Suite au second volet de mon article sur l’immigration en Russie, un lecteur m’a indiqué sa grande surprise quand a ce chiffre de 10 millions de travailleurs nécessaires d’ici à 2020 en Russie, soit 770.000 / an.
D’après lui ce chiffre est surestimé et pondérable puisque dans de nombreuses industries russes, la marge d’optimisation des gains de productivité est réelle, ce qui pourrait faire baisser le besoin en capital humain.
C’est sans doute vrai, mais le creux démographique de la période 1992 – 2008 va se faire sentir et entrainera malheureusement qu’en 2025 par exemple, le nombre de jeunes russes de 25 ans devrait être de 30% inférieur à aujourd’hui. D’où un besoin crucial en capital humain pour compenser ce gap démographique. Pourtant le catastrophisme mystico-médiatique qui entoure la situation démographique et migratoire russe ne concerne curieusement pas la situation de l’Allemagne, frappée elle aussi d’un double manque de main d’œuvre, et d’une crise démographique avancée.
Des 1975 le taux de fécondité du pays passe à moins de 2 enfants / femme et le nombre annuel de décès dépasse le nombre de naissances: 782.310 naissances pour 989.649 décès, soit une baisse naturelle de 207.339 habitants. De 905.675 naissances et 921.445 décès en 1990, le pays est passé à 662.685 naissances et 852.328 décès en 2011. De 2000 à 2011, soit sur 12 ans, le pays a naturellement perdu au total 1.577.597 habitants soit une moyenne annuelle de 131.466 habitants. En 2011, la population allemande qui a baissé naturellement de 189.643 habitants a augmenté au total grâce a l’immigration via un solde migratoire positif de 279.000 individus. En 2012 la population devrait de nouveau augmenter grâce aux 389.000nouveaux immigrés. Cette vague migratoire annuelle devrait atteindre son pic en 2014 avec 506.000 personnes, selon les prévisions du Kiel Institute. Le pays en en effet en relative mauvaise santé démographique, avec un taux de fécondité inférieur a 1,4 enfants/femme depuis … 1990.
Alors que le chômage reste pourtant bas et que l’Allemagne confirme sa position de bon élève de la classe Europe, une étude toujours du Kiel Institute montre aussi que quelque 2,2 millions d’immigrés issus des pays du sud de l’Europe devraient s’installer outre-Rhin d’ici à 2017, soit une moyenne de 440.000 chaque année. D’ici à 2030, c’est 5 millions de jeunes actifs qu’il va vraisemblablement manquer à l’Allemagne, tandis que le nombre d’actifs allemands va lui baisser de 6,5 millions d’ici à 2025 en raison de la forte dénatalité allemande.
Cette vague migratoire devrait donc confirmer les modifications en cours de la population allemande. Une étude montre que si en 2005 15,3 millions de personnes vivant en Allemagne avaient au moins un parent d’origine étrangère ou issu de l’immigration (sur une population totale de 82,2 millions d’habitants), ce nombre est monté à plus de 16 millions en 2010, soit 19,6 % de la population totale, et à 33 % pour la population de 0 à 5 ans.
Il est intéressant également d’observer les prévisions démographiques allemandes d’ici à 2050.Deux variantes existent.
– Une première variante envisage une fécondité de 1,4 enfants/femme et une immigration annuelle de 100.000 personnes, pour arriver a une population allemande de 68 millions en 2050, dont les moins de 20 ans ne seraient que 15,1% de la population totale et les plus de 60 ans 40%. Selon cette estimation l’Allemagne perdrait 13.700.000 habitants en 45 ans (soit une moyenne de 304.000 par an) dont 4.680.000 durant la décennie 2040-2050 (soit 468.000 par an).
– Une seconde variante envisage elle une fécondité de 1,4 enfants/femme et immigration annuelle de 200.000 personnes, pour arrive a une population Allemande de 73 millions de 2050, ou les moins de 20 ans représenteraient 15,5% de la population active et les plus de 60 ans 38%. Selon cette estimation l’Allemagne perdrait 8.490.000 habitants en 45 ans (soit une moyenne de 188.000 par an) dont 3.340.000 durant la décennie 2040-2050 (soit 334.000 par an). Cela malgré un apport de 9 millions d’immigrants en 45 ans.
L’avenir de l’Allemagne semble donc, comme celui de la Russie, bien compromis si l’on se fie uniquement à ces analyses démographiques. Mais aujourd’hui, Allemagne et Russie semble pourtant suivre une même direction, en devenant respectivement les pôles économiques dominants de leurs zones d’influences respectives, à savoir l’Europe pour l’Allemagne et l’Eurasie pour la Russie. Des pôles économiques qui aspirent les populations des pays voisins et frontaliers pour soutenir leur croissance économique, devenant ainsi au cœur d’un continent en crise, de réelles terres d’immigration.