Au milieu de l’été 2011, les lecteurs de Ria Novosti s’en souviennent peut être, j’avais débusqué et décortiqué un mythe politico-journalistique en vogue à propos de la Russie. D’après ce mythe les russes souhaitaient en masse quitter la Russie, cette immigration avait du reste commencé dès la crise de 2008 et elle semblait destinée à se prolonger puisque 22% des sondés affirmaient vouloir quitter la Russie. Le constat était tragique et simple selon nombre “d’experts”: Un effondrement démographique allait se produire, la Russie était un pays sans avenir et cette émigration présente et future allait remettre en cause les projets ambitieux et patriotiques du Kremlin.
Deux ans après, les mêmes experts sont bien discrets sur cette émigration russe au moins autant fantasmée que l’ont été les certitudes quand à l’effondrement démographique supposé prochain du pays, effondrement qui lui non plus n’a pas eu lieu. Dans ce domaine les experts et autres catastrophistes des questions démographiques auraient pu s’intéresser sérieusement à des pays qui méritent qu’on observe ce qui s’y passe. C’est le cas surprenant de la Lettonie qui vient de perdre sur 10 ans 13% de sa population, soit 307.000 personnes, près de 200.000 ayant émigré et quitté le pays sur les dernières années, surtout depuis la crise de 2008.
En ce qui concerne la Russie, la dure réalité économique à l’étranger a, en partie sans doute, répondu à la question que nombre de russes se sont posée et qu’ils continuent sans doute à se poser même si l’effet de mode semble dépassé: Faut il quitter la Russie? Certains jeunes russes ont eu, dans un passé récent, un complexe malsain et persistant face à l’Europe et aux pays de l’ouest en général. Hugo Natowicz décrivait ce sentiment comme une “admiration très naïve et simpliste de l’ouest” qui formait un mélange de “désamour pour leur patrie et d’idéalisation de l’ailleurs”. Il en résultait une pensée obsessionnelle : L’herbe est forcement plus verte ailleurs.
Dans cet état d’esprit, Il est sans doute difficile d’imaginer en Russie que nombre de français ne veulent plus habiter en France. Benjamin Franklin avait pourtant écrit ” Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France”. Récemment, une jeune française du nom de Clara a publiquement témoigné de son mécontentement envers la situation de son pays, la France, en écrivant une lettre ouverte au président de la république Française. Dans cette lettre, elle explique pourquoi elle souhaite quitter la France, en partant d’un sondage récent qui, à la question “Si vous le pouviez, aimeriez-vous quitter la France pour vivre dans un autre pays?”, montrait que 50 % des 18-24 ans et 51 % des 25-34 ans ont répondu oui, contre 22 % pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Diantre, la France de 2013 serait elle destinée à se vider de ses habitants comme la Lettonie? Au point de mettre en péril les projets ambitieux et patriotiques de l’élite politique française?
Clara dans sa lettre rappelle au président français que c’est justement pour cela qu’elle veut partir: On dirait bien que l’élite française, et pas seulement l’élite actuelle, n’a pas de projets, ni ambitieux, ni patriotiques. Clara explique vouloir fuir la dette qui empêche une jeune diplômée comme elle de pouvoir faire des plans d’avenir. Elle envisage de s’installer dans un pays en croissance, elle cite le Canada et l’Australie (pays traditionnels d’émigration française et dont les dettes publiques sont encore relativement “raisonnables”) et l’Afrique, une destination qui en général rime plutôt avec émigration temporaire.
Je ne peux, vous vous en doutez, m’empêcher de conseiller à Clara de penser aussi au Far Est et a la Russie, dont la bonne santé économique est manifeste. Il y a beaucoup de problèmes à résoudre dans le pays, mais la dette publique ne fait l’objet d’aucun fantasme en Russie. En 2012, la dette publique extérieure représentait 3% du PIB et le total de la dette publique 10% du PIB. A coté de cela, les réserves de change russes sont revenues à leur niveau d’avant crise et pour 2013, la Russie table sur un budget quasiment en équilibre avec un déficit budgétaire qui devrait représenter 0,8% du PIB. En ce début 2013 le taux moyen de chômage en Russie est de 5% et il est quasiment nul dans les grandes villes.
Bien sur, Clara, en arrivant en Russie il faut se préparer à survivre, dans un premier temps, et aussi à affronter une administration Kafkaïenne, mais le pays dispose dans tous les domaines de ressources de croissance suffisantes pour présenter un réel modèle alternatif dans l’avenir. En outre, si on sait que les français sont très bien vus en Russie, peu de gens savent que les femmes françaises réussissent souvent de façon assez exceptionnelle à Moscou.
Que demander de plus Clara!