Le centre Levada a publié un sondage intéressant qui montre ou en est l’image d’Alexeï Navalny au sein de la société russe.
– Alors qu’en septembre 2020, ce sont 20% des russes sondés qui approuvaient son action et 50% qui la désapprouvaient, près d’un an plus tard, ce sont 14% qui approuvent son action et 62% qui la désapprouvent.
Au sein des 18/24 ans : 24% approuvent et 59% désapprouvent.
Au sein des 25/39 ans : 22% approuvent et 51% désapprouvent.
Au sein des 40/54 ans : 11% approuvent et 69% désapprouvent.
Au sein des > 55 ans : 8% approuvent et 67% désapprouvent.
Chez les partisans de Vladimir Poutine 6% des sondés seulement approuvent son action.
– La qualification de l’organisation d’Alexeï Navalny en organisation extrémiste est soutenue par 32% des russes, 27% sont contre, 38% n’ont pas d’opinion, le reste ne sait pas répondre.
Au sein des 18/24 ans : 20% approuvent et 33% désapprouvent, 44% n’ont pas d’opinion.
Au sein des 25/39 ans : 19% approuvent et 32% désapprouvent, 46% n’ont pas d’opinion.
Au sein des 40/54 ans : 32% approuvent et 24% désapprouvent, 39% n’ont pas d’opinion.
Au sein des > 55 ans : 45% approuvent et 23% désapprouvent, 29% n’ont pas d’opinion.
Que peut-on en déduire ?
Les « jeunes », le corps sociologique actif des révolutions de couleurs soit les gens entre 16 et 25 ans sont en Russie peu nombreux ; au sein de segment 59% des sondés désapprouvent l’action d’Alexeï Navalny, on est loin d’une révolution de couleur qui était, selon certains #zanalystes, inévitable en cas de retour d’Alexeï Navalny en Russie 😊 (pour info relire ceci).
Ce n’est pas une surprise pour qui s’intéresse un minimum à l’opinion publique russe.
Si 26% des russes ont vu son film sur le soi-disant palace de Poutine, 77% affirment que cela n’a pas changé leur attitude envers Poutine, 17% seulement pense que le contenu est vrai.
Début 2021, un sondage toujours de Levada montrait que 22% des sondés avaient une opinion positive des manifestations pro-Navalny à Moscou contre 47% d’opinion favorables pour les manifestations de Khabarovsk.
Ce n’est pas propre à Navalny.
En 2018 seulement 3% des russes croyaient par exemple que ce sont leurs services qui avait empoisonné les Skripal, 5% que la DNR ou la Russie était la cause de la chute du MH17 contre 46% qui pensent que la responsabilité est sur le régime Ukrainien.
Les russes croient peu aux scénarios occidentaux sur la Russie et quelque part Navalny ne les mets pas en confiance.
Pourquoi ?
Les manifestations de 2021 si elles sont une sorte de continuité de celles d’il y a 10 ans (2011-2012) ne sont pas animées des mêmes sentiments / émotions. A l’époque, les manifestations de 2011 et la brève tentative de révolution des neiges (mes photos ici) étaient animées par une honnête et naïve croyance que quelque chose allait changer. Les manifestants étaient les premiers surpris du nombre de gens dans la rue, de l’absence totale de répression et ils ont sans doute eu le sentiment que c’était leur heure et le début de quelque chose de confus se matérialisant en premier lieu par « la Russie sans Poutine » tout comme leurs parents juste 20 ans plus tôt étaient descendus dans la rue pour une « Russie sans communisme ».
10 ans plus tard, cette opposition est toujours plus sans leaders, sans relis politiques, sans accès a la gouvernance, et surtout, le visage et symbole qui a émergé de cette séquence est en prison, sans que cela n’intéresse ni ne choque grand monde.
L’humeur n’est plus au changement de régime, mais au découragement et aux manifestations désabusées et sans espoirs.
Le kremlin depuis 10 ans s’est avéré bien plus puissant que prévu et apparait de plus en plus comme une citadelle imprenable pour l’opposition intérieure, une opposition toujours aussi désunie qu’il y a 10 ans, sans programme et sans leaders, et donc structurellement peu a même de proposer une alternative crédible visant à rassembler les masses.
Tout comme la sortie du communisme s’est fait par le Kremlin, la sortie de la Russie de Poutine se fera du Kremlin, mais il n’est pas certain que cela se traduise par une sortie du Poutinisme.