La guerre totale contre la corruption a-t-elle commencé?

L’article original a été publié sur le site deRIA-Novosti
 
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La semaine dernière un événement est venu secouer la scène politique russe. Le ministre de la Défense, Anatoly Serdioukov a été remercié par Vladimir Poutine.

Anatoly Serdioukov est un civil,  né dans le sud de la Russie. Il est passé par la case Saint-Pétersbourg, il a commencé sa carrière dans la finance, via le service des impôts de Saint Petersburg, puis le ministère des finances en 2004, alors qu’Alexeï Koudrine était ministre. En 2007, à la fin du second mandat Poutine,  il est nommé ministre de la défense.

Il va alors travailler avec acharnement à la réduction des dépenses, et pendant sa première année à ce poste, il diminuera de près d’un tiers l’effectif des officiers supérieurs de l’administration militaire centrale. En octobre 2008 enfin, sous la présidence Medvedev, c’est lui qui proposera le projet de réforme de l’armée russe destiné à réduire les effectifs, à modifier les chaînes de commandement et aussi à professionnaliser l’armée russe.

Au total, dans ce projet, ce sont plus de 700 milliards de dollars que l’État russe prévoit de dépenser jusqu’à 2020 pour rénover les forces armées.


Ce colossal investissement est aussi et surtout destiné à permettre à la Russie de se doter d’une armée adaptée au monde d’aujourd’hui (lire à ce sujet l’excellente analyse de Jean Dominique Merchet). On se souvient que ces investissements massifs dans le domaine militaire avaient donné lieu à une lourde passe d’armes entre l’ancien président Dimitri Medvedev, et l’ancien ministre des finances Alexeï Koudrine, finalement limogé en 2011.

Lorsque Anatoly Serdioukov a été nommé à la défense par Vladimir Poutine en 2007, il s’est vu confier entre autres la mission  difficile et prioritaire de lutter contre la corruption au sein de ce ministère. Pourtant c’est suite à une affaire de corruption que ce dernier vient d’être démis. Selon la commission d’enquête, trois milliards de roubles (90 millions de dollars) ont disparu du budget du sous-traitant militaire Oboronserviсe, spécialisé dans l’approvisionnement de l’armée, et dont le ministre  était président du conseil d’administration jusqu’en 2011.

La même semaine on a appris que le chef d’état-major de l’armée, Nikolaï Makarov, avait lui aussi été démis et remplacé par Valeri Guérassimov. Trois jours plus tard le 4ième département des enquêtes criminelles du ministère russe de l’intérieur annonçait qu’une enquête sur le détournement de fonds destinés au  projet GLONASS avait permis de découvrir  le vol de près de 162 millions d’euros. Enfin, le gouverneur de la région de Perm, dans l’Oural, et ancien vice-ministre du Développement régional, Roman Panov a lui aussi été arrêté par la police. Il  est soupçonné d’avoir détourné quelques 93 millions de roubles (2,3 millions d’euros) destinés au sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique qui a eu lieu en septembre dernier à Vladivostok.

La corruption, véritable fléau, empoisonne autant la vie publique russe qu’elle aggrave le manque de confiance des administrés à l’égard de leurs élites. Pour la seule année 2011, ce sont près de 17 milliards d’euros de fraude qui ont été comptabilisés par la cour des comptes. La guerre contre la corruption est pourtant jugée essentielle par tous. Alors que le pot de vin moyen en Russie est évalué à 1.500 euros, ce sont près de 48% des russes qui estiment que la corruption est le problème principal de la Russie, à égalité avec l’alcool et la drogue mais derrière l’inflation et bien sur le coût de l’immobilier. Dimitri Medvedev avait fait de la lutte contre la corruption un des objectifs principaux de son mandat, mais il avait reconnu sur ce point des résultats insuffisants.

Pendant le premier semestre 2012, près de 16.000 affaires pénales portant sur des délits de corruption ont été instruites.

Depuis le début de l’année en cours, ce sont près de  10.000 fonctionnaires qui auraient reçu des pots-de-vin, dont déjà 8.000 ont été traduits au pénal.

Parmi eux 25 députés aux parlements de différents niveaux, cinq ministres régionaux, 48 chefs de districts, 17 dirigeants municipaux et 15 responsables d’organes territoriaux.

Au milieu de l’année 2012, le président Poutine lui-même avait affirmé que la corruption était la principale menace pour le développement de la Russie d’aujourd’hui. Mais les renvois récents sont assez surprenants, est ce que le Poutine 3.0 aurait décidé de mener enfin à bien une guerre totale contre la corruption? Ce faisant, il s’assurerait un peu plus encore de rentrer dans l’histoire, mais aussi et surtout de pouvoir sereinement prendre la décision adéquate en 2018: se présenter pour un 4ieme et dernier mandat (ce qui semble cependant réellement improbable), ou pouvoir bénéficier de l’aura nécessaire pour présenter son ou ses successeurs potentiels.

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