Les commentaires sur les élections présidentielles du 2 mars dernier en Russie ont généralement été assez univoques : «manque de démocratie », « opposition étouffée », « dérives vers le parti unique », « retour aux pratiques staliniennes » etc etc …. Ces acccusations ont maintes fois fait le tour des plateaux télés, les unes des journaux ou encore des nombreux Blogs traitant de la Russie … Pourtant, le résultat de Dmitri Medvedev, n’est que le reflet d’une évolution électorale très cohérente, stable et entamée dès 1991, année de l’instauration du suffrage universel direct, de l’effondrement de l’URSS, mais aussi l’année ou Boris Eltsine a été élu premier président de Russie ! Hé oui, la Russie est une “jeune” et vigoureuse démocratie Souveraine …
Explications : L’échiquier politique occidental n’a pas du tout la même forme que l’échiquier politique Russe. Dans la zone Occidentale européenne ou anglo-saxonne l’échiquier est marqué par des dualismes prononcés, généralement une opposition « droite-gauche » ou encore « centre-extrêmes » voir éventuellement « partis libéraux-partis non libéraux ».
Cette forme d’organisation de l’échiquier politique exclut totalement des alliances entre partis de droite et de gauche, ou entre partis du centre et les extrêmes, on peut dire que la segmentation politique est claire et tranchée et ne permet pas de « surprises ». Cette organisation politique est celle des États-Unis (démocrates VS républicains) ou de pays Européens (Droite VS gauche ET existence de partis extrémistes) …. Ce dualisme n’existe pas dans la Russie moderne (post-communiste).
L’échiquier politique Russe se compose lui d’une multitude de partis, très variés mais que l’on peut rassembler dans 3 cercles concentriques, en fonction de leur nature plus que des idées qu’ils prônent.
Le premier cercle, dit « cercle central » comprend les partis de gouvernements, généralement sans discernement de « droite ou de gauche ». Ce cercle central comprend généralement les alliances de partis de gouvernement, issus ou proches du Kremlin. Ce mouvement a été initié dès 1991, dès les premières élections « libres » de Russie, il comprend une alliance de partis que l’on pourrait qualifier de « centro-pragmatiques » plutôt de centre droit (réformateur) sous l’ère Eltsine (1991-1999) et de « centro-patriote » sous l’ère Poutine (1999-2008), avec un fléchissement vers un axe patriotique de gauche. Le point commun de cette ligue de gouvernement est de regrouper des partis que l’on peut qualifier d’être globalement à tendance « patriotique », les noms de partis qui depuis 1991 composent cette ligue parlent d’eux mêmes : « patrie », « unité », « notre maison la Russie », « notre terre », « Russie juste », « Russie unie » …. Le poids de ce bloc central (ou bloc de gouvernement) que les Russes assimilent sans doute à juste titre à de la « stabilité » sociale (plus que politique) ne cesse d’augmenter à chaque élection : de 25% aux législatives de 1999, à 40% aux législatives de 2003 et enfin à 64% aux élections de 2007. Le représentant de ce « cercle central » quand à lui a aussi vu son score régulièrement augmenter aux élections présidentielles Russes : de 35% des voix en 1996, 52% en 2000, et 70% en 2004 et 2008.
Un « cercle périphérique » constitué de partis d’oppositions qui ont une solide assise électorale en Russie, des scores élevés et qui encadrent le « cercle central » sur l’échiquier politique. Deux sont principalement cités, l’union Populaire et démocratique de Russie (ou parti communiste Russe, donc plus à gauche sur l’échiquier) et le parti libéral démocrate de Russie (parti néo-impérial, plutôt à droite de l’échiquier). Néanmoins, il en existe bien d’autres, notamment un parti des entrepreneurs, un parti nationaliste de gauche .. mais ils ont rejoint en 2005 la coalition Russie Unie du président Vladimir Poutine. Il faut noter que en 1991 et 1996, le candidat de l’union populaire et patriotique de Russie (Guennadi Ziouganov) a fait jeu électoral égal avec le président Eltsine qui briguait un second mandat, celui ci ne devant son élection qu’au gain des voix des électeurs de Alexandre Lebed. Enfin, en 1993, le parti libéral démocrate de Russie (dirigé par Vladimir Jirinovski) à obtenu près de ¼ des suffrages aux élections législatives de Russie, devenant ainsi le premier parti politique à siéger à la Douma.
Enfin un « cercle marginal » existe, composé d’une kyrielle de partis tout à fait hétéroclites et qui comprend à la fois des partis ultra radicaux, extrémistes, tout comme des partis « libéraux ». Parmi ces partis régulièrement présents aux échéances électorales des 15 dernières années, on peut citer le « parti agraire », « Iabloko », « l’union des forces de droite », « le parti des régions » et de nombreux partis dits « indépendants ».
Il convient de s’arrêter sur cette variante appelée « opposition libérale » par les commentateurs avisés, généralement Occidentaux. Ces partis politiques généralement tournés vers l’occident ne cesse de voir leur assise électorale diminuer de façon lente mais régulière depuis 1991, époque ou ceux la mêmes occupaient les postes les plus importants du gouvernement Eltsine, avec les résultats que l’on connaît .. Leur poids électoral est ainsi passé de presque 12% aux élections législatives de 1993, 7% aux élections législatives de 1995 et 1999, 4% en 2003 et 2% en 2006 (à comparer au 1,5% du candidat libéral à l’élection présidentielle du 2 mars dernier). Il y a pourtant une autre explication a cette érosion électorale que le fait entendu trop souvent selon lequel les Russes ne seraient pas démocrates ou que le Kremlin aurait censuré toute opposition … En effet ces « partis d’opposition » se sont coalisés au sein d’une alliance intéressée dite « alliance du désacord», dirigée par deux hommes aux profils pourtant totalement différents, Gary Kasparov et E. Limonov. Cette alliance fondée sur l’anti-Poutinisme primaire regroupe un tas d’associations et de partis politiques dont vous trouverez la liste la, qui jouent sur la carte de la déstabilisation médiatique sur le plan intérieur (organisation d’actions coup de poing systématiquement devant les caméras étrangères, manifestations qui dégénèrent uniquement lorsqu’elles ont été au préalable légalement refusées par les municipalités etc etc) , ajouter à cela les systématiques discours de Mr Kasparov en Anglais et l’on peut se demander les réels objectifs de ce dernier…. Sur le plan extérieur, ces mouvements jouent sur les cordes sensibles de l’UE (atteintes aux droits de l’homme) et de l’Amérique (soutien aux révolutions Oranges, prises de positions anti-Russe dans le Caucase ou l’Asie centrale ..).
Curieuse opposition soit disant libérale, composée des cranes rasés du PNB, des nostalgiques du goulag, d’anciens condamnés pour coup d’état, comme Limonov (qui à en outre la nationalité Française), les associations politiques financées par les ONG démocrates Américaines et le réseau SOROS, et des leaders membres de Think-Tanks US qui font des discours en … Anglais au coeur de Moscou ! On est réellement en droit de se demander les raisons qui font que l’Occident y porte tellement d’attention lorsque l’on sait que les partis membres de cette alliance peinent à rassembler les conditions légales nécessaires pour se faire reconnaître comme étant des partis politiques Russes, et que les associations elles ne constituent qu’une infime minorité de l’immense société civile Russe, qui est par ailleurs très active. Le fait que Edouard Limonov est la nationalité Francaise et que Garry Kasparov soit régulièrement l’invité des plateaux télévisés Américains est peut être un début d’explication .. Néammoins, il faudrait peut être expliquer un jour à Kasparov que c’est les Russes qu’il faut convaincre (encore que ..) et non les Américains et les Européens largement atteints par la Kremlinophobie ambiante … Il est à noter que deux partis principaux d’opposition ont refusé de rejoindre « l’autre Russie » pour ne pas côtoyer les mouvements non démocratiques et violents qui s’y trouvent, il s’agit du parti “Iabloko” (dont l’évolution électorale si vous cliquez sur le lien démontre parfaitement la perte d’influence des partis ‘libéraux” en Russie moderne) et du parti “Union des forces de droite“. Pour la grande majorité des Russes, à la recherche de stabilité et d’ordre (après le terrible désordre des année 90), cela est tout sauf sérieux et surtout tout sauf crédible. Il faut rajouter que l’appellation libérale en Russie à aujourd’hui une connotation « pro Occidentale » qui est ouvertement décriée, cela depuis les années 1991 ou le chaos sous l’ère Eltsine, et ses ministres souvent présentés comme « réformateurs / libéraux » a été assimilé dans l’inconscient collectif Russe à « libéralisation », « pillage économique » et « chaos social ». Enfin pour finir, si Kasparov et consorts sont les garants de “l’opposition”, ce n’est que pour les Occidentaux car ils restent très méconnus en Russie mais c’est normal, en faisant campagne en Anglais sur des plateaux télévisions de pays Occidentaux, il est difficile de se faire “entendre” par le peuple Russe mais facile de se faire passer pour le chantre de la démocratie, devant des présentateurs complices et des téléspectateurs ignares. Il est à noter que le mensonge ne marche que pour les Occidentaux en guise de sensation forte (et encore chez eux) puisque les scores des candidats du Kremlin chez les Russes de l’étranger (Allemagne, France, Angleterre, Royaume Uni ..) sont généralement « plus » élevés qu’en Russie ….
Il est difficile de croire que les urnes soient bourrées jusque dans les consulats et pourtant les voix des électeurs Russes qui résident dans ces pays « civilisés, libres et démocratiques » se portent plus naturellement vers les partis du Kremlin. A méditer …