Des critiques malgré les bombes

Cet article a été publié originalement sur Ria Novosti
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Ainsi l’abominable s’est encore produit. Vers 14h30 lundi dernier, un kamikaze a fait exploser sa bombe dans le hall d’arrivée de l’aéroport international de Domodedovo. L’attentat, qui survient après la visite du président Russe au Proche-Orient et à la veille du sommet mondial de Davos, visait clairement tant à fragiliser le pouvoir russe qu’à inquiéter la communauté internationale, notamment en ciblant des étrangers. Le bilan est lourd, 35 personnes sont mortes et 180 blessées. La Russie apprend-on aurait pu en outre plus mal terminer l’année 2010 puisque le kamikaze de l’aéroport serait lié à une cellule terroriste, en cours d’identification et de démantèlement, qui avait planifié un attentat sur la place rouge le 31 décembre au soir.

Même dans ce moment difficile, la Russie n’a encore eu droit qu’à beaucoup de critiques et peu de soutien.Mention spéciale à la presse française qui s’est encore distinguée. Pour Hélène Blanc sur France-info par exemple, il faut se montrer particulièrement prudent car nous dit-elle en citant la série d’attentats qui avait fait 293 morts en Russie en 1999 : “ces attentats n’étaient pas du tout l’œuvre des Tchétchènes auxquels on les a attribués mais l’œuvre du FSB”. Pour Anne Nivat: “Poutine comme Medvedev exploitent l’obsession sécuritaire pour gagner des votes et ils se sont fait élire grâce à leur rhétorique sur la Tchétchénie”. Pour le correspondant du Figaro en Russie, Pierre Avril: “le pays serait en proie à une quasi guerre civile”. Enfin pour Vincent Jauvert, l’attentat démontrerait “la faillite du système Poutine”. Cette affirmation nous a déjà été martelé cet été, lorsque les incendies qui ont frappé la Russie avaient soit disant démontré une faillite d’un hypothétique système Poutine. En outre, ce dernier ajoute: “corrompus et incompétents, les services de sécurité n’ont pas repéré le kamikaze”.
Pourtant, bien loin des bureaux des rédactions des quartiers huppés de Moscou ou Paris, sur le terrain, les résultats de la Russie en matière de lutte anti-terrorisme sont assez éloquents. Pour la seule année 2010, dans le Caucase du nord, 301 terroristes ont été abattus et 468 arrêtés, 4.500 raids ont été réalisés, ainsi que 50 opérations antiterroristes d’envergure. 66 attentats ont été déjoués, même si 500 actes terroristes (dont 92 explosions et attentats) ont coûté la vie à plus de 600 personnes. En Russie pour la seule année 2010, plus de 360 policiers russes sont  morts dans l’exercice de leurs fonctions.

Bien sur, le Caucase musulman, Tchétchénie en tête, à longtemps été présenté par les médias occidentaux comme une région du monde occupée par la tyrannique Russie, mais aspirant à l’indépendance et à la liberté. Le terrorisme dans le Caucase serait une sorte de réaction désespérée de peuples opprimés. Les Français, ayant la nostalgie du village Gaulois assiégé par la puissante Rome, et désinformés sur la réalité du terrain, ne pouvaient que se laisser séduire, du moins pour une grande partie d’entre eux. Pourtant, il n’en est rien. Le but des terroristes n’est pas de libérer des peuples opprimés mais de les asservir. Les terroristes du Caucase sont liés à une nébuleuse islamiste sous forte influence étrangère, Wahhabite, reliée elle à une idéologie révolutionnaire et destructrice, qui vise à l’établissement d’un émirat Islamique dans tout la région. Ce noyau Wahhabite a probablement ses racines dans la première guerre de Tchétchénie, lorsque de très nombreux supplétifs étrangers (Arabes, Afghans…) ont rejoint les rangs Tchétchènes, pensant transformer la guerre d’indépendance en un conflit religieux et amener la guerre sainte dans la région. On sait ce qu’il advint, les nationalistes Tchétchènes, s’ils ont perdu la guerre sur  le terrain contre l’armée fédérale, ont au final obtenu pour la Tchétchénie une autonomie très importante, politique et religieuse, mais au sein de la fédération. Les tensions entre caucasiens et étrangers ont même explosé au grand jour, les premiers ne reconnaissant que difficilement les méthodes des seconds et leur radicalité intransigeante, bien loin du soufisme du Caucase, qui s’est quand même un tant soi peu accommodé des traditions locales. Ramzan Kadyrov proclamait d’ailleurs récemment et symboliquement, la défaite du Wahhabisme en Tchétchénie.

La séparation du Caucase et de la Russie comme le souhaitent et les Islamistes Wahhabites et certains intellectuels étrangers ne représenterait en rien une solution. Il semble évident que la conséquence première d’une telle décision serait de livrer la région à des conflits internes avec la probabilité qu’elle ne devienne rapidement un foyer régional de terrorisme. Il faut aussi rappeler que ces régions du sud de la Russie sont pour la plupart russes depuis plus longtemps que Nice n’est définitivement devenue Française. Enfin, de très nombreux Caucasiens musulmans se sentent russes et citoyens à part entière de la fédération, dont ils représentent une des facettes de l’identité multiculturelle.

Il serait appréciable que les commentateurs étrangers concentrent leurs attaques et leur énergie sur les criminels et non sur l’Etat russe. A ce que je sache, de Madrid à Londres ou Moscou, les victimes sont les victimes d’un seul et même terrorisme. Je ne crois pas que lorsque des événements similaires ont frappé d’autres démocraties européennes, comme l’Espagne ou l’Angleterre, en 2004 et 2005, avoir lu de la part de commentateurs russes que les attentats signifiaient un échec des gouvernements de ces pays ou que les services de sécurité n’auraient pas bien fait leur travail. Cela pour la simple et bonne raison qu’il est quasiment impossible d’empêcher tous les attentats terroristes. Les Espagnols, les Israéliens, les Turcs ou les Indiens, dont les pays sont souvent visés par le terrorisme ont depuis longtemps compris la nécessité de mesures de sécurité drastiques pour prévenir au maximum ces attentats, avec plus ou moins de succès. Ces mesures même si elles entravent certaines libertés individuelles sont sans doute essentielles pour que la vie puisse suivre un cours paisible malgré la menace.

Les esprits sont préparés si de nouveaux attentats surviennent, en Russie et peut-être encore dans la capitale, ce qui semble malheureusement inévitable. Le but des terroristes est toujours d’effrayer la population et déstabiliser la société. Mais aucun cas nous ne devons nous citoyens russes et étrangers nous laisser déstabiliser. Bien au contraire, c’est la coordination d’un état volontaire et décidé, et d’une population soudée et attentive qui est le meilleur rempart contre le terrorisme. La Russie a la capacité de surmonter ces épreuves. Comme l’a parfaitement résumé Alexeï Pimanov, le présentateur du programme Chelovek i Zakon (Homme et loi) dans l’émission récente consacrée à ces évènements: “Ceux qui ont spontanément et bénévolement proposé leur aide suite à cet attentat, qui ont transporté gratuitement de l’aéroport au métro des passagers, ceux qui ont donné leur sang ou aidé les secours dans les premiers difficiles moments, ces gens la représentent la vraie Russie”.

10 thoughts on “Des critiques malgré les bombes

  1. Anonymous

    La citation de fin de votre commentaire est complètement fausse…
    Les taxis justement ce jour là avait multiplié par deux les prix de leur course… Et ceux qui proposaient de ramener gratuitement des passagers vers la capitale n’étaient autre que des membres de Maladaya Guardia, mouvement de jeunes proche du kremlin…
    Il faut vérifier vos sources monsieur Latsa…
    Vous faites justement là même chose que les journalistes que vous critiquez, vous n’allez pas sur le terrain…

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  2. Anonymous

    Encore des inexactitudes au sujet de Poutine…
    Etait-il sur le terrain au moment du drame de ce sous-marin qui a coulé en mer de Barents, le Koursk ???
    Non, il a mis plusieurs jours à s’exprimer et à se rendre sur les lieux du drame… Ce qui avait à l’époque suscité la colère des russes.
    Vous faites comme les journalistes que vous critiquez Monsieur latsa, vous ne vérifiez pas vos sources…

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  3. Alexandre LATSA

    Bonjour

    Non la citation de Pimanov est juste et il y a des gens (interroges a la télé) qui expliquaient qu’ils avaient aides gratuitement justement.. Donc “vous” dites n’importe quoi, obsédé que vous êtes par les Nashis / Rumol et autres…

    Quand a ne pas etre sur le terrain, oui je travaille a plein temps, je suis pas nourri par une rédaction a coup de plusieurs milliers d’euros.. Si vous voulez me sponsoriser pour couvrir certains éléments de terrain, avec plaisir!

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  4. Alexandre LATSA

    Oui mais “personne” n’a dit qu’il n’y avait pas de salopards qui ont doublé la course, on en a assez parlé dans les médias francais / russes, je ne vois donc pas le propos..

    Quand au Koursk, vous dites
    ” Encore des inexactitudes au sujet de Poutine…”

    Pourriez vous donc me préciser lesquelles, cher Anonyme ? ^^

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  5. yves

    Cher Anonyme, je regrette de quitter la Russie sur ce sujet,pour quelques minutes de lecture d’un auteur Chinois Monsieur Brian Qin sur le droit de la parole des medias,peut-etre que vous comprendrez que le droit de parole est reservee.
    Un seuil sur le chemin pour connaitre l’occident.
    french.peopledaily.com.cn/96861/7413519.html

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  6. Anonymous

    en fait concernant Poutine, vous affirmiez dans l’un de vos papiers que c’était un homme qui n’hésitait pas à aller sur le terrain dès qu’un drame d’envergure se produisait dans le pays… les incendies, l’année dernière par exemple. J’avais juste pris le contre exemple du koursk ou il s’était manifesté que très tardivement… Mais cela dit c’est un vrai homme de terrain !
    Quel exploit de remonter 2 amphores grecques par 2 mètres de fond équipé de 2 bouteilles d’oxygène…
    C’est très drole à voir surtout lorsqu’il dresse le pouce devant les caméras pour dire que tout est OK.
    Chez les plongeurs confirmés, ce signe indique qu’il y a un problème et qu’il faut remonter au plus vite vers la surface…

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  7. Anonymous

    Au sujet des rédactions qui comme vous le dites nourrissent leurs reporters à coup de millions d’euros, c’est hélas une époque révolue… Je vous rappelle que TF1 a fermé son bureau à Mosou l’année dernière car ça coutait trop cher. L’heure est à l’économie…

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