Il y a quelques jours, le journal Le Monde a publié un dossier intitulé : « Vladimir Poutine a-t-il quelque chose à craindre de ses opposants ? »
Ce dossier tente de vraisemblablement maintenir en vie un scénario populaire en Occident, et notamment au sein d’une partie du microcosme des « journalistes » et des « analystes ».
Que raconte ce scénario ?
Que le pouvoir russe serait inquiet de Navalny et de sa popularité au point d’injustement le faire condamner et emprisonner.
Logique puisque celui-ci serait même, affirment ces mêmes organes occidentaux, : « le principal opposant à Vladimir Poutine » quand il ne serait pas une sorte de Jean moulin russe, un superhéros voir la dernière chance pour les russes de s’échapper du « Poutinisme ».
On ne sait pas trop si cette vision partisane et erronée des réalités russes est d’avantage due à du militantisme politique anti-Kremlin ou de l’incompétence, mais elle s’est manifestée, de facon inattendue, dans les Tweets d’une Sénatrice des Français de l’étranger de passage à Moscou le jour de la dernière manifestation des Navalnistes et qui s’est faite intoxiquer malgré-elle par ces bruits de fonds antirusses.
Ce n’est ni la seule, ni la dernière.
#onmavaitdit 🙂
Ces bruits de fond sont très généralement produits soit par des journalistes #degauche, soit par des soi-disant « spécialistes de » … Bien souvent des boomers en fin de cycle, plus souvent pseudo-spécialistes de l’URSS ou d’une Russie des années 90, écosystèmes qui, dieu merci, n’existent plus.
La Russie actuelle, la Russie Poutinienne c’est autre chose.
C’est une autre Russie, une Russie qui change vite, et cette Russie-là, ils ne la connaissent pas, ou peu et souvent de loin car n’y habitent pas.
Tandis que les médias francais nous ont en masse présenté les manifestations de janvier 2021 comme massives et enflammant (!) Moscou, j’ai déjà sur ce blog démontré chiffres à l’appui que la mobilisation de janvier dernier avait été un relatif échec puisque ne réunissant au final qu’entre 100 / 120 000 personnes sur toute la Russie ce qui correspondrait à une mobilisation d’à peu près 40 / 50 000 personnes en France soit, à titre d’exemple, seulement la moitié de la mobilisation française du 1ier mai dernier.
Les soutiens de Navalny avaient alors appelé à une autre grande manifestation en avril en se basant sur une plateforme permettant de s’inscrire pour donner une dimension de masse à l’évènement et qui a rassemblé 467.732 signatures de russes soi-disant prêts à descendre dans la rue.
Qu’en a-t-il été ?
Selon l’équipe de Navalny, et notamment le « média ouvert » financé par Mikhail Khodorkovski ce seraient 118.000 personnes qui auraient manifesté dans les principales villes du pays tandis que les médias russes annoncent eux autour de 70.000 personnes. Pour le média MBX d’opposition ce sont entre 51 et 120 000 personnes qui auraient manifesté.
La plus grande manifestation a eu lieu à Moscou. Si la police a estimé à 6 000 le nombre de manifestants contre 60.000 pour l’équipe de Navalny, les estimations indépendantes envisagent entre 10 et 15.000 personnes, soit l’équivalent d’une manifestation de 1.500 à 2.500 personnes à Paris.
Signe de ce relâchement, 986 personnes ont été arrêtés contre 3.068 lors des manifestations de janvier 2021.
Si l’on pousse le calcul plus loin : 0,3% des russes se sont donc inscrits pour manifester et au final ce sont 0,07% (si 100.000 personnes dans la rue) qui sont allé manifester.
Un blogueur russe a mappé et compté le nombre de gens inscrits en pourcentage de population par villes.
Les villes avec le plus d’inscrits en pourcentage de la population sont
– Saint-Pétersbourg (0,57%)
– Moscou (0,42%)
– Iekaterinbourg (0,42%)
– Novossibirsk (0,41%)
– Tomsk (0,39%)
Sans surprises pour ceux qui suivent DISSONANCE, ce déplacement du mécontentement en province avait été prévu en 2019 et s’est confirmé en 2021.
Pourquoi ?
Les analystes et journalistes francais aiment à justifier le fait que peu de gens descendent dans la rue pour Navalny par la terreur qu’inspirerait le régime Poutine ou la terrible répression qui s’exercerait sur ces partisans, preuve en est la dissolution de l’écosystème politique d’Alexeï Navalny.
Pour certains correspondants francais en Russie, les actions du Kremlin contre le chevalier blanc Navalny s’approcheraient des heures les plus sombres de notre histoire au vu du lexique utilisé de “liquidation … Offensive finale … Annihilation …”
On se rapproche de la bouffée délirante d’une correspondante de France2 durant la canicule de 2010.
- On entend moins nos experts nous expliquer la rencontre d’un cadre de Navalny qui demande des financements à un responsable anglais de l’ambassade anglaise à Moscou, suspecté d’être un correspondant du MI6 les services secrets britannique, ni les questions légitimes des autorités russes quand au financement anonyme, notamment de l’étranger de la galaxie Navalny.
Imagine t’on en France un blogueur d’extrême gauche leader d’un mouvement politique demander de l’argent en secret à l’ambassade de Chine à Paris et que son mouvement ne soit pas surveillé, sous pression voire interdit ?
La France n’est-ce pas le pays libre dont le gouvernement a interdit Génération identitaire qui n’a pourtant commis aucun crime ni délit et qui n’a aucun financement étranger ?
- On entend également moins nos experts nous expliquer ce que pensent le peuple russe de Navalny et des manifestants.
Parlons-en !
J’ai déjà parlé de l’institut Levada qui le principal institut de sondage indépendant du pays.
Un sondage du 24/12/2020 montre si 78% des Russes sont au courant de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, seuls 17% suivent cette affaire. Mieux 30% pensent que ce qui s’est passé était une mise en scène du politicien lui-même, 19% y voient une provocation des services spéciaux occidentaux et « seulement » 15% parlent d’une tentative des autorités russes pour éliminer un adversaire politique.
Ils étaient 3% en 2018 à penser que l’empoisonnement des Skripal étaient le fait des services russes.
Un sondage du 04/20/2021 montre que 5% des russes interviewés citent Alexey Navalny comme figure politique en laquelle ils ont confiance, contre 3% en septembre 2018.
Un sondage du 05/02/2021 montre que 19% des russes approuvent l’action d’Alexeï Navalny (20% en 2019), que 56% n’approuvent pas son action.
Un sondage du 08/02/2021 montre que 25% des russes ont vu le film sur le soi-disant palace de Poutine, seuls 17% des sondés pensent que c’est vrai.
Un sondage du 10/02/2021 montre que seulement 22% des russes ont un regard positif sur ces manifestations, contre 23% en 2019. Le même sondage le 13/05/2021 montre que seulement 16% des sondés soutiennent désormais les manifestants Navalnistes, pour rappel le niveau de soutien était de 47% pour les manifestants de Khabarovsk.
Pour mesurer sous un autre angle la situation sur la popularité des uns et des autres, ce sondage sur 1.200 personnes à Moscou qui le 30/04 dernier posait la question de savoir « si les élections étaient dimanche prochain, pour qui voteriez-vous ? »
Sobyanine : 55,1%
Poutine : 52,6%
Michoustine : 45,2%
Navalny : 15,8%
Avec un taux de confiance de 5% et seulement 15% d’intentions de vote à Moscou à Moscou en 2021 (contre 27% en 2013), malgré son arrestation, dans la ville qui lui est de très loin la plus favorable, Alexeï Navalny reste très loin derrière les figures locales ou du gouvernement.
On comprend également que faire de Navalny l’opposant principal à Vladimir Poutine est, en 2021, surtout et avant tout un mensonge colporté sur les plateaux télévisés et par la presse française.
On peut se poser la question de savoir “pourquoi”.
Pendant ce temps, dans le monde réel russe d’aujourd’hui, il en va autrement.