Les événements de ces derniers jours en Ukraine semblent prendre une tournure bien connue.
La suspension de l’accord d’association avec l’UE décidée par les autorités ukrainiennes a en effet donné lieu à une certaine agitation politique et médiatique car comme à chaque fois qu’un événement politique prend une orientation géostratégique incompatible avec l’agenda de l’alliance occidentale, le mainstream médiatique tient parfaitement son rôle.
Pour Le Monde, les « partisans de l’Europe sont dispersés » et « Ianoukovich manque de vision » (!), pour France Info, « les opposants sont réprimés » et « l’opposition se lève contre la dictature ». Pour Ouest France, le pays est dans un cul de sac pendant que Courrier International rappelle que les manifestations tournent à la contestation étudiante, l’Ukraine va-t-elle s’offrir son novembre 2013 pro-européen sur le modèle d’un mai 68 français qui ne doit visiblement faire rêver que les habitants de Kiev ?
Les politiques d’opposition en Ukraine sont eux totalement en accord avec les journalistes francais puisque l’opposition exige « la démission du gouvernement » et vise à « renverser le pouvoir ». Quand au nouveau visage de l’opposition, le boxeur Klichsko dont le parti Udar est soutenu officiellement par la CDU allemande, il a lui appelé à des élections anticipées, accusant le président ukrainien de haute trahison. Ioulia Timoshenko, l’ex égérie de la révolution orange qui croupit en prison pour corruption, appelant elle à « libérer l’Ukraine » et à « renverser pacifiquement » le gouvernement.
Une révolution pacifique pour renverser un gouvernement démocratiquement élu (rappelons-le) et qui a choisi de « légalement » suspendre (provisoirement ?) la signature d’un accord d’association avec l’UE ? Souffle-t-il un vent de nouvelle révolution de couleur (jaune et bleue cette fois) en Ukraine ?
On a beaucoup parlé de la pression russe sur l’Ukraine, qui aurait fait capoter les négociations, mais ce sont pourtant des députés européens qui se sont montrés à Kiev au milieu des manifestants contre le pouvoir ukrainien. De la même façon, des étrangers(polonais) font partie des blessés lors de la dispersion de la manifestation. Que faisaient-ils-là ? Que n’aurions-nous pas entendu s’il s’était agi de responsables russes proches de Russie Unie ?
Les manifestations de rue puis les occupations de places publiques ont donc logiquement fini par être dispersées par la police ukrainienne. Pourquoi logiquement ? Car comme en Russie lors de la pâle tentative de mai 2012, des provocateurs armés (voir par exemple ici ou là) ont tenté de créer des désordres et de faire dégénérer la situation pour attiser une répression du pouvoir justifiant de nouvelles manifestations contre ce même pouvoir. Les révolutions de couleurs, on le sait, sont en effet toujours dirigées « contre » un « dictateur » ou du moins prétendu tel quel, que l’on se souvienne de l’obsession anti-Milosevic en Serbie en 2000, anti-Edouard Chevardnadzé en Géorgie en 2004 ou anti-Ianoukovich en Ukraine en 2005.
Mais il est peu probable que cette fois le rêve européen de l’Ukraine puisse aboutir à une nouvelle révolution de couleur malgré le soutien des FEMEN, qui ont manifesté contre le président ukrainien et pour l’accord avec l’UE.
Pendant que l’ambassade américaine se plaint de la répression des autorités ukrainiennes, le président Ianoukovich vient de confirmer la signature d’un nouvel accord avec la Russie et à la surprise générale, s’est envolé en voyage officiel en Chine, histoire de rappeler à chacun que le Monde ne se limite ni à Bruxelles, ni à Moscou