Category Archives: 2012

Россия: образование и модернизация

Оригинальная статья была опубликована в РИА Новости

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Когда в конце второго срока Владимира Путина возник вопрос о руководстве Россией, страна была на подъеме. Российская экономика переживала бурный рост, цены на сырьевые товары резко выросли, а правящая партия «Единая Россия» была феноменально популярна. Выбор Медведева был, вероятно, хорошо обдуманным и имел несколько целей, среди которых: отправка сигнала Западу об ослаблении напряженности, и переходу к важнейшему проекту по модернизации экономики. Война в Грузии в августе 2008 года несколько охладила отношения с Западом, что же касается американского финансового кризиса (ипотечного), который поразил Россию в 2008 году, то его последствия для экономики России были достаточно существенными. Только в этом году (спустя четыре года) Россия полностью восстановила докризисный экономический уровень.Модернизация является и, несомненно, останется крупнейшим внутренним проектом России на ближайшие годы. Способность России модернизироваться зависит, вероятно, как от уровня коррупции, так и от финансовой привлекательности или же своего имиджа в мире со всеми вытекающими последствиями. Статья Дмитрия Медведева«Россия, вперед!», обнародованная в ноябре 2009 года, была воспринята комментаторами по всему миру как новый этап этой форсированной модернизации. Тем не менее, этот обширный проект был предложен в 2004 году Владимиром Путиным. Почему не ранее, то есть в период с 2000 по 2004 годы? Потому что сначала нужно было восстановить государство, это было приоритетом. Continue reading

La Russie dans la lumiere

Laurent Brayard de la voix de la Russie a eu la gentillesse de m’interviewer sur ma vision du monde et de la Russie.
Vous pouvez lire l’interview sur l’excellent site de Voix de la Russie : ici !
Je reproduis le texte ci dessous

Laurent Brayard, La Voix de la Russie: Bonjour Alexandre Latsa et merci d’accepter de répondre à quelques unes de nos questions, tout d’abord pour situer le personnage, vous êtes journaliste et blogueur vivant en Russie depuis bientôt cinq années, présentez-vous un peu s’il vous plaît pour nos lecteurs.

Alexandre Latsa : « Bonjour Laurent. Oui je suis français, âgé de 34 ans, cela fait bientôt 5 ans que je réside en Russie. Je dirige une société de conseil en ressources humaines et suis également journaliste pour l’agence de presse RIA-Novosti ».

La Voix de la Russie : Nous disions donc que vous étiez blogueur et vous avez entamé déjà il y a un moment cette aventure, pouvez-vous nous dire pourquoi et dans quel but ?

Alexandre Latsa : « Tout d’abord je dois dire que je m’intéresse depuis très longtemps à la Russie. Dès la guerre en Serbie en 1999 j’ai porté une grande attention à la façon dont la Russie était présentée par le Main Stream médiatique français.

Un soir, au moment des élections législatives russes de 2007, des amis français dinaient chez nous, en France. Ils m’ont posé des questions totalement absurdes sur les élections en Russie. Avec mon épouse nous envisagions déjà notre départ en Russie dans les mois suivants et j’ai alors décidé d’ouvrir un blog pour informer ces amis de ce qui se passait en Russie mais également pour accompagner mon déménagement en Russie. Mon premier post concernait le résultat des élections législatives de décembre 2007 !

Puis le blog s’est transformé en une sorte de descriptif de la Russie telle que je l’observe, et cette vision n’est absolument pas la même que celles que nos médias nationaux retransmettent. Peu à peu le blog s’est enrichi et Dissonance est entièrement consacré à la « Russie d’aujourd’hui ». Les thèmes que j’y développe sont la démographie russe, la géopolitique de l’Eurasie, les rapports Russie-Union Européenne, la désinformation médiatique et les mythes russophobes. Je tente aussi d’enrichir le blog avec les photos de mes voyages en Russie ». Continue reading

Russie: éducation et modernisation

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Lorsque la question de la gouvernance de la Russie s’est posée à la fin du second mandat de Vladimir Poutine, la Russie avait le vent en poupe. L’économie russe connaissait une forte croissance, les prix des matières premières explosaient et Russie Unie, le parti au pouvoir connaissait une popularité assez phénoménale. Le choix Medvedev était un choix sans doute bien réfléchi, et qui devait avoir plusieurs buts, parmi lesquels: envoyer un signal de détente aux occidentaux, et passer à la vitesse supérieure dans le projet essentiel de modernisation de l’économie. La guerre en Géorgie d’aout 2008 a quelque peu refroidi les relations avec l’Occident, quant à la crise financière américaine (des subprimes) qui a frappé la Russie en 2008, ses conséquences sur l’économie russe ont été relativement importantes. Ce n’est que cetteannée (quatre ans plus tard) que la Russie a totalement retrouvé son niveau économique d’avant crise.

La modernisation est, et sera sans doute le grand chantier intérieur de la Russie pour ces prochaines années. De la capacité de la Russie à se moderniser dépendront sans doute tant le niveau de corruption, que l’attractivité financière ou encore son image dans le monde avec toutes les conséquences liées. Le discours “Russie en avant” de Dimitri Medvedev de novembre 2009 a été interprété par les commentateurs du monde entier comme une nouvelle étape de cette modernisation forcée. Pourtant ce vaste chantier a été dès 2004 mis en avant par Vladimir Poutine. Pourquoi pas avant, c’est-à-dire entre 2000 et 2004? Parce qu’avant il fallait reconstruire l’état, et c’était un grand chantier prioritaire.

Les élites russes sont conscientes que cette modernisation passera inévitablement par l’apport de technologies, de savoirs et de savoir faire de l’étranger (notamment de l’ouest), c’est sous son impulsion qu’a été créée “l’agence d’initiative stratégique”. L’agence a des objectifs ambitieux. Elle veut devenir une structure facilitant l’émergence de jeunes leaders qui contribueront à la construction d’une nouvelle économie, pour faire de la Russie un des pays les plus attractifs du monde. L’agence devrait mettre en place jusqu’à 200 projets chaque année. Parmi les nombreux projets prévus, un programme ambitieux pour sponsoriser les cursus d’étudiants russes à l’étranger. Il s’agit de permettre à ces étudiants d’obtenir des diplômes occidentaux, et de se familiariser, à l’étranger, avec d’autres méthodes de travail.

En échange de cette prise en charge financière, les étudiants concernés auront pour seule obligation de travailler au moins 3 ans en Russie pour des sociétés privés ou publiques, juste après l’obtention de leur diplôme. Si les étudiants refusent de revenir travailler en Russie, ils devront rembourser le prêt contracté auprès de l’agence pour financer leurs études. L’objectif du projet est clair : il s’agit d’améliorer la productivité dans l’économie russe.

Le projet doit être lancé cette année (2012) et concerner 3.000 étudiants sur la période 2012-2015 : 250 en 2012, 900 en 2013, 1.200 en 2014 et 650 en 2015. Le projet est financé en partie par l’état mais aussi par des sponsors privés, principalement de grosses sociétés russes ayant déjà noué des partenariats dans le cadre de ce projet. Le budget alloué est de 125 millions de dollars sur la période 2012-2015. Les partenariats concernent 300 universités dans près de 25 pays. Les Etats-Unis sont en tête avec 66 établissements partenaires, suivis de l’Angleterre avec 28. Pour le reste, 61 établissements sont situés en Europe, 11 en Chine et 9 au Japon. Les projets concernés sont divers : Domaine scientifique, technologique, médical, social ou économique.

Beaucoup de commentateurs ont critiqué la création de cet institut en estimant qu’il ne s’agissait que d’une pâle copie d’une expérience similaire menée par le gouvernement chinois dans les années 70, et qui a permis à prés d’un million d’étudiants chinois d’aller étudier à l’étranger. Pourtant, cette idée d’aller voir à l’ouest et observer ce qui s’y passe est également une vieille tradition russe. Le premier ministre russe a donc décidé de s’inspirer de la Chine dans la période moderne, mais également d’une vieille tradition russe.

Le Tsar Pierre le Grand, père politique de la “Russie européenne “, modernisa le pays après être allé lui-même en Europe pour observer et apprendre, et ainsi tenter de combler le plus rapidement possible les retards technologiques que la Russie avait dans de nombreux domaines.
Pour ce faire, le Tsar russe partit incognito en 1696 en Prusse (pour y étudier l’artillerie) mais aussi aux Pays-Bas et en Angleterre (pour approfondir ses connaissances en construction navale). Puis, Tsar de Russie, il tenta aussi d’encourager l’industrie et le commerce, et il envoya des jeunes à l’étranger afin d’améliorer leurs connaissances générales.

La Russie ainsi s’inspire de modèles américains et asiatiques performants (Chine, Singapour..) qui ont une tradition de financement d’études à l’étranger pour leurs ressortissants. En outre, une des facettes du projet est également de permettre en 2020 l’apparition de facultés et universités russes de qualité mondiale, alors qu’à l’heure actuelle la Russie n’a pas une seule de ses universités classée parmi les 200 premières de la planète. Un objectif ambitieux alors que le budget de l’éducation est en baisse pour la période 2012 à 2015.

C’est à Perm que le soleil se lève en premier en Europe

L’article original a été publie sur Ria Novosti.

* Les lecteurs de RIA-Novosti savent depuis le 05 octobre 2011 que la ville Russe de Perm s’est lancée dans un projet assez inattendu: devenir la capitale européenne de la culture. Cette semaine, interview avec l’un des principaux acteurs de ce projet: le ministre de la culture de la région de Perm, Alexandre Protasevitch.  

Alexandre Protasevitch bonjour, pourriez vous vous présenter a nos lecteurs?  Bonjour, oui bien sur! J’occupe actuellement le poste de Ministre de la culture, de la jeunesse et des communications dans la région de Perm. Perm est une ville située à 1.200 km à l’Est de Moscou. Mes fonctions consistent en fait principalement à diriger les institutions culturelles régionales en y implémentant les initiatives culturelles mais aussi à m’occuper de la culture des différentes entités régionales, soit prés de 2.644 entités territoriales dont 25 villes et 30 bourgs de type urbain.

Pourriez-vous nous parler un peu plus du projet de faire de PERM une capitale européenne de la culture? D’où est né ce  projet et quel y est votre rôle, en tant que Ministre de la culture de la région de Perm? Le projet de désignation de villes en tant que capitales européennes de la culture est une initiative de l’Union Européenne qui a plus de 20 ans. Cela consiste à honorer une ville par ce titre pour une durée d’un an. Ce beau programme nous a séduit par sa capacité à mettre en valeur une ville en tant que centre d’attraction culurelle.Nous avons étudié les expériences de plusieurs villes post-industrielles qui ont porté ce titre, les avantages économiques et touristiques que les villes ont connus grâce à ce programme nous ont parus réellement saisissants. Après avoir échangé avec mes homologues de villes jumelées avec Perm comme Duisburg en Allemagne et Pecs en République tchèque je me suis sérieusement mis en tête de tenter cette compétition. L’idée a été soutenue par le gouverneur du Krai de Perm mais également par toute son équipe.

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Inondations: la Russie à nouveau sous le feu des critiques?

L’article original a ete publié sur le site de RIA-Novosti
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La semaine dernière la Russie a de nouveau subi une catastrophe climatique : Dans la nuit du 6 au 7 juillet des pluies torrentielles ont provoqué des inondations, causé la mort de 171 personnes et fait près de 30.000 sinistrés au cœur de la riviera russe, une région qui s’étend le long de la Mer Noire, entre Anapa et Sotchi. Comme durant l’été 2010 lors des incendies qui ont frappé le pays, une véritable artillerie médiatique s’est immédiatement déclenchée contre les autorités russes. Il est toujours curieux de constater que ce genre d’offensive médiatique se produit uniquement quand une catastrophe climatique a lieu en Russie.

Dans la même presse qui critique les autorités russes, il n’y a pas eu de critique du système politique en Inde lorsque la semaine dernière des inondations ont fait 121 morts et près de 6 millions de refugiés. Pas de critiques non plus contre le gouvernement de la  Chine (580.000 habitants sont touchés par des inondations) ou du Japon (30  morts) la semaine dernière. Aucun journaliste ne s’est lancé dans une critique du système politique local lorsqu’en novembre dernier en Italie des inondations ont fait une dizaine de morts dans le nord du pays. Aucune critique non plus sur la gestion des incendies dans le Colorado à la fin du mois de juin, incendies qui ont pourtant entrainé l’évacuation de dizaines de milliers de personnes, ou lors des feux de forêts en Espagne autour de Valence.

Pourquoi ce deux poids deux mesures systématique avec la Russie? Bien sur la Russie se vend mal, et a une fâcheuse tendance à ne faire parler d’elle que lors d’événements tragiques. Des incendies aux inondations et des sous marins qui coulent aux avions qui tombent, le pays semble frappé par des pesanteurs malheureuses, et est constamment soumis à une pression médiatique sans équivalent. Bien sur la faiblesse de communication russe lors de tous ces tragiques événements est patente, mais elle n’explique pas le traitement médiatique injuste dont le pays
est victime.

Comme lors des incendies de 2010, une seule et même obsession se fait sentir dans nombre de grands médias : Mettre les autorités politiques en cause. Alors que le 7 aout 2010, au moment des incendies, certains journaux titraient sur “la faillite du système Poutine”, presque deux ans plus tard certains médias tentent de nous faire croire que: “les russes ne croient plus Poutine”. Dépassé par les incendies en 2010, Vladimir Poutine serait en 2012 dans l’embarras et comme en 2010 contraint de rejeter la faute sur son administration.

La presse française a également relayé (voir ici ou la) une théorie complotiste selon laquelle les autorités auraient quasiment noyé la ville de Krimsk par un lâcher d’eau volontaire du barrage de Neberdjaevski. Ce choix serait du à la volonté de préserver nous dit on un quartier de luxe proche de Novorossiysk, ainsi que la station balnéaire de Gelendjik. Ces fantasmes sont démentis par des bloggeurs qui habitent sur place et qui ont vécu l’inondation.  Non seulement le barrage en question est derrière une montagne qui fait face à la ville, non seulement il n’y a pas dans ce coin de quartier luxueux de cottages à protéger, mais surtout la retenue d’eau était parfaitement intacte le 08 juillet dans l’après midi, comme le montre cette photo publiée sur le forum Vivre en Russie.

La presse française, qui a unanimement salué la presse russe pour sa relative unanimité critique envers les autorités a en outre oublié de saluer la très grande unité des volontaires russes à travailler ensemble,

puisque militants de l’opposition et militants des mouvements pro-Poutine cohabitent et travaillent ensemble dans des camps de volontaire pour aider les sinistrés de la région. Une magnifique vidéo relate le travail des volontaires à Moscou, alors que prés de 2.000 tonnes d’aide humanitaire ont déjà été expédié de différentes régions de Russie.

Il est à noter que l’offensive médiatique française s’est accompagnée d’une offensive médiatico-politique russe. Le parti d’opposition Iabloko, a par exemple affirmé disposer d’informations confirmant les soupçons du lâcher d’eau en catastrophe, sans pour l’instant les dévoiler. Une accusation reprise par les écologistes locaux et par exemple la militante d’opposition Evguenia Chirikova pour qui le nombre de décès devrait dépasser les 1.000 personnes.

Le blogueur Daniel Besson note que sur la toile on a vu apparaitre de faux et provisoires profils Internet, notamment celui de cette charmante jeune fille du nom de Yulia Andropova qui affirme que “son père venait de prendre son service quand une commission s’est réunie pour décider d’ouvrir les vannes de la retenue (…) Une décision prise sur injonction de Rosneft, l’opérateur Russe du réseau de pipelines et de gazoducs de la Fédération de Russie, afin de soi disant protéger ses installations d’exportation d’hydrocarbures du port de Novorossiysk”.

Etonnant ? D’autant plus lorsque l’on sait que  l’opérateur du terminal de Novorossiysk situé de part et d’autre de la montagne n’est pas Rosneft mais Transneft. Il y a eu d’autres provocations via des messages sur l’internet russe, propageant de fausses rumeurs quand a de nouvelles inondations et appelant les habitants à quitter leurs maisons avant les nouvelles crues. Ces rumeurs destinées à déstabiliser les habitants du district sont pour les autorités russes le fait de provocateurs professionnels, et le ministère de l’intérieur à décidé d’ouvrir une enquête à ce sujet.

Pavel Konstantinov, du département de météorologie et de climatologie de la faculté de géographie de l’Université d’Etat de Moscou: “Le Centre hydrométéorologique de Russie a donné alerte plusieurs heures avant les pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Territoire de Krasnodar. Mais personne n’imaginait qu’elles puissent produire des dégâts de telle ampleur. C’était une situation sans précédent qu’on a vu dans cette région (…) Il est tombé l’équivalent de 7 mois de précipitations en 24 heures”. Comme le rapporte un témoin sur place: “L’eau est montée très vite, elle a inondé le rez-de-chaussée des maisons en 5-10 minutes, elle a emporté des bordures de trottoir et même des plaques d’asphalte”.

Le vendredi 13 juillet, une autre pluie intense s’est abattue, cette fois ci sur Moscou. En quelques minutes, des rez de chaussée d’immeubles ont été envahis par l’eau, des voitures noyées et 3 personnes sont mortes. De mémoire d’homme, les moscovites disent qu’on a jamais vu une telle quantité de pluie en si peu de temps. Bien sur, lors de toutes catastrophes climatiques, les faiblesses de l’homme et les défauts structurels apparaissent de façon criante, mais que peu l’homme contre une nature déchainée et des dérèglements climatiques exceptionnels? Une chose est certaine, l’effort de modernisation entamé en Russie concerne tant les infrastructures que des mentalités.

Inachevé, ce grand chantier de la nouvelle Russie doit être poursuivi sans relâche. Quand à la critique journalistique, dans un monde juste, elle se devrait d’être constructive et pas seulement obsessionnelle et émotionnelle.

Voyage au pays des Russes pour des lecteurs français de Valeurs Actuelles

L’article original a ete publié sur le site de RIA-Novosti.
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Du 2 au 5 juin 2012, Moscou a reçu une visite très intéressante, celle de membres du club des lecteurs de Valeurs Actuelles. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Valeurs Actuelles, il s’agit d’un hebdomadaire français d’information générale, qui paraît le jeudi. Son tirage est proche des 90.000 exemplaires, ce qui correspond à environ 500.000 lecteurs réguliers (sources). Valeurs Actuelles est diffusé essentiellement par abonnement. Valeurs actuelles appartient au groupe VALMONDE, tout comme le mensuel “Le spectacle du Monde”, qui traite d’actualité politique, géopolitique et culturelle.
 
Les quarante voyageurs privilégiés emmenés à Moscou par “Valeurs actuelles” et “Voyages à la une” sont repartis de Russie avec au moins trois enseignements principaux,  comme le précise le compte rendu de voyage paru dans Valeurs Actuelles :
-Il y a bien des trésors dans les musées de Moscou.
-Il y a une extraordinaire vitalité dans la société moscovite.
-Il y a un sérieux décalage entre la réalité russe et les sombres descriptions de la plupart des médias français. “C’est à croire qu’ils raisonnent sur des idées et des images figées dans les années 1990”, leur a même dit un français expatrié à Moscou.

Trois jours seulement pour ressentir l’atmosphère de Moscou, c’est insuffisant, et j’espère que ces 40 voyageurs français reviendront plus longuement. Quiconque est déjà venu dans cette mégalopole de 14 millions d’habitants n’a pas pu ne pas ressentir que la ville est une fourmilière gigantesque et une bulle d’énergie sans limites. Hugo Natowicz et moi-même avions tenté de faire partager ces sensations moscovites, difficiles à expliquer ou à décrire, dans deux textes parus dans Ria Novosti : “énergie russe” et “survivre a Moscou“. Je pense que ces deux textes reflètent bien la réalité de la capitale russe. Celle d’une ville-monde dans l’état, qui n’a probablement pas d’équivalent en occident. On retrouve un peu l’atmosphère de Moscou dans certaines grandes villes d’Asie.
Mais bien évidemment, et les lecteurs de RIA-Novosti s’en doutent bien, c’est le troisième constat qui est le plus intéressant : Il y a un  “sérieux décalage entre la réalité russe et les sombres descriptions de la plupart des médias français”. Lors de leur visite, les 40 lecteurs de Valeurs Actuelles ont eu le privilège de rencontrer l’ambassadeur de France en Russie, Jean de Gliniasty, qui est en poste depuis janvier 2009. Celui-ci a affirmé non seulement “regretter la vision biaisée” de trop de médias français sur la Russie, mais aussi le fait que “la perception de la Russie n’est pas adéquate à l’état actuel de ce pays”.
 
J’ai participé à un déjeuner débat avec les 40 visiteurs au célèbre Café-Pouchkine. Pour la plupart, ces visiteurs ont fait des carrières de cadres ou de chefs d’entreprises en France, et leurs questions ont surtout porté sur l’économie, les salaires, les entreprises en Russie, et sur le mode de vie des étrangers à Moscou, l’optimisme ou le pessimisme dans la Russie d’aujourd’hui. Autant de questions qui sont rarement abordées de façon objective dans la presse française.
C’était l’occasion d’expliquer que la Russie est depuis quelques années déjà une terre d’opportunités qui a commencé à intéresser quelques  français, surtout depuis la crise de 2008 qui a secoué la planète et notamment les pays occidentaux. Expliquer aussi la transformation d’un expatrié français qui tente sa chance en Russie et qui devient un Russpat  (mot hybride mélange de russe et d’expatrié, traduisant le statut de
français installés en Russie, russophones et en cours de russification).
Sur le parcours, pour ceux qui veulent s’adapter, travailler et vivre en Russie sans être recrutés par une multinationale, les difficultés ne manquent pas. C’est plus compliqué que traverser le Channel et s’installer en co-location à Londres. Il n’y a pas que le climat, l’alphabet cyrillique et la complexité de la belle langue russe. Il y a la redoutable administration russe, labyrinthe compliqué et implacable, avec ses démarches interminables. C’est au contact de cette montagne que beaucoup se découragent. Certains dirigeants politiques russes d’aujourd’hui disent que personne n’a encore trouvé comment simplifier l’administration depuis l’époque des Tsars.

Cette sensation face à l’administration, ou face à des habitudes de vie et de travail inconnues en occident se résume dans une phrase célèbre de Natalia Narotchniskaia que j’ai citée aux visiteurs “le XIXe, le XXe et le XXIe siècle cohabitent en Russie”. On peut trouver le pays attirant, mais aussi insaisissable et brutal. Ceux qui ne se découragent pas découvrent que la Russie a un plan démographique ambitieux, et cherche à attirer des immigrants en grand nombre. Le taux de chômage est très faible en Russie, particulièrement à Moscou. De plus l’esprit d’entreprise est même encouragé (pour ceux qui ont le courage d’affronter la bureaucratie russe) par l’administration fiscale qui a créé un régime simplifié pour les nouvelles entreprises de petite taille. Un seul impôt libératoire de 6% du chiffre d’affaires, c’est loin d’être confiscatoire, et c’est une aubaine pour ceux qui veulent créer et développer une activité. (J’y reviendrai dans une tribune: Comment monter sa TPE en Russie).

Le mode de vie à Moscou, dans son aspect sécurité / insécurité, a fait l’objet de plusieurs questions. Difficile de croire, pour des parisiens, que des jeunes femmes moscovites élégantes, leur portable dernier cri à la main, puissent prendre le métro tard le soir, jusqu’au terminus, sans être menacées par des bandes de voyous. C’est pourtant le cas, beaucoup de français installés à Moscou en témoignent. Cette sensation de vivre dans une ville relativement “tenue” même si l’insécurité zéro n’existe pas, est un des aspects les plus attrayants de la “Moscow way of life”.

Les questions sur le pouvoir politique russe et la personnalité de Vladimir Poutine ont été nombreuses. Expliquer en quelques minutes à des visiteurs étrangers le chemin parcouru par la Russie de 2000 à 2012 n’est pas facile. Un risque d’éclatement territorial dans les années 90, la période des oligarques, deux guerres (2000 et 2008), le terrorisme rémanent et la crise financière, pour en arriver à une croissance économique soutenue qui se poursuit, il fallait résumer: “Les choses vont très vite ici. Il faut venir maintenant, Poutine et Medvedev sèment les graines de ce qui va éclore dans dix ou quinze ans”.

J’invite les lecteurs à lire le compte rendu du voyage disponible sur le site de Valeurs-Actuelles.