Quel avenir pour l’Ukraine entre l’UE et Moscou ?

imagesAlors qu’au début des évènements en Ukraine les belligérants occidentaux ont imposé leur opération de captation de l’Ukraine en laissant la Russie hors de la table des négociations, la situation semble s’être aujourd’hui totalement inversée.

Si « l’instant Crimée » avait déjà été analysé par certains comme symbolisant la fin du moment unipolaire qui régentait l’ordre européen, imbriqué au sein de la coalition occidentale et américano-centrée, il semble bien maintenant qu’une tendance au rééquilibrage entre Moscou et l’Union européenne soit en train de prendre forme, en Ukraine.Comme l’a parfaitement relevé l’expert en droit international Alexandre Mercouris, l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE ne prévoyait pas d’être un simple accord de libre-échange. En réalité c’était un dispositif pour faire de l’Ukraine une partie de l’Espace économique européen et du Marché unique soumis à la réglementation de la bureaucratie européenne de Bruxelles et à la juridiction de la Cour européenne de justice au Luxembourg. En clair, un traité visant à séparer pour de bon Ukraine et Russie.

Hormis les incompatibilités techniques et commerciales nombreuses que ce traité allait créer au sein des relations économiques Russie / Ukraine, l’aspect géopolitique, stratégique mais aussi historique est fondamental pour comprendre l’opposition de la Russie à ce rattachement forcé de l’Ukraine à l’Union de Bruxelles. La Rous de Kiev, c’est le berceau historique de la Russie.L’été 2015 s’annonce, il est temps de faire un point sur la route européenne que le Maïdan était censé faire emprunter à l’Ukraine tout autant que sur le regard que la famille bruxelloise porte désormais sur les évènements qui se sont déroulés depuis novembre 2013 en Ukraine.

Tout d’abord et sur le plan militaire, l’opération “antiterroriste” a été un échec puisque les forces loyalistes ukrainiennes auraient perdu, selon certaines estimations, jusqu’à 15.000 soldats, des dizaines de milliers étant blessés. Certains scenarios maximalistes envisagés par le pouvoir de Kiev imaginent maintenant un blocus de la zone concernée, mais en réalité, les élites ukrainiennes envisagent objectivement que la partie ne soit déjà perdue.

Sur le plan politique et territorial, après avoir perdu la Crimée, l’Etat ukrainien ne devrait jamais retrouver son autorité sur le Donbass dont la population semble souhaiter au minimum une forte décentralisation. En y regardant de plus près, l’idée d’une normalisation ou d’un rapprochement avec Moscou ne cesse de gagner du terrain, et pas seulement dans le Donbass. Le sentiment séparatiste ne cesse de croître dans diverses régions du pays, y compris à l’ouest. La question qu’il semble falloir se poser maintenant est de savoir si l’Ukraine va vers une solution fédérale avec des républiques quasi-autonomes ou vers des sécessions territoriales la faisant tout simplement disparaître en tant qu’Etat.La situation militaire a occupé le devant de la scène jusqu’aux accords de Minsk, mais depuis que les combats ont cessé, les autorités de Kiev ont du mal à dissimuler l’échec politique et économique de ce gouvernement issu du Maïdan. La situation est encore plus grave qu’à la fin de la première révolution orange il y a 10 ans. Alors que l’inflation a atteint 60% et que la valeur de la monnaie a été divisée par trois en 12 mois, la baisse du PIB en 2015 devrait atteindre les 9%. Le pays est sous perfusion du FMI qui lui a en mars dernier attribué une aide de 17 milliards de dollars s’inscrivant dans un hypothétique plan de 40 milliards de dollars au total, portant la dette publique ukrainienne de 40% du PIB en 2014 à plus de 90% du PIB fin 2015.

Au bord d’un gouffre financier, les autorités de Kiev se préparent à brader les biens de l’état et ont déjà dressé une liste de quelque 300 entreprises publiques destinées à être vendues, dont des centrales thermiques, des mines ou encore des ponts. Cet effondrement politique et économique n’inquiète pas que Kiev mais aussi de plus en plus une communauté européenne qui semblait ne pas avoir jusque-là réalisé le cout du « Maïdanisme ». Peut-être que les autorités de Bruxelles qui n’arrivent pas à redresser la Grèce (10 millions d’habitants) se sont rendu compte que l’Ukraine est quatre fois plus peuplée, nettement plus pauvre et que le degré de corruption global y est considérablement plus élevé.C’est peut-être pour ces raisons que, de façon surprenante, une réunion a eu lieu au Kremlin le 20 mai dernier au cours de laquelle le ministre du Développement économique Alexis Ulyukaev semblait indiquer que les Européens acceptaient de prendre en compte les amendements au texte de l’Accord d’association, comme les Russes l’ont toujours demandé, réduisant de facto à néant l’application autoritaire de l’accord d’association à l’Union Européenne.

Les dernières semaines semblent confirmer les terribles séquelles que l’affaire ukrainienne devrait laisser dans le monde politique de l’Union Européenne. Si cette évolution devait se confirmer elle amènerait à un nouvel équilibre dans la relation entre l’Europe, la Russie et l’Ukraine qui se traduirait probablement par un retour de Moscou au centre du jeu ukrainien et un renoncement des chancelleries européennes à leur soutien inconditionnel au « Maïdanisme ».Le Maïdan en 18 mois n’aura finalement que contribué à l’appauvrissement de l’Ukraine et a des pertes définitives de territoire, tout en amenant un conflit meurtrier et une catastrophe humanitaire, comme cela a été le cas pour la Géorgie suite à la folle opération militaire initiée en 2008 par le président issu de la révolution de couleur que le pays a connu en 2003.

Si on peut espérer que les autorités de Bruxelles deviennent à nouveau réalistes, il faut être conscient que d’autres influences politiques et financières se répandent actuellement en Ukraine. Ce n’est pas un fait anodin: ce même ex-président géorgien va-t-en guerre vient d’être nommé gouverneur de la région d’Odessa. Cette nomination intervient juste après sa naturalisation ukrainienne et ce alors que le gouvernement ukrainien se remplit peu à peu de responsables politiques et autres managers étrangers naturalisés à la hâte, et tous extrêmement liés au système politico-financier globaliste américain et qui prennent le contrôle de positions clefs au sein du pays.

Ce réseau qui se déploie est à mettre en parallèle avec l’apparition en Ukraine d’un conseil consultatif des réformes récemment, créé par le président Poroshenko, qui comprend outre Mikhaïl Saakachvili, (ex président géorgien), l’ex-premier ministre et ex-ministre des Affaires étrangères suédois Carl Bildt, le chef de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen Elmar Brok, l’ancien premier ministre slovaque Mikulas Dzurinda, l’ex-premier ministre lituanien Andrius Kubilius ou encore le chef du Comité des forces armées du Sénat américain John McCain.

Ces faucons de la nouvelle Europe et autres responsables américains permettent d’imaginer qu’au Pentagone certains n’entendent pas du tout laisser la Russie et l’Europe trouver une solution à la crise ukrainienne en écartant l’influence américaine. Les derniers mails piratés de Georges Soros le démontrent bien. Il « conseille » une hausse des livraisons de matériels militaires à Kiev afin que l’armée ukrainienne puisse intensifier ses opérations militaires dans le Donbass.Il est à craindre que dans un futur proche le pouvoir ukrainien qui n’est visiblement plus souverain, ne se fasse entraîner dans une nouvelle aventure guerrière dans l’Est du pays, opération militaire qui portera lourdement préjudice à Paris, Berlin, Kiev et Moscou, pour le plus grand plaisir du département d’Etat et du complexe militaro-industriel américain.

 

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