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Oulianovsk, et ensuite ?

L’article original a été publié sur Ria-Novosti
*

 
Dimanche 15 avril 2012 plusieurs attentats ont secoué Kaboul. Les
attaques ont été perpétrées une fois de plus par les Talibans, cette
appellation contrôlée utilisée pour définir les combattants Afghans plus
ou moins liés à la nébuleuse Islamiste d’Al-Qaïda. Les Talibans ont
affirmé que le quartier général des forces de l’OTAN de même que les
ambassades de Grande-Bretagne et d’Allemagne étaient des cibles
prioritaires. La Russie a également été concernée puisque l’ambassade
russe a été visée par des tirs de grenades. Cet incident survient alors
que la Russie est en discussion avancée avec l’Alliance atlantique pour
autoriser la création d’une base logistique de l’ISAF sur le territoire
russe.


Tout d’abord l’Alliance atlantique se trouve dans une relation très instable avec le Pakistan,
mais aussi avec l’Ouzbékistan, qui refusent sur leurs territoires le
transfert de matériel vers l’Afghanistan. On se souvient que la Turquie
lors du début de la guerre en Irak, s’était également révélée être un
allié peu fiable pour l’OTAN, en refusant au dernier moment le passage
de véhicules de l’armée américaine sur le territoire turc. Cette
situation catastrophique fait que l’Alliance atlantique a déposé une
demande pour disposer d’une base de transit en Russie afin de pouvoir
continuer à assurer le ravitaillement de ses troupes en Afghanistan. Le
centre de transit serait localisé à
Oulianovsk, une ville russe située sur la Volga, à 893 km au sud-est de
Moscou. Il s’agirait de dépôts provisoires pour le stockage
l’expédition et la réception de frets non militaires transportés par des
avions civils, pour le compte de la Force internationale d’assistance
et de sécurité (ISAF) en Afghanistan.

Les commentateurs
étrangers qui sont en général prompts à dénoncer l’américanophobie
supposée du premier ministre russe actuel, par exemple lorsque comme
dans son dernier discours devant l’assemblée il a qualifié l’Alliance
atlantique de “vestige de la guerre froide”, n’ont que peu analysé ou
commenté cette nouvelle autorisation russe alors que pourtant la Russie
permet depuis 2009 le transport à travers son territoire de fret destiné
à l’ISAF d’Afghanistan, à condition que ce ne soit pas des armes. Sur
le plan intérieur, cette nouvelle facilité accordée à l’OTAN a provoqué
une réaction de colère du
principal parti d’opposition russe, le parti communiste. Les
communistes russes  craignent en effet que cette base ne serve de plaque
tournante au trafic de drogue en provenance d’Asie centrale et présente
également un danger de livraison clandestine d’armes à des groupes
séparatistes. Tout un symbole, sachant qu’Oulianovsk est également le
lieu de naissance de Vladimir Lénine.

Pourtant ces craintes de
conspirations soulevées par le parti communiste ne semblent que peu
fondées à ce jour. Le contrat  entre la Russie et l’OTAN n’autorise que
le transport de matériel civil, et tout matériel devra être acheminé
fermé et sous scellés. Сomme l’a rappelé avec beaucoup d’humour le
vice ministre russe en charge de la défense: “Le fait que le papier
toilette des soldats américains transite par la Russie ne constitue par
une trahison de nos intérêts nationaux”. De plus, le centre sera soumis à
la loi russe et à la législation douanière russe, alors que s’il
s’agissait d’une base militaire américaine, cela ne serait pas le cas.
Enfin, les négociations sont menées avec le ministère des transports (et
non avec le ministère de la défense).

Les transports seront effectués par des compagnies aériennes russes, probablement les compagnies Волга-Днепр и Полет mais aussi par les chemins de fer russes.
On peut imaginer que la première conséquence de l’installation de ce
centre logistique sera donc la création de nombreux emplois puisque
selon des estimations basses, cette immense réorganisation logistique de
l’ISAF en Eurasie concernera 72.000 véhicules et 125.000 containers. Le
prix de transport d’un container devrait être de 5 à 6.000 dollars et
lors du retrait de l’ISAF théoriquement prévu pour 2014, la quantité de
containers devrait très fortement augmenter. C’est pour cette raison
sans doute que le contrat ne devrait être signé que jusqu’en 2014, date à
laquelle le retrait de l’ISAF d’Afghanistan devrait être effectif.

Une
décision similaire vient également d’être prise par le président
Kirghize qui a indiqué à maintes reprises qu’après l’été 2014, il ne devrait plus
y avoir de contingent militaire de l’Alliance atlantique à l’aéroport
de Manas, mais uniquement des civils. Le pays s’est en revanche dit prêt
à continuer à participer à l’expédition de fret civil
en Afghanistan après 2014. Ces deux décisions coordonnées russes et
kirghize arrivent à un moment crucial, au moment ou le bail de la base
russe de Kant au Kyrgyzstan  devrait être prolongé. Il faut rappeler
que l’aéroport de Kant fait aussi office de base pour l’OSTC, une
organisation de sécurité et de coopération à vocation politico-militaire
qui regroupe à ce jour l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le
Kirghizstan, l’Ouzbékistan, la Russie et le Tadjikistan. Pour l’OSTC,
la sécurité de cette région va devenir un point essentiel, surtout
après le départ de l’ISAF d’Afghanistan. Pour le secrétaire national de
l’OSTC Nikolaï Bordiouja: “Le retrait envisagé de la Force
internationale d’assistance à la sécurité ne tardera pas à aggraver la
situation. Les structures radicales et nationalistes intensifieront
leurs activités visant à encourager les tendances contestataires et à
accentuer les contradictions inter ethniques et inter confessionnelles
dans les pays membres de l’OTSC”.

Pour l’analyste Andrei Tsiganok:
“Laisser les américains utiliser Oulianovsk devrait permettre à la
Russie de discuter plus fermement sur d’autres sujets, comme le point
essentiel du bouclier anti-missiles”. En outre “cela fait 10 ans qu’ils
(les américains) protègent indirectement la Russie des Talibans”. On
peut en effet se poser la question de savoir ce qui se passera lorsque
l’Afghanistan dans moins de 18 mois sera livré à lui-même. Sur quels
fronts iront combattre les milliers de Moudjahidines aguerris par 10 ans
d’affrontements, lorsque plus un soldat étranger ne sera présent sur le
sol Afghan? En décembre 2011, les membres de l’OTSC ont adopté un plan
d’action appelé à contrer les menaces nouvelles, en prévoyant la
création de ceintures de sécurité autour de l’Afghanistan. Comme l’a
parfaitement résumé Innokenti Adiassov:
“Il serait absurde de continuer à voir  l’Otan à travers le prisme
idéologique soviétique. Mais il serait naïf de s’imaginer l’Alliance
comme un club inoffensif qui remplit des fonctions exclusivement
pacifiques. Il est évident que la coopération entre la Russie et l’Otan
n’est possible que dans la mesure où elle ne contredit pas les intérêts
nationaux russes, y compris les intérêts de la Russie dans l’espace
postsoviétique”.

Si la Russie peut donc finalement en arriver à
souhaiter provisoirement le maintien de la présence américaine en
Afghanistan, ce pays n’est pour autant qu’une pièce du grand jeu qui se
déroule en Eurasie, un grand jeu qui inclut d’autres pièces essentielles
parmi lesquelles: l’Iran ou encore le bouclier anti-missiles.

Système antimissile : une polémique à l’origine d’un nouvel axe politique?

Je me permets de reproduire la très fine analyse d’Emmanuel Archer concernant le systeme antimissile, parue sur realpolitik.tv
Du
discours de Munich en 2007 à l’article pour le Moskovskie Novosti en 2012: Un
retour à la case départ !
L’idée de coopération entre la Russie et l’Otan sur la création
du bouclier antimissile en Europe a été posée sur la table des négociations de
Lisbonne, lors du sommet Russie-Otan en novembre 2010. Lors de ce sommet,
auquel participait le président russe Dimitri Medvedev, Moscou avait accepté de
collaborer au projet avec l’Alliance Atlantique. De nombreux observateurs
avaient parlé du résultat positif de la rencontre. Les relations entre Medvedev
et Obama avaient alors été qualifiées de « cordiales » par le président russe,
et le premier ministre italien Berlusconi s’était même risqué à jouer la carte
de l’optimisme, en annonçant « un grand pas en avant mettant définitivement un
terme à la guerre froide ». Les craintes dénoncées lors de la conférence sur la
sécurité à Munich en 2007, par le président Poutine semblaient n’être qu’un
mauvais souvenir. Et les signes encourageants d’un nouveau départ entre Moscou
et les États-Unis, envoyés lors de la signature du traité sur les armes
stratégiques (START-3) quelques mois auparavant, semblaient se confirmer.
L’heure était à la détente et au réchauffement diplomatique.
Et pourtant, en février 2012, dans son article pour le quotidien
Moskovskie Novosti consacré à sa politique étrangère, le candidat Poutine
réitère les critiques de 2007. Il y dénonce à nouveau l’attitude de l’Otan, des
États-Unis ainsi que l’architecture du bouclier antimissile en Europe. Ces propos qui rappellent étrangement ceux tenus quelques années
auparavant lors de son discours musclé de Munich, marquent l’échec des
négociations entre la Russie et le Bloc Américaniste Occidentaliste (BAO) sur
les principaux points de sécurité internationale.

Les
raisons d’un échec
Rappelons d’abord que quelques mois après les attentats du 11 septembre
2001, le président Bush s’était retiré de façon unilatérale du traité ABM de
1972 ; traité qui interdisait dans ses statuts aussi bien le déploiement du
système global anti-missile, que le déploiement des systèmes ABM en dehors des
frontières du pays signataire.
Libérée des
différentes contraintes juridiques, l’administration américaine s’est alors
employée à développer des partenariats stratégiques avec un certain nombre de
pays européens, de façon à obtenir des accords visant à implanter des systèmes
ABM sur leurs sols. Des discussions sous forme de négociations sont toujours en
cours avec la Bulgarie, la République Tchèque, la Lituanie et même la Géorgie.
Des accords ont en revanche déjà été trouvés en 2011 avec la Turquie – qui
possède un radar couvrant une partie de l’espace russe – la Pologne (2008), et
la Roumanie (2011)- qui devrait accueillir un radar couvrant le territoire
russe jusqu’en Oural.
Pourtant, dès le début des négociations, la Russie avait été
très claire. La coopération sera pleine et entière ou elle ne sera pas.
Aussi le Kremlin avait-il milité pour l’installation d’un seul
système, intégrant les dispositifs des deux parties, Russie et Otan. Cette
proposition avait l’avantage, malgré le désengagement des États-Unis sur le traité
ABM de 1972, de conserver un statu quo et ainsi garantir un bon équilibre
stratégique et géopolitique entre les puissances.
L’Otan,
seule force décisionnelle en la matière n’ayant alors pas jugé bon de prendre
en considération les demandes répétées du Kremlin, l’ex-président Dimitri
Medvedev mit en garde les États-Unis et l’Alliance Atlantique, sur les mesures
de rétorsion qu’il pourrait mettre en œuvre si de tels agissements persistaient
: déploiement de missiles de type Iskander dans la région de Kaliningrad qui,
rappelons le, vient de mettre en service un radar capable de contrôler jusqu’à
500 cibles dans un rayon de 6000 km (soit l’ensemble de l’Europe et de
l’Atlantique) ; mise en place dans le sud et l’ouest du pays, de systèmes
offensifs modernes capables de détruire les installations du bouclier antimissile ; abandon, si nécessaire, du traité russo-américain de désarmement
nucléaire, START, entré en vigueur en février 2011 et considéré comme le
symbole du réchauffement des relations entre les deux pays.
Si un tel scénario devait se produire, nous assisterions alors à
une rupture de l’équilibre fragile des forces dans le domaine nucléaire : la
parité stratégique en serait modifiée et l’équilibre militaire et politique
s’en trouverait ébranlé.
Pourquoi
l’actuel développement du système ABM ne sera jamais accepté par la Russie ?
L’argument majeur avancé par les États-Unis pour justifier
l’implantation du bouclier antimissile en Europe, consiste à répéter que cette
installation est nécessaire pour assurer la protection des populations contre
les menaces balistiques des pays qualifiés selon leurs critères de « voyous »,
notamment l’Iran. Vis à vis de la Russie, le caractère uniquement défensif du
bouclier revient comme un leitmotiv pour apaiser Moscou, qui selon l’Otan n’a
rien à craindre d’un « ennemi imaginaire ».
Malgré cela, en février 2012, Poutine alors encore premier
ministre déclarait « le bouclier antimissile américain qui est en train d’être
déployé en Europe, vise la Russie ». Le maintien de la position russe sur le
dossier s’explique pour les raisons suivantes :
       
– Un bouclier antimissile même défensif, procure, comme tout
bouclier un avantage certain sur l’adversaire qui en serait dépourvu.
Lapalissade ? peut-être. Mais il est utile de rappeler que celui qui a l’arme
et le bouclier est maître d’un jeu dont il peut déclencher le signal à sa
convenance, face à celui qui n’a que l’arme. Le système offensif/défensif
contre le système défensif seul, entraîne un déséquilibre évident dans le rapport
des forces.
       
 
       
– La grille de lecture des États-Unis en ce qui concerne le
ciblage des menaces potentielles ne saurait être un argument recevable pour les
Russes qui ne prennent au sérieux ni la raison invoquée, ni la menace
balistique iranienne. Tout d’abord parce que la Russie a proposé à plusieurs
reprises une alternative plus efficace consistant au déploiement de missiles
intercepteurs à proximité immédiate des frontières de l’Iran, en Turquie, au
Koweït, ou même encore en Irak. Propositions restées lettres mortes. Ensuite
parce que la Russie ne partage pas les craintes des États-Unis concernant la
politique extérieure iranienne. Enfin, parce que nombre de spécialistes
s’accordent à dire que l’Iran ne possède ni la technologie ni le potentiel
industriel permettant de concevoir et de fabriquer des missiles
intercontinentaux capables de parcourir les quelques 10000 Km qui les séparent
des États-Unis.
       
– La confiance que la Russie accorde aux États-Unis et à l’Otan
est aujourd’hui sapée par de lourds antécédents. La Russie n’a toujours pas
oublié que, contrairement aux promesses faites en 1989 à Gorbatchev, l’Otan a
continué de s’étendre vers l’Europe de l’est et notamment vers les pays du
Pacte de Varsovie. Elle n’a pas apprécié non plus le retrait unilatéral du
traité ABM par les États-Unis en 2002. Plus récemment, elle n’a pas digéré les
libertés que l’Otan a pu prendre en Libye pour renverser le gouvernement en
place. Enfin, la Russie reste méfiante sur la politique étrangère du BAO, à qui
elle reproche une attitude générale belliciste et d’ingérence.
       
– Les nombreuses tergiversations et revirements concernant les
négociations avec les pays comme la Pologne ou la République tchèque sur
l’adoption du bouclier antimissile ne sont pas de nature à rassurer la Russie.
De même que le refus de l’administration américaine de fournir des garanties
juridiques attestant que le système déployé ne sera pas dirigé contre les
forces de dissuasions russes, inquiète le Kremlin.
Pour toutes ces raisons, la Russie considère que l’implantation
du bouclier antimissile en Europe est une tentative de prendre un avantage
stratégique structurel décisif sur la Russie au profit de la puissance
américaine.
Vers
un nouvel axe politique : sino-russo-iranien
Les relations entre la Russie, la Chine et l’Iran ne datent pas
d’hier. En revanche les récents rapprochements entre la Russie et les deux
pays, Chine et Iran, sont liés aux rapports de force qui ont animé les
relations entre le Kremlin et la Maison Blanche au moment de la chute de
l’URSS.
Relations
Russo-Chinoises
A la chute du mur de Berlin, avec l’expansion de l’Otan vers
l’est, la Russie a vu sa zone d’influence géopolitique diminuer d‘autant. Afin
de contrer cet encerclement stratégique, la Russie finit par se tourner vers la
Chine, inquiète elle aussi de son isolement croissant sur la scène
internationale. En 2001, les deux pays mettent en place l’Organisation de
coopération de Shanghai. La même année, la Russie et la Chine signent le traité
de bon voisinage, d’amitié et de coopération, dont l’article 12 stipule que la
Chine et la Russie respecteront « les accords fondamentaux relatifs à la
sauvegarde et au maintien de la stabilité stratégique ». Cet article est
symboliquement important. Il est à la fois un signe fort envoyé aux États-Unis
et à l’Otan, et un marqueur de séparation entre deux blocs.
Relations
Russo-Iraniennes
Au moment de l’implosion de l’URSS en 1991, la Russie se
retrouve dans une situation de fragilité économique importante. La survie de
celle-ci dépend en partie de la santé de son complexe militaro-industriel qui
tient traditionnellement une place économiquement importante aussi bien dans
l’ex-URSS que dans la Russie d’aujourd’hui. C’est ainsi que la Russie va se
tourner vers l’Iran, qui deviendra l’un de ses trois plus grands marchés
extérieurs avec l’Inde et la Chine. Les relations bilatérales vont se renforcer
petit à petit avec la mise en place, en 1995, d’une coopération nucléaire et la
signature d’un partenariat pour la construction de la centrale nucléaire de
Bouchehr. En 2001, Poutine signe également avec son homologue iranien un «
pacte de coopération civile et militaire». Au-delà de ces relations économiques
et énergétiques, l’Iran est aussi l’un des membres observateurs de l’OSC, lui
conférant de facto une position au moins diplomatique dans cette organisation.
D’une relation
trilatérale conjoncturelle à la création d’un axe structurel
Les relations trilatérales entre la Russie, la Chine et l’Iran
étaient surtout d’ordre diplomatique, économique, énergétique et elles étaient
motivées, au moins dans leur démarrage, par des causes circonstancielles. Mais
en réaction au durcissement de la stratégie européenne et eurasiatique des
États-Unis et de l’Otan, les relations trilatérales de ces trois pays sont en
passe de rentrer dans une phase d’alliance objective.
Tout d’abord parce que la Chine, la Russie et l’Iran ont
aujourd’hui bien conscience de la volonté du bloc BAO d’instaurer un nouvel
ordre mondial (ou monde unipolaire), en totale opposition avec leurs intérêts
propres et leur conception multipolaire du monde. Cette conscience maintes fois
exprimée aux travers des discours de Vladimir Poutine peut se résumer dans
cette phrase tenue devant les étudiants de l’université polytechnique de Tomsk lors
de sa campagne présidentielle « ils (ndlr : les Américains) veulent tout
contrôler (…). J’ai parfois l’impression que les États-Unis n’ont pas besoin
d’alliés mais de vassaux, et qu’ils préfèrent la domination à un partenariat
d’égal à égal ».

 Ensuite parce que le double veto sino-russe dans le dossier
syrien a rapproché les deux pays non seulement pour des raisons intrinsèques
(accord sur la stratégie à suivre et succès diplomatique commun) mais aussi
pour des raisons extrinsèques (schéma particulier du « Seuls contre tous »).
Les succès dans ce dossier renforcent évidemment la position de l’Iran qui n’a
jamais caché son soutien au gouvernement syrien en place.
L’implantation du bouclier antimissile en Europe est perçue par
ces trois pays comme un danger mortel : l’Iran, parce qu’il craint que ce
bouclier défensif ne puisse se transformer en un bouclier offensif pour une
future attaque contre son territoire. La Russie par sa crainte de voir son
potentiel stratégique neutralisé et donc son influence sur la scène
internationale diminuer. Et enfin la Chine, qui craint avec l’affaiblissement
de ses principaux alliés, de se retrouver dans une situation d’isolement à la
fois économique et stratégique.
Ainsi, l’implantation du système ABM, pourrait
devenir, au-delà du rapport de force militaire et stratégique entre nations, le
symbole d’une ligne de démarcation, voire même de fracture entre deux
conceptions du monde qui s’affrontent aujourd’hui sur la scène internationale.
D’un côté celle des américains soutenue par l’Alliance Atlantique, perçue par
de plus en plus de pays, comme interventionniste et unipolaire. Et d’un autre
côté, celle des pays comme la Russie, la Chine ou encore l’Iran, favorable à un
monde multipolaire et à un équilibre des forces.
Emmanuel
Archer

Триполи-Дамаск… Париж?

Оригинальная статья была опубликована в РИА Новости
*
Ровно год назад, за 48 часов до начала бомбардировок в Ливии, я написал статью под названием «Ставки в битве за Триполи».
В основном, в тексте поднимался вопрос о мотивах западного наступления в Ливии, но также о потенциальных последствиях как для страны, так и для стабильности в регионе. В статье я цитировал специалиста по геополитике Евгения Сатановского, который советовал России не вмешиваться во внутренние дела Ливии, а посвятить средства и энергию собственному развитию. Кажется, что он был услышан президентом Медведевым, который открыл, вероятно, непреднамеренно, дорогу западной военной интервенции в
Ливии. Известно, что произошло, после семи месяцев бомбардировок режим Муаммара Каддафи пал, сам Каддафи был убит, попав в плен к ливийскому Национальному совету, коалиционной структуре своих противников. Спустя год действительность далека от того, о чем мечтали западные демократии.Ситуация в Ливии не стала спокойнее, а свержение ливийского режима подобным способом создало, вероятно, больше проблем, чем разрешило. В Ливии шариат становится основным законом, а восток страны близок к отделению. Крупные города по-прежнему являются местом спорадических столкновений между сторонниками старого режима и ополченцев новой власти. Отвратительное видео унижаемых «черных» рабочих (ливийцев или иностранцев, выходцев из Африки) обошло всю планету.Время проходит, а риторика освобождения и демократизации продолжается.

Сегодня под огнем западных СМИ оказалась Сирия, в то время как каждый задается вопросом, не становится ли западная военная интервенция, по образцу Ливии, все более вероятной. Однако существует что-то необыкновенно разрушительное и порочное в том, что сейчас происходит во имя демократии, и что некоторые называют «арабской весной». До сих пор ударная волна, поразившая арабские страны и приведшая к свержению власти, принимает две совершенно различные формы.

Первый вариант проявляется без убийственного насилия, а принимает форму митингов и восстаний, как это было в Тунисе или Египте. Вполне логично, что выборы, ставшие результатом этих событий, привели к захвату власти религиозными партиями, народы четко показали, что больше доверяют своим священнослужителям, чем авторитарным и коррумпированным политикам. В чем
тогда состоит интерес Запада (если таковой имеется) по провоцированию установления исламских режимов?

Второй вариант этих восстаний менее мирный, противники режима выбирали вооруженную борьбу, при поддержке (моральной, в СМИ и логистической) Запада. Тот факт, что в ряды сирийских повстанцев проникли радикальные исламистские боевики-алафисты, даже близкие к аль-Каиде, как и те, что сражались в Ливии, игнорируется. Тот факт, что оружие поставлялось по различным каналам тем же радикальным боевикам, с очевидными возникающими рисками, как ни удивительно, не попал на первые полосы западного
медиа-мейнстрима.

Есть и другой важный аспект этих событий в арабском мире, скрытый. Страны, затронутые (ставшие целью?) этим свержением власти, сейчас являются государствами, не присоединившимися к шиитскому мусульманскому миру. Что это означает? Западные демократии образуют блок с «лигой арабских государств» (контролируемой Саудовской Аравией и Катаром, двумя ваххабитскими государствами) против таких стран, как Сирия или Иран. Поступая подобным образом, западные страны вносят непосредственный вклад в распространение более радикального ислама и способствуют (возможно, намеренно?) межрелигиозному конфликту между суннитами и шиитами, конфликту, который постепенно развивается. Странно, что когда, к примеру, в Бахрейне мирные демонстрации шиитов жестко подавлялись с помощью саудовской армии, это не вызвало протестов на Западе. Можно только удивляться подобной системе двойных стандартов.

Когда в 2011 году началась война против радикального ислама и аль-Каиды, в Афганистане и Ираке были начаты крупные военные операции. Талибы были временно изгнаны из власти (они понемногу возвращаются), а Ирак стал эпицентром конфликта между суннитами и шиитами, хотя никакого оружия массового уничтожения в этой стране найдено не было. 11 сентября 2001 года вовсе не иранцы, сирийцы и ливийцы содействовали убийству 3.000 граждан США. Из 19 террористов пятнадцать были саудитами и двое
выходцами из Эмиратов. Ранее я говорил о Саудовской Аравии и Катаре, и если связи между этими двумя странами и США хорошо известны, то связи Франции с Саудовской Аравией известны в меньшей степени, хотя «гексагон» является ведущим евр пейским поставщиком оружия в Саудовское королевство. Что же касается Катара, газета «L’Expansion» недавно писала о значительных инвестициях этой страны в статье «Как Катар скупает Францию». В статье, в частности, отмечались инвестиции, сделанные во французские пригороды, для содействия «культурному и религиозному разнообразию путем поддержки малого бизнеса в бедных
мусульманских кварталах», через созданный в конце 2011 года инвестиционный фонд. Есть ли связь с этой первой и удивительной встречей в Баньоле в октябре 2011 года, которая призывала к арабской весне во Франции?

Поэтому трудно определить цель вмешательства Франции и ее западных союзников в арабо-мусульманский мир. Проекты по демократизации в Тунисе, Египте и Ливии не принесли ожидаемых результатов, оккупация Афганистана и Ирака ― тоже. В Ираке военное вмешательство позволило шиитскому блоку прийти к власти, но западная коалиция в настоящее время поддерживает
суннитов в Сирии, при поддержке Саудовской Аравии и Катара. Кроме того, в настоящее время в регионе существует серьезная угроза межрелигиозных столкновений мусульман, а все эти революции, похоже, способствуют проникновению некоторых террористических движений.

Убийства в Тулузе и в Монтабане должны стать как для Франции, так и для ряда западных государств предупреждением в их внешней и внутренней политике. Вместо того чтобы мечтать о демократической весне в России, западные стратеги до жны бы тщательно изучить умелые действия российской дипломатии на Ближнем Востоке, а также функционирование российской мультикультурной модели.

Перевод :Уголин (Ursa-Tm)

Tripoli-Damas…Paris?

L’article original a été publié sur Ria-Novosti
*
Il y a tout juste un an, seulement 48 heures avant le début des bombardements en Libye, j’écrivais un article intitulé “les enjeux de la bataille pour Tripoli”.
En substance le texte soulevait la question des motivations de
l’offensive occidentale en Libye mais aussi de ses conséquences
potentielles, tant pour le pays que pour la stabilité dans la région.
L’article citait le spécialiste en géop
olitique Evgueny Satanovski qui
conseillait à la Russie de ne surtout pas s’ingérer dans les affaires
intérieures de la Lybie, mais plutôt de consacrer tant ses ressources
que son énergie au développement de la Russie. Il semblerait que
celui-ci ait été entendu par le président Medvedev, qui ouvrit sans
doute involontairement la porte à l’intervention militaire occidentale
en Libye. On sait ce qu’il advint, après 7 mois de bombardements, le
régime de Mouammar Kadhafi détruit et ce dernier assassiné, après avoir
été capturé par le Conseil National Libyen, la structure de coalition de
ses opposants. Un an plus tard, on est loin des rêves de démocratie de
la coalition occidentale.

La situation en Libye n’est pas apaisée, loin
de là, et le renversement du régime libyen par cette méthode a
probablement créé plus de problèmes qu’il n’en a résolus. La Libye
devrait voir la Charia devenir sa loi fondamentale et l’Est du pays est
en état de quasi sécession. Les grandes villes sont toujours le théâtre
d’affrontements sporadiques entre partisans de l’ancien régime, et
diverses milices du nouveau pouvoir. Les vidéos répugnantes de
travailleurs « noirs » (libyens ou étrangers originaires d’Afrique) martyrisés ont en outre fait le tour de la planète.

Le temps passe, et la rhétorique de la libération et de la
démocratisation continue. Aujourd’hui c’est la Syrie qui est sous le feu
médiatique occidental, alors que chacun se demande si une intervention
militaire occidentale n’est pas de plus en plus probable, sur le modèle
libyen. Pourtant il y a, au nom de la démocratie, quelque chose
d’extraordinairement subversif et pervers dans ce qui se passe
actuellement et que certains qualifient encore de Printemps Arabe.
Jusqu’à maintenant, l’onde de choc qui frappe les pays arabes et aboutit
à des renversements de pouvoir prend deux formes bien différentes.
La première variante se manifeste sans trop de violences meurtrières,
et prend la forme de rassemblements et de soulèvements populaires comme
cela fut le cas en Tunisie ou en Égypte. Très logiquement, les
échéances électorales qui ont découlé de ces manifestations ont vu la
prise de pouvoir des partis religieux, les peuples montrant ainsi
clairement qu’ils ont plus confiance dans leur clergé que dans des
hommes politiques corrompus et autoritaires. Quel est donc l’intérêt des
occidentaux (s’il y en a un) à provoquer la mise en place de régimes
islamistes?
La seconde variante de ces soulèvements est moins pacifique, les
opposants au régime choisissant la lutte armée, avec le soutien (moral,
médiatique et logistique) des occidentaux. Le fait que les rebelles
syriens soient infiltrés par des combattants islamistes radicaux
salafistes, voire proches d’Al-Qaïda comme ceux qui ont combattu en
Libye est passé sous silence. Le fait que des armes soient livrées par
divers canaux à ces mêmes combattants radicaux, avec les risques
évidents engendrés, ne fait curieusement pas la une du
mainstream-médiatique occidental.
Il y a un autre aspect important de ces événements dans le monde
arabe qui est occulté. Les états concernés (visés?) par ces
renversements de pouvoir sont maintenant des états non alignés du monde
musulman chiite. Qu’est ce que cela veut dire? Les démocraties
occidentales font bloc avec la “ligue arabe” (sous contrôle de l’Arabie
Saoudite et du Qatar, les deux seuls états wahhabites) contre des états
comme la Syrie ou l’Iran. Ce faisant, les états occidentaux contribuent
directement à l’extension de l’islamisme le plus radical et ils
encouragent par ailleurs (peut être volontairement ?), un conflit inter
religieux entre musulmans Sunnites et Chiites, conflit qui se développe
lentement. Très curieusement lorsque des manifestations de civils
Chiites ont eu lieu, par exemple à Bahreïn, et ont été violemment
réprimées avec l’aide de l’armée saoudienne, cela n’a pas entrainé de
protestations en occident. On ne peut qu’être surpris par un tel système
à deux poids et deux mesures.
Lorsque la guerre contre l’Islamisme radical et contre Al-Qaïda a été
déclenchée en 2001, des opérations militaires de grande envergure ont
été lancées en Afghanistan et en Irak. Les Talibans ont été
provisoirement chassés du pouvoir (ils y reviennent peu à peu) et l’Irak
est devenu l’épicentre du conflit Sunnite-Chiite alors même qu’aucune
arme de destruction massive n’a été découverte dans ce pays. Le 11
septembre 2001, ce ne sont pourtant pas des iraniens, des syriens ou des
libyens qui ont contribué à tuer 3.000 citoyens américains. Sur les 19
terroristes impliqués, 15 étaient saoudiens et 2 émiratis. Je parlais
plus haut de l’Arabie Saoudite et du Qatar, et si les liens entre ces
deux pays et les États-Unis sont bien connus de tous, ceux de la France
avec l’Arabie Saoudite le sont moins, l’hexagone étant pourtant le principal fournisseur
européen d’armes du royaume Saoudien. Quand au Qatar, le journal
“l’expansion” décrivait récemment les très forts investissements de ce
pays en France sous le titre: “le Qatar rachète la France“.
L’article mentionnait notamment les investissements faits dans les
banlieues françaises, pour y promouvoir “la diversité culturelle et
religieuse via le soutien aux petites entreprises des quartiers
défavorisés musulmans” via un fonds d’investissement créé fin 2011. Y a
t-il un lien avec cette première et étonnante rencontre à Bagnolet au mois d’octobre 2011 et qui appelait à un printemps arabe en France?
Il est donc difficile de décrypter le but des ingérences de la France
et de ses alliés occidentaux dans le monde arabo musulman. Les projets
de démocratisation en Tunisie, en Egypte et en Lybie n’ont pas donné les
résultats attendus, l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak non
plus. En Irak, l’intervention militaire a permis au bloc chiite de venir
au pouvoir, mais la coalition occidentale fait maintenant le jeu des
sunnites en Syrie, avec l’appui de l’Arabie Saoudite et du Qatar. De
plus, il y a maintenant une menace sérieuse d’affrontements inter
religieux entre musulmans dans la région, et toutes ces révolutions
paraissent avoir favorisé l’implantation de certains mouvements
terroristes.
Les assassinats de Toulouse et de Montauban devraient apparaître pour
la France tout comme pour un certain nombre d’états occidentaux comme
un avertissement quand à leurs politiques extérieures, mais aussi
intérieures. Au lieu de rêver à une révolution du genre printemps
démocratique en Russie, les stratèges occidentaux devraient peut être
examiner avec soin les positions intelligentes de la diplomatie russe au
moyen orient, ainsi que le fonctionnement du modèle multiculturel russe.

К новой перестройке

Оригинальная статья была опубликована в РИА Новости
*
Множество негативных и, несомненно, неуместных комментариев сопровождали президентские выборы в России. Хотя больше не говорят о фальсификациях, ни какой-либо нелигитимности будущего обитателя Кремля, медийный мейнстим вновь подчеркивает возможность того, что российская власть начнет закручивать гайки, или же полного отстранения Дмитрия Медведева,
который якобы покинет политическую жизнь из-за возвращения во власть Владимира Путина.
 

Теория раскола между ними, была, как мы помним, основой для аналитики многочисленных зарубежных комментаторов перед президентскими выборами. Идея, которую развивали эти комментаторы, была следующей: два лидера являются полной противоположностью друг другу, Дмитрий Медведев представляет Россию, развернутую в сторону модернизации и Запада (под
кото
рыми понимаются демократия, права человека и, особенно, борьбе с коррупцией, созданной государственным капитализмом под контролем силовых структур), тогда как Владимир Путин представляет Россию архаичную, авторитарную и закрытую, старую окостеневшую систему, которую контролируют органы безопасности.

Однако последние события показывают, что раскол между ними далек от того, чтобы быть реальностью. Без неожиданности и в соответствии с тем, что планировалось, и о чем было объявлено, новый российский президент назвал Дмитрия Медведева своим будущим премьер-министром.

Эта теория раскола была широко распространена и в России перед президентскими выборами, поскольку ряд видных российских политиков открыто высказывались за кандидатуру Дмитрия Медведева и, следовательно, косвенно против кандидатуры Владимира Путина. Дмитрий Медведев продемонстрировал безупречную надежность, не слушая сирен и оставаясь равнодушным к призывам части либеральной интеллигенции, которая надеялись использовать его в качестве плацдарма для маневра против
«путинской системы», системы, которая, по мнению этой интеллигенции, блокирует демократические надежды  осткоммунистической России. Однако, даже если айфонщики, которые в последние месяцы устраивали демонстрации, этого и не признают, президентом Медведевым в декабре 2011 года были предложены семь важнейших преобразований, которые странным образом остались незамеченными медийным мейнстримом.

― Возвращение к прямым выборам губернаторов.

― Изменение системы подписей, необходимой для регистрации партий в парламенте.

― Облегчение процесса создания политических партий (в настоящее время необходимо 500 подписей против 45.000 ранее).

― Укрепление пропорционального представительства малых партий на парламентских выборах (те, кто получают менее 5% и до настоящего времени не были представлены).

― Снижение числа подписей, необходимых для регистрации кандидата на пост президента (теперь 300.000 вместо 2.000.000 для кандидатов от партий, представленных в Думе, и 100.000 для кандидатов от партий, не представленных в Думе).

― Увеличение представительства оппозиционных партий в избирательных комиссиях для обеспечения проведения честных выборов и подсчета голосов.

― Усиление децентрализации федеральных органов, то есть с федерального уровня регионального, муниципального и местного уровня.

Очевидно, что эта политическая повестка дня была подготовлена задолго до президентских выборов, и, кажется очевидным, что вовсе не в контексте состязательности между двумя лидерами. Напротив, эти реформы, о которых объявил президент Дмитрий Медведев, несомненно, имеют полную поддержку со стороны Владимира Путина. Это позволяет предположить, что Россия вступает в новый период, который можно назвать «новой перестройкой». Но вполне вероятно, что в отличие от «перестройки-катастрофы» Михаила
Горбачева, приведшей страну к анархии, эта возможная «новая перестройка» является перестройкой тщательно подготовленной и контролируемой. Как заявил депутат Сергей Марков на Рен-ТВ 11 декабря, «модернизация продолжится, шаг за шагом». Эта модернизация, предложенная президентом Медведевым с момента его прихода к власти в 2008 году, станет одним из
основных элементов развития сегодняшней и завтрашней России.

По мнению политолога Александра Рара, «Владимир Путин, очевидно, готов дать будущему правительству Медведев
карт-бланш для продолжения радикальных реформ». Послание ясно: «Тандем по-прежнему существует, и вероятно Дмитрий Медведев является политическим лидером нового поколения россиян».

Очевидно, что меры по реформированию жизни политических партий, предложенные Дмитрием Медведевым, полностью поддерживаются Владимиром Путиным, а тандем никогда не был настолько сплочен. Эта «новая перестройка» совершенно совпадает с тоном, который задан новому президентскому сроку Владимира Путина (2012-2018). Его пресс-секретарь, действительно, недавно сказал,
что «новый Путин (…) прекрасно знает, куда идет и что должен делать», но если «первый и второй сроки представляли собой соответственно реанимацию и восстановление России, то третий срок Владимира Путина будет направлен на физическое и духовное развитие страны, ее экономики и всех других областей».

Вопреки некоторым прогнозам, эта мягкая либерализация и политическая открытость станут следующей главой реконструкции России, после восстановления авторитета государства и возрождения экономики.

 
Перевод : Уголин (Ursa-Tm)

Vers une nouvelle perestroïka

Русскую версию можно прочитать здесь
*
Beaucoup de commentaires négatifs et sans doute inappropriés ont accompagné l’élection présidentielle en Russie. Bien que l’on ne parle plus beaucoup de fraudes, ni d’une quelconque illégitimité du futur locataire du Kremlin, le main-stream médiatique a de nouveau remis en avant la possibilité d’un pouvoir russe qui serrerait la vis ou encore d’une éviction totale de Dimitri Medvedev qui quitterait la vie politique, à cause du retour au pouvoir de Vladimir Poutine. La théorie de la rupture entre les deux hommes avait, on s’en souvient, constitué l’une des principales bases d’analyse de nombre de commentateurs étrangers en vue de la présidentielle. L’idée développée par ces commentateurs était la suivante: Les deux hommes sont fondamentalement opposés, Dimitri Medvedev représenterait une Russie tournée vers la modernisation et l’ouest (comprenez vers la démocratie, les droits de l’homme et surtout la lutte contre la corruption crée par le capitalisme d’état sous contrôle des organes de sécurité) pendant que Vladimir Poutine représenterait une Russie archaïque et autoritaire, fermée et gangrenée par un vieux système sclérosé sous contrôle des organes de sécurité.Pourtant les récents événements montrent que la rupture entre les deux hommes est à ce jour loin d’être une réalité.
Sans surprise, et conformément a ce qui avait été prévu et annoncé, le nouveau président russe a nommé Dimitri Medvedev comme étant son futur premier ministre.

Cette théorie de la rupture s’était aussi propagée en Russie avant l’élection présidentielle, puisqu’un certain nombre de personnalités du monde politique russe avaient ouvertement pris position pour la candidature de Dimitri Medvedev, et donc indirectement contre la candidature de Vladimir Poutine. Dimitri Medvedev a donc fait preuve d’une solidité sans faille, n’écoutant pas les sirènes et restant indifférent aux appels du pied d’une certaine intelligentsia libérale qui aurait souhaité l’utiliser comme tête de pont dans une manœuvre contre le “système Poutine”, système qui selon cette intelligentsia bloque les espoirs démocratiques de la Russie postcommuniste. Pourtant, même si les Iphonchiki (fans d’Iphones) qui ont défilé durant ces derniers mois ne le reconnaissent pas, sept réformes majeures ont été proposées en décembre 2011 par le président Medvedev, et qui curieusement ont été passée sous silence par le Main-Stream médiatique.

–    Le  retour aux élections directes pour les gouverneurs régionaux.

–    La modification du système signatures nécessaires pour que les partis puissent s’enregistrer au parlement.

– L’allègement de la procédure de création des partis politiques (500 signatures désormais nécessaires contre 45.000 aujourd’hui).

– Le renforcement de la proportionnelle aux élections législatives pour améliorer la représentativité des petits partis. (ceux qui obtiennent moins de 5% et n’étaient jusqu’alors pas représentés).

– L’abaissement du nombre de signatures nécessaires pour qu’un candidat s’enregistre à l’élection présidentielle. (300.000 au lieu de 2.000.000 jusqu’à maintenant pour les candidats de partis représentés à la Douma, et 100.000 pour les candidats de partis non représentés à la Douma).

– L’augmentation de la représentation des partis d’opposition au sein des commissions électorales, pour assurer un vote et des décomptes justes.

– L’accentuation de la décentralisation des organismes fédéraux, c’est-à-dire du niveau fédéral vers les échelons régionaux, municipaux et locaux.

Manifestement, cet agenda politique avait été préparé bien avant l’élection présidentielle, et il parait clair que ce n’était pas dans un contexte conflictuel entre les deux hommes. Au contraire, ces réformes annoncées  par Dimitri Medvedev ont sans aucun doute eu le soutien total de Vladimir Poutine. Elles laissent penser que la Russie pourrait entrer dans une nouvelle période, que l’on pourrait qualifier de “nouvelle perestroïka”. Mais il est probable qu’à la différence de la “perestroïka naufrage” de Michael Gorbatchev qui avait amené le pays à l’anarchie, cette potentielle “nouvelle perestroïka” sera sans doute une perestroïka méticuleusement préparée et développée, sous contrôle.
Comme l’avait annoncé le député Sergei Markov sur Ren-Tv le 11 décembre dernier, “la modernisation continuera sa route, pas par pas”. Cette modernisation mise en avant par le président Medvedev dès son arrivée au pouvoir en 2008 sera donc sans doute visiblement l’un des éléments essentiels du développement de la Russie d’aujourd’hui, et de demain. Pour l’analyste Alexandre Rahr,
“Vladimir Poutine est visiblement prêt a donner carte blanche a un futur gouvernement Medvedev, pour poursuivre des reformes radicales”. Le message serait clair: “le tandem existe toujours, et Dimitri Medvedev est plausiblement un leader politique de la génération russe suivante”.

On voit donc bien que les mesures proposées par Dimitri Medvedev, dans le but de réformer la vie des partis politiques, ont le soutien entier de Vladimir Poutine et que le tandem n’a jamais été aussi soudé. Cette “nouvelle perestroïka” coïncide du reste parfaitement avec le ton qui a été donné au futur mandat de Vladimir Poutine, (2012-2018). Son porte parole a en effet récemment indiqué
que: “Le nouveau Poutine (…) sait parfaitement où il va et ce qu’il devra faire”, mais également que si “le premier et le deuxième mandat représentaient respectivement la réanimation et la restauration de la Russie, le troisième mandat de Vladimir Poutine serait celui du développement physique et spirituel du pays, de son économie et de tous les autres domaines”.

Contrairement à certaines analyses donc, cette libéralisation-soft et cette ouverture politique annoncées sont un autre chapitre de la reconstruction de la Russie, qui vient après la restauration de l’autorité de l’état et le redressement de l’économie du pays.

« Dès que ça touche la Russie, le politiquement correct interdit aux journalistes de dire quelque chose de positif »


Le Courrier de Russie : Comment devient-on vendeur d’îles ?
Bruno Kerrien :

En fait, je cherchais une activité qui soit disponible, que personne n’ait encore jamais faite en Russie, qui permette de voyager, de rencontrer des gens et de gagner de l’argent. Et en plus, en relation avec la mer. Les îles sont un marché de niche, certes, mais un marché unique… et assez ludique ! J’ai donc créé mon entreprise, Private Island, et je fais ça depuis un peu plus de trois ans maintenant.

LCDR : Y a-t-il beaucoup d’îles à vendre ?
B.K. : Pas énormément, non. Enfin, moi-même, j’en ai 160 à la vente.

LCDR : Quand même.
B.K. :
Je me suis associé avec une société allemande, qui est dans ce business depuis 35 ans, et en situation de quasi-monopole. Mon marché couvre les pays de l’ex-URSS et je suis le seul à le faire.

LCDR : En quoi cela consiste-t-il ?

B.K. :
L’idée est de vendre des îles privées aux Russes partout dans le monde. Ils n’ont pas l’habitude de ce genre d’achats, bien sûr, mais un intérêt est en train de naître. J’essaie de rendre le produit accessible, concret : je me rends sur place dans la plupart des cas, je prends des échantillons de sable, je calcule la distance depuis l’île
jusqu’à l’hôpital le plus proche, jusqu’au premier aéroport, je vérifie les installations, l’infrastructure… Mon objectif, à long terme, est d’avoir mes îles à moi et de les louer : ça peut coûter jusqu’à 50 000 euros la semaine.

LCDR : Combien cela coûte, une île, à l’achat ?

B.K. :
Il y a énormément de critères qui rentrent en compte : ça peut aller de 100 000 à 100 millions d’euros. Ca dépend du pays, de l’éloignement avec le continent, de la superficie, des plages, de la végétation, de la profondeur des eaux, du raccordement à l’électricité, du climat, etc.

« De beaux engins, beaucoup de pilotes et des réserves de carburant incroyables »

LCDR : Qu’est-ce que vous faites ici, en Russie ? 

B.K. : Depuis tout gamin, je rêvais de devenir pilote. J’ai commencé par voler en ULM, puis en planeur : j’ai passé mes premiers brevets de pilote à 17 ans. Le but étant, au final, de faire de l’hélicoptère ! Mais en France, pour être pilote d’hélicoptère, il faut soit intégrer l’armée, soit être très riche car cela coûte une fortune. J’ai décidé de tenter le coup en Russie – l’URSS venait de se disloquer, tout était possible. En
plus, les Russes possédaient de beaux engins, beaucoup de pilotes et des réserves de carburant incroyables.

LCDR : Comment vous-êtes vous lancé dans l’aventure ?

B.K. :
J’ai d’abord pris des cours de russe à Rennes, puis à Saint-Pétersbourg. Je suis tombé complètement sous le charme de la Russie. J’ai ensuite entamé des cours de pilotage dans un petit aéro-club de Saint-Pétersbourg, pour un coût dérisoire, entre 50 et 70$ de l’heure, avec 15 personnes qui s’occupaient de moi : un médecin, des mécaniciens, un contrôleur aérien, etc. J’ai fait ça pendant quelques années : je rentrais en France, je cumulais les petits boulots et je repartais me former en Russie. En 1996, je suis allé à Oufa, dans l’Oural, afin d’améliorer ma formation technique, je voulais devenir pilote professionnel. J’ai fait une centaine d’heures de vol avec un
instructeur extraordinaire. Finalement, je n’en ai jamais fait mon métier mais je continue de voler, le week-end, dans un club de Moscou. Il m’arrive d’y croiser de grands hommes d’affaires, des ministres…

« Les Russes ressemblent aux Bretons »

LCDR : Sous le charme de la Russie ?
B.K. :
J’aime beaucoup les Russes, je suis très à l’aise avec eux. Je pense qu’ils ressemblent aux Bretons, on se comprend. Il y a une certaine franchise chez eux, une vraie simplicité : ils vous devinent très facilement. Avec eux il est impossible de jouer un autre personnage. Ce n’est pas toujours facile de faire connaissance mais une fois qu’on est namis… Ce sont des gens qui tiennent parole.

LCDR : Comment c’était, les années 1990 ?

B.K. : Quand je suis arrivé, tout le monde avait besoin d’argent, les pilotes nétaient au chômage, ceux qui travaillaient n’étaient pas payés. C’était nl’aventure, ces années Eltsine, tout était permis. J’ai connu les années
sombres, où certes les Russes étaient enfin libres mais dans une anarchie complète. Ils étaient en train de réécrire l’Histoire, j’étais spectateur.

LCDR : Et maintenant ?

B.K. :
J’ai une confiance immense dans l’avenir de ce pays. Le développement de la Russie s’est accéléré, surtout depuis l’arrivée de Poutine. On est nombreux à penser, ici, que la Russie va dans le bon sens. Les Russes ont un potentiel incroyable, du savoir-faire à tous les niveaux, ce sont des gens pragmatiques avec un niveau d’études très élevé, notamment dans le domaine scientifique. Ceux qui ont connu le pays avant Poutine seront d’accord pour dire qu’il est méconnaissable et j’ai presque du mal à m’en souvenir. Pour les plus jeunes, c’est quasiment du domaine de
la science-fiction.

LCDR : Vous êtes optimiste…

B.K. :
Oui. Vous savez, les élites russes, contrairement à ce que l’on pense, ont une vraie vision à long terme. Ceux qui dirigent se projettent dans l’avenir, évaluent les débouchés, etc. Ils sont déterminés à aller vers une localisation de la production, comme au Brésil, alors que dans les années 1990, tout était importé, même le litre de lait ! Les fermes avaient été ravagées, les bêtes abattues, les peaux vendues… en quelques mois, il n’y avait plus rien. C’est en train de changer. Les Russes vont développer leur industrie.

« Je me sens plus en sécurité à Moscou que dans la capitale française »

LCDR : Vous prospectez vous-même en région ?

B.K. :
Moscovites… Dans les régions, on est terriblement bien accueilli. Rien que le fait de dire qu’on est Français, c’est tapis rouge ! Mais c’est pareil avec les Parisiens, ils sont beaucoup moins sympas que les Français de province. Cela dit, je me sens plus en sécurité à Moscou que dans la capitale française. La probabilité de se faire agresser ici, par rapport à Paris, est proche de zéro.

LCDR : Qu’est-ce que vous trouvez chez les Russes que vous ne trouvez pas ailleurs ?

B.K. : Ils
vont à l’essentiel. Par exemple, les Russes posent des questions que les autres ne posent pas. Ils vous demandent très rapidement « Est-ce que tu es heureux dans la vie ? ». Les Français attendront dix ans avant de vous le demander ! Ou alors, « Crois-tu en Dieu ? ». Et la famille a une place capitale dans leur vie. L’essentiel, quoi.

« Bernard-Henri Lévy qui compare la Russie avec la Corée du Nord, c’est scandaleux »

LCDR : Vous ne pensez que du bien de ce qu’il y a autour de vous, en somme.

B.K. :
Je ne vais pas non plus vous dire que le climat me ravit, après toutes ces années. Mais j’en ai marre de ces clichés qu’on véhicule en France et dans les médias sur la Russie. C’est affligeant ce qu’on entend. Bernard-Henri Lévy qui compare la Russie avec la Corée du Nord, c’est scandaleux et les gens finissent par le croire ! Dans mon village en Bretagne, il y en a qui pensent encore que je fais la queue par -25°C pendant quatre heures pour acheter de la viande. Et ça va durer !

LCDR : C’est à dire ?

B.K. : Il
faut beaucoup d’énergie pour démontrer que la Russie n’est pas celle que l’on voit dans les médias. C’est insupportable qu’après les attentats de Moscou en 2010, on entende à la télévision française : « Ils l’ont peut-être un peu cherché ». Pour qui se prend-on ? Dès que ça touche la Russie, le politiquement correct interdit aux journalistes de dire quelque chose de positif. Et la politique russe intéresse davantage les Français que les Russes eux-mêmes. Sauf qu’ils la comprennent mal ! Moi, ça fait longtemps que j’ai compris que les Russes n’en ont rien à cirer de la politique. La plupart de mes connaissances ne vont pas voter. Ce qu’ils veulent, c’est travailler, mener une vie tranquille, ne pas payer trop d’impôts. La stabilité avant tout.

Source : le courrier de Russie