On parle souvent du couple Franco-Russe, particulièrement ces temps ci puisque commence l’année Franco-Russe (2010).
On oublie souvent de parler de la force du tandem Germano-Russe. A ce titre je me permets de vous soumettre l’article ci dessous qui date de juin 2009 et
était paru dans l’usine nouvelle.
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Une fois encore, Vladimir Poutine, le Premier ministre russe, vient de jouer la politique du bâton en menaçant la semaine dernière de couper le gaz à l’Ukraine (et donc à l’Europe) pour cause de factures en retard. Hasard du calendrier, le groupe énergétique allemand E.on bouclait simultanément la signature d’un accord avec le géant Gazprom pour prendre 25% d’un important champ gazier en Sibérie. Lui cédant au passage 49% d’une de ses filiales russes. Le symbole est frappant. Si, face à l’ours slave, l’Union européenne a trop souvent montré le visage de l’indécision, l’Allemagne trace sa route et resserre une fois de plus ses liens économiques avec Moscou. Et en la matière, les exemples ne manquent pas. Cette année, deux ont marqué les esprits. Le premier est la grande alliance dans le nucléaire civil. Rompant son association vieille de dix ans avec Areva, Siemens décidait enmars de s’allier avec le champion russe de l’atome, Rosatom. Un petit séisme pour le couple franco-allemand.
Plus récent, le deuxième exemple est bien sûr celui d’Opel. Après des semaines d’hésitation, le gouvernement d’Angela Merkel a apporté son quitus à la reprise de la filiale de GM par l’équipementier canadien Magna et la banque russe Sberbank. Détenue à 60% par la Banque centrale de Russie, Sberbank agit en portage pour le constructeur russe GAZ, propriété d’Oleg Deripaska, un oligarque en situation délicate devenu un obligé du Kremlin. Derrière cet attelage hétéroclite se cache un projet : marier le savoir-faire allemand avec les promesses du marché automobile russe, appelé à devenir le premier d’Europe. Les chances de réussite ? Inconnues. Mais, pour la Russie, c’est une chance unique d’exister demain sur ce métier. Frappantes, ces alliances s’inscrivent surtout dans une double continuité économique et politique. Coté économique, depuis l’effondrement du rideau de fer, Deutschland AG s’est précipitée en Russie. Daimler, Continental, Bosch, BASF, Bayer, VW, Deutsche Bank: tous ces poids lourds, sans compter les entreprises du Mittelstand, ont fait leur trou à Moscou, Saint-Pétersbourg ou Nijni-Novgorod.
Au total, 6000 sociétés allemandes seraient installées en Russie. Sans doute dix fois plus que les entreprises françaises. De même, les exportations allemandes vers la Russie se sont élevées à 32milliards d’euros en 2008 (4,5 fois celles de la France). Inversement, les exportations russes atteignent 34 milliards, d’euros, surtout dans l’énergie, avec notamment 35% des importations allemandes de gaz.
Côté politique, enfin, il faut rappeler combien les relations -souvent terribles- entre les deux pays sont anciennes. Comme l’illustre le destin de Sophie d’Anhalt-Zerbst, arrachée adolescente en 1744 à sa Poméranie pour prendre le chemin de Saint-Pétersbourg, puis devenir Catherine II. Plus près de nous, après la chute de l’URSS, des milliers de Russes de souche germanique (descendants d’immigrés «invités » par la même Catherine II) choisirent le « retour » en Allemagne. Formant ainsi aujourd’hui une population de plus de 3 millions d’Allemands russophones.
Avec pragmatisme pour Helmut Kohl, passion pour Gerhard Schröder ou réalisme pour Angela Merkel, tous les leaders allemands depuis 1991 n’ont eu de cesse de renforcer ces liens. On dit que l’Europe ne peut avancer sans un couple franco-allemand fort. On ne dit rien au sujet du couple germano-russe, mais il avance.