Category Archives: Ria Novosti

Des terres rares en Russie

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*

Pour les pays qui n’ont pas de ressources minières, l’approvisionnement en énergie est vital. Après le charbon au 19e siècle, le pétrole et le gaz sont devenus au 20e siècle les objectifs stratégiques les plus importants, pour les pays industriels qui doivent importer. Ce commerce international de l’énergie est si important qu’il peut être un prétexte à des opérations militaires. Les récentes croisades énergétiques d’Irak ou de Libye en sont une parfaite démonstration. L’intensité de cette bataille pour l’énergie devrait s’accroitre car en dépit de la crise financière, il y a une croissance économique mondiale, et les besoins en énergie des pays émergents ou en voie de développement continuent à augmenter. Mais en dehors des matières énergétiques, (charbon, pétrole gaz et uranium) les industries consomment aussi un grand nombre de minerais indispensables. Parmi ces minerais, les « terres rares » sont devenues un enjeu stratégique vital, dont l’importance devrait considérablement s’accroitre dans les années à venir, surtout dans le domaine des nouvelles technologies et de la « croissance verte ».

Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiques (entre autres Praseodymium, Rubidium, Lanthanum, Cerium, Neodynium, Europium) qui contrairement à ce que suggère leur nom, sont relativement répandus dans l’écorce terrestre. Mais le problème est de trouver des gisements avec une concentration suffisante pour être exploités. Les terres rares sont indispensables à la production de nombreux produits de haute technologie: tels que les ordinateurs, les téléphones portables, les écrans plats, les éoliennes, les ampoules à basse consommation ou encore les moteurs des voitures électriques. Les terres rares sont également utilisées dans le secteur de la défense, notamment pour la construction de missiles guidés et de radars. Leur utilisation s’est donc considérablement accrue depuis la fin du XXe siècle et elles ont donc une importance géostratégique de tout premier ordre, devenant un redoutable levier politique.

Jusqu’en 1950 la plupart des terres rares  provenaient d’Inde et du Brésil. C’est ensuite l’Afrique du sud qui a assuré le gros de la production jusque dans les années 1980 ou l’Amérique a pris le relais et est devenu le principal fournisseur. Depuis le début des années 2000, la Chine a fait baisser les prix et elle assure maintenant  l’essentiel de la production mondiale des terres rares: 95% en 2010. Conséquence de ce quasi monopole : En 2010, l’arrêt des livraisons chinoises au Japon alors que les deux pays étaient en pleine crise diplomatique (suite à un différend territorial en Mer de Chine) a provoqué un coup de tonnerre dans le ciel des industriels occidentaux et asiatiques.

En 2010 la Chine a produit 120.000 des 125.000 tonnes de terres rares produites dans le monde! 2.000 tonnes ont aussi été produites en Russie, 1.700 tonnes en Amérique, 650 tonnes au Brésil, 380 tonnes en Malaisie et 75 tonnes en Inde. Plus de la moitie de la production chinoise vient du site de Bayan Obo en Mongolie intérieure, et 35% de la province du Sichuan. Il est intéressant de savoir que plus de la moitié de la production chinoise est consommée par la Chine et que pour 2009, 50% de ses exportations sont allées  Japon, 19% aux Etats-Unis,  et 15% vers les pays industriels de l’Union Européenne (principalement France, Allemagne, Italie, Hollande).
Les réserves mondiales en terres rares étaient estimées à 110 millions de tonnes fin 2010, détenues à 50 % par la Chine, devant la Communauté des états indépendants (17 %), les États-Unis (12 %), l’Inde (2,8 %) et l’Australie (1,9%). Cette prépondérance chinoise inquiète beaucoup les pays importateurs car la Chine a instauré des quotas d’exportations et annoncé qu’elle réduira ses exportations et sa production de Terres rares de 10 % pour 2011 pour des questions environnementales. La Chine a été condamnée par l’Organisation Mondiale du Commerce en juillet 2011, suite à une  plainte déposée par l’Union Européenne, les États-Unis et le Mexique, destinée à mettre un terme  ces quotas qui ont fait exploser les prix. De plus, la demande mondiale augmente chaque année, et en 2015, la consommation totale devrait atteindre 185.000 tonnes, soit 50% de plus qu’en 2010, mettant ainsi le marché des terres rares sous pression.

L’enjeu est donc pour les pays consommateurs de sécuriser leur approvisionnement et de tenter de limiter l’impact de la raréfaction des terres rares au niveau mondial. Trois moyens existent: réduire leur utilisation, diversifier les sources d’approvisionnements (hors Chine) ou recycler ces minerais. La réduction de la consommation semble presque impossible et le recyclage ne permettra pas de faire face à la demande croissante de terres rares au moins à court et moyen terme. La seule solution est donc dans la réouverture de mines abandonnées et dans la recherche de terres rares hors de Chine. Le gisement américain de Mountain Pass, dont la production a été arrêtée en 2002 devrait redémarrer et atteindre 20.000 tonnes / an à compter de 2012. Le gisement de Mount Weld, en Australie, devrait voir sa production redémarrer fin 2011 et atteindre 22.000 tonnes / an fin 2012. Le gisement de Lofdal, en Namibie, est étudié par une société canadienne pendant que le gisement de Hoidas Lake, au Canada, est lui aussi exploré. Enfin les Japonais ont créé des coentreprises dans différents pays afin d’exploiter divers gisements: Sumitomo avec Kazatomprom, au Kazakhstan, Toyota au Vietnam et Mitsubishi à Pitinga au Brésil.
Mais récemment de nombreux gisement ont été découverts qui devraient bousculer l’équilibre géostratégique planétaire sur cette ressource et entrainer l’affaiblissement de la position chinoise de quasi-monopole. Le Brésil vient d’annoncer en effet que d’immenses réserves de terres rares avaient été découvertes et allaient être exploitées. Les Brésiliens ne sont pas les seuls à avoir fait de telles découvertes. D’après une équipe de géologues japonais, les fonds de l’océan Pacifique regorgeraient de terres rares. Selon une estimation de l’Université de Tokyo les gisements se trouveraient à des profondeurs variant de 3.500 à 6.000 mètres et s’étaleraient sur  des milliers de km2.

Pour le moment, la Russie est le second fournisseur mondial de terres rares et détient officiellement 20% des réserves mondiales connues. Mais cette estimation pourrait être revue assez fortement à la hausse après les dernières découvertes dans la région de Mourmansk ou la péninsule de Kola. La chasse aux substances stratégiques ne se limite pas aux terres rares. Dans les îles Kouriles un gisement de rhénium vient d’être découvert. Ce métal rarissime est utilisé dans divers domaines de la chimie. Le gisement des Kouriles pourrait produire plus de 26 tonnes par an alors que la demande mondiale du rhénium s’élève à seulement 30 tonnes par an. Les îles Kouriles sont également riches en d’autres éléments rares: germanium, indium, hafnium. Mais pour l’instant personne ne parle de leur prospection car selon la loi, en Russie, ces gisements sont déclarés stratégiques, c’est-à-dire que leur prospection est limitée et encadrée. Pour autant, c’est de bon augure pour renforcer la place de la Russie comme fournisseur de terres rares ou de métaux rares à destination des pays industrialisés importateurs.

Vers un monde incertain

L’article original a été publie sur Ria Novosti.

*

L’année 2011 vient de finir, et pour commencer cette tribune je souhaite une bonne et heureuse année 2012 aux lecteurs de RIA-Novosti.
L’agence a publié les impressions personnelles des commentateurs de RIA-Novosti et je tenais à apporter ma modeste contribution à ce sujet.
Que penser de l’année qui s’achève et de celle qui commence? Les présidents des deux pays qui me tiennent le plus à cœur, à savoir la Russie et la France, ont eu des mots finalement assez identiques lors de leurs discours de fin d’année, qualifiant 2011 d’année très difficile.
Le monde d’avant la crise nous parait aujourd’hui bien lointain mais la similitude de tonalité des discours présidentiels de fin d’année ne doit pas masquer le fait que les situations en France et en Russie sont sensiblement différentes.

Les conditions économiques se dégradent en France, alors que 2011 aura été l’année de sortie de crise pour la Russie. Selon un sondage publié par le portail de recrutement Superjob.ru, 16% des Russes attendent des changements positifs pour l’année 2012, 8% estiment que 2012 sera stable dans tous les domaines, 7% attendent à une augmentation de salaire, et 6% estiment qu’il ne se passera rien de particulier l’année prochaine. Les pessimistes, qui pensent que 2012 sera marqué par une dégradation de conditions de vie et une flambée des prix ne sont que 9%. Globalement, le sondage montre  donc un optimisme prudent qui tranche avec le fatalisme traditionnel des russes, et qui s’explique sans doute par la santé économique du pays, relativement bonne, et par les perspectives de 2012.
L’incertitude économique qui frappe la zone euro se ressent sur le moral des citoyens. Ce premier janvier 2012 marquait les 10 ans d’existence de l’Euro, et comme le rappelait l’excellent commentateur Vlad Grinkevitch, “la zone euro ne traverse certainement pas sa meilleure période “. “La crise de la dette qui a frappé la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne risque de dégénérer en une catastrophe financière majeure et être à  l’origine d’une nouvelle récession “. Ainsi ce sont 81% des Français qui pensent que 2012 sera une année difficile. Une anxiété cependant bien compréhensible alors que la France pourrait faire face en 2012 à une perte de son triple A, et sans doute s’avancer un peu plus vers une situation de récession économique. Les irlandais, les autrichiens et les belges sont respectivement deuxièmes, troisièmes et quatrièmes au classement du pessimisme, après les français, selon une enquête réalisée dans 51 pays. Les citoyens les plus pessimistes se situent donc clairement du côté des pays réputés les plus riches et les plus développés. Probablement parce qu’ils ont beaucoup plus à perdre et que les perspectives économiques globales sont particulièrement mauvaises pour 2012 dans la plupart des pays riches de l’OCDE.

Logiquement, les dix pays où l’avenir est perçu comme le plus sombre sont concentrés sur le continent européen. Six d’entre eux sont même membres de l’Union européenne. Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, a appelé à poursuivre “l’effort (…) pour que la crise ne conduise pas à une  faillite désordonnée et catastrophique”. Pour le président français Nicolas Sarkozy, “le destin de la France peut basculer” en 2012. La chancelière allemande Angela Merkel a averti que 2012 serait “plus difficile” que l’année qui s’achève. Quand au président italien Giorgio Napolitano, il a demandé à ses compatriotes d’accepter les sacrifices pour éviter “l’effondrement des finances du pays”. Dans une moindre mesure, l’Amérique du Nord – Etats-Unis et Canada – est également dans ce groupe de pays qui entrent dans l’avenir à reculons. En revanche, quatre pays parmi les dix les plus optimistes au monde se trouvent en Afrique. En tête, le Nigeria, mais aussi le Ghana, la Tunisie et le Soudan du Sud. En Asie, le Vietnam et l’Ouzbékistan abordent aussi 2012 avec optimisme.

Mais il n’y a pas que l’économie: 2012 sera aussi une année charnière sur le plan politique car elle sera une année d’élection dans les 3 grands pays que sont la France, les Etats-Unis et la Russie. Sur le plan politique, tout comme sur le plan économique, l’avenir proche de la Russie semble clair: croissance économique soutenue et continuité du pouvoir politique russe quasi assurées. C’est loin d’être  le cas pour la France et les Etats Unis. Barack Obama et Nicolas Sarkozy portent sur leurs épaules de dirigeants les très lourdes responsabilités de la crise économique et monétaire qui continue à se développer. Effet pervers possible, une victoire des républicains en Amérique et des socialistes en France pourrait sensiblement modifier les rapports politiques entre grandes puissances, et créer des impulsions politiques dans de nouvelles directions, avec des conséquences sans doute imprévisibles à ce jour. 

Pendant que je regarde en boucle les images des festivités du nouvel an reprises par Russia-Today, et ces foules qui semblent  insouciantes, je me demande bien à quoi va ressembler le monde qui se réorganise si rapidement, ce monde dans lequel vivront nos enfants et nos petits enfants.

Le printemps arabe tourne à l’hiver et l’économie des pays occidentaux entre dans un automne plus qu’inquiétant. Pour certains analystes comme Olivier Delamarche, l’effondrement du système financier pourrait entrainer une ou plusieurs guerres. Si ce scénario catastrophe est écarté, les grand changements en cours vont se poursuivre : Les pays du groupe BRIC (Brésil- Russie- Inde- Chine) ont rebondi après la crise de 2008, ils  se préparent à leurs rôles de futurs géants économiques,  et le centre de gravité du monde continue à se déplacer vers l’Asie. La crise financière et économique en cours devrait entrainer l’affaiblissement relatif de l’Occident et surtout rendre  son modèle politique, économique et moral de moins en moins crédible. Ailleurs dans le monde, d’autres puissances comme la Malaisie, le Mexique, la Turquie ou l’Iran, se préparent à devenir des puissances régionales dont il faudra tenir compte.
Ce “nouveau monde” qui sera sûrement multipolaire devrait donc voir l’émergence de nouvelles puissances et de nouveaux modèles politiques et
économiques. La question est de savoir si cette transition pourra être pacifique. L’avenir qui se dessine semble bien incertain.

Réflexions sur les manifestations en Russie

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*
L’année 2011 se termine et avec elle un mois de décembre placé sous le signe des  manifestations politiques. Rappelons les faits: suite aux élections du 04 décembre 2012 qui ont entraîné une baisse de Russie  Unie et une forte hausse des partis nationalistes ou de gauche, des fraudes électorales ont été dénoncées. Ces fraudes auraient permis au parti au pouvoir et disposant de la ressource administrative, de gonfler son score et de fausser les résultats. Pourtant, près de deux semaines après les élections, alors que des enquêtes sont en cours suite aux plaintes déposées, le nombre de fraudes recensées dans le pays y compris Moscou ne semble pas avoir faussé notablement le scrutin, dont les résultats sont conformes aux nombreux sondages et estimations d’avant et d’après vote.

 
Revenons aux manifestations: Le 10 décembre 2011, un grand meeting unitaire  d’opposition avait lieu à Moscou, rassemblant 30 à 40.000 personnes. J’ai déjà décrit la relative incohérence politique de cette manifestation qui rassemblait côte à côte des membres de la jeunesse dorée Moscovite, des nationalistes radicaux, des antifascistes, ainsi que des libéraux et des communistes. Souhaiter le départ à la retraite de Vladimir Poutine n’est pas un programme politique, et quand à la tenue de nouvelles élections, on se demande en quoi elle concerne des dizaines de sous-groupuscules politiques non candidats à la représentation nationale. 
Le 17 décembre le parti d’opposition libérale Iabloko a rassemblé quelques 1.500 partisans, alors que le meme jour qu’un millier de sympathisants du mouvement eurasien et du syndicat des citoyens russes (Профсоюз Граждан России) se réunissaient pour dénoncer les manipulations oranges et rappeler la nécessité d’un état fort. Le lendemain, le 18 décembre, ce sont près de 3.500 militants du parti Communiste qui se sont réunis. Le 10 décembre, lors de la grosse manifestation dopposition, l’un des leaders de l’opposition liberale, Mikhaïl Kassianov, avait affirmé que “Si aujourd’hui nous sommes 100.000, cela pourrait être 1.000.000 demain”. Celui ci a appelé à un printemps politiqueen Russie, un discours étrangement similaire à celui de l’excessif républicain John Mc Cain ces dernières semaines. Pour autant aucune marée humaine n’a  déferlé dans les villes du pays, au grand dam de nombre de  commentateurs occidentaux qui annonçaient déjà l’Armageddon en Russie, et c’est seulement une neige abondante qui a recouvert le pays le 24 décembre, jour de la manifestation unitaire.

 

Cette journée du 24 décembre n’aura finalement été un succès qu’a Moscou. En province, dans les autres villes de Russie, la mobilisation aura faibli par rapport aux rassemblements du 10 décembre. A Vladivostok, la manifestation a réuni 150 personnes, contre 450 le 10 décembre. A Novossibirsk 800 personnes ont défilé contre 3.000 le 10 décembre. A Tcheliabinsk dans l’Oural, les manifestants étaient moins de 500 contre 1.000 le 10 décembre, à Iekaterinbourg 800 personnes ont manifesté contre 1.000 le 10 décembre dernier. A Oufa, 200 manifestants se sont rassemblés, soit autant que le 10 décembre. Enfin 500 personnes ont défilé à Krasnoïarsk contre 700 le 10 décembre. Notons qu’à Saint-Pétersbourg, haut lieu de la contestation et bastion libéral en Russie, de 3 a 4.000 personnes ont défilé, contre près de 10.000 le 10 décembre dernier. (Sources : Ria-Novosti et Ridus.ru).

 

 
Dans la capitale le 24 décembre, 3 meetings différents ont eu lieu. 2.000 nationalistes du parti nationaliste Libéral-Démocrate de Vladimir Jirinovski, et 3.000 sympathisants du politologue Sergueï Kurginyan ont manifesté séparément pour répondre à la “peste orange”. Enfin et surtout dans ce qui est sans doute le plus gros meeting d’opposition de l’année, avenue Sakharov, ce sont 40 à 50.000 personnes qui se sont rassemblées. La manifestation de Moscou s’est déroulée sans incidents notables, si ce n’est à la fin du meeting, quand des radicaux d’extrême droite ont tenté de monter sur la tribune en force, alors même que le leader ultra nationaliste Vladimir Tor (dirigeant du mouvement NazDems) avait pris la parole quelques minutes auparavant. On peut du reste se demander pourquoi les nombreux journalistes occidentaux présents n’ont pas relevé le fait que plusieurs milliers de jeunes nationalistes radicaux sifflaient ou criaient “russophobe” en direction de certains orateurs de diverses confessions et scandaient  des slogans tels que: “les russes ethniques de l’avant”, ou “donnez la parole aux russes ethniques”. Un deux poids deux mesures pour le moins surprenant.
 

 

Dans le pays et donc surtout à Moscou, les rassemblements du 24 décembre ont tourné à la  cacophonie politique totale. Les meetings ont de nouveau rassemblé  toutes les composantes politiques les plus improbables, des nationalistes radicaux aux antifascistes, en passant par les libéraux, les staliniens, les activistes gays et lesbiennes ou quelques stars du Show Business russe. Plus surprenant, toujours lors de la manifestation de Moscou, la présence du milliardaire Prokhorov et de l’ancien ministre des finances Aleksei Koudrine, pourtant proche de
Vladimir Poutine. Aleksei Koudrine a d’ailleurs pris la parole, ajoutant à la cacophonie ambiante et déclenchant un record de sifflements du public. Pour la première fois un député d’opposition très connu a  mis le doigt sur cette désunion systémique de la soi disant opposition, en quittant la manifestation avant même de prendre la parole. Même son de cloche pour  l’analyste politique Vitali Ivanov, pour qui l’opposition à Vladimir Poutine est une nébuleuse qui mène des conversations de
cuisine.

 

 
La prochaine grande journée de manifestation devrait avoir lieu en févier, c’est à dire pendant le mois précédant l’élection présidentielle du 4 mars 2012. Pour autant, on imagine difficilement comment Vladimir Poutine ne serait pas réélu et tout d’abord au vu de la situation économique que connaît le pays. La croissance du PIB devrait frôler les 4,5% en 2011 et sans doute autant en 2012. Le taux de chômage est descendu à 6,3%, la dette du pays est faible, inférieure a 10% du PIB, et les réserves de change sont d’environ 500 milliards de Dollars. L’inflation est à la baisse, estimée pour cette année à 6,5% soit son plus faible niveau depuis 20 ans. La Russie est aujourd’hui la 10ieme économie du monde en produit intérieur brut nominal et la 6eme économie mondiale à parité de pouvoir d’achat. Selon les analyses du centre de recherche britannique CBER la Russie devrait être la 4ieme économie de la planète aux environ 2020.
 

 

Il est donc très difficile d’imaginer comment la personne jugée directement responsable de ce redressement économique par la majorité des citoyens pourrait ne pas être réélue. Bien sur il est plausible que la vague de mécontentement se reflète dans les scores de la présidentielle de mars 2012, et que Vladimir Poutine ne soit pas élu au premier tour avec 71% des voix, comme en 2004, ou avec 72% des voix, économique. Celui ci devra probablement envisager un score plus proche de celui de mars 2000 (Vladimir Poutine avait obtenu 52% des voix) voire se préparer à un second tour. Si tel est était le cas, il y affronterait probablement le candidat du parti communiste, Guennadi
Ziouganov. Un choix cornélien pour les occidentaux, mais qui refléterait parfaitement la tendance électorale initiée par les dernières élections législatives russes qui ont vu les partis de gauche augmenter fortement leur poids électoral.

Jean Radvanyi répond aux questions de RIA-Novosti

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*

 Jean Radvanyi est spécialiste du Caucase et de la géographie régionale. Il est à ce titre professeur de géographie et de géopolitique de la Russie et l’ex-URSS à l’Inalco à Paris. Auteur de plusieurs ouvrages, il dirige à Moscou le centre franco-russe de recherche en sciences humaines et sociales de  Moscou, qui vient de fêter ses 10 ans.

Une discussion éternelle concerne l’identité russe et l’appartenance ou non (au sens large) de la Russie à l’Europe? Et si oui qu’est ce qui caractérise le plus l’appartenance de la Russie à l’Europe?
C’est une discussion jamais close dans ce pays. En tant que géographe et spécialiste de ce pays en sciences humaines, il est évident que la Russie fait partie de l’Europe et appartient, au moins en partie, à l’espace européen. Pour moi il est clair que la Russie fait partie de la culture européenne. Par son histoire et sa culture, la Russie est rattachée de toute évidence à l’Europe parce que les centres majeurs politiques et culturels russes ont toujours été du coté européen de la Russie, que l’on pense à Kiev, Novgorod, Saint-Pétersbourg ou Moscou.
Bien sur, la Russie a une partie de son territoire en Asie et par ce biais il y a d’autres influences qui interviennent, mais on peut dire ça pour d’autres pays européens, après tout l’histoire française c’est aussi les colonies africaines, l’outre-mer et donc bien sûr un seul facteur (historique, religieux) ne suffit pas, il faut voir dans son ensemble.

Vous êtes professeur de géographie de la Russie à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La géographie est souvent citée comme le facteur d’appartenance russe a l’Asie. On connaît la phrase de De-Gaulle sur l’Europe de l’atlantique a l’Oural, or la Russie s’étend jusqu’au pacifique. Dimitri de Kochko par exemple dit : “Pour moi l’Oural n’est pas la frontière de l’Europe mais le centre de l’Europe de demain!”. Quelle est votre opinion à ce sujet? Cette frontière est-elle selon vous purement sémantique ou symbolique?

Je pense que la frontière est symbolique. L’Europe est un continent qui est mal défini et en particulier ujourd’hui du point de vue de la géographie cela dépend de quel niveau on se place. La géographie classique a une définition assez simple de l’Europe, qui tient au relief, critère souvent retenu pour les grandes entités géographiques. A ce moment la l’Europe s’arrête à l’Oural d’une part et aux chaînes principales du Caucase d’autre part. De ce point de vue classique, le sud-Caucase et les espaces russes au delà de l’Oural sont donc en Asie.
Cela créé quelques problèmes, car une partie de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan sont sur le versant nord du Caucase et donc sont des territoires européens. Même chose pour le Kazakhstan dont une partie du territoire est à l’ouest du fleuve Oural et fait donc partie de l’Europe selon cette définition géographique classique. Par ailleurs il y a eu beaucoup de débat entre les géographes russes et plusieurs définitions données (reprises dans notre atlas du Caucase paru chez Autrement en 2010). Certains ont dit que la limite du Caucase, et donc de l’Europe, passait non pas par la chaîne principale, mais par le Kouban et le Terek. D’autres à l’inverse on dit que les limites sud du Caucase étaient situées au sud de la dépression Koura/Araxe, c’est-à-dire intégrant dans la partie européenne l’ensemble de la Géorgie et l’Azerbaïdjan, mais avec un point d’interrogation sur l’Arménie qui serait en partie européenne et aussi en partie asiatique.

Aujourd’hui on pense moins au relief, mais le problème n’est pas plus simple. L’Union Européenne met de temps en temps les Etats du sud Caucase dans l’Europe (politique de voisinage, partenariat oriental..) mais cela ne semble pas sur. Les cartes climatiques, les organisations internationales hésitent. En Russie par contre tout le monde s’accorde pour dire que la limite de l’Europe est l’Oural et que donc la Russie est bien à cheval sur deux continents. Elle fait partie de ces deux de la politique de voisinage, c’est la Russie qui a refusé. De ce point de vue géopolitique, les critères de définitions sont un peu différent et la Russie fait donc indéniablement partie de l’espace européen mais aussi asiatique.

Je sais que vous avez beaucoup voyagé en Russie. Récemment je suis allé à Perm, dans l’Oural justement, pour les Permiens, Perm est une ville Européenne.

Je n’ai jamais visité cette ville du piémont ouest de l’Oural, mais je la connais ayant fait un manuel géographique de la Russie. Je sais que dans le cadre des réorganisations administratives, se pose la question de la définition de l’Oural comme entité régionale au sein de la Russie. En effet tantôt on mettait dans l’Oural la chaîne de l’Oural avec ses piémonts immédiats, auquel cas Perm ferait partie de l’Oural, tantôt au contraire on y rattache une grande partie de la plaine de l’Ob ce qui déporte l’Oural vers l’Est laissant Perm plutôt dans la partie Volga, ou rattachée a une région Volga/Oural. Donc voila il y a là une question ayant des implications certaines comme c’est le cas pour les questions administratives qui ont, en Russie, souvent de fortes implications matérielles. Mais en général on ne demande pas aux géographes ni aux économistes de trancher et donner leur avis, c’est le législateur qui tranche et pas forcement de façon très concluante.

Pour croiser la géographie, l’administratif et la culture, la ville prétend au statut de capitale européenne de la culture. Les Permiens se sentent très européens, j’ai même entendu la bas que “l’Europe va de l’Oural à l’atlantique”! j’ai pu constater qu’un habitant à Perm se sent tout autant européen qu’un habitant de Valence ou Sibiu? Est-ce que cela vous surprend?

Non cela ne me surprend pas, car la ville est sur le versant ouest de l’Oural et est donc européenne, pas de doute pour moi. Cette histoire de capitale est assez intéressante, car il y a 2 villes qui se battent ce statut de capitale. Je suis allé à Iekaterinbourg et il s’est produit une chose de remarquable sur le plan administratif et symbolique. La limite, c’est à dire le col entre les deux versants Ouest et Est de l’Oural, est située à une certaine distance de la ville et est marquée par un monument. L’un des anciens maires de la ville a créé une nouvelle
route et donc on a voulu créer un autre monument. Or avec l’extension des limites administratives de la ville, la ville a inclu ce nouveau monument dans son territoire. Cela permettait aux gens d’Ekaterinbourg (la ville étant quand même franchement située sur le coté est de l’Oural) de prétendre (via cette extension administrative et ce jeu sur l’emplacement du monument) faire partie de l’Europe. D’un point de vue de géographe, ce jeu est très intéressant et je le cite en exemple à mes étudiants comme l’illustration d’une relative fascination des Russes à l’égard du mythe de l’Europe.
Quand à Perm la question n’est pas là, Perm est évidemment une ville de la partie européenne, maintenant est-ce qu’elle sera une capitale européenne de la culture?
Je sais par ailleurs que Perm est devenue depuis quelques années une ville où il se passe beaucoup d’animations culturelles, d’expositions, des filiales de musée et tout cela est intéressant. Je trouve ça très bien de mettre l’accent sur la culture et pas qu’à Moscou ou  à Saint-Pétersbourg, mais également en province afin que d’autres capitales de province en profitent.

 

Toujours dans le même sens, pensez-vous que la culture soit un bon vecteur de rapprochement entre l’Europe et la Russie? Pour également améliorer l’image de la Russie en Europe?
Oui je le crois réellement, la culture est certainement un des éléments de développement d’une ville. C’est souvent lié d’ailleurs à l’architecture et la protection du patrimoine architectural, ce qui est compliqué du reste en Russie au regard d’une législation peu favorable. Le dynamisme des acteurs culturels est important et peut faire d’une ville un pôle d’attraction par l’organisation de festivals, d’expositions, de musées, une vie théâtrale, musicale etc. Cela peut en effet devenir un des facteurs de développement et de reconnaissance d’une capitale régionale. Comme je sais qu’il y a déjà une certaine expérience à Perm, il est clair que c’est une carte à développer si les acteurs institutionnels (gouverneur, la ville) et les acteurs culturels (musées..) arrivent à se mettre d’accord et à lancer cette dynamique.

Avez-vous quelque chose à rajouter?

Oui il est clair que si Perm veut dire quelque chose pour les Russes, la ville est peu connue en France. On connaît plus l’Oural qu’on associe d’ailleurs à l’industrie, aux fabrications d’armes ou aux zones fermées. Et il est certain qu’il faut casser cette image. De ce point de vue l’approche culturelle est certainement très adaptée. En France on s’aperçoit que beaucoup de villes ont modifié, ou créé leurs images grâce à l’organisation de festivals, culturels, de musique, d’arts, de rue etc.
Par exemple l’année prochaine est une nouvelle année croisée franco-russe, concernant les langues des deux pays. Le concept français de la fête de la musique, qui est une fête populaire, a déjà été exporté dans nombre de pays. Je pense que c’est une initiative intéressante et qu’il faudrait peut-être inciter les autorités de Perm à faire de même, en transformant cet événement en fête populaire où tous les gens qui font de la musique puissent s’exprimer.

Réflexion sur la révolution des neiges en Russie

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*
Les événements politiques et citoyens qu’a connu la Russie ces derniers jours ont sans doute une fois de plus été traités par le mainstream médiatique de façon excessive et erronée. Printemps russe, révolution des neiges, craquement du régime Poutine, révolution arabe a Moscou…

planeta_mitingLes qualifications excessives et souvent obsessionnellement dirigées contre la figure du premier ministre sont certes en adéquation totale avec quelques slogans que j’ai pu entendre lors de cette manifestation mais semblent bien loin de la réalité du terrain tout autant que de ce que pensent a ce jour la grande majorité des Russes. Cette fois-ci, le mainstream médiatique francophone n’a pas égalé le mainstream anglophone, dont une des principales chaînes de télévision a commenté les manifestations en Russie en utilisant des images d’émeutes en Grèce. On sait pourtant que les palmiers sont rares dans les rues de Moscou :), et que la police russe ne porte pas d’uniformes grecs. Tout commentaire est inutile, il suffit de regarder le reportage.

Reprenons depuis le début. Suite aux élections législatives du 4 décembre, des cas de fraudes électorales ont été mis en évidence. Pour autant une analyse sérieuse et non émotionnelle montre que des différences entre les sondages, les sondages d’après votes, les estimations et les résultats ne seraient palpables que dans le Caucase ou éventuellement à Moscou, comme je l’avais mentionné ici. Il a été rappelé que la structure traditionnelle et conservatrice tchétchène (rôle des teïps par exemple) peut être un facteur de vote difficile à comprendre. Les autres fraudes dénoncées concerneraient donc essentiellement Moscou ou le score de Russie Unie aurait été gonflé, comme l’a affirmé en cours de dépouillement un sondage de sortie des urnes publié par l’institut FOM et qui a mis le feu aux poudres. Très curieusement ce sondage n’est plus en ligne aujourd’hui sur leur site, mais il a été repris sur de nombreux blogs. Quoi de plus simple à manipuler qu’un sondage d’après vote par un institut? Les mouvements de protestations n’ont donc concerné essentiellement que Moscou et Saint-Petersbourg, qui ont rassemblé les ¾ des manifestants du pays.

 

Qu’en est-il, en réalité,  de la fraude dénoncée et propagée sur la toile, via les réseaux sociaux ou Youtube, et que les journalistes occidentaux citent sans relâche depuis les élections? 7.664 incidents de diverses natures ont été recensés sur l’ensemble des bureaux de vote durant ces élections (en Russie et à l’étranger). Parmi ces incidents, les cas récencés qui concernent des plaintes pour fraude au niveau de la comptabilisation des voix sont 437. Regardons maintenant ce que dit le site de l’association “indépendante” GOLOS, spécialisée dans la surveillance des élections: 66 cas recensés de différence entre les décomptes des observateurs et les résultats finaux, qui portent chaque fois sur des écarts de 100, 200 ou 300 voix, selon les cas. Même analyse pour Vedemosti qui publie une analyse détaillée de Moscou dans laquelle une 30aine de cas a été recensés par les observateurs d’Iabloko (parti d’opposition) pour toute la capitale. Peut-on imaginer que ces 20.000 voix en litige (estimation haute) ont permis à Russie Unie de doubler son score à Moscou? A-t-on remarqué que les observateurs “indépendants” ou ceux de GOLOS ou d’Iabloko n’ont pu observer à ce jour quelque fraude que ce soit dans le reste des 3.374 bureaux de vote de la capitale? Peut- on imaginer que ces quelques cas de fraudes dans tous le pays aient pu inverser totalement le résultat du scrutin? On peut sérieusement en douter. Depuis les élections, personne n’a contesté les irrégularités, fraudes et  dysfonctionnements systémiques relevés par les différents observateurs de partis politiques et des associations.Mais on ne peut pas encore comparer Moscou à Chicago, ou 100.000 voix avaient disparu lors d’une élection en 1982. En outre, beaucoup d’observateurs internationaux ont eux validé les élections, que l’on regarde par exemple icilaici ou la.

 

A propos d’Amérique: l’association GOLOS, très en pointe pour dénoncer les fraudes en Russie, est financée par les très puissantes associations américaines USAID et NED.  GOLOS vient d’être pris la main dans le sac, si je puis dire, puisque la presse russe vient de publier un échange mail entre la responsable de GOLOS et des responsables de l’USAID, leur demandant combien l’association pourrait facturer (lors de précédentes élections en Russie) pour… Des dénonciations de fraudes et d’abus.
Mais le Buzz informatique sur des élections massivement truquées à bien fonctionné et ce sont sans doute environ 35.000 personnes qui se sont rendus à une grande manifestation samedi dernier à Moscou (j’y ai assisté)  afin de demander de nouvelles élections. La manifestation s’intitulait la révolution des neiges, et les participants portaient des œillets blancs mais également des fleurs. Cette association de symboles fait étrangement penser aux symboles des révolutions de couleurs (appelées également révolutions des fleurs) qui ont eu lieu en Serbie en 2000, en Géorgie en 2003 ou en Ukraine en 2004. Plus étrange encore, le site de la mystérieuse et nouvelle association qui organisait le mouvement s’intitulait de la même façon BelayaLenta. C’est un nom de domaine internet qui a été déposé aux Etats-Unis en octobre 2011…
Cette manifestation était extrêmement intéressante à mon sens. Elle réunissait une galaxie très hétérogène de mouvements politiques et d’associations. Une partie des gens était venu voir ce qui se passait et étaient surpris de l’ampleur du rassemblement. Je décrirais le participant moyen comme un moscovite de la classe moyenne supérieure, jeune et plutôt de sexe masculin, présent car convaincu de s’être fait voler ses voix, lorsqu’il n’était pas simplement hostile au premier ministre Vladimir Poutine. Le meeting était co-organisé par les éternels opposants libéraux Boris Nemtsov, Michael Kassianov et Vladimir Milov, fédérés au sein du Parnas, ainsi que par Serguei Udaltsov, le leader du mouvement d’extrême gauche Front de gauche, également ancien membre de la coalition libérale/communiste “l’Autre Russie”, qui rassemblait ultras d’extrême-gauche, nationaux-bolcheviques et libéraux pro-occidentaux.

 

Les associations libérales et pro-occidentales étaient présentes. Le parti-communiste et Russie Juste étaient aussi représentés, ainsi que divers mouvements d’extrême gauche: des anarchistes , le front de gauche et des mouvements tiers-mondistes. Mais il faut ajouter un autre élément tout à fait inattendu pour un observateur étranger, la présence en force de représentants de l’extrême droite la plus dure, néo-nazis , nationalistes ou encore monarchistes. Les francophones qui liront ce texte se demanderont sans doute comment des gens aussi différents ont pu défiler côte à côte sans heurts.Il y a eu beaucoup de slogans anti-Poutine, mais pas de casseurs en fin de manifestation. Cetteanimosité à l’égard du premier ministre, dans les slogans, s’est donc exprimée dans des domaines très différents. Pour certains, c’est un autocrate, pour d’autres au contraire il n’est pas assez nationaliste, trop libéral ou pas assez à gauche. Un symbole était absent de cette manifestation, le blogueur Alexeï Navalny, qui semble parfaitement représenter cette synthèse inattendue entre libéraux et radicaux d’extrême droite. Ce blogueur très populaire à l’ouest (plus qu’en Russie), ancien du mouvement libéral Iabloko, est à l’origine du slogan “Russie unie parti des escrocs et des voleurs” qui est repris par les opposants à Vladimir Poutine. C’est aussi Navalny qui a lancé le slogan “vote pour n’importe qui sauf pour Russie Unie”. Il a aussi participé cette année à la marche russe, cette marche de l’extrême droite, se “félicitant de pouvoir éduquer cette jeunesse radicale”. Mais il s’est également fait pirater sa boite mail, ce qui a permis de mettre en évidence qu’il était (tout comme Golos cité plus haut) salarié de l’association américaineNED (une des structures essentielles de soutien aux révolutions de couleur durant ces dernières années dans l’espace postsoviétiques), mais également en lien étroit avec Alexandre Belov, le représentant d’une structure d’extrême-droite viscéralement anti Kremlin: l’ex-DPNI.

 

A part l’influence de GOLOS et Navalny, il faut noter que les Etats-Unis ont promis récemment d’augmenter les aides aux associations qui opèrent en Russie, en affirmant que ces aides ne viseraient pas à miner la stabilité politique du pays. Ce dont on peut très sincèrement douter.
J’ai assisté à cette manifestation et deux réflexions principales me viennent à l’esprit.
D’abord le meeting s’est terminé dans le calme: c’était une démonstration de maturité de la société russe, tant au niveau des manifestants que de l’état. Désormais le mythe de l’état répressif sans cesse mis en avant n’est plus valide. Les manifestants ont respecté le cadre légal, tout s’est déroulé sans incidents notables.
Ensuite les revendications sérieuses et constructives de beaucoup de manifestants (médecine gratuite et reforme de l’éducation par exemple), semblaient correspondre aux demandes d’un électorat proche du parti communiste ou de Russie Juste, les partis du nouveau bloc de gauche. Ce bloc de gauche qui va occuper environ 1/3 de la nouvelle assemblée semble donc être la réelle force d’opposition qui a émergé des élections du 4 décembre, bien plus qu’une hypothétique et fantasmatique coalition orange/brune/rouge, réunie dans un meeting organisé par d’éternels perdants ou par des leaders de groupuscules. Il est plausible que désormais la vie politique russe puisse se structurer autour de deux grands blocs: un centre droit autour de Russie Unie et un grand courant de gauche.
Ces deux réflexions me font penser que la vie politique russe devrait ainsi garder sa stabilité, en renvoyant les projets américains de révolution de couleur en Russie aux oubliettes de l’histoire.

La 6ème Douma?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
 
*
 
Сe dimanche ont eu lieu en Russie les élections législatives. Les députés élus siégeront jusqu’à fin 2016. Le scrutin est un scrutin de liste, à moitié proportionnel et à moitié direct. Près de 95.000 bureaux de vote on été ouverts en Russie et dans 140 pays à travers le monde, pour permettre le vote  des russes de  l’étranger. Contrairement à ce que la presse française a en général annoncé, ces résultats ne sont pas si surprenants. Une dernière estimation par sondages du 19 et 20 novembre 2011 prévoyait 48,27% pour Russie-Unie, 20,3% pour le parti communiste, et 15 et 12% respectivement pour les Libéraux-démocrates et pour  Russie-Juste. Les résultats du vote sont très proches des chiffres de ces derniers sondages, et on ne voit donc pas ou une fraude massive (annoncée par certains médias français) serait allé se cacher. 
 
 
Analyse des résultats.

 

Tout d’abord le parti au pouvoir Russie-Unie, que l’on peut qualifier de parti centriste et conservateur, aura la majorité simple mais il perd la majorité qualifiée avec 49,3% des voix, contre 64% en 2007. Une baisse significative de prés de 14% même si le score de 2007 avait été atteint grâce à une très bonne année 2007 d’un point de vue économique. Le score de 49,5% est aussi à comparer au score de 37.1% obtenu par Russie Unie en 2003. Le parti devrait donc obtenir 238 des 450 sièges de l’assemblée russe.
Le Parti Communiste de Russie et le parti Russie-Juste (de gauche, patriote et étatiste) sont les grands vainqueurs de cette élection. Le parti communiste a augmenté son score puisqu’il a obtenu  19,2% des voix contre 11,5% en 2007, passant de 56 à 92 sièges. Russie-Juste a aussi très fortement bénéficié de la baisse de Russie-Unie, obtenant 13% des voix contre 7,8% en 2007, le parti passant de 38 à 64 sièges. Ces deux mouvements passent ainsi de 19,3% à 32,35% et de 95 à 150 sièges. C’est à prendre en compte sous cette forme, parce qu’une fusion entre ces deux partis a été envisagée il y a quelques mois.
Le parti ultranationaliste Liberal-démocrate de Vladimir Jirinovski a lui obtenu prés de 12% des voix, un score stable par rapport aux élections de 2007. Son poids politique devrait sensiblement augmenter, de par le mode de scrutin, en l’amenant de 40 à 56 sièges.
 
L’opposition dite de droite et libérale n’a pas émergé. Iabloko atteint 3.9%, et Juste Cause  0,59% soit un total 4,49%, à comparer avec les 3,4% obtenus par les différents mouvements dits d’opposition libérales qui étaient présents en 2007 (Iabloko, Union de forces de droite, Pouvoir civil et Parti démocratique de Russie). 
 
La répartition géographique des votes est sans surprises.
 
Russie-Unie obtient ses plus hauts scores dans le Caucase (ou il y a sans doute des litiges) mais également au Tatarstan, Bachkortostan, en Tchoukotka, en république de Touva, au Birobidjan, ou encore à Tioumen et Kemerovo.
Le Parti Communiste obtient ses meilleurs résultats à l’est du pays, à Sakhaline, Vladivostok, ou encore à Irkoutsk, Krasnoïarsk et Novossibirsk et en Bouriatie.
Russie Juste obtient ses meilleurs résultats dans l’Altaï, en Iakoutie ou également à Vladivostok.
Quand au LDPR ses plus hauts scores sont obtenus dans la Transbaïkalie, vers Khabarovsk et dans l’Amour.
 
Le parti Iabloko à obtenu ses meilleurs scores à Moscou (9%) et Saint-Pétersbourg (11%) mais également à l’étranger.
 
L’étude des votes à l’étranger est intéressante.

 

Au sein des pays de l’UE, Russie-Unie arrive en tête chez les russes d’Espagne, de Belgique et d’Italie. A Berlin, c’est le parti Iabloko qui est en tête, tout comme à Londres et Washington.
Qu’en est-il de la France? A Paris, Iabloko a obtenu 31,8% devant le parti communiste (21,7%), Russie Juste (17,1%), Russie Unie (16,3%) et le LDPR (7,98%).
A Bayonne, Iabloko et Russie Unie font course égale à 30% chacun, Russie-Juste recueillant 13,3%, le LDPR et le parti communiste recueillant chacun 6,5%.
A Marseille/Nice, Iabloko est aussi en tête avec 28,21% devant Russie-Unie (21,6%), le parti communiste (15,6%), Russie-Juste (15,3%) et enfin le LDPR (11,9%).
Enfin à Lyon, Iabloko est en tète avec 30,23% devant Russie-Unie (24,6%) et le parti communiste (19,45%). Russie Juste obtient 12,5% et le LDPR 9,09%.
En Lituanie, Russie-Unie obtient 40,96% et le parti communiste 18,07%. En Serbie, Russie-Unie obtient 50,3%, devant le Parti Communiste et le LDPR, chacun 13%.
Au Mexique et en Argentine, Russie-Unie l’emporte avec respectivement 37% et 49% et chaque fois devant le Parti Communiste qui recueille respectivement 19,5% et 17,23%.
Aux Émirats arabes unis, Russie-Unie emporte 30,3% des voix, devant le parti communiste qui obtient 22,92%. Au Soudan c’est le Parti Communiste qui l’emporte avec 25,5% des voix devant Russie-unie (23,43%).
 
En Ouzbékistan, Kirghizstan et Azerbaïdjan, Russie-Unie est en tète avec respectivement 60,6%, 72% et 56,95%.
 
Que déduire de ces élections:
 
L’existence d’irrégularités est un fait avéré. Pour autant quelques 7.000 journalistes et 650 observateurs internationaux ont surveillé les opérations de vote qui se sont déroulées correctement, les principales violations ayant été constatées pendant les dépouillements. Il est évident que le sens global du scrutin ne puisse être remis en cause par ces violations, et on peut se poser la question de savoir pourquoi le mainstream médiatique ne se focalise que sur celles du parti disposant de la ressource administrative et non sur l’ensemble de ces irrégularités.
– La forte hausse d’un bloc de gauche potentiel (parti communiste et Russie Juste) traduit sans doute un phénomène politique de fond: l’attachement des russes à des partis qui ont orienté leurs programmes sur le social, et défendent un état fort. Ce phénomène est sans doute à mettre en parallèle avec l’échec des partis politiques libéraux ou de droite, face aux électeurs russes.
– Cette mouvance dite libérale ou de droite semble en effet définitivement discréditée. Même dans les grands centres urbains, ou la population est la plus occidentalisée, ni le parti Iabloko, ni le parti de droite Juste Cause ne séduisent la nouvelle classe moyenne russe.
– La baisse de Russie-Unie est à mettre en perspective. Le parti règne depuis 9 ans et a du faire face à la crise financière en étant au pouvoir. Il a donc endossé les difficultés économiques qui en ont découlé, et les mécontentements qui existent dans divers segments de la société russe. La progression du parti communiste est a ce titre peut être moins un vote idéologique qu’un vote sanction contre Russie Unie.
Quoi qu’il en soit, on peut penser que les résultats des législatives ne devraient pas avoir de conséquences majeures sur la présidentielle de mars prochain.

Vers un nouveau mur de Berlin?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*
Ce 25 novembre, le président russe Medvedev a brusquement, et finalement, changé de ton à l’égard des partenaires occidentaux de la Russie, et surtout de l’Amérique. En cause, l’échec des négociations sur le bouclier anti-missile, les États-Unis ayant refusé d’y intégrer la Russie, après diverses négociations qui ont piétiné pendant plusieurs mois. Mais ce n’est pas la seule raison. Le 22 novembre, les États-Unis ont annoncé qu’ils allaient suspendre certains engagements pris dans le cadre du Traité sur les forces conventionnelles en Europe. Ce traité prévoyait la limitation quantitative des armes conventionnelles en Europe et avait été signé en 1990 par des états membres de l’OTAN mais également du pacte de Varsovie. L’effondrement de l’URSS avait modifié la donne et pratiquement supprimé la raison d’être du traité qui était d’assurer un équilibre entre blocs en limitant les quantités d’armements conventionnels stationnés en Europe. En 1999, lors du sommet de l’OSCE à Istanbul, la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ont ratifié une version modifiée du traité. En 2007, c’est Moscou qui a gelé sa participation arguant de “circonstances exceptionnelles mettant en péril la sécurité du pays”. Moscou souhaitait que les pays de l’OTAN ratifient la version adaptée du traité FCE qui ne privilégie plus la logique de coalition, mais tient compte de la nouvelle architecture de sécurité en Europe.
 
Ainsi, dès le lendemain, le président russe Dimitri Medvedev a chargé les forces armées du pays d’élaborer des mesures pour détruire, si besoin, les moyens d’information et de commande du système de défense antimissile américain. Le jour même, le porte parole du conseil de sécurité américain a affirmé en réponse que les plans américains en Europe sont inchangés, et que le bouclier serait pleinement opérationnel en 2018. Moscou s’oppose à ce projet, considérant que la mise en place d’un bouclier antimissile à proximité de ses frontières menace son potentiel stratégique, les missiles du bouclier étant prévus pour être disposés en Pologne, République Tchèque, Roumanie, Bulgarie et bien évidemment en Turquie. En clair au cœur de l’Europe de l’est, du nord au sud et le long des frontières Biélorusses et Ukrainiennes. Moscou a également menacé de se retirer du nouveau traité START (signé en avril 2010 par les présidents russe et américain, et entré en vigueur au début de cette année lors de la fameuse réunion du «reset » entre Hillary Clinton et Sergueï Lavrov) mais également de déployer des éléments offensifs dans l’ouest et le sud du pays, y compris dans l’enclave de Kaliningrad. Enfin la Russie pourrait autour de 2018 se retirer du traité ABM si elle ne trouve pas d’entente d’ici là avec les Etats-Unis à propos du bouclier anti-missiles.


 
C’est en 1999 que le président Clinton fit adopter le National Missile Defense Act par la Chambre et le Sénat des États-Unis. A l’époque il s’agit d’une loi qui permet au pays de construire un bouclier antimissile limité aussitôt que la technologie le permettra. Son successeur, le président Bush relancera le projet,  et finalement, en 2008 le programme prévoit une centaine d’anti-missiles capables d’ intercepter une attaque de missiles balistiques qui proviendrait d’Eurasie ou d’« États voyous » tels que l’Iran ou la Corée du Nord. C’est Barak Obama, en 2009, qui réévaluera la menace en privilégiant la protection des intérêts américains en Europe, via le développement d’une défense antimissile destinée à protéger les pays européens de l’OTAN. Face à cela les russes ont proposé l’idée d’un bouclier intégré avec la participation de la Russie. Mais cette solution équivaudrait à attribuer a la Russie un pouvoir décisionnel certain au sein de l’alliance et donc en faire un quasi-membre de fait. Une solution que les stratèges américains ne semblent même pas envisager, jusqu’à ce jour.


 
Ainsi, et malgré tous les faux semblants, l’expansion américaine se poursuit vers l’Eurasie. Ce ne sont plus seulement les puissances euro-occidentales, dociles politiquement et empêtrées dans la crise économique, qui sont concernées. Il y a aussi les pays d’Europe de l’est, et ces anciens territoires du bloc soviétique que Donald Rumsfeld a pourtant qualifiés de « nouvelle Europe » en 2003. Une bien curieuse appellation alors que devrait visiblement s’installer un nouveau rideau de fer au cœur du continent, laissant le trio Russie-Ukraine-Biélorussie de l’autre côté d’une sorte de nouvelle ligne Maginot américaine. Bien sur les américains disent et répètent que ce déploiement militaire sur les marches occidentales de la Russie n’est pas dirigé contre le potentiel militaire de la fédération de Russie mais uniquement  destiné à protéger l’OTAN et ses alliés d’une possible attaque iranienne.


Pour autant, ces nouveaux déploiements de missiles américains contrarient et inquiètent la Russie mais également la Chine. Conséquence directe, le représentant de la Russie auprès de l’Otan, Dimitri Rogozine a annoncé qu’il se rendrait en janvier prochain en  Chine et en Iran afin de rencontrer à Pékin le ministre chinois des affaires étrangères et le commandement de l’état-major, et à Téhéran, le secrétaire du conseil suprême de sécurité nationale iranienne ainsi que des représentants de la diplomatie. Le programme de ces rencontres parait clair: évoquer la question du déploiement du bouclier antimissile américain. Cette tension est-ouest croissante a aussi un aspect  maritime puisque les États-Unis ont décidé, dans le cadre de ce bouclier anti-missile, de déployer des navires militaires dans les mers septentrionales, complétant ainsi un encerclement complet de la Russie, via le nord (l’arctique), le sud (Turquie) et l’ouest (Europe centrale et Balkans). Moscou vient d’ailleurs de déclarer que cette présence militaire américaine en arctique menaçait directement les intérêts russes. On remarque qu’au sud, la Russie a commencé à déployer  une petite flotte de navires de guerre en  méditerranée orientale. Cette flotte va être rejointe par le porte-avions russe Amiral Kouznetsov.
En l’espace de quelques semaines, alors que l’occident est en pleine crise systémique, que ses principaux pays sont engagés dans de nombreux conflits militaires, les relations internationales ont pris une tournure relativement inquiétante faisant ressurgir  un parfum de guerre froide. Plus que ça, la situation traduit bien l’impuissance des pays européens, coincés entre deux puissances, sans aucune marge de manœuvre et sans position bien précise sur les problèmes de sécurité. Il y aurait pourtant bien sur une solution, et elle a été proposé par le président Russe Dimitri Medvedev en 2008: la création d’une architecture européenne de sécurité, destinée à défendre uniquement et en priorité les intérêts de tous les états du continent, de Lisbonne a Vladivostok. 

Le mouvement prométhéen?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
*

Dans mon avant dernière tribune, j’ai abordé la situation de certains groupuscules radicaux russes qui prônent la sécession d’avec certaines républiques musulmanes du nord du Caucase russe pour supprimer le fardeau financier qu’elles feraient peser sur la fédération de Russie. Ces partisans de la sécession territoriale avancent des arguments qui sont que certaines républiques caucasiennes sont plus qu’instables, mais que surtout elles se dépeupleraient de leur population russe orthodoxe et qu’ainsi leur appartenance à la fédération de Russie devrait être remise en cause. C’est surtout la Tchétchénie qui est visée. Dans la population de Tchétchénie, il y avait 23,1 % de russes avant le recensement de 1989, il n’en reste que 3,7% aujourdhui. Le phénomène Kadyrov (on dit qu’il aime ce surnom) dirige la république d’une main de fer depuis 2007, en y ayant réinstauré un régime hybride, mélange de traditionalisme Tchétchène et de rigueur religieuse, le tout subventionné par Moscou. Cette vidéo récente montre des images de la capitale Tchétchène reconstruite et même si la vidéo est en russe, les images sont vraiment spectaculaires. Aujourd’hui, le centre ville de Grozny est d’une beauté à couper le souffle. Pour autant, si on peut reconnaître que Ramzan Kadyrov a réellement pacifié la république (contrairement à sa turbulente voisine le Daghestan) on ne peut que sourire lorsque celui-ci affirme que le budget des luxueuses festivités de son 35ème anniversaire en octobre dernier lui a été fourni par “Allah”. 
 
Il est évident aujourd’hui qu’un morcellement du Caucase russe pourrait déclencher des affrontements multiples dans l’ensemble du Caucase, et dans tous les pays limitrophes. Cette région est stratégique pour la fédération de Russie, et on n’imagine pas qui, à part la fédération de Russie, serait capable d’y maintenir la paix et la sécurité.  C’est tellement vrai que le Caucase est aujourd’hui et a toujours été un objectif géopolitique prioritaire, pour la Russie comme pour les occidentaux. Dès la première partie du 19ème siècle, pendant que le grand jeu faisait rage en Asie centrale (pour aboutir notamment à la création de l’Afghanistan), l’Angleterre avait bien compris l’importance et la menace pour elle des récentes conquêtes russes aux dépens de l’empire Ottoman dans la région du Caucase. Elles ouvraient en effet à la Russie l’accès à la mer noire et à la méditerranée, aux détroits,  et à une position géostratégique renforcée. L’Angleterre (puissance maritime) a donc tenté de déstabiliser la Russie notamment par des livraisons d’armes dans le Caucase ou par la création de comités Tchétchènes et Tcherkesses lors du congrès de Paris en 1856, après la guerre de Crimée. Le but était déjà clair, créer et soutenir un front Caucasien pour repousser l’empire russe (puissance continentale) loin des mers. Cette mosaïque de peuples, dans le Caucase, restera au cours du 20 ème siècle une sorte de ventre mou de l’impérium russe. Dès le début du 20 ème siècle du reste, des responsables des républiques musulmanes de Russie, principalement dans le Caucase et en Asie centrale, tenteront d’organiser la bataille vers leur indépendance avec le soutien de l’occident. C’est la naissance du“Prométhéisme“, un mouvement peu connu qui à travers le siècle va lutter pour réveiller les identités et encourager les séparatismes, afin d’affaiblir la Russie. Le prométhéisme aura son centre névralgique en Pologne, comme viennent de le démontrer certaines archives déclassifiées. Elles démontrent en effet “l’existence d’une unité spéciale chargée de travailler avec les minorités nationales sur le territoire de l’URSS (…) et ce fin de déstabiliser la situation en Ukraine, dans la région de la Volga et au Caucase, ainsi que de démembrer et d’anéantir l’Union Soviétique”.


 
Les Bolcheviques ne pouvaient pas tolérer ces tendances au morcellement du territoire et en 1922, les principaux responsables politiques indépendantistes (Ukrainiens, Georgiens, Bachkirs, Tatars, Azéris…) s’exilent dans deux directions différentes: une première vague vers Istanbul, qui contribuera à développer la “conscience turque” au sein du mouvement et une seconde vague vers l’Europe notamment en France et en Allemagne pré-nazie. La France est déjà qualifiée à cette époque par le Bachkir Zeki Velidov  de “centre de combat” contre la Russie. En 1924, à Berlin, une rencontre a lieu entre Velidov et un officiel polonais qui lui explique une idée polonaise: Lancer un mouvement des “indigènes de Russie” pour aider ces peuples à obtenir leur indépendance. 


 
Ensuite, la revue Prométhée se développera dans de nombreux pays (France, Allemagne, Angleterre, Tchécoslovaquie, Pologne, Turquie ou Roumanie) mais la montée du nazisme en Allemagne change la donne et après le pacte Germano-Soviétique le mouvement se déclare “anti nazi et anti soviétique”. Les prométhéens se rangeront du côté de l’Angleterre et de la Pologne, contre l’Allemagne et l’URSS. Dès lors le mouvement bénéficiera de forts soutiens financiers en Pologne ou de soutiens politiques en France, avec par exemple la création du comité France-orient sous le parrainage du président du sénat Paul Doumer. Le principal projet du comité sera la création d’une fédération du Caucase sur le modèle helvétique. Mais ce projet n’aboutira jamais, la Société Des Nations reconnaissant finalement les frontières de l’URSS et surtout les tenants de ce prométhéisme se révélant incapables de s’unir.  En 1939, la perte de la Pologne fut un choc pour le mouvement qui fut rapidement happé par l’Allemagne hitlérienne. Les stratèges nazis envisagèrent eux aussi un éventuel morcellement de l’URSS en petites entités, plus faciles à contrôler. Les Allemands créeront notamment une légion Turkestan constituée de Tatars et de Turkestanais mais celle-ci disparaîtra dans l’échec de l’offensive allemande à l’est. A la fin de la guerre, l’URSS est plus forte que jamais et les Prométhéens se tournent vers l’Amérique avec la création d’une “ligue prométhéenne de la charte de l’Atlantique”. Le mouvement deviendra un pion made in USA de lutte contre l’URSS pendant la guerre froide via la création d’organisations tel que “l’Institute for the study of URSS” ou “l’American Commitee for Liberation of Bolchevism”. 


 
La grande confusion idéologique qui ressort de cette période amènera au développement d’une ligne “prométhéenne” qui se définira par défaut comme défendant un projet fondé sur le nationalisme ethnico-régional en Eurasie. Ce projet de démembrement de la Russie en de multiples entités a été pensé tant par des stratèges nazis comme Alfred Rosenberg en 1939, que par des stratèges Américains comme Zbigniew Brezinski dans son ouvrage le grand échiquier publié en 1997. Alors ce n’est pas une surprise si ces idées de découpage de la Russie « pour le bien des peuples » sont aujourd’hui reprises tant par des groupuscules néo-nazis que par les porte-voix de l’influence occidentale. 


En Russie, il y a une multitude de peuples éparpillés sur un immense territoire. L’organisation du pays est  un modèle  de société fédérale unique au monde. On voit que les appels à la destruction de ce modèle de société unique ne sont pas une nouveauté, ils sont le dernier épisode d’une histoire commencée au 19° siècle.

 

*

 

Les lecteurs souhaitant en savoir plus sur le Prométhéisme peuvent lire cetteanalyse très instructive en Français.

Quel avenir pour les chemins de fer russes?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.

*

Le réseau ferré russe est l’héritier de l’immense réseau ferré construit à l’époque de l’URSS. A l’époque, il s’agissait de relier les villes d’un territoire neuf fois plus vaste que l’Union européenne d’aujourd’hui. La taille continentale de la Russie  fait que les voyages en train peuvent durer des jours et des nuits, comme c’est le cas pour le très fameux transsibérien qui met une semaine pour parcourir les 9.500 km du trajet. Notez que  depuis peu vous pouvez visionner tout l’itinéraire sans quitter votre salon en cliquant ici). Peut être à cause de cette immensité et de la durée des voyages, l’organisation de la vie dans les trains russes est bien particulière. C’est une réalité banale pour les russes, mais presque une aventure pour les étrangers qui voyagent en Russie.


Les trains des grandes lignes sont très confortables et les wagons sont larges (les voies russes sont plus larges que les voies européennes: 1.520 mm contre 1435 mm). Ils comportent tous des wagons lits. Il existe 3 catégories principales que sont les compartiments pour deux passagers avec service renforcé (“luxe” ou “SV”), les compartiments pour 4 (“coupé”) et des wagons couchettes sans portes (“platzkarte”). Les trains comportent généralement des wagons restaurants et de plus en plus souvent des wagons réservées aux femmes mais également de nombreux services luxueux, d’un standing international. Le train est placé sous l’autorité d’un chef de train. Un grand samovar trône à l’extrémité de chaque wagon et permet d’obtenir de l’eau chaude jour et nuit pour les indispensables thés qui accompagnent les voyages de russes. Et surtout, dans chaque wagon, il y a le  “provodnik”. Le plus souvent c’est une femme, appelée la“Provodnitsa”. Elle est le personnage clef, presque l’âme du wagon. Elle a un compartiment-bureau-couchette en face du samovar, et elle s’assure du bon déroulement du voyage. De la vérification des billets à la distribution des draps et couvertures ou encore à la maintenance du samovar précité, la “Provodnitsa” est un maillon essentiel du voyage, elle veille sur le bien-être des voyageurs.
La Compagnie des chemins de fer russes (Российские железные дороги, РЖД ou RZD) est la compagnie publique des chemins de fer en Russie. La RZD est l’une des plus grosses compagnies ferroviaires au monde, avec 1,3 millions de salariés, elle assure 80 % du transport passagers en Russie, soit 1,3 milliard de passages / an et 82 % du transport du fret, soit 1,2 milliard de tonne/an. La RZD exploite un réseau de 86.000 Km de voies (chiffres de 2009), elle possède 600.000 wagons de marchandises, 25.000 voitures de passagers et 13.000 locomotives. La compagnie pèse environ 3,5 % du PIB russe et est dirigée depuis 2005 par Vladimir Ivanovitch Iakounine, un proche de Vladimir Poutine. Vladimir Iakounine  est également co-président  de l’association Dialogue Franco-russe, qui est devenue un instrument majeur de communication directe entre les élites politiques, économiques et culturelles des deux pays.
Le réseau ferré russe a créé une ligne à grande vitesse entre Moscou et Saint-Pétersbourg (Le Sapsan) et le réseau de trains à grande vitesse devrait d’ici à 2020 relier les principales grandes villes de la moitié ouest du pays, comme on peut le constater ici.
Nombre de ces lignes pourraient être mises en place à l’occasion de la Coupe du monde de football 2018 qui se déroulera en Russie, et certaines existent déjà entre l’Europe et la Russie, comme c’est le cas pour la Finlande. Un projet de TGV est également prévu entre ces deux pôles économiques.
Mais l’est du pays n’est pas en reste puisque lors du dernier Forum d’affaires international du secteur ferroviaire “Partenariat stratégique 1520” (31 mai – 2 juin, Sotchi) une rencontre s’est tenue entre le Président du Gouvernement de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et les représentants d’administrations ferroviaires russes et étrangères, d’entreprises de production d’équipement ferroviaire, de banques et d’autres compagnies. La rencontre a permis de définir le développement futur du secteur ferroviaire du pays, notamment la rénovation puis la modernisation en profondeur du secteur des chemins de fer dans les années à venir, ainsi que le développement des lignes Baïkal-Amour-Magistral (BAM) et Transsibérien. Le plan prévoit également le développement du réseau ferroviaire dans les régions enclavées d’extrême orient, en complément du projet de voie ferrée sous le détroit de Béring, afin de désenclaver ces régions et revivifier la Sibérie orientale. Le 3 novembre 2011, le Présidium du gouvernement de Russie a examiné la question des “projets concernant le programme d’investissement et le plan financier de RZD pour l’année 2012 et la période 2013 et 2014”. Comme l’a annoncé à l’issue de la réunion Vladimir Iakounine, le montant total du programme d’investissement de la compagnie sur trois ans devrait atteindre 1.100 milliards de roubles (26 milliards d’euros), dont 411,6 milliards de roubles (9,7 milliards d’euros) pour la seule année 2012.
Mais RZD a également de nouveaux  partenariats à l’international. Vers l’Ouest, c’est le 12 décembre 2011 que partira le premier train Moscou – Berlin – Paris. Cet itinéraire symbolique passera par le territoire de cinq pays : Russie, Biélorussie, Pologne, Allemagne et France. En période d’hiver, le train prendra le départ trois fois par semaine. Pendant l’été, il y aura cinq départs hebdomadaires.  Les chefs de voiture du train Moscou – Berlin – Paris ont été sélectionnés sur concours: les candidats doivent posséder un diplôme d’enseignement supérieur et la connaissance d’une langue étrangère. Les employés ont suivi un programme de formation spéciale et étudié les langues étrangères: allemand, anglais et français. En outre, les membres des brigades de trains ont suivi en France des formations consacrées aux règles de sécurité. Le personnel du wagon-restaurant parlera russe, polonais et anglais.  Les prix des billets varient de 330 euros (2de classe) à 1.050 euros (luxe) pour un adulte et de 150 a 525 euros pour les enfants. La ligne fait 3.177 km. La vitesse maximale des trains Moscou – Berlin – Paris sera de 200 km/h. Cette ligne complète la ligne Moscou – Nice, lancée le 23 septembre 2010, et dont les tarifs sont sensiblement les mêmes. En un an, plus de 6.000 passagers ont réalisé ce  voyage de Moscou à la côte d’azur. Cette ligne est le plus long itinéraire ferroviaire transeuropéen (3.200 Km). Elle  franchit les frontières de sept pays : Russie, Biélorussie, Pologne, République tchèque, Autriche, Italie et France. Sur ce trajet, la vitesse maximale des trains est de 160 km/h. Le temps de parcours entre Moscou et Nice est de 50 heures et 23 minutes.
Vers l’est, c’est le réseau eurasiatique qui se développe. La RZD a inauguré le 15 août de cette année une ligne touristique Moscou Pékin. Le train comporte deux wagons restaurants, un wagon bar, un wagon salle à manger, et un wagon spécial équipé de cabines de  douche destiné aux passagers voyageant dans les voitures-couchettes et les voitures-lits. Les passagers des voitures luxe ont un cabinet de toilette dans  leurs compartiments. Le trajet dure 15 jours, avec des escales et des programmes touristiques dans les villes de Kazan, Ekaterinbourg, Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Oulan-Oude, Oulan-Bator et Erlian. Parmi les excursions, un tour sur le lac Baïkal. Au cours du voyage, les voyageurs se verront proposer des plats de la cuisine nationale et des produits gastronomiques.  En outre, ils pourront  assister à des soirées musicales, visionner des films et s’essayer à l’apprentissage de la langue russe. Le service est assuré en sept langues. Une autre ligne régulière Pékin -Moscou a également été mise en service par la RZD, et d’autres projets de coopération sont en cours avec l’Indonésie, la Mongolie et la Corée du nord.
Enfin et pour finir, sachez qu’en Russie, la journée du cheminot est célébrée le 07 aout. Vous pouvez trouver beaucoup d’informations complémentaires sur le site de la RZD, dans sa version anglaise pour les lecteurs non russophones. Il ne me reste qu’à vous conseiller de voyager en train en Russie, c’est une expérience inoubliable. Dans les trains russes, il y a un « savoir vivre ensemble » qui étonne toujours les étrangers. Bon voyage à  tous !

Un 4 novembre en Russie

L’article original a été publie sur Ria Novosti.

*
La Russie a célébré vendredi 4 novembre la journée de l’unité du peuple ou День народного единства. Cette fête de l’unité nationale était célébrée dans la Russie d’avant 1917 et elle l’est à nouveau depuis 2005. Elle commémore l’exploit des milices populaires qui se sont constituées pendant le temps des troubles pour libérer Moscou des envahisseurs polonais, en 1612, sous la direction de Kouzma Minine, un commerçant de Nijni-Novgorod d’origine Tatare et du prince Dimitri Pojarski, descendant de la dynastie des Riourikides.

Le 4 novembre est également une journée de fête d’après le calendrier religieux puisque l’Eglise orthodoxe rend hommage à l’icône de la Mère de Dieu de Kazan qui a aidé le peuple en ces journées difficiles. La réinstauration de cette journée de l’unité du peuple est due au parti Russie Unie qui en a  profité au passage pour évincer la célébration du 7 novembre, jour anniversaire de la Révolution d’Octobre 1917. “C’est nous qui avons soumis le projet de loi proposant d’amender la liste des fêtes et dates historiques” n’a pas manqué de rappeler Boris Gryzlov, président de la Douma (chambre basse du parlement russe). La capitale russe a donc comme l’ensemble du pays célébré cette journée d’unité populaire de façon politique, puisque toutes les composantes du paysage politique russe se sont manifestées hier lors de grands rassemblements, mais en exprimant des conceptions de la Russie réellement différentes.
Il y a d’abord Russie Unie bien évidemment, principal parti politique de Russie, qui a réussi à mobiliser des dizaines de milliers de partisans à travers le pays, par exemple 8.000 à Khabarovsk, 5.000 à Kourgan, 3.000 à Maïkop ou Iekaterinbourg, ou plus de 10.000 à Saint Petersburg. Dans la capitale russe, près de 32.000 personnes ont participé à la journée d’action, dont 10.000 supporters du parti Russie unie qui se sont rassemblés au mont de la victoire dans l’ouest de la capitale. Le maire de la ville a insisté lors de son discours sur la nécessaire unité du pays, au-delà des différences ethniques ou confessionnelles, et sur la nécessaire lutte contre les tentatives de division du pays sur ces mêmes critères. Un discours assez similaire a celui du président russe Dimitri Medvedev qui a insisté sur le fait que la Russie doit “garder son énorme avantage – la paix interethnique” et également que “le patriotisme, le sens civique et l’amour de la Patrie sont les valeurs fondamentales qui ont toujours cimenté l’Etat russe multinational”. Russie Unie n’est pas le seul parti à avoir fait descendre dans la rue ses partisans.
Il y a eu dans tous ces rassemblements un petit avant goût de campagne électorale. Le parti libéral démocrate a rassemblé 2 à 3.000 de ses supporters dans le centre de la capitale sous le slogan “le LDPR pour les russes”. Son leader Vladimir Jirinovski a également insisté sur l’importance pour les russes de bien connaître l’histoire de leur pays. Le parti communiste, pour sa part, a attendu le 7 novembre pour commémorer l’anniversaire du déclenchement de la révolution d’octobre, une manifestation sur fond de crise du capitalisme mondial qui devrait a rassemble quelques milliers de supporters dans le centre ville. L’opposition libérale s’est elle aussi manifestée, mais à Kazan, où le mouvement a présenté son programme pour les élections législatives de décembre dans les 18 langues maternelles des petits peuples de la fédération de Russie, sous le slogan “La Russie a besoin de changement”.
Les organisations de jeunesse ont également participé à des actions. 1.500 activistes de “Jeune Russie” (branche jeunesse de Russie Unie) dont des représentants de plus de 100 minorités du pays ont participé à un don de sang sous le slogan “nous sommes tous du même sang” afin de montrer l’unité des multiples nations qui composent la Russie. Le mouvement Nashi a de son côté rassemblé prés de 15.000 jeunes en invitant tous les citoyens de la fédération qui aiment le pays, souhaitent y vivre et respectent la loi à se joindre à eux. Les leaders de l’association ont défendu le modèle multiculturel russe et s’en sont vigoureusement pris aux appels à arrêter de financer le Caucase ou à donner l’indépendance aux républiques musulmanes du pays, ce qui pourrait d’après eux aboutir à une crise aussi terrible que l’effondrement de l’URSS. Enfin le mouvement de jeunesse Eurasien a réuni prés d’un millier de militants sous les slogans: “Pour l’Empire russe!”, “Pas de Russie sans Caucase” ou encore “Orangisme – ennemi de la Russie”.
A contre courant de toutes ces démonstrations unitaires, dans le sud est de la capitale, une quarantaine de mouvements ultranationalistes russes ont rassemblé prés de 7.000 personnes sous les slogans “la Russie aux Russes, l’Europe pour les Blancs!” et “Il est temps d’arrêter de nourrir le Caucase”. Les organisateurs ont clairement appelé à donner l’indépendance à certaines régions musulmanes turbulentes du Caucase, comme la Tchétchénie ou le Daguestan. Comme à l’accoutumée ce rassemblement à eu les faveurs de la presse française qui n’a pas manqué d’y consacrer ses gros titres mais qui a omis de mentionner la présence de représentants francophones de la mouvance ultranationaliste française, ainsi que le fait que ces ultranationalistes russes s’en sont vigoureusement pris à Vladimir Poutine et à Russie Unie. De façon surprenante, ils pouvaient compter pour cela sur la présence du désormais célèbre bloggeur Alexeï Navalny, réputé libéral, et que la presse française nous avait pourtant présenté comme un héros et un chantre de la lutte contre la corruption en Russie. Expliquant sa présence à ce rassemblement aux tendances clairement racistes, Navalny a déclaré à l’AFP: “Bien sûr, il y a une jeunesse radicale ici. Notre tâche est de l’éduquer”.
On peut se poser beaucoup de questions sur l’existence de ces groupuscules qui ont des idées de divisions et séparations territoriales, et surtout quels intérêts ils servent. Je me demande bien ce qu’un libéral comme Alexeï Navalny pouvait bien faire au milieu de skinheads et surtout qui est ce “on” dont il parle, qui devrait éduquer (le terme est intéressant) ces ultranationalistes. Moscou et le problème du Caucase ne sont pas les seuls visés puisque en Sibérie ou a Belgorod ont également eu lieu des rassemblements (de faible importance) de régionalistes-nationalistes-séparatistes (?) appelant à la sécession de Moscou et dénonçant le Kremlin. On se souvient qu’en Serbie en 2000 et en Ukraine en 2004 les révolutions de couleurs, soit  disant spontanées et démocratiques, ont commencé avec les mêmes ingrédients. Elles ont fortement bénéficié de l’énergie des jeunes nationalistes pour renverser des régimes désignés comme crypto-soviétiques. Une curieuse alliance s’était mise en place, entre un courant ultranationaliste et un courant occidentaliste (anti-Kremlin), l’ensemble bénéficiant du soutien de centaines d’ONG principalement américaines (voir à ce sujet cet excellent reportage).