Vladimir Poutine répond aux questions de Dmitry Kisseliov : directeur général adjoint de VGTRK (Société nationale russe de télévision et de radiodiffusion, ВГТРК en russe), directeur général de l’agence Rossiya Segodnya — NdT]

Publié le 13 mars 2024 10:00 Moscou, Kremlin

D. Kisseliov : Vladimir Vladimirovitch, en énonçant votre Message [à l’Assemblée fédérale], vous avez, au sens figuré, sorti de votre manche [Tel un magicien — NdT] des billions [Billion : mille milliards, appelé «trillion» en russe — NdT] et des billions. Vous avez ainsi proposé un plan de développement du pays absolument stupéfiant — absolument stupéfiant. Il s’agit d’une Russie différente, avec une infrastructure différente, un système social différent — un pays de rêve, tout simplement.

Cela me donne envie de vous poser votre question préférée de Vyssotsky [Auteur-compositeur-interprète et acteur de théâtre et de cinéma, «conscience» du peuple soviétique — NdT]: « Où prendre l’argent, Zine ? » [*Voir la note en bas — NdT] L’avons-nous vraiment gagné, cet argent ?

V. Poutine : Oui, bien sûr.

Plus que cela : tout d’abord, tout cela a été planifié au cours travail minutieux de la communauté des experts, des spécialistes du Gouvernement et de l’Administration [du Président]. Tout est parfaitement conforme aux règles budgétaires et, en fait, assez conservateur, car certains experts pensent qu’il devrait y avoir et qu’il y aura plus de revenus. Cela signifie que nous aurions dû prévoir davantage de dépenses, car cela devrait avoir une incidence directe sur les perspectives de développement économique.

En général, c’est exact, mais en 2018, nous avions également prévu d’allouer 8 billions supplémentaires au développement de l’économie et de la sphère sociale, et nous avons ensuite augmenté ces dépenses. Je pense qu’il est tout à fait probable que, si les choses se passent comme le disent les optimistes du groupe d’experts que j’ai mentionné, nous pouvons — nous devons et nous pourrons — augmenter ces dépenses dans différents domaines.

D. Kisseliov : Nous parlons donc d’une période de six ans ?

V. Poutine :
 Exactement. Nous parlons d’une période de six ans. Nous sommes en train d’élaborer un budget pour une période de trois ans — une période de planification de trois ans, comme on dit. Mais, bien sûr, lorsque nous préparions le discours — je dis « nous préparions le discours » parce qu’il y a toute une équipe qui travaille sur ce sujet — nous avons supposé que nous calculerions nos recettes et nos dépenses dans les domaines que nous considérions comme clés, prioritaires, pour six ans.

D. Kisseliov : Il n’en reste pas moins qu’il y a des projets littéralement stupéfiants. Par exemple, l’autoroute Sotchi-Djoubga : 130 kilomètres, dont 90 kilomètres de tunnels, le reste étant probablement des ponts, à en juger par le paysage. Un milliard et demi [En fait, billion et demi — NdT] rien que pour les trois premières années, et l’autoroute devrait idéalement être prête en 2030. Quel est le montant nécessaire et sera-t-il suffisant pour gagner ?

V. Poutine :
 Les gens ont besoin de cette autoroute. Les familles avec enfants ne peuvent pas se rendre à Sotchi en voiture. Tout le monde s’arrête quelque part près de Gelendjik ou de Novorossiysk, parce que l’autoroute est très difficile — une route en serpentin.

Il existe plusieurs options de construction. Nous allons littéralement en discuter dans les prochains jours : soit la construire jusqu’à Djoubga, soit la construire d’abord de Djoubga à Sotchi. Certains membres du Gouvernement suggèrent de procéder par étapes. D’autres pensent qu’il faut faire le tout en même temps, sinon il y aura un couloir étroit de Djoubga à Sotchi.

La première partie, si vous regardez depuis Novorossiysk, est plus ou moins décente, et la couverture n’est pas mauvaise, mais elle est très étroite. Si nous arrivons à Sotchi comme la première partie, des embouteillages risquent de se produire dans ce petit espace, et il y en a suffisamment aujourd’hui.

En général, nous déterminerons cela avec des spécialistes — comment, par quelles étapes, mais cela doit être fait. Bien sûr, nous devons déterminer le coût final du projet et veiller à ce que tout le monde reste dans les limites des plans financiers.

L’intérêt de la gent d’abord, mais aussi de l’économie. Le développement des territoires dans le sud du pays est très important.

D. Kisseliov : Si nous pouvons nous permettre des investissements d’une telle ampleur, cela signifie que le pays s’enrichit rapidement, surtout dans les conditions de l’Opération militaire spéciale, dans les conditions de près de 15 000 sanctions, qui sont absolument sauvages. De plus, nous nous sommes donné pour mission de réduire la pauvreté, y compris chez les familles nombreuses. N’est-il pas trop audacieux ?

V. Poutine :
 Non. Écoutez, si nous revenons à cette autoroute. Lorsque j’en ai discuté avec des membres du Gouvernement — comme vous le savez, le ministère des finances est toujours avare dans le bon sens du terme, toujours très conservateur en matière de dépenses — le ministre des finances [Antone Silouanov] m’a dit, presque mot pour mot : « Uniquement ceux qui n’ont jamais emprunté cette route s’opposent aujourd’hui à sa construction ».

D. Kisseliov : C’est-à-dire qu’il faudrait y promener l’ensemble du Gouvernement.

V. Poutine :
 Et il a raison, car c’est particulièrement [important] pour les familles avec enfants.

Quant à savoir si nous nous enrichissons ou non. L’économie croît — c’est un fait, et un fait qui a été enregistré non pas par nous, mais par les organisations économiques et financières internationales. Nous avons en effet dépassé la République fédérale d’Allemagne en termes de parité de pouvoir d’achat, prenant sa place — la cinquième — parmi les plus grandes économies du monde.

L’économie allemande s’est contractée, je crois, de 0,3 % l’année dernière, alors que nous avons connu une croissance de 3,6 %. Le Japon a progressé d’un petit point de pourcentage. Mais si les choses continuent à évoluer au même rythme qu’aujourd’hui, nous avons toutes les chances de prendre la place du Japon et de devenir la quatrième économie mondiale dans un avenir assez proche.

Pourtant il faut être honnête, objectif : il y a une différence entre la qualité de nos économies. En termes de parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire en termes de volume, nous sommes vraiment cinquièmes et nous avons toutes les chances de prendre la place du Japon. Mais la structure de leurs économies, bien sûr, se distingue avantageusement de la nôtre.

Nous avons encore beaucoup à faire pour que, non seulement en termes de parité de pouvoir d’achat, mais aussi [en termes de PIB] par habitant, nous occupions une position décente — c’est premièrement. Deuxièmement, la structure elle-même doit changer pour devenir beaucoup plus efficace, plus moderne et plus innovante. C’est à cela que nous allons travailler.

En ce qui concerne le revenu, la parité du pouvoir d’achat est un indicateur très important. C’est le volume, la taille de l’économie. Cela signifie que l’État reçoit des fonds pour résoudre des tâches stratégiques par le biais du système fiscal à tous les niveaux. Cela nous donne la possibilité de nous développer comme nous le pensons nécessaire pour notre pays.

D. Kisseliov : À propos, vous parlez de la structure, de la nécessité de changements structurels dans notre économie. Après tout, c’est exactement ce qui a été énoncé dans votre discours, et c’est ainsi que la tâche est fixée : que les industries innovantes se développent plus rapidement que l’économie en moyenne.

V. Poutine : 
Oui, bien sûr.

Je l’ai déjà dit : c’est sur la structure que nous devons travailler. L’avenir de notre économie, l’avenir des ressources en main-d’œuvre, l’efficacité et la productivité du travail en dépendent.

L’une des principales tâches aujourd’hui est d’augmenter la productivité du travail. En effet, dans un contexte de pénurie de travailleurs, de ressources en main-d’œuvre, nous n’avons qu’un seul moyen de nous développer efficacement, à savoir augmenter la productivité du travail. Cela signifie que nous devons accroître le potentiel d’innovation de l’économie, par exemple en augmentant la densité de la robotisation. Aujourd’hui, nous avons dix robots, je pense, pour 10 000 travailleurs, et nous avons besoin d’au moins mille robots pour 10 000 travailleurs. Je pense que c’est le cas au Japon.

Et pour que les gens puissent travailler avec ces nouveaux équipements — non seulement pour utiliser la robotique, mais aussi d’autres moyens de production modernes — nous devons les former. Un autre problème se pose, celui de la formation du personnel.

Nous avons des zones entières réservées à cet effet, y compris la formation en ingénierie. Je suis sûr que vous avez remarqué que nous avons déjà lancé 30 écoles d’ingénieurs modernes à travers le pays. Cette année, nous en lançons 20 autres, soit 50 au total. Et nous prévoyons d’en lancer 50 autres dans les années à venir.

Ces orientations sont donc l’avenir de notre pays. Nous avancerons et nous nous développerons dans ce sens.

D. Kisseliov : Pour en finir à la question des sanctions : plusieurs ont exprimé l’idée de créer un organe spécial qui s’occuperait des sanctions, de leur réflexion et, en général, de la défense contre les sanctions. Cette idée est-elle envisagée ou n’a-t-elle pas de sens ?

V. Poutine :
 Ce n’est tout simplement pas nécessaire. Nous analysons — le Gouvernement, la Banque centrale, le Conseil de sécurité — tout ce que font nos ennemis. Beaucoup de choses sont faites non pas pour des raisons politiques ou militaires, bien qu’elles soient défendues de cette manière, mais simplement pour des raisons de concurrence…

D. Kisseliov : Une concurrence déloyale et sans scrupules.

V. Poutine : 
Une concurrence déloyale — qui se cache derrière des considérations politiques ou militaires. C’était le cas dans l’industrie aéronautique, et c’est le cas dans de nombreuses autres industries.

Nous vivons dans le monde tel qu’il est et nous nous y sommes adaptés. Nous comprenons à qui nous avons affaire. Et jusqu’à présent, comme vous pouvez le voir d’après les résultats de notre travail, nous avons été assez efficaces.

D. Kisseliov : Mais la perfidie de l’Occident ne se limite pas aux sanctions. Voici un extrait de votre Message [à l’Assemblée fédérale] : « l’Occident tente de nous entraîner dans une course aux armements, nous épuisant ainsi et répétant le tour qu’il a réussi dans les années 1980 avec l’Union soviétique ». Quelle est notre marge de sécurité dans le cas d’une course aux armements ?

V. Poutine : 
Nous devons nous assurer que chaque rouble investi dans la défense nous rapporte le maximum. En effet, à l’époque soviétique, personne ne comptait ces dépenses, personne, malheureusement, ne recherchait l’efficacité. Les dépenses de défense représentaient environ 13 % du PIB du pays, de l’Union soviétique.

Je ne me référerai pas à nos statistiques, mais à celles de l’Institut de Stockholm : l’année dernière, nos dépenses de défense s’élevaient à 4 %, et cette année à 6,8 %, ce qui signifie que nous avons progressé de 2,8 % [En fait, de 2,8 points de pourcentage — NdT]. En principe, il s’agit d’une augmentation notable, mais elle n’est absolument pas critique. En Union soviétique on dépensait 13 %, alors qu’aujourd’hui on dépense 6,8 %.

Je dois dire que les dépenses de défense accélèrent l’économie, la rendent plus énergique. Mais il y a bien sûr des limites, nous le comprenons. L’éternelle question consiste à savoir qu’est-ce qui est plus rentable, les canons ou le beurre ? Nous l’avons en vue.

Toutefois, je le répète, notre industrie moderne de la défense a ceci de bon qu’elle ne se contente pas d’influencer indirectement les industries civiles, mais qu’elle utilise également les innovations nécessaires à la défense pour produire des produits civils. Il s’agit là d’un aspect extrêmement important.

Nos dépenses ne sont évidemment pas comparables. Combien sonnt-ils déjà aux États-Unis ? Huit cent…

D. Kisseliov : Presque neuf cent déjà.

V. Poutine :
 Presque 900 — 860 ou 870 milliards [de dollars]. Ceci est absolument incomparable à nos dépenses à nous.

D. Kisseliov : J’ai l’impression qu’ils sont en train de chaparder là-bas, parce qu’ils n’ont ni d’hypersonique, ni rien [de pareil]… Qu’est-ce que c’est ?

V. Poutine :
 Laissez-moi vous expliquer de quoi il s’agit. Le fait est qu’ils dépensent énormément d’argent pour l’entretien — et pas seulement pour les salaires, mais aussi pour l’entretien des bases dans le monde entier. Et là, comme dans un trou noir, tout y passe — on ne peut pas le compter. C’est là que l’essentiel de l’argent est chapardé. Bien que dans la production de moyens de destruction et d’armes en général leurs dépenses sont aussi difficiles à estimer.

Si vous calculez ce que leur a coûté, par exemple, le fameux système de défense antimissile et l’un des principaux éléments de franchissement de ce système de notre côté à nous — Avangard, un missile intercontinental, une unité planante à portée intercontinentale — ce sont des valeurs tout simplement incomparables. Et nous avons en fait remis à zéro tout ce qu’ils ont fait, tout ce qu’ils ont investi dans ce système de défense antimissile. C’est ainsi qu’il faut procéder.

Et bien sûr, sans aucun doute, l’économie même de nos forces armées doit répondre aux exigences d’aujourd’hui.

D. Kisseliov : Le mot « équité » est un mot magique pour la langue russe. Vous l’utilisez avec beaucoup de précautions, mais une fois que vous l’avez prononcé dans votre discours, il a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Vous avez dit que la répartition de la charge fiscale devrait devenir plus équitable en Russie, et vous avez suggéré que le Gouvernement y réfléchisse. Dans quelle direction devons-nous réfléchir ?

V. Poutine :
 Vous savez, la répartition de la charge fiscale devrait être équitable dans le sens où les sociétés, les personnes morales et les individus qui gagnent plus, en termes simples, devraient allouer davantage au Trésor public pour la résolution des problèmes nationaux, en premier lieu pour la résolution des problèmes liés à la réduction de la pauvreté.

D. Kisseliov : Un impôt progressif ?

V. Poutine : 
Oui, en fait, un impôt progressif.

Je ne voudrais pas entrer dans les détails maintenant, nous devons y travailler. Et nous devons construire ce système de manière à ce qu’il ait vraiment un impact important sur la résolution, avant tout, des questions sociales et des tâches auxquelles l’État est confronté dans ce domaine.

Nous prévoyons par exemple de réduire la charge fiscale des familles nombreuses et de prendre un certain nombre d’autres mesures dans ce sens. Il me semble que la société acceptera cela tout à fait normalement. Premièrement.

Deuxièmement. Qu’est-ce que nous demandent les entreprises elles-mêmes ? Elles demandent que nous décidions du système fiscal, mais que nous n’y touchions plus après, qu’il soit stable. C’est la demande et l’exigence la plus importante des entreprises.

Le Gouvernement devrait se pencher sur cette question dans un avenir très proche et soumettre des propositions en collaboration avec les députés de la Douma d’État.

D. Kisseliov : Impôt progressif — nous ne ferons fuir personne ? Autrefois nous avions toujours peur de faire fuir les entrepreneurs par cet impôt progressif.

V. Poutine :
 Non, je ne pense pas. En principe, nous avons mis ce système en place. Même ceux qui étaient d’ardents défenseurs du barème uniforme, les auteurs du barème uniforme, pensent aujourd’hui que, dans l’ensemble, nous sommes mûrs pour une approche beaucoup plus sélective.

D. Kisseliov : Lors de votre Message vous avez remercié les « collègues du Gouvernement » — c’est ainsi que vous l’avez formulé. Cela signifie-t-il que le Gouvernement de Michoustine — si vous gagnez — restera en place ?

V. Poutine : 
À vrai dire, nous devrions en parler après le scrutin, après le décompte des voix. Il me semble que c’est tout simplement incorrect aujourd’hui. Mais dans l’ensemble, le Gouvernement travaille — comme nous pouvons le voir, les résultats sont évidents, ce sont des données objectives — il travaille de manière tout à fait satisfaisante.

D. Kisseliov : Vous avez mentionné la réduction de la charge fiscale des familles nombreuses. Les enfants et la situation démographique — ces sujets ont occupé une place importante dans votre Message. En effet, la question est très douloureuse, car la Russie est en train de fondre démographiquement. L’année dernière, le taux de natalité a battu tous les records.

V. Poutine : 
Je crois que le taux de natalité était de 1,31 ou de 1,39….

D. Kisseliov : 1,39 enfant par femme capable de donner naissance.

V. Poutine :
 En âge de procréer.

D. Kisseliov : L’idéal serait peut-être de le doubler, c’est-à-dire de le porter à trois. Car c’est littéralement un désastre pour la société.

Vous avez proposé un programme de soutien à la maternité et de stimulation démographique de grande envergure. Peut-on croire que ces mesures permettront d’inverser la trajectoire descendante vers une trajectoire ascendante ?

V. Poutine :
 D’une manière générale, si nous prenons toutes les mesures destinées à soutenir les familles avec enfants, nous prévoyons de dépenser jusqu’à 14 billions de roubles au cours des six prochaines années, par le biais de différents canaux. C’est une somme énorme.

Il existe de nombreux domaines d’aide aux familles avec enfants : de l’aide sociale générale — construction ou rénovation de jardins d’enfants, construction de nouvelles écoles, réparation d’anciennes écoles, remise à niveau — à l’aide aux femmes, depuis la grossesse à l’âge de son enfant de 18 ans. En effet, près de 400 000 femmes bénéficient aujourd’hui de prestations. Il s’agit pratiquement d’une femme sur trois qui attend un enfant. Et plus de dix millions d’enfants reçoivent des allocations. C’est une chose sérieuse.

Nous avons maintenu le système de capital maternité. Nous avons maintenu les versements — ces décisions sont en train d’être prises — de 450 000 roubles par famille, si un troisième enfant apparaît, pour le remboursement d’un prêt hypothécaire. Nous avons maintenu les avantages liés aux prêts hypothécaires pour les familles avec enfants. D’une manière générale, il existe toute une série de domaines très différents pour soutenir les familles.

Bien sûr — vous l’avez déjà dit — c’est aussi la lutte contre la pauvreté, parce que, bien sûr, c’est beaucoup plus difficile pour les familles avec enfants que pour les familles sans enfants. C’est compréhensible, les dépenses sont plus grandes. Néanmoins, nous avons réussi à faire beaucoup dans ce domaine.

Il y a 20 ans, 29 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, soit 42 millions de personnes. Aujourd’hui, ce pourcentage est de 9,3 %, selon les dernières données, mais cela représente quand même 13,5 millions de personnes. Bien sûr, c’est beaucoup. Bien sûr, nous devons tout faire pour le réduire à 7 % tout au plus. Et pour les familles nombreuses, le chiffre est plus modeste, mais il faut aussi l’améliorer.

Par où commencer quand on parle de problèmes de natalité ? Je l’ai déjà dit à maintes reprises, et les experts en ont parlé, ce sont des choses objectives, à savoir : nous avons connu deux très fortes baisses du taux de natalité. Pendant la Grande Guerre patriotique, en 1943-1944. Il y a eu aussi une baisse comparable immédiatement après l’effondrement de l’Union soviétique. Idem, la même baisse du taux de natalité.

La raison en est claire : le système de soutien social s’est effondré. Aussi faible qu’il ait été en URSS, si nous pouvons en parler, il existait encore, mais après l’effondrement de l’Union soviétique, il a presque complètement disparu et la pauvreté a commencé à être totale. Inutile d’en parler aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, l’horizon de planification familiale a reculé pendant ces années, et le taux de natalité a chuté jusqu’aux années de guerre. Ensuite, il y a eu une reprise. Aujourd’hui, nous avons un grand nombre d’enfants, de jeunes gens qui, dans quelques années, entreront dans l’âge adulte et dans l’âge de procréer, et nous supposons que nos taux augmenteront également.

Ce que vous avez dit est une tendance mondiale. Seuls quelques pays aux économies développées affichent une dynamique démographique positive, alors que dans tous les autres pays, tout devient négatif. Il s’agit d’un problème complexe lié à l’économie et aux priorités des femmes dans la vie. Il vaut mieux ne pas s’y attarder maintenant, laissons les démographes s’employer de nous en parler et de nous proposer la solution.

Mais vous savez ce qui nous procure de l’optimisme ? L’état d’esprit de la société. 70 % des hommes et 72 % des femmes souhaitent avoir deux enfants ou plus, et l’État doit les soutenir. C’est tout un ensemble de mesures de soutien que nous prévoyons — elles doivent être mises en œuvre, et nous le ferons.

D. Kisseliov : Mais il n’est toujours pas certain que ces mesures permettront de renverser la situation.

A la fin des années 90 — c’est une histoire bien connue, vous l’avez racontée vous-même — vous avez sauvé vos enfants d’un incendie : vous êtes entré dans une maison en feu, au premier étage. Et seulement après vous vous êtes souvenu qu’il y avait de l’argent ailleurs. L’argent a brûlé dans l’incendie. Cela montre vos priorités : les enfants d’abord, l’argent ensuite.

C’est peut-être la même chose aujourd’hui à l’échelle nationale. Devrions-nous renoncer — non pas à 14 [trillions], mais à tout, et créer un tel programme pour veiller à ce que cette situation soit inversée ?

V. Poutine :
 Vous savez, il faut regarder le cours des choses, comme on dit. Au début des années 2000 nous avons pris un certain nombre de mesures dans le domaine de la démographie, y compris l’introduction du capital maternité et un certain nombre d’autres mesures qui ont eu un résultat positif évident. Nous pouvons donc atteindre les objectifs dont nous avons besoin.

D. Kisseliov : Il y a donc une telle expérience ?

V. Poutine :
 Nous avons de l’expérience, bien sûr, nous avons de l’expérience. Et grâce à cette expérience et à d’autres développements modernes, nous devons nous attendre à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Et en fonction des événements, nous ajusterons ces mesures ou ajouterons quelque chose d’autre aux mesures que nous appliquerons.

Par exemple, nous venons de déclarer l’Année de la famille. Nous avons un nouveau projet national appelé « Famille ». Il comporte des éléments que nous n’avons jamais utilisés auparavant. Par exemple, 75 milliards de roubles seront alloués aux régions où le taux de natalité est inférieur à la moyenne nationale. Il s’agit principalement des régions centrales de la Russie et du nord-ouest. 75 milliards de roubles, c’est de l’argent décent. Il suffit de le gérer judicieusement.

Il y a aussi une composante « soins aux personnes âgées ». Il existe d’autres mesures de soutien. Nous devons augmenter le taux de natalité et l’espérance de vie, afin de stabiliser la population du pays. C’est l’indicateur intégral le plus important de notre succès ou, peut-être, du travail qui nécessite une attention supplémentaire de la part de tous les niveaux administratifs et des autorités.

D. Kisseliov : Oui, mais partout dans le monde, il existe un troisième outil pour résoudre les problèmes démographiques : l’immigration. Quels sont les chiffres dont nous pouvons parler au cours de cette période de six ans et quel serait un travail systémique dans ce domaine ?

V. Poutine :
 Si nous parlons des travailleurs immigrés, nous n’en avons pas beaucoup par rapport à d’autres pays — ils représentent 3,7 % du nombre total de travailleurs. Mais ils sont concentrés dans les régions où la vie économique est la plus active, et là-bas ils sont bien sûr beaucoup plus nombreux. Il s’agit de l’oblast Moscovien, de la ville de de Moscou, de la région du Nord-Ouest et de certaines régions du Nord, où le niveau des salaires est décent. Mais il s’agit sans aucun doute d’une question qui requiert une attention particulière de la part des autorités — locales, régionales et fédérales.

Que voudtais-je dire ici ? C’est une chose très importante. Après tout, lorsqu’on embauche des travailleurs immigrés, on évoque toujours la nécessité de le faire en raison de la pénurie de main-d’œuvre. Nos entrepreneurs doivent comprendre que la situation en termes de disponibilité de la main-d’œuvre ne changera pas pour le mieux dans les années à venir — ils seront confrontés obligatoirement à une pénurie de main-d’œuvre.

Cela signifie que pour résoudre ce problème de manière cardinale — je reviens à ce dont nous avons déjà parlé, — nous devons augmenter la productivité du travail et réduire le nombre de travailleurs dans les domaines où cela est possible, en obtenant des résultats encore plus importants grâce à l’introduction de la technologie moderne. Pour ce faire, nous devons investir dans ce domaine et former le personnel — nous en avons déjà parlé. C’est la chose la plus importante à laquelle nous devons penser.

D’une manière générale, bien sûr, la politique migratoire est un outil important pour l’économie. Ce n’est pas un péché de s’inspirer de l’expérience d’autres pays. Tout d’abord, bien sûr, nous devons parler du rapatriement de nos compatriotes. Ce qu’est le rapatriement et ce que sont les compatriotes — nous disposons déjà d’un cadre normatif qu’il n’est pas nécessaire de répéter ici.

Nous devons parler d’accueillir des personnes qui n’ont peut-être pas l’intention de s’installer dans la Fédération russienne, mais qui, en raison de leurs qualifications et de leurs talents dans divers domaines, peuvent apporter une contribution significative au développement de notre État, de la Russie. Nous serons également heureux d’accueillir telles personnes.

En ce qui concerne les travailleurs migrants traditionnels, nous devons également réfléchir à la manière de les préparer à venir en Russie, y compris avec nos partenaires dans les pays où ils vivent. Cela signifie qu’ils doivent apprendre la langue russe, nos traditions, notre culture, etc. Nous devons prendre soin d’eux ici, les traiter humainement. Pour qu’ils s’intègrent naturellement dans notre société. Tout cela devrait avoir un effet positif correspondant, je l’espère.

Oui, et bien sûr, tout le monde doit respecter nos traditions et les lois de la Fédération russienne. Et bien sûr, le respect des normes sanitaires et autres est très demandé. La sécurité des citoyens de la Fédération russienne doit passer avant tout.

D. Kisseliov : Les Russes sont probablement la nation la plus divisée au monde. Vous avez eu un entretien avec « Les leaders de la Russie » et l’un de vos interlocuteurs a déclaré que dans l’oblast Zaporojien nous avons découvert qu’ils étaient aussi russes que nous. Pour eux, c’était une révélation. En général, c’est vraiment comme ça, et nous sommes en train de développer nos nouvelles régions, et Odessa est une ville russe. Je suppose qu’il y a beaucoup d’espoir dans cette direction également ?

V. Poutine : 
Bien sûr. La densité de population dans ces régions a toujours été assez élevée et le climat est merveilleux.

Quant au Donbass, c’est une région industriellement développée, même à l’époque de l’Union soviétique. Combien l’Union soviétique a-t-elle investi dans cette région, dans ses mines de charbon, dans son industrie métallurgique ! Oui, bien sûr, des investissements sont nécessaires pour que toute la production soit à jour, pour que les conditions de vie et de travail de la population soient construites d’une manière complètement différente — pas comme elles l’étaient il y a quelques décennies.

Quant à la Novorussie, c’est une région où l’agriculture développée est bien accusée. Ici, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir à la fois les domaines d’activité traditionnels et les nouveaux domaines qui s’intègrent organiquement dans ces régions et dans le désir des gens de les développer. Et, vous le savez, les gens y sont très talentueux.

De plus, comme je l’ai déjà mentionné, les impôts prélevés dans ces régions sont déjà versés au budget fédéral. Oui, à ce stade, elles ont besoin d’être aidées, soutenues et tirées vers le niveau russien républicain, fédéral. Elles fonctionneront, ces régions, et très rapidement.

D. Kisseliov : Historiquement, il est évident que les régimes nazis ne se dissolvent pas d’eux-mêmes, mais disparaissent à la suite d’une défaite militaire. Ce fut le cas en Allemagne, en Italie, au Japon. Il en sera de même pour le régime nazi banderiste. Nous avançons maintenant sur toute la ligne de front, à en juger par les rapports du ministère de la défense et de nos correspondants de guerre.

Mais a-t-on réussi à trouver une façon de combattre qui permette de réduire les pertes à l’offensive par rapport à la défense ? C’est une tâche peu triviale pour l’art de la guerre, mais qui freine toujours l’offensive. C’est une économie qui se justifie parfaitement par rapport à nos guerriers héroïques. Mais une question se pose : comment avancer avec un minimum de pertes ?

V. Poutine :
 La question est compréhensible et juste. Mais la réponse est également simple : nous devons augmenter les moyens de destruction — le nombre et la puissance des moyens de destruction, augmenter l’efficacité des forces et des moyens utilisés. L’aviation — à la fois l’aviation tactique et l’aviation d’armée, ainsi que l’aviation stratégique. Je parle bien sûr des composantes acceptables pour les conflits armés de ce type. Il s’agit des moyens terrestres de destruction, y compris les armes de haute précision. Il s’agit de l’artillerie, des véhicules blindés. Nous développons cette technologie, sans exagération, à pas de géant.

D. Kisseliov : Dans cette direction ?

V. Poutine : 
Oui, c’est ce qui se passe. C’est la réponse à votre question : plus il y a de puissance et de moyens de destruction, moins il y a de victimes.

D. Kisseliov : Mais la question reste posée : quel prix sommes-nous prêts à payer — le mot « projet » n’est peut-être pas approprié ici — pour tout ce défi auquel nous avons été contraints de faire face au cours de l’Histoire ?

V. Poutine :
 Ecoutez, chaque vie humaine n’a pas de prix, chaque vie. Et la perte d’un être cher est un immense chagrin pour une famille, pour n’importe quelle famille.

Mais en quoi consiste la question ? La question est de définir le fait même de ce que nous faisons. Que faisons-nous ? Aujourd’hui, lors d’une rencontre, vous venez de le remarquer, l’un des participants à la conversation a dit : nous avons été surpris de constater qu’il y avait des Russes tout à fait comme nous là-bas. Nous sommes venus pour aider ces gens. Voilà, en principe, la réponse à votre question.

Si nous abandonnons ces gens aujourd’hui, demain nos pertes pourraient être multipliées, et nos enfants n’auront pas d’avenir, car nous ne nous sentirons pas en sécurité, nous serons un pays de troisième ou quatrième classe, personne ne nous prendra en considération si nous ne pouvons pas nous défendre. Les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’État russien. Telle est la réponse.

D. Kisseliov : Les Américains semblent parler de négociations, de stabilité stratégique, mais en même temps, ils déclarent qu’il faut infliger une défaite stratégique à la Russie. Notre position est la suivante : « Nous sommes ouverts aux négociations, mais le temps des gestes aimables est passé, il est révolu ». Il n’y aura donc pas de négociations ?

V. Poutine : 
Nous n’avons jamais refusé de négocier.

D. Kisseliov : Mais comment est-ce possible sans gestes aimables, donc sans compromis ? Comment ?

V. Poutine : 
Je vais essayer de l’expliquer. Lorsque nous avons négocié en Turquie, à Istanbul (je l’ai déjà dit à maintes reprises, mais il faut le répéter, je vais le faire) avec les négociateurs de la partie opposée, nous sommes aboutis à un épais folio, un document, en fait un traité, un projet de traité. Un extrait de ce traité a été paraphé par le chef du groupe de négociation de la partie ukrainienne, M. Arakhamiya. Il l’a fait, il y a sa signature (nous l’avons dans l’Administration). Mais ensuite, comme vous le savez, M. Arakhamiya lui-même l’a dit publiquement au monde entier, également lors d’un entretien, je pense, avec des journalistes, avec des journalistes étrangers même : l’ancien premier ministre britannique, M. Johnson, est venu et les a dissuadés de finalement signer et, par conséquent, d’exécuter cet accord. Et le sujet que vous venez de mentionner a été abordé : nous devons vaincre la Russie sur le champ de bataille.

Sommes-nous prêts à négocier ? Oui, nous le sommes. Mais seulement voilà : nous sommes prêts à négocier non pas sur la base de « souhaits » quelconques après la consommation de psychotropes, mais sur la base des réalités qui ont pris une telle tournure, comme on dit dans ces cas-là, sur le terrain. C’est premièrement.

Deuxièmement. On nous a déjà fait de nombreuses promesses. Ils ont promis de ne pas étendre l’OTAN à l’Est, et nous les voyons à nos frontières. Ils ont promis, sans entrer dans l’Histoire, que le conflit interne en Ukraine serait résolu pacifiquement, politiquement. Si nous nous souvenons bien, trois ministres des affaires étrangères sont venus à Kiev, la Pologne, l’Allemagne et la France, et ont promis qu’ils seraient les garants de ces accords — et le lendemain il y a eu un coup d’État. Ils ont promis de respecter les accords de Minsk, puis ont annoncé publiquement qu’ils n’étaient guère disposés à tenir ces promesses, mais ont seulement obtenu une pause pour armer le régime banderiste en Ukraine. On nous a promis beaucoup de choses, de sorte que les promesses seules ne suffisent plus.

Négocier maintenant, uniquement parce qu’ils sont à court de munitions, serait quelque peu absurde de notre part. Néanmoins, nous sommes prêts pour une conversation sérieuse et nous voulons résoudre tous les conflits, et celui-ci en premier lieu, par des moyens pacifiques. Mais nous devons comprendre clairement et distinctement qu’il ne s’agit pas d’une pause que l’ennemi veut prendre pour se réarmer, mais d’une conversation sérieuse avec des garanties pour la sécurité de la Fédération russienne.

Nous connaissons les différentes options qui sont discutées, nous connaissons les « carottes » qui vont nous être montrées pour nous convaincre que le moment est venu. Nous voulons, je le répète encore une fois, résoudre tous les différends et ce différend-ci, ce conflit-ci par des moyens pacifiques. Nous sommes prêts à le faire, nous le voulons. Mais il doit s’agir d’une conversation sérieuse avec la sécurité de la partie adverse, c’est-à-dire que dans ce cas, nous sommes principalement intéressés par la sécurité de la Fédération russienne. C’est sur cette base que nous procéderons.

D. Kisseliov : Vladimir Vladimirovitch, il me semble que nous avons l’air un peu trop noble. N’arrivera-t-il pas que nous concluions quelque chose avec eux, qu’ils nous trompent à nouveau et que nous nous consolions en nous disant que nous avons été honnêtes, mais qu’ils nous ont trompés ? Notre destin est-il, après tout, d’être toujours le dindon de la farce ?

Les Américains ont frappé à eux-mêmes des médailles dans les années 1990 pour avoir gagné la guerre froide, et toutes les décennies qui ont suivi ont été des décennies de gros mensonges. Comment pouvons-nous espérer qu’ils concluront enfin un traité honnête avec nous, qu’ils respecteront et qui comportera des garanties pour nous ? Je ne sais pas du tout comment traiter avec eux ? Croyez-vous vraiment que cela soit possible ?

V. Poutine :
 Navré de dire cela, mais je ne crois personne.

D. Kisseliov : Ah bon.

V. Poutine : 
Mais nous avons besoin de garanties. Les garanties doivent être explicitées, elles doivent être celles qui nous conviennent et auxquelles nous pourrons croire. C’est de cela que nous parlons.

Il est sans doute prématuré de parler publiquement de ce qu’elles pourraient être. Mais nous n’accepterons certainement pas des promesses creuses.

D. Kisseliov : Je crains que l’on ne vous cite de manière extensive. Ne faites-vous confiance à personne du tout, ou faites-vous référence aux partenaires occidentaux dans ce cas lorsque vous dites que vous ne faites confiance à personne ?

V. Poutine :
 Je préfère être guidé par les faits plutôt que par les bons vœux et par des appels de faire confiance à tout le monde. Voyez-vous, lorsque des décisions sont prises à ce niveau, le degré de responsabilité pour les conséquences de ces décisions est très élevé. C’est pourquoi nous ne ferons rien qui ne soit dans l’intérêt de notre pays.

D. Kisseliov : Vladimir Vladimirovitch, qu’est-il arrivé à Macron ? A-t-il perdu la tête ? Il va envoyer des troupes françaises combattre notre armée, il ressemble à un coq guerrier gaulois, et il a effrayé tous les Européens. Comment devons-nous réagir à cela ?

V. Poutine : 
Le fait est que les forces militaires occidentales sont présentes en Ukraine depuis longtemps, même avant le coup d’État, et qu’après le coup d’État leur nombre s’est multiplié. Aujourd’hui, elles sont présentes directement sous la forme de conseillers, elles sont présentes sous la forme de mercenaires étrangers et elles subissent des pertes. Mais s’il s’agit de contingents militaires officiels de pays étrangers, je suis sûr que cela ne changera pas la situation sur le champ de bataille — c’est le plus important, tout comme la livraison d’armes ne change rien.

Deuxièmement, cela peut avoir de graves conséquences géopolitiques. Car si, par exemple, des troupes polonaises pénètrent sur le territoire de l’Ukraine, comme cela semble être le cas, pour couvrir la frontière, disons, ukraino-biélorussie ou dans d’autres endroits pour libérer les contingents militaires ukrainiens afin qu’ils participent aux opérations de combat sur la ligne de contact, je pense que les troupes polonaises ne quitteront plus jamais ce territoire. C’est ma conviction. Ils ne rêvent que ravoir ces terres, qu’ils considèrent comme historiquement les leurs et qui leur ont été enlevées par le « père des nations » Joseph Staline et données à l’Ukraine. Ils veulent les récupérer, bien sûr. Et si des unités polonaises officielles y pénètrent, il est peu probable qu’elles s’en retirent.

Mais d’autres pays qui ont perdu une partie de leur territoire à la suite de la Seconde Guerre mondiale pourraient suivre cet exemple. Je pense que les conséquences géopolitiques pour l’Ukraine, même du point de vue de la préservation de son statut d’État dans sa forme actuelle, vont bien sûr se manifester dans toute leur splendeur.

D. Kisseliov : Si on revient à Macron, peut-être a-t-il décidé de se venger de la Russie pour le fait que nous lui avons « marché sur les pieds » en Afrique, et que nous avons dû « rester là et avoir peur » ? Il ne s’attendait probablement pas à ce que nous soyons aussi actifs là-bas.

V. Poutine : 
Oui, je pense qu’il y a un certain ressentiment, mais lorsque nous étions en contact direct avec lui, nous avons parlé assez franchement de ce sujet.

Nous ne nous sommes pas fourrés en Afrique, nous n’en évincions pas la France. Le problème est ailleurs. Le célèbre groupe Wagner a d’abord réalisé un certain nombre de projets économiques en Syrie, puis s’est rendu dans d’autres pays d’Afrique. Le ministère de la défense apporte son soutien, mais uniquement parce qu’il s’agit d’un groupe russien, rien de plus. Nous n’avons évincé personne. Tout simplement les dirigeants africains de certains pays se sont mis d’accord avec les opérateurs économiques russiens, ils voulaient travailler avec eux, ils ne voulaient pas travailler avec les Français à certains égards. Ce n’était même pas notre initiative, mais celle de nos amis africains.

On ne voit pas pourquoi nous en vouloir à cet égard, si un État indépendant veut développer des relations avec ses partenaires d’autres pays, y compris la Russie, il veut développer des relations avec la Russie. Nous ne les avons pas touchés, les anciens colonisateurs français, dans ces pays. Je le dis même sans ironie, parce que dans beaucoup de pays où la France a été historiquement une métropole, on n’a pas trop d’envie de traiter avec eux. Cela n’a rien à voir avec nous. Peut-être est-il plus commode d’en vouloir à quelqu’un que de voir ses propres problèmes. Peut-être qu’une réaction aussi aiguë et plutôt émotionnelle de la part du président français est liée, entre autres, à ce qui se passe dans certains États africains.

Bien que je connaisse d’autres pays d’Afrique qui ne voient pas d’inconvénient à ce que les Français restent et qui disent « oui, cela nous convient, nous sommes prêts à travailler avec eux », il n’en reste pas moins que dans certains pays ils ne veulent pas le faire. Cela n’a rien à voir avec nous. Nous n’incitons personne là-bas, nous ne montons personne contre la France.

Nous ne nous fixons pas de telles tâches. Pour être honnête, nous n’avons pas là-bas de tâches nationales au niveau de l’État russien. Nous sommes simplement amis avec eux, c’est tout. Ils veulent développer des relations avec nous — de grâce, nous allons à leur encontre. Il n’y a pas lieu de nous en vouloir.

D. Kisseliov : Mais maintenant, ils disent en France qu’il n’y a plus de « lignes rouges » par rapport à la Russie, que rien n’est impossible et que tout est possible. En général, ils veulent d’une certaine manière nous parler sur la base d’un équilibre des forces. Ce qu’il arrive entendre depuis la France, l’Ouest, la Lituanie… En général, il s’agit d’un chœur dissonant, mais hostile.

Peut-être devrions-nous, nous aussi, opter pour des solutions non conventionnelles et, à un moment donné, demander l’aide de l’armée nord-coréenne, forte de deux millions d’hommes ? Par exemple, en échange de notre « parapluie nucléaire » sur la moitié de la péninsule coréenne ? Pourquoi pas ?

V. Poutine :
 Tout d’abord, la République populaire démocratique de Corée dispose de son propre parapluie nucléaire. Elle ne nous a rien demandé. C’est premièrement.

Deuxièmement. En principe, comme nous pouvons le constater aujourd’hui au vu des résultats obtenus sur le champ de bataille, nous nous acquittons des tâches que nous nous sommes fixées.

Quant aux États qui disent ne pas avoir de « lignes rouges » à l’égard de la Russie, ils devraient comprendre que la Russie n’aura pas non plus de « lignes rouges » à l’égard de ces États.

Quant aux petits États européens, premièrement, nous les traitons tous avec respect, quoi qu’il arrive. Deuxièmement, lorsque ces petits États appellent à une politique plus dure à l’égard de la Russie et à certaines mesures extrêmes, y compris, par exemple, l’introduction de troupes, etc., ils restent des États, et ils le comprennent, qui ne ressentiront pas les conséquences de leurs déclarations provocatrices. Et ceux qui peuvent en ressentir les conséquences se comportent avec beaucoup plus de retenue. Et ce, à juste titre.

D. Kisseliov : Et toutes ces danses allemandes avec les missiles Taurus ? Scholz dit « nous ne fournissons pas », mais il y a des forces qui insistent pour fournir des Taurus à l’Ukraine, et les Britanniques ont pris leur propre initiative : laissez-nous transiter par l’Angleterre, nous sommes prêts à les envoyer. La cible est le pont de Crimée, les généraux allemands planifient déjà des opérations, comme nous l’avons entendu, non seulement sur le pont de Crimée, mais aussi sur des bases militaires, comme ils le disent, au plus profond du territoire russien. Certains affirment déjà que ces missiles pourraient atteindre le Kremlin. D’une manière générale, n’ont-ils pas dépassé les bornes dans leurs rêves ?

V. Poutine :
 Ils fantasment, ils s’encouragent eux-mêmes, premièrement. Deuxièmement, ils essaient de nous intimider.

En ce qui concerne la République fédérale d’Allemagne, des problèmes de nature constitutionnelle se posent également. Ils disent eux-mêmes à juste titre que si le Taurus atteint la partie du pont de Crimée qui est certainement, même selon leurs concepts, un territoire russien, il s’agira d’une violation de la Constitution de la République fédérale d’Allemagne.

Le fait est que l’opposition en RFA se comporte de manière encore plus agressive. Nous verrons bien sur quoi ils se mettent d’accord. Nous suivons cela de près. On utilise des missiles britanniques et américains. Cela ne change rien à la situation sur le champ de bataille. Oui, ils nous causent des dommages, c’est évident. Mais, en fait, cela ne change pas le cours des hostilités et les conséquences qui s’ensuivent inévitablement pour la partie adverse.

C’est ce que nous entendons aujourd’hui dans cette même RFA, vos chaînes et les chaînes étrangères, les chaînes allemandes, montrent combien ils en ont, combien sont dans un état défectueux, combien ont besoin d’être améliorés, modernisés, etc. Laissez-les travailler. Comme vous l’avez dit à juste titre, il y a certaines choses auxquelles ils devraient réfléchir. Ceux qui sont plus intelligents y réfléchissent.

D. Kisseliov : Et les nouveaux membres de l’OTAN, la Finlande et la Suède, en général, qu’ont-ils échangé contre quoi ? Le ministre suédois des affaires étrangères, Tobias Billström, a soudainement déclaré aux Turcs que la Suède était opposée à l’installation de bases de l’OTAN sur son territoire. Quoi, ils n’ont pas du tout réalisé où ils avaient adhéré ? Que leur est-il arrivé ?

V. Poutine : 
Vous devriez leur demander ceci à eux, moi je n’en sais rien. Nous avions d’assez bonnes relations, des relations stables avec ces pays, et je pense qu’ils ont davantage profité du fait qu’ils adhèraient à la neutralité, parce que cela leur donnait certains avantages, au moins en tant que plateforme de négociation pour réduire les tensions en Europe.

Nos relations avec la Finlande étaient parfaites, tout simplement parfaites. Nous n’avions pas la moindre revendication l’un envers l’autre, notamment territoriale, sans parler d’autres domaines. Nous n’avions même pas de troupes, nous avons retiré toutes les troupes de la frontière russo-finlandaise. Pourquoi ont-ils fait cela ? À mon avis, pour des raisons purement politiques. Ils voulaient probablement être membres du club occidental, sous une sorte de parapluie. Je ne comprends franchement pas pourquoi ils ont eu besoin de faire cela. C’est une démarche absolument insensée du point de vue de la préservation de leurs propres intérêts nationaux. Néanmoins, c’est à eux de décider, ils l’ont fait.

Nous n’avions pas de troupes là-bas, maintenant nous les y aurons. Il n’y avait pas de systèmes de destruction là-bas, maintenant ils y apparaîtront. À quoi bon ? Nos relations économiques étaient très bonnes. Ils utilisaient notre marché, nous leur achetions beaucoup de choses. Qu’y a-t-il de mal à cela ? Mais la situation va changer. Avec plusieurs de leurs marchandises ils ne sont pas bienvenus sur d’autres marchés, et ils n’ont plus accès aux nôtres. Je ne comprends pas.

D.Kiselev : Sur ces entrefaites, aux États-Unis, il y a un…

V. Poutine : 
Vous savez, c’est une chose banale, mais quand même. Ces dernières années, les roubles russes ont été acceptés à Helsinki, et plus encore dans les zones frontalières de la Finlande. Y compris à Helsinki, dans les grands supermarchés, vous pouviez acheter tous les produits que vous vouliez pour des roubles. Toutes les publicités étaient en russe.

D. Kisseliov : Aujourd’hui, la région frontalière est tout simplement en train de faire faillite.

V. Poutine : 
Oui, que dis-je ? D’un autre côté, d’un point de vue économique, c’était très bien — les prix de l’immobilier ont été maintenus à un niveau assez bon. Du point de vue de l’économie, c’était bien, mais il y avait apparemment des forces, plutôt conservatrices de droite, nationalistes, qui n’aimaient pas beaucoup ce rapprochement avec la Russie. Certains pensaient même que c’était excessif : pourquoi les Russes achètent-ils des maisons et des appartements ? Tout ici est en russe…

Je ne pense même pas, je sais que cette russophobie a commencé à se développer au niveau national. Peut-être que certaines forces politiques à l’intérieur du pays ont décidé de tirer parti de ce préjugé national, peut-être. L’ensemble de ces facteurs a conduit à cette décision. Il me semble que c’est le cas, mais je ne peux pas en être sûr à 100 %. Quoi qu’il en soit, cela n’améliore certainement pas la situation en matière de sécurité dans les relations bilatérales et dans l’ensemble de l’Europe.

D. Kisseliov : Mais entre-temps, il y a une course active aux élections présidentielles aux États-Unis. Elle ne peut se passer de vous. Vous y êtes invisiblement impliqué, puisque vous êtes mentionné par chacun des candidats des partis républicain et démocrate dans leurs discours et leurs arguments. D’une manière générale, il semble que vous ne quittiez pas les pages des journaux et les titres des journaux télévisés et que vous soyez un argument dans la campagne électorale de chacun. Vous ne faites que jeter de l’huile sur le feu.

V. Poutine :
 Comment ça ?

D. Kisseliov : En disant que l’un des candidats est préférable pour nous. Mais si un président étranger dit que l’un des candidats d’un autre pays est préférable, il s’agit d’une ingérence classique dans les élections. D’une manière générale, dans quelle mesure interférez-vous de cette manière dans les élections américaines en disant que Biden est préférable pour nous ? Et dans quelle mesure est-ce même vrai ? S’agit-il d’un trolling ou de quoi s’agit-il en général ?

V. Poutine :
 Non, vous savez, je vais vous dire une chose qui vous montrera que rien ne change dans mes préférences ici. C’est premièrement.

Deuxièmement. Nous n’interférons en aucune manière dans les élections et, comme je l’ai dit à maintes reprises, nous travaillerons avec n’importe quel dirigeant en qui le peuple américain, l’électeur américain, a confiance.

Mais voici ce qui est curieux. Au cours de sa dernière année de présidence, M. Trump, le candidat à la présidence d’aujourd’hui, m’a reproché d’être un sympathisant de Biden. C’était il y a plus de quatre ans. C’est ce qu’il m’a dit dans l’une de ses conversations. Désolé, je vais le dire comme il l’a fait, c’est son discours direct : « Vous voulez que Joe le Dormeur gagne ».

C’est ce qu’il m’a dit quand il était encore Président. Et puis, à ma grande surprise, on a commencé à l’harceler pour notre présumé soutien de M. Trump en tant que candidat. Une divagation complète.

Quant à la situation électorale d’aujourd’hui, elle devient de moins en moins civilisée. Je ne voudrais pas faire de commentaires à ce sujet.

Mais je pense qu’il est évident pour tout le monde que le système politique américain ne peut pas prétendre à être démocratique dans tous les sens du terme.

D. Kisseliov : Pour être honnête, votre préférence pour Biden me semble plutôt étrange. Après tout, en 2011, Biden est venu à Moscou et vous a persuadé de ne pas vous présenter à l’élection présidentielle.

Vous souvenez-vous de cette histoire ? Il l’a racontée à l’époque, lors d’une rencontre avec l’opposition russienne à la Spaso House. Garry Kasparov a écrit à ce sujet que Biden avait raconté qu’il était venu à la Maison Blanche russienne pour voir le Premier ministre Poutine et l’avait dissuadé par tous les moyens possibles de se présenter à la présidence, ensuite il avait commencé à mettre en place un printemps arabe dans notre pays. Biden ne vous aimait donc pas beaucoup à l’époque. Vous avez eu un duel historique avec lui. Ou est-ce que cela a passé chez vous ?

V. Poutine :
 Pour être honnête, je n’y ai pas vraiment prêté attention.

D. Kisseliov : C’est passé, n’est-ce pas ? Vous n’y avez même pas prêté attention.

V. Poutine :
 Une sorte de duel…

D. Kisseliov : C’était donc grave pour lui, mais pas pour vous.

V. Poutine :
 C’est un signe d’ingérence…

D. Kisseliov : Oui, il s’agit d’une ingérence flagrante à 100 %.

V. Poutine :
 …dans nos processus politiques internes. Nous avons déjà dit à maintes reprises, et j’ai dit à maintes reprises : « Nous ne permettrons à personne de faire cela ».

D. Kisseliov : Bien.

Si l’on s’éloigne de l’ingérence, des batailles préélectorales, en fait, l’escalade se poursuit. On a l’impression que les deux superpuissances — la Russie et les États-Unis — jouent à ce qu’on appelle en Amérique le « jeu de la peau de poulet » : c’est quand les poulets se jettent l’un sur l’autre, et là-bas, c’est un jeu où des types en voiture se foncent dans le front l’un de l’autre, pour savoir qui fera l’écart le premier. Il semble que personne ne va s’écarter le premier. La collision est-elle imminente ?

V. Poutine :
 Pourquoi ? Aux États-Unis, ils ont annoncé qu’ils n’allaient pas introduire des troupes. Nous savons ce que sont les troupes américaines sur le territoire russien. Ce sont des interventionnistes. C’est ainsi que nous les traiterons, même si elles apparaissent sur le territoire ukrainien, ils le comprennent. Je vous ai dit que M. Biden était un représentant de l’école politique traditionnelle, cela se confirme. Mais outre M. Biden, il y a suffisamment d’autres spécialistes dans le domaine des relations russo-américaines et de la dissuasion stratégique.

Je ne pense donc pas que tout va se jouer ici de manière frontale. Mais nous y sommes prêts. Je l’ai dit à maintes reprises, il s’agit pour nous d’une question de vie ou de mort, et pour eux, il s’agit d’améliorer leur position tactique dans le monde en général, mais aussi en Europe en particulier, et de préserver leur statut parmi leurs alliés. C’est également important, mais pas autant que pour nous.

D. Kisseliov : Il est intéressant de noter que vous avez dit que nous sommes prêts pour cela. Le philosophe Alexandre Douguine, expert en géopolitique, appelle à une préparation directe et pratique à la guerre nucléaire. « Mieux nous y serons préparés, moins une telle guerre sera probable », déclare Alexandre Douguine. Comment pouvons-nous nous y préparer ? Sommes-nous vraiment prêts pour une guerre nucléaire ?

V. Poutine :
 D’un point de vue militaro-technique, nous sommes bien sûr prêts. Nous les [les troupes] maintenons en permanence en état de préparation au combat. C’est premièrement.

Deuxièmement. C’est aussi une chose universellement reconnue : notre triade nucléaire est plus moderne que toute autre triade, et seuls nous et les Américains possédons une telle triade.

Nous sommes beaucoup plus avancés dans ce domaine. L’ensemble de la composante nucléaire est plus moderne. Dans l’ensemble, nous sommes à peu près à égalité en termes de porte-avions et de charges, mais les nôtres sont plus modernes.

Tout le monde le sait, tous les experts le savent. Mais cela ne veut pas dire que nous devons nous mesurer au nombre de porteurs et d’ogives, mais nous devons le savoir. Et ceux qui doivent savoir, je le répète, les experts, les spécialistes et les militaires, le savent très bien.

Ils se donnent à présent pour mission d’accroître cette modernité et cette nouveauté, et ils ont des projets en ce sens. Nous sommes également au courant. Ils développent tous leurs composants, et nous aussi. Mais cela ne signifie pas, à mon avis, qu’ils sont prêts à déclencher cette guerre nucléaire demain. S’ils le veulent, que pouvons-nous faire ? Nous sommes prêts.

D. Kisseliov : Peut-être pourrions-nous procéder à des essais nucléaires à un moment donné pour être plus convaincants. Après tout, nous n’avons aucune restriction internationale à ce sujet.

V. Poutine :
 Il existe un traité interdisant de tels essais, mais les États-Unis ne l’ont malheureusement pas ratifié. Par conséquent, afin de maintenir la parité, nous avons retiré notre ratification. Comme le traité n’a pas été ratifié par les États-Unis, il n’est pas entré définitivement en vigueur parce qu’il n’a pas reçu le nombre requis de ratifications, mais nous adhérons néanmoins à ces accords.

Nous savons que les États-Unis envisagent de tels tests. Car, comme le pensent certains experts, lorsque de nouvelles ogives apparaissent, il ne suffit pas de les tester sur un ordinateur, il faut aussi les tester en nature. De telles idées circulent dans certains cercles aux États-Unis, elles ont lieu, nous les connaissons.

Et nous nous y intéressons également. S’ils effectuent de tels tests, je ne l’exclus pas, pas nécessairement que nous en ayons besoin ou non, nous devons encore y réfléchir, mais il est possible que nous fassions de même.

D. Kisseliov : Mais sommes-nous techniquement prêts pour cela ?

V. Poutine : 
Oui, nous sommes toujours prêts. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’armes ordinaires, mais d’un type, d’une branche des forces armées qui est en permanence prête au combat.

D. Kisseliov : Vladimir Vladimirovitch, pendant les moments difficiles, je ne sais pas, l’année dernière au front en relation avec Kharkov ou Kherson, avez-vous pensé aux armes nucléaires tactiques ?

V. Poutine :
 Mais à quoi bon ? C’est à la suggestion du commandement du groupement de l’époque que nous avons décidé de retirer les troupes de Kherson. Mais cela ne signifiait guère que notre front s’effondrait là-bas. Rien de tel ne s’est produit. Nous l’avons fait pour ne pas subir de pertes inutiles au sein du personnel. C’est tout. C’était le motif principal, car dans les conditions des opérations de combat, lorsqu’il était impossible de ravitailler complètement le groupement situé sur la rive droite, nous aurions simplement subi des pertes inutiles de personnel. C’est pourquoi il a été décidé de se relocaliser sur la rive gauche.

La justesse de ce choix a été confirmée par ce que le commandement ukrainien a tenté de faire sur certaines parties de la rive gauche, dans ce village de Krynki déjà fameux : ils y ont simplement jeté leur peuple comme dans un hachoir à viande, et c’est tout. Ces derniers temps, ils y courent pieds nus, au sens littéral du terme. Ils ont essayé d’y jeter des munitions à l’aide de vedettes rapides et de drones. Qu’est-ce que c’est que ça ? Un pur et simple massacre, un envoi à l’abattoir.

J’ai demandé un jour au Chef de l’état-major général, il n’y a rien de secret là-dedans, je lui ai dit : « Écoutez, qu’en pensez-vous qui prenne de telles décisions de l’autre côté ? Celui qui prend la décision se rend-il compte qu’il envoie des gens à une mort certaine ? » Il me répond : « Oui. » J’ai dit : « Celui qui prend la décision, pourquoi le fait-ils ? Ça n’a pas de sens. » — « Ça n’a pas de sens d’un point de vue militaire. » J’ai dit : « Et de quel point de vue ? » — « Je ne sais pas, dit-il, probablement les hauts responsables politiques, sur la base de considérations politiques, croient qu’ils ont une chance de percer notre défense, une chance d’obtenir de l’argent supplémentaire, se référant au fait qu’ils ont une tête de pont sur la rive gauche, une chance de présenter magnifiquement leur position lors de réunions internationales. La commande passée, tous les patrons inférieurs l’exécutent ».

D’ailleurs, les prisonniers qui ont été capturés là-bas et qui se sont rendus disnt qu’ils ne savaient même pas dans quelle situation ils s’engageaient. On peut supposer qu’aux nouvelles unités envoyées là-bas on dit disent : « Il y a une défense stable là-bas, allez-y, continuez, aidez-les ». Tandis qu’ils n’ont même pas pu atteindre la rive gauche.

D. Kisseliov : Une tragédie.

V. Poutine :
 Une tragédie naturelle. D’un point de vue humain, absolument.

Alors pourquoi avons-nous besoin d’utiliser des moyens de destruction massive ? Cela n’a jamais été nécessaire.

D. Kisseliov : Cette idée ne vous est donc pas venue à l’esprit ?

V. Poutine :
 Non. Pourquoi ? Les armes existent pour pouvoir les utiliser. Nous avons nos propres principes, que disent-ils ? Que nous sommes prêts à utiliser des armes, y compris toutes les armes, y compris celles que vous avez mentionnées, s’il s’agit de l’existence de l’État russien, d’une atteinte à notre souveraineté et à notre indépendance. Tout est expliqué dans notre stratégie. Nous ne l’avons pas modifiée.

D. Kisseliov : Vladimir Vladimirovitch, lorsque le président sortant Eltsine vous a proposé de vous présenter à l’élection présidentielle, votre première réaction a été de dire : « Je ne suis pas prêt ».

V. Poutine :
 Exactement, c’est un discours direct.

D. Kisseliov : Depuis, bien sûr, vous avez beaucoup évolué. Si vous deviez vous écrire un télégramme à vous-même à cette époque, quel texte aurait-il contenu ?

V. Poutine : 
Vous voyez, c’est comme « Un Yankee auprès de la cour du roi Arthur » ou quelque chose comme ça. Il est impossible de répondre à cette question, parce qu’elle a été posée à l’époque, dans le contexte historique et économique dans lequel se trouvait le pays, dans cette situation politique interne en termes de sécurité intérieure. Et tout cela m’a conduit à la réponse que j’ai donnée : « Je ne suis pas prêt pour cela ». Non pas parce que j’avais peur de quelque chose, mais parce que l’ampleur des tâches était énorme et que le nombre de problèmes augmentait chaque jour comme une boule de neige. Je l’ai donc dit sincèrement, non pas parce que, je le répète, j’avais peur de quelque chose, mais parce que je pensais que je n’étais pas prêt à résoudre tous ces problèmes, à Dieu ne plaise, j’aurais fait quelque chose de pire. C’est de cela qu’il s’agissait. J’ai donc dit tout à fait sincèrement et, si je devais y revenir, je répéterais la même chose.

D. Kisseliov : Et qu’est-ce qui a été décisif ? Vous y êtes allé après tout.

V. Poutine :
 Probablement mes conversations avec Boris Nikolaïevitch.

Le plus important, c’est qu’il m’a finalement dit : « D’accord, très bien, je comprends, nous y reviendrons ». Et nous y sommes revenus plusieurs fois.

À la fin, il m’a dit que j’avais de l’expérience, que je savais ce que je faisais, ce que je proposais, et il m’a dit d’autres choses. C’est probablement gênant de faire mon propre éloge, mais il a dit des mots si positifs. Plus tard, il l’a confirmé à nouveau, d’une manière très positive, je n’en parlerai pas maintenant.

Et quand le travail a commencé, c’était complètement différent. Vous savez, quand vous travaillez, vous pensez : vous avez besoin de ceci, de cela, de cela tout de suite, de cela maintenant, de cela demain — et ainsi de suite. Lorsque vous vous engagez dans le travail, c’est une toute autre histoire.

D. Kisseliov : Il n’y a plus de temps pour avoir peur.

V. Poutine : 
Ce n’est pas une question de peur, c’est une question de compréhension et de capacité à résoudre ces problèmes. Vous vous souvenez de ce qu’a été l’an 1999 dans l’économie, la sécurité, la finance, dans tout.

D. Kisseliov : Vous m’avez dit un jour que la préparation de l’entrée à l’université de Leningrad avait été un tournant pour vous. C’était une situation où vous deviez vous lancer à corps perdu, en réalisant : soit je le fais maintenant et je me débrouille, et alors je mettrai en œuvre les plans que je veux (et vous alliez déjà travailler au KGB à l’époque), soit je perds, et alors tout est différent et il n’y a pas de chance. La Russie se trouve-t-elle aujourd’hui dans une situation telle qu’il est nécessaire de jouer le tout pour le tout ?

V. Poutine :
 Tout d’abord, je n’étais pas dans une telle position à l’époque. Oui, je voulais travailler dans le service de sécurité de l’État.

D. Kisseliov : C’était l’aveu, c’était un tel tournant, ce sentiment, n’est-ce pas ? C’est ça ou ça ?

V. Poutine : 
Pas exactement. Je me suis simplement présenté à la réception et j’ai dit : « J’aimerais travailler. De quoi avez-vous besoin pour cela ?”

L’alternative était simple, on m’a dit : il faut soit faire des études supérieures, et de préférence un diplôme de droit, soit servir dans l’armée, soit avoir au moins trois ans d’expérience professionnelle, mais c’est mieux de servir dans l’armée. Si je n’avais pas été admis à l’université, je serais allé servir dans l’armée.

Certes, le chemin vers l’objectif que je m’étais fixé était peut-être plus long, mais il était quand même là. Il y a toujours une alternative.

D. Kisseliov : Mais vous l’avez fait avec tension.

V. Poutine : 
Oui, bien sûr, parce que j’ai étudié dans une école à dominante chimique et mathématique, alors qu’ici je devais passer des cours de sciences humaines. J’ai dû quitter l’une pour étudier l’autre.

Oui, bien sûr, il y avait des tensions. J’ai dû apprendre une langue étrangère par moi-même, l’allemand en l’occurrence, j’ai dû étudier l’Histoire, la littérature, etc.

D. Kisseliov : La Russie est également à la croisée des chemins : soit ça marche, soit…

V. Poutine : 
La Russie n’est pas à la croisée des chemins. Elle est sur la voie stratégique de son développement, et elle ne s’en écartera pas.

D. Kisseliov : Dans quelle mesure ressentez-vous le soutien de la société russienne dans sa nouvelle qualité ? Après tout, une nouvelle qualité de la société russienne est apparue.

V. Poutine : 
Elle était toujours là, elle n’a fait que se manifester. Et c’est très bien d’avoir donné à cette société russienne profonde l’occasion de sortir du bois. J’ai le sentiment que les gens attendaient cela depuis longtemps, que le citoyen ordinaire serait sollicité par le pays et l’État, et que le destin du pays dépendrait de lui. C’est ce sentiment de liaison profonde avec la Mère Patrie et de leur importance dans la résolution de problèmes clés, en l’occurrence dans le domaine de la sécurité, qui a fait remonter à la surface la force du peuple russe et des autres peuples de Russie.

D. Kisseliov : Vous en nourrissez-vous ?

V. Poutine :
 Toujours. Ce n’est même pas que quelqu’un s’en nourrisse, c’est que je vois les exigences de la société. C’est la chose la plus importante : répondre aux demandes de la société.

D. Kisseliov : Mais il est temps de reconnaître que vous jouez un rôle clé non seulement en Russie, mais aussi dans le monde, parce que des milliards de personnes associent à vous l’espoir d’une équité internationale, de la défense de la dignité humaine, de la protection des valeurs traditionnelles. Comment se sent-on face à une telle responsabilité ?

V. Poutine : 
Pour vous dire la vérité, je ne la ressens pas du tout. Je travaille simplement dans l’intérêt de la Russie, dans l’intérêt de notre peuple. Oui, je comprends ce que vous dites et je suis prêt à le commenter. Mais je n’ai pas l’impression d’être une sorte de maître des destinées du monde. Croyez-moi, j’en suis loin. Je ne fais que remplir mon devoir envers la Russie et envers notre peuple, qui considère la Russie comme sa patrie.

Quant aux autres pays du monde, ils sont étroitement liés à la manière dont nous sommes traités dans le monde. C’est intéressant. C’est un tel phénomène, c’est certain.

Je voudrais attirer l’attention sur ce point. Vous avez tout à fait raison, de nombreuses personnes dans le monde nous regardent, regardent ce qui se passe dans notre pays et dans notre lutte pour nos intérêts.

Voici ce qui est important à mon avis. Pourquoi cela se produit-il ? Pas parce que nous sommes officiellement membres des BRICS ou que nous avons des relations traditionnelles avec l’Afrique. C’est également important, mais l’essence, à mon avis, est tout à fait différente. Le fait est que ce soi-disant « milliard d’or » parasite pratiquement les autres nations depuis des siècles, 500 ans déjà. Ils ont lacéré les malheureux peuples d’Afrique, ils ont exploité l’Amérique latine, ils ont exploité les pays d’Asie, et personne ne leur a passé l’éponge sur cela. J’ai le sentiment que ce ne sont même pas les dirigeants de ces pays, bien qu’ils soient très importants, mais les citoyens ordinaires de ces pays qui ressentent dans leur cœur ce qui est en train de se passer.

Ils associent notre lutte pour notre indépendance et notre véritable souveraineté à leurs aspirations à leur propre souveraineté et à leur développement indépendant. Mais cela est aggravé par le fait que le désir de geler l’état injuste actuel des affaires internationales est très fort chez les élites occidentales. Durant des siècles elles se sont habituées à se bourrer le sac de chair humaine et les poches d’argent. Mais elles doivent se rendre compte que ce bal des vampires touche à sa fin.

D. Kisseliov : Faites-vous allusion à leurs tendances colonialistes, comme vous l’avez dit dans votre Message ? C’est de cela que vous parlez.

V. Poutine :
 C’est ainsi que les choses se passent.

D. Kisseliov : Mais aujourd’hui, vous avez brossé un tableau tout à fait juste, où les gens voient un peu d’espoir en la Russie. Comment se fait-il que la propagande occidentale, avec toute sa puissance, ses ressources et ses outils colossaux, n’ait pas réussi à envelopper la Russie, à l’isoler et à créer une fausse image d’elle, même si elle a essayé de le faire dans l’esprit de milliards de personnes ? Comment cela s’est-il produit ?

V. Poutine :
 Parce que ce que je viens de dire est plus important pour les gens. Les gens du monde entier le ressentent dans leur cœur. Ils n’ont même pas besoin d’explications pragmatiques pour comprendre ce qui se passe.

D. Kisseliov : Donc, malgré l’étendue de cette saleté ?

V. Poutine : 
Oui. Dans leurs propres pays, ils trompent aussi les gens, et cela a un effet. Dans de nombreux pays, ils pensent que c’est dans leur intérêt, parce qu’ils ne veulent pas avoir un grand pays comme la Russie à leurs frontières. Le plus grand pays du monde en termes de territoire, le plus grand pays d’Europe en termes de population — une population qui n’est pas si importante à l’échelle mondiale, qui n’est pas comparable à celle de la Chine ou de l’Inde, mais qui est la plus grande d’Europe — et maintenant aussi la cinquième plus grande économie du monde. À quoi leur sert un tel concurrent ? Ils pensent : non, il vaut mieux, comme l’ont suggéré certains spécialistes américains, le diviser en trois, quatre, cinq parties — ce sera mieux pour tout le monde. Ils partent de là.

Et une partie, au moins, des élites occidentales, aveuglées par leur russophobie, se sont réjouies lorsqu’elles nous ont amenés à la ligne après laquelle nos tentatives d’arrêter par la force la guerre en Ukraine déclenchée par l’Occident depuis 2014 ont commencé, lorsque nous sommes passés à l’Opération militaire spéciale. Ils se sont même réjouis, je pense. Parce qu’ils pensaient que maintenant ils en auraient fini avec nous, maintenant sous ce barrage de sanctions, pratiquement une guerre de sanctions déclarée contre nous, avec l’aide des armes occidentales et de la guerre par les mains des nationalistes ukrainiens, ils en auraient fini avec la Russie. D’où leur slogan : « Infliger une défaite stratégique à la Russie sur le champ de bataille ».

Mais plus tard, ils se sont rendu compte que c’était peu probable, et encore plus tard que c’était impossible. Et l’on s’est rendu compte qu’au lieu d’une défaite stratégique, ils étaient confrontés à l’impuissance, et ce malgré le fait qu’ils s’appuyaient sur le potentiel des États-Unis tout-puissants. Ils se sont retrouvés impuissants face à l’unité du peuple russien, aux fondements du système financier et économique russien, à sa durabilité et aux capacités croissantes des forces armées de la Fédération russienne.

C’est alors qu’ils ont commencé à penser — ceux qui sont plus intelligents, ont commencé à penser — qu’il serait nécessaire de changer de stratégie à l’égard de la Fédération russienne. Puis l’idée de reprendre le processus de négociation, de trouver des moyens de mettre fin à ce conflit et de chercher où se situent les véritables intérêts de la Russie. Ce sont des gens dangereux, d’ailleurs, parce que les autres qui sont guidés par des principes aussi bas sont plus faciles à combattre.

Vous souvenez-vous de ce que l’on disait en Russie ? Le bonheur de certains au niveau du ménage, qu’est-ce que c’était ? « Rassasié, ivre et le nez au tabac ». Oui ? C’est plus facile avec ces gens-là, quand ils sont rassasiés et ivres. « Le nez au tabac », parce qu’ils utilisaient du tabac à priser. Maintenant, on a le nez à la cocaïne. Peu importe, il est plus facile de traiter avec ceux-ci, mais il est plus difficile de traiter avec les personnes intelligentes — elles sont plus dangereuses, parce qu’elles influencent la conscience de la société, y compris la nôtre, elles jetteront toutes sortes de leurs « souhaits » sous l’apparence de « carottes » pour nous.

Vous avez déjà attiré l’attention sur ce point lorsque vous avez posé une question sur la possibilité d’un processus de négociation. Mais il n’en reste pas moins que les contradictions au sein de la communauté occidentale existent. C’est une évidence, nous le voyons.

Nous n’allons pas nous occuper des scissions là-bas — ils le feront eux-mêmes avec brio. Mais nous nous efforcerons certainement de faire en sorte que nos intérêts soient respectés.

D. Kisseliov : Je ne peux m’empêcher de poser la question. Ces attaques contre les oblasts Belgorodien et Kourien — les actions militaires qui se déroulent dans nos régions. Ils se comportent de manière plus effrontée — ressentent-ils quelque chose ? Quelle en est la raison ?

V. Poutine :
 L’explication en est très simple. Tout cela se produit sur fond d’échecs sur la ligne de contact, sur la ligne de front. Ils n’ont atteint aucun des objectifs qu’ils s’étaient fixés l’année dernière. De plus, l’initiative est maintenant complètement passée à nos forces armées. Tout le monde le sait, tout le monde le reconnaît. Je ne pense pas pouvoir dire quoi que ce soit de nouveau. Face à ces échecs, il faut au moins montrer quelque chose, et l’accent doit être mis principalement sur l’information.

Sur la ligne de la frontière de l’État, l’ennemi tente d’attaquer principalement par des groupes de sabotage. Le dernier rapport de l’état-major général fait état de 300 personnes, dont des mercenaires étrangers. Les pertes de l’ennemi s’élèvent à plus de 200 hommes, soit environ 230. Sur les huit chars utilisés, l’ennemi en a perdu sept, sur les neuf véhicules blindés — neuf, dont sept de fabrication américaine, Bradley. D’autres véhicules blindés ont également été utilisés, mais principalement pour amener le personnel : ils l’amènent, le jettent et repartent aussitôt. Il s’agit de la partie belgorodienne de la frontière. Un peu plus vers le sud, je pense, à un endroit — avec une force de loin moindre. Néanmoins, l’objectif principal, je n’en doute pas, est sinon de perturber l’élection présidentielle en Russie, du moins d’empêcher d’une manière ou d’une autre le processus normal d’expression de la volonté des citoyens. C’est premièrement.

Deuxièmement. Il s’agit de l’effet d’information, que j’ai déjà mentionné.

Troisièmement. Si quelque chose réussit, obtenir une chance, un argument, une carte maîtresse dans un éventuel futur processus de négociation : nous vous rendrons ceci, et vous nous rendrez cela.

Mais je vous ai dit que les gens qui sont guidés par les principes « rassasié, ivre et le nez à la substance bien connue » sont plus faciles à aborder parce que vous pouvez calculer ce qu’ils vont faire. Ils essaieront de faire la même chose dans quelques autres aires, mais nous le voyons.

D. Kisseliov : Nous avons évoqué l’épisode où vous avez sauvé des enfants d’un incendie, mais vous avez déjà des petits-enfants. Quel genre de pays aimeriez-vous laisser à vos petits-enfants ?

V. Poutine : 
Vous savez, dans un premier temps, nous devons réaliser tout ce qui a été dit dans le Message à l’Assemblée fédérale il y a quelques jours. Nous avons de grands projets. Ils sont très spécifiques en termes de développement économique, de développement social, de soutien à la maternité, à l’enfance, aux familles avec enfants, et de soutien aux retraités. Nous en parlons très peu ces derniers temps ou nous n’en parlons pas, mais nous veillons à ce que les ressources appropriées soient mises en place dans ce domaine également. Il s’agit de l’indexation des pensions, des prestations diverses et des soins de longue durée pour les personnes qui en ont besoin.

J’aimerais dire que c’est grâce aux personnes de l’ancienne génération que nous avons aujourd’hui un État et une économie relativement solides et stables. En effet, malgré toutes les vicissitudes et les épreuves sévères subies par l’économie dans les années 90, celle-ci a survécu grâce à leur travail héroïque après la Grande Guerre patriotique et pendant la reprise économique. C’est pourquoi nous ne devrions jamais oublier les mérites de l’ancienne génération. Nous devons toujours nous en souvenir et veiller à leur bien-être. L’avenir est aux enfants, c’est pourquoi j’ai déjà parlé de programmes dans le domaine de la maternité et de l’enfance.

Tout cela se fait uniquement sur la base de l’économie. Je m’attends à ce qu’elle soit plus technologique, plus moderne, basée sur les réalisations modernes en matière de science et de technologie, de technologie de l’information, d’intelligence artificielle, de robotique, de génétique, etc. Notre agriculture se développe à perfection. Là aussi, nous avons besoin de technologies modernes. Elles sont utilisées activement et continueront à l’être.

Bien sûr, le pays sera autosuffisant en matière de sécurité et de défense. Nous devrons multiplier tout cela ensemble, et l’avenir sera assuré.

D. Kisseliov : Merci, Vladimir Vladimirovitch. Votre certitude est contagieuse. Bonne chance dans vos nobles entreprises.

V. Poutine :
 Merci.

D. Kisseliov : Merci.

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