Bataille pour l’orient (2)

Le mouvement du 06 avril en Egypte, un Otpor Arabe?
 
La signalétique  du mouvement du 06 avril ne laisse planer aucun doute quand à l’influence exercée par Otpor et par les mouvements de jeunesse actifs lors des révolutions de couleurs en Eurasie. La présentation de l’association elle même ne laisse pas planer de doutes. Le site internet permet également  d’y retrouver les icônes de la révolution Otpor notamment le poing levé :
 
 Un poing levé créé originalement par Otpor et repris par les mouvements affiliés orangistes, que ce soit Kmara en Géorgie ou Oborona en Russie.

Deux câbles Wikileaksde novembre 2008 et janvier 2010 (08CAIRO2371 et 10CAIRO99) mentionnent ces liens qui se sont établis entre l’ambassade américaine du Caire et divers activistes Egyptiens. La blogueuse Israa Abdel Fattah est mentionnée comme faisant partie d’un groupe d’activistes ayant participé à un programme de formation organisé à Washington par Freedom House. 
 
Ce programme, nommé « New Generation », a été financé par le département d’état et l’ USAID. Il avait pour but de former des « réformateurs politiques et sociaux ». Le compte rendu de la visite est consultable sur le site de Freedom house ici et la. (Ce programme est  à mettre en parallèle avec les activités de l’ambassade américaine Américaine envers les leaders des minorités des banlieues françaises, dont j’ai déjà traité).
En janvier 2010 ces soutiens de la diplomatie américaine à une opposition Egyptienne alors en formation pour organiser un coup d’état démocratique étaient publiquement dévoilés sous l’appellation Pomed, qui ne se cantonne pas à l’Egypte mais concerne tout le moyen orient.  Suite à cela, des arrestations préventives ont eu lien en Egypte, comme le précise un câble de janvier 2010 «  le groupe comprenait des blogueurs, des journalistes et des activistes de l’oppositon, par exemple  El-ghad, le parti du front démocratique, Kifaya et le 6 avril. » (..) Parmi les détenus se trouvait un français (…) Certains des détenus venaient d’effectuer à Washington un training « new generation » (cité plus haut) et un autre devrait participer au projet sur la démocratie au moyen orient (Pomed). »
Pourtant en mars 2010, certains leaders du mouvement du 06 avril ont été de nouveau reçus (ici et la) pour subir un entraînement dans le domaine des mobilisations civiques, de la  réflexion stratégique et dans l’utilisation des nouveaux médias, mais aussi pour professionnaliser la société civile en matière d’information et amener les politiques et le public à dénoncer la situation des libertés via internet.

 

 
Il faut noter qu’à ce moment précis (début 2010), les mouvements d’opposition, “6 avril”, Kifaya, Frères Musulmans, Parti socialiste, s’étaient déjà mis d’accord pour lancer une action avant les élections présidentielles égyptiennes de 2011, un plan que l’ambassadeur qualifiait alors d’irréaliste, révèle également le câble Wikileaks.
 
L’Egypte, le projet moyen orient et l’alliance Orange-Verte ?
 
 
L’Egypte est l’une des pièces maitresses du moyen orient. Dans la region les Etats-Unis disposent de deux alliés de poids que sont Israel et l’Arabie Saoudite. Mais le pays clef est évidemment l’Egypte, pays le plus peuplé et épicentre du monde arabe.
Que l’Egypte bascule dans un sens ou un autre et toute la région en sera affectée. Voila sans doute la raison qui pousse la diplomatie américaine à jouer autant la
carte du pouvoir officiel (Moubarak) que la préparation de son éventuelle succession.
Le lien avec les islamistes « radicaux » que sont les frères musulmans est trouble. Cette confrérie créée en 1928 et interdite depuis 1954 en Egypte revient au cœur de la scène politique Egyptienne depuis la chute de Moubarak, via un parti politique : « le Parti de la liberté de la justice ». Ils ont créé une chaine de télévision appelée Egypt 25, clin d’oeil au mouvement du 25 janvier qui a fait tomber l’ancien président Hosni Moubarak. Ils sont sans doute aujourd’hui la force principale dans la rue  (sur le plan numérique) et ils représenteront peut être après les élections le plus gros bloc  parlementaire. 
Quel est donc le lien entre des blogueurs progressistes et une conférie radicale Islamique prônant le Jihad? Dès le début de la révolution en Egypte, dès l’apparition des
premiers Flasmobs, qui semblent spontanés (comme le disait Ivan marovic, l’un des cadres d’otpor, les révolutions semblent spontanées à la télévision, mais elles le sont très rarement),  les fascicules de révolution non violente ramenés de Belgrade ont été très largement distribués dans le cercle des frères musulmans que Mohamed Adel (qui a bénéficié de la formation Otpor à Belgrade) a fréquenté quelques temps.
 
Sans surprise,  lors de la première grande manifestation unitaire organisée le 25 janvier, une curieuse coalition se met en place, réunissant tant le mouvement du 6 avril que
les frères musulmans ou encore un mouvement du nom de Kefiya qui fait la charnière entre les deux.  Cette structure créée en 2004 est une sorte de cache sexe des frères musulmans, dont elle bénéficie du soutien tacite. Se revendiquant plutôt non religieuse, Kefiya s’affirme très anti américaine et anti sioniste, pro-Palestinienne et critique du président Moubarak.  Le terme Kefiya signifie « ça suffit ! », « stop ! », voire « il y en a marre ! », une réthorique du reste assez similaire au « gotov je » (il est fini) de Otpor enSerbie , ou au « Pora » (il est temps) des groupes de jeunesses ayant mené la révolution de couleur en Ukraine.
Kifaya a dès sa création été soutenu par l’organisation International Center for Non-Violent Conflict. Kifaya est un mouvement à grande échelle ayant également pris position sur la Palestine et l’interventionnisme des États-Unis dans la région. Pour certains spécialistes  du renseignement Français, comme Eric Denécé, (directeur du Centre français de recherche sur le renseignement et ancien du renseignement) l’absence de slogans ou de prises de position contre Israel lors des manifestations montre bien leur très solide encadrement.Enfin, une quatrième structure est présente, le comité de soutien à Mohamed El Baradei,

cet ex-directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Lorsque celui-ci rentre au pays pour faire campagne au début de l’année 2011 les jeunes activistes du 6 avril organisent son accueil à l’aéroport. «Il y avait 5 000 personnes, ce qui n’était jamais arrivé», dit Bassem Fathi, très impliqué dans l’opération. Vous souvenez vous de
Basem Fathy ? Cité dans le premier article, il est un des membres influents de l’académie du changement, basée au Qatar, et qui à servi d’interface entre Otpor et le mouvement du 6 avril. Désormais le groupe  à une cause politique.
Il faut noter que Mohamed El Baradei est au comité de direction de l’International Crisis Group, créé en 1995 comme organisation non-gouvernementale internationale sur l’initiative d’un groupe de personnalités transatlantiques célèbres désespérées par l’incapacité de la communauté internationale à anticiper et répondre efficacement aux tragédies survenues en Somalie, au Rwanda et en BosnieL’un des principaux conseillers de cette organisation qui appartient à la nébuleuse des ONGs orange, n’est autre que Zbigniew Brezinski, l’un des grands théoriciens de la géopolitique américaine moderne.

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