’y a eu aucun cas de maladie modérée à sévère dans le groupe vacciné, mais 20 dans le groupe placebo.
– Des données sur 3,8 millions de Russes vaccinés avec deux doses indiquent également une efficacité de 97,6%, selon un communiqué de presse d’avril de l’Institut Gamaleya.
– Les chiffres publiés par le ministère de la Santé des Émirats arabes unis, sur quelque 81 000 personnes ayant reçu deux doses du vaccin, suggèrent eux une efficacité de 97,8% dans la prévention du COVID-19 symptomatique et une efficacité de 100% dans la prévention des maladies graves.
– L’étude de phase III menée en Russie a également révélé qu’une seule dose était efficace à 73,6% pour prévenir une maladie modérée à sévère. Cela a conduit les autorités sanitaires russes à approuver le Sputnik Light à dose unique – qui utilise le vecteur rAd26 – en mai, sur la base des données du programme de vaccination du pays, qui suggéraient qu’il était efficace à 79,4% pour prévenir les maladies symptomatiques.
– Plus récemment, une étude (non publiée) du ministère de la Santé de Buenos Aires en Argentine, portant sur 40 387 personnes vaccinées et 146 194 personnes non vaccinées âgées de 60 à 79 ans, a révélé qu’une seule dose de Sputnik Light réduisait les infections symptomatiques de 78,6 %, les hospitalisations de 87,6 % et décès de 84,7%.
Mais alors les effets secondaires ?
Jusqu’à présent, les études suggèrent qu’ils sont similaires à ceux des autres vaccins adénoviraux mais contrairement aux vaccins Oxford-AstraZeneca et Johnson & Johnson, il n’y avait eu aucun rapport de ces troubles de la part des autorités sanitaires russes ou des autres pays utilisant Sputnik V.
L’Hôpital de Buenos Aires en Argentine n’a signalé aucun cas de troubles de la coagulation ou d’événement indésirable d’intérêt particulier chez 683 agents de santé vaccinés avec Sputnik V.
Une analyse de 2,8 millions de doses de Sputnik V administrées en Argentine n’a entrainé aucun décès associé à la vaccination, et surtout uniquement des effets indésirables bénins.
– L’Argentine a publié une autre étude sur les effets secondaires, après l’introduction de 12 millions de doses de vaccins (au 2 juin), dont plus de la moitié sont SputnikV. La répartition des effets secondaires graves (hospitalisations) pour 100 000 injections est la suivante :
* AstraZeneca – 3,07
* 🇷🇺 “Sputnik” – 2,78
La part totale des effets secondaires de SputnikV est de 0,5% pour près de sept millions d’injections.
En outre, une étude publiée de la république de Saint-Marin, n’a trouvé aucun événement indésirable grave chez 2.558 adultes qui ont reçu une dose de Sputnik V et 1.288 qui ont reçu deux doses.
La Serbie, qui a également largement utilisé SputnikV, n’a jusqu’à présent signalé aucun cas de coagulation sanguine signalé avec d’autres vaccins adénoviraux.
Des études sur le SputnikV sont en cours de préparation en Argentine, au Venezuela, en Russie et en Turquie.
Mais alors les validations internationales ?
Les scientifiques disent que des préoccupations concernant la surveillance des effets secondaires pourraient être la raison pour laquelle l’OMS et l’EMA n’ont pas encore délivré d’autorisation d’utilisation d’urgence.
L’OMS a demandé davantage de données à l’Institut Gamaleya et des inspections par l’agence des installations de fabrication de vaccins et d’essais cliniques de la Russie sont en cours. Jusqu’à présent, neuf sites ont été inspectés et l’OMS a signalé des inquiétudes concernant un site de fabrication (concernant les normes sanitaires de mise en bouteille du vaccin NDLA).
L’EMA elle affirme que l’autorisation du vaccin serait en « révision continue », SputnikV étant le seul vaccin soumis à un tel processus.
Les développeurs de Sputnik ont accusé l’Union européenne d’être partiale, citant un commentaire du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton en mars selon lequel l’UE n’a “absolument pas besoin de Sputnik V”, un avis confirme par les récents propos de Clément Beaune.
Selon Dmitry Kulish, chercheur en biotechnologie à l’Institut des sciences et technologies de Skolkovo à Moscou, qui n’est pas impliqué dans le développement de Sputnik V, suggère qu’il existe également un lobby «pro-Pfizer » au sein de l’EMA qui entrave la demande d’autorisation de Sputnik car selon lui le vaccin Pfizer-BioNTech, est codéveloppé par Pfizer à New York et BioNTech à Mayence, en Allemagne donc dans l’UE.
Quelques éléments additionnels ?
En Novembre 2020 un sondage sur 12.000 personnes sur 11 pays (Résidents du Brésil, de l’Égypte, de l’Inde, de l’Indonésie, de la Malaisie, du Mexique, du Nigéria, de l’Arabie saoudite, des Philippines, des Émirats arabes unis et du Vietnam) montrait que près de la moitié des sondés connaissait le SputnikV et que la Russie et son vaccin a technologie à base d’adénovirus était le pays avec le plus haut niveau de confiance, devant l’Amérique.
En mars 2021, un sondage similaire sur 9,347 personnes dans 9 pays montrait que 74% des sondés connaissait le SputnikV, 54% des sondés faisait confiance a la Russie et que le SputnikV était le second vaccin le plus apprécié après le Pfizer, 33% des sondés souhaitant être vacciné avec le SputnikV.
Un sondage réalisé du 29 avril au 10 mai 2021, sur 1.001 citoyens de la République fédérale d’Allemagne âgés de plus de 18 ans montre que 60% des Allemands sont prêts à être vaccinés avec le vaccin russe Sputnik V”, s’ils en avaient l’occasion, contre plus de 70% en Allemagne de l’Est selon des résultats d’une enquête présentée le Mercredi par le Comité oriental de l’économie allemande (OA) – entreprise une association qui regroupe les entreprises allemandes d’Europe de l’Est et de l’espace post-soviétique.
Mais alors pourquoi tant de haine ?
La question reste donc entière : pourquoi, alors que des états aussi scientifiques que la Corée du sud ou la Chine ou européens tels que l’Italie, l’Allemagne, la Hongrie ou la Slovaquie reconnaissent le SputnikV, la France décide autrement et fait cavalier seul en initiant une croisade anti-SputnikV ?
Le problème est sans doute purement « politique » et les fantaisies diplomatiques françaises de ces derniers mois contre la Russie semble le confirmer.
Jean Yves le Drian avait déjà qualifié le vaccin russe d’outil de propagande, affirmant que : “A la manière dont c’est géré, c’est plus un moyen de propagande et de diplomatie agressive qu’un moyen de solidarité et d’aide sanitaire“.
Sur la présence russe en afrique, le chef de la diplomatie française (du pays qui a créé la francafrique 🙂 a accusé: “les milices russes de se servir dans les richesses d’un pays où la France a réduit ses activités“.
Sur l’affaire Navalny il a déclaré que « L’acharnement sur Navalny est insupportable. […] Il a fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Ensuite, il a été déporté. Maintenant, sa vie est en danger » (…) « Si l’opposant meurt en prison, on prendra les sanctions nécessaires et on mettra […] ce drame sous la responsabilité de M. Poutine et des autorités russes »
Plus tot dans l’année il avait estimé que le gazoduc Nord Stream 2 mettait en cause la « sécurité énergétique de l’Europe (…) et que la France n’est pas favorable à la mise en place de ce gazoduc ».
Le vrai problème de la diplomatie atlantiste francaise : la Russie de Poutine.
Le problème de fond semble donc ne pas être la qualité de SputnikV mais bel et bien la Russie, que le chef de la diplomatie française avait qualifié de « Voisin parfois désagréable, parfois horripilant, parfois insupportable, parfois tout à fait condamnable (…) » affirmant lors de l’affaire de l’avion dérouté par la Biélorussie qu’il aurait « des complicités historiques, idéologiques, géographiques entre la Biélorussie et la Russie. Le même autoritarisme, la même volonté de tuer la société civile. Ces complicités-là se manifestent aussi dans des relations très intimes sur la politique extérieure et la relation des services secrets ».
Jean Yves le Drian, tout comme Clément Beaune sont membre d’un même parti politique qui regroupe d’anciens responsables socialistes qui navigue autour de LREM et du président Macron. Il est de plus en plus difficile d’imaginer que les motivations d’opposition a North-Stream 2 tout comme comme au SputnikV ne soient pas avant tout idéologiques et politiques plutôt que rationnelles ou scientifiques.
Une partie de la classe politiques actuelle francaise semble dogmatiquement convaincue que la Russie serait une puissance menaçante représentant un danger pour les démocraties occidentales et européennes. Ce n’est pas un cas unique d’aveuglement des élites françaises, surtout de gauche, pour des raisons dogmatiques.
Un comble alors que marie-paule Kieny, virologue, vaccinologiste et actuellement directrice de recherche à l’Inserm vient encore de redire ce qu’elle disait durant l’hiver 2020 suite a sa recontre avec Gamelea : les informations concernant le SputnikV sont convaincantes.
Pour des raisons tout aussi dogmatiques il y a un siècle et demi sous la 3-ième république, une partie de la classe politique francaise ralliée sous la figure du progressiste présocialiste Jules Ferry s’etait convaincue que : « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (…) De nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation. ».
L’acharnement des élites françaises, visiblement convaincues que la France doit mener une sorte de mission civilisatrice contre les puissances dites “révisionnistes“, Russie en tête, traduit sans doute bien l’aveuglement ambiant, aveuglement qui devrait mener la France à faire une fois de plus une erreur historique.
Les élites françaises feraient bien de faire rejaillir la sève nationale, tenter de projeter ce que la France gagnerait à regarder davantage vers Moscou et considérer la fabuleuse opportunité pour Paris de rééquilibrer sa trajectoire historique et donc son horizon civilisationnel.