La nécessité d’une politique française indépendante en Europe de l’Est
« Toute société, pour se maintenir et vivre, a besoin absolument de respecter quelqu’un et quelque chose. » / respect du patrimoine culturel ». ( Dostoïevski )
Ces mots de l’écrivain russe Dostoïevski, incarnation suprême du génie littéraire et de l’esprit russe, résonne en mon esprit ce soir. À rebours de la déferlante médiatique et politique, qui ces derniers mois n’a eu de cesse de décrier, de diffamer, de traîner dans la boue le peuple russe; c’est animé par un profond respect pour cette culture si proche et si lointaine, fascinante et par là même intrigante, que j’aimerais porter devant vous une certaine idée de la relation franco-russe. Sortant des caricatures grotesques, faisant fi des préjugés et autres mensonges ignominieux qui ont ébranlé ce lien d’amitié, j’aimerais devant vous ce soir, renouer avec le fil historique, faire rejaillir le lien inextricable qui unit la France et la Russie. Par delà les apparences, par delà l’antagonisme apparent entre une culture française toute marquée du sceau de ce rationalisme cartésien dont nous sommes si fiers et de l’autre côté ce fascinant mysticisme russe qui irrigue la littérature slave, il me paraît impérieux de placer mon discours sous les auspices de nos glorieux ancêtres, de nos pères immortels qui entretinrent de si étroites relations intellectuelles, culturelles et somme toute politique avec la Russie.
La Russie, toujours a été marquée par une profonde dualité substantielle, par un perpétuel questionnement sur le fondement même de son être, de son âme. Tiraillée entre Europe et Asie. Plus qu’un dilemme, un choix de civilisation, dont les réminiscences sont aujourd’hui, plus que jamais présentes. La Russie, plus que tout autre civilisation, est complexe, si familière et pourtant si insaisissable; par delà les façades politiques successives qui marquèrent de leur empreinte le pays, toujours subsista ce je-ne-sais-quoi de l’âme russe. Dès lors, il faut avoir l’étroitesse d’esprit, la froideur logique d’un néo-conservateur américain pour considérer qu’une irrémédiable dichotomie, un fossé infranchissable, toujours opposeront l’Europe et la Russie. Comment accepter une logique si froide, si désincarnée, qui au nom d’intérêts bassement matériels, entend ôter à l’Europe, à la civilisation européenne, l’un des ses éléments consubstantiels? Faut-il rappeler à nos élites, à nos censeurs, à nos adeptes de la table rase et de l’oubli de soi, que la Russie fut dans la plupart des grands domaines de l’esprit une des composantes essentielles du génie de la civilisation européenne ( je pense à Rachmaninov pour la musique classique, Dostoïevski et Tolstoï pour la littérature, à Chestov pour la philosophie; je pense également aux peintures d’Ivan Aïvazoski dont le romantisme qui les anime nous est si proche, si familier ).
Souvenons-nous de la pensée de Herder, lorsque ce dernier alors qu’il étudiait les cultures européennes, mis l’accent sur l’une des particularités fondamentales de la Russie; ainsi disait-il: « voyez la mappemonde; à quoi appartient la Russie? À l’Europe ou à l’Asie? Aux deux; la plus grande partie s’étend vers l’Asie, mais son coeur est en Europe ». Son cœur est en Europe, son âme est inextricablement enchevêtré à la nôtre; dès lors comment expliquer que cette familiarité culturelle ne se traduise-t-elle pas dans une familiarité politique? Comment pouvons-nous accepter d’être coupés d’une partie de nous-mêmes?
Dès lors, réunis aujourd’hui en ce siège de l’U.M.P, où nous espérons qu’en dépit du récent conflit en Ukraine, soit encore présent l’esprit gaulliste qui nous est si cher, alors osons réaffirmer l’idée de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural; cette Europe de la réconciliation du continent européen, où l’unité civilisationnelle européenne ferait à nouveau sens. Alors Certes, ce projet paraît chimérique, tant il s’inscrit à rebours de l’orientation de cette entité artificielle qu’est l’Union Européenne, tant il pourrait contrarier nos alliés de l’OTAN.
Si le politique demeure encore un temps soit peu la possibilité de choisir librement pour un peuple souverain ses amis et ses ennemis, et non de se le faire imposer par des puissances tiers ( Union Européenne, OTAN, USA ), alors osons réaffirmer l’impératif de liberté de la France qui traversait jadis la vision gaullienne des relations internationales. Ne tombons pas dans le piège de la division en Europe, Ayons le courage de sortir du conflit qui fait rage aujourd’hui entre le bloc occidental et le bloc russe, ayons la volonté de rejeter violemment la politique de sanctions qui risque d’envenimer durablement nos relations avec notre voisin.
En définitive, la Russie, celle qui se présente empiriquement à nous, et celle qui se découvre patiemment à qui sait l’observer avec les yeux de la culture et de la civilisation, incarne la persistance du passé et de la culture, sans lesquels rien ne saurait avoir de la valeur. À nous de nous inspirer de cette éthique politique, seule à même d’enrayer le déclin qui nous ronge et nous détruit depuis maintenant de longues années.
Si la France a encore un peu de courage, si les Français ont encore un peu le sentiment de cette idée collective qu’est la France,alors il faut se révolter contre l’hégémonie américaine. Il n’y a plus de position neutre possible car dans les faits malgré nous, nous sommes déjà dans un camp.Le moment est venu de choisir. La France doit tendre la main à la Russie pour y tirer son indépendance. Non pas devenir à la Russie ce que nous sommes aux Etats-Unis mais nous appuyer sur le voisin russe pour nous défaire de l’emprise américaine et retrouver cette position d’équilibre qui a toujours été celle de la France et pas n’importe quelle France, la France du Général De Gaulle !
Je souhaite que la France retrouve sa grandeur passée mais cette grandeur ne pourra passer que par l’indépendance.
Et vous me permettrez de conclure par cette phrase de Tocqueville : « Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres »