Les récentes images de combattants islamistes de la soi-disant opposition Syrienne unifiée utilisant des missiles sol-air ou des fusils M16 a laissé beaucoup de commentateurs dans des interrogations. Mais comment la démocratique Amérique pourrait-elle bien soutenir des combattants islamistes proches des mouvances les plus radicales et même d’Al Qu’Aïda ? Ce n’est pas un malheureux hasard logistique mais bel et bien une politique délibérée de soutenir l’Islamisme radical partout ou cela peut porter préjudice aux adversaires de l’Amérique, et donc favoriser indirectement l’avancée géostratégique américaine.
Lorsqu’un livre portant ce titre est sorti, publié par les extraordinaires éditions « l’âge d’homme » en 1997, sans doute trop peu de gens y ont accordé l’intérêt qu’il aurait mérité. Bien sûr 1997 était une autre époque, avant l’Euro, avant la guerre contre la Serbie et surtout avant le 11 septembre. Une époque marquée par les déclarations de George Bush, apôtre du Nouvel Ordre Mondial, qui avait tout simplement affirmé « qu’il n’existait pas de substitut au leadership américain ». A l’époque il est vrai, l’Union Européenne semblait promise à un élargissement sans fin sous la surveillance américaine. Le monde venait d’assister à la désintégration de l’URSS et à la désintégration de la Yougoslavie était en cours.
D’un point de vue historique ces deux événements sont souvent présentés comme des suites logiques, ces systèmes n’étant pas/plus viables et ne pouvant donc résister à l’évolution du temps, pas plus qu’a leurs contradictions internes. Les Croates et les Bosniaques nous disait-on, étaient les Polonais et les Géorgiens du moment. Et comme leurs cousins d’Europe et du Caucase ils souhaitaient sortir d’un système fermé et autoritaire pour rejoindre la communauté internationale et le monde libre. Ils voulaient, comme tous les peuples occidentaux avoir le droit de choisir entre Coca et Pepsi, et entre Volkswagen et Mercedes.
Historiquement, l’Allemagne nazie ayant été vaincue, Le Kremlin restait le dernier ennemi réel, justifiant le besoin de toutes les nations de se protéger du péril rouge. L’URSS était la menace principale pour une Amérique qui visait à la domination globale. Longtemps après l’effondrement de ce système, ont été mis au grand jour certaines méthodes d’ingérence étrangère et notamment américaine. Lors de sa guerre d’influence contre l’URSS, l’Amérique avait noué un tissu d’alliances solides, notamment avec les puissances sunnites du golfe, jugées fiables et ne pouvant pas, théoriquement, basculer dans le communisme. Cette alliance de fait avec les mouvements les plus extrémistes de l’Islam sunnite avait pour but de conserver une coalition d’alliés riches en hydrocarbures, mais aussi de créer et soutenir une opposition réelle et forte au fascisme rouge : le fascisme vert.
Mais ce soutien s’est aussi traduit par un soutien militaire direct a ces mouvements les plus extrémistes, et donc les moins aptes à tomber dans l’orbite rouge : celui des Frères musulmans syriens aux Taliban afghans et à la Gamaà égyptienne, en passant par le FIS, les Islamistes bosno-albanais, ou les Islamistes Tchétchènes, sans oublier les Wahhabites saoudiens, précurseurs et financiers de la mouvance islamiste sunnite. Cette alliance de fait entre les idéologies les plus viscéralement anti-communistes de la planète a sans doute été matérialisée par la phrase de Bill Clinton, le 15 Mars 1995, lorsqu’il a affirmé que : « Les valeurs traditionnelles de l’islam sont en harmonie avec les idéaux les meilleurs de l’Occident ».
Ce soutien passera donc aussi par une lutte féroce contre toutes les nouvelles tendances de l’Islam désireuses d’échapper à « l’impérialisme économique » américano-saoudien : Libye mais surtout l’axe Chiite : Syrie et Iran en tête… Comme on peut le voir 15 ans plus tard, ce dispositif géopolitique est plus que d’actualité puisque l’alliance entre l’Amérique et les pétromonarchies Wahhabites du golfe se poursuit à travers le conflit en Syrie et la guerre contre le monde Chiite sous influence Iranienne. Même la chute de l’URSS n’a pas remis en cause cette direction stratégique américaine. En 2000 était sorti un livre intitulé le grand échiquier écrit par l’un des maîtres américains de la géopolitique, Zbigniew Brezinski. Le livre détaille les ambitions géostratégiques américaines pour que le pays reste la puissance dominante. Le scénario d’une Russie souveraine y est présenté à l’époque comme dangereux pour l’Amérique, car seule la Russie serait à même de couper les ambitions américaines en Eurasie, cette zone pivot entre l’Europe, l’Asie (la Chine) et le monde musulman.
En 1999, lorsque l’OTAN bombarde la Serbie, l’objectif américain est clair. Il s’agit de détruire le dernier état non aligné à la coalition occidentale en Europe et aussi l’un des plus solides alliés de la Russie, au moins sur le plan symbolique. Ce faisant, l’élargissement de l’OTAN à l’est constitue aussi un gage de pouvoir mettre sous contrôle l’Europe centrale et de l’Est et ainsi d’y empêcher quasi-définitivement le retour de la Russie. L’objectif est double : une Europe sous contrôle militaire de l’OTAN soumise et non souveraine, tandis qu’une Russie refoulée à l’est voit son influence potentielle s’éloigner de l’Europe.
De la même façon que la carte Islam a été utilisée contre l’URSS partout dans le monde (et surtout en Afghanistan), elle a aussi été utilisée contre l’Europe. Le département d’état a par exemple organisé l’envoi de Djihadistes arabes sunnites en Croatie et en Bosnie pour se battre contre les troupes Serbes, favorisant également le terrain a l’émergence de nouveaux états musulmans au cœur du continent, que ce soit la Bosnie ou surtout le Kosovo qui préfigure une potentielle grande Albanie. Un câble Wikileaks de 2010 est a ce titre criant de vérité quand aux intentions Américaines au Kosovo, intentions claires depuis leur intervention militaire en 1999 contre la Serbie. Idem pour la Turquie, que l’Amérique n’a cessé d’inciter à rejoindre l’Union Européenne, alors même qu’en plus d’être un pays qui s’islamise rapidement elle est également surtout la seconde armée de l’OTAN.
Cette volonté d’affaiblissement intérieur et extérieur de l’Europe a un seul et unique but : empêcher l’émergence d’un concurrent politique et économique fort. L’Amérique cherche donc à affaiblir l’Europe (et pas seulement l’UE déjà totalement soumise a l’OTAN) en tant qu’entité politico-militaire souveraine, et faire de même avec la Russie. Il est facile d’imaginer que l’Alliance Euro-Russe, bien qu’improbable à l’époque ou le livre de Zbigniew Brezinski a été écrit, serait et de loin, le plus gros bouleversement géopolitique qui puisse arriver, et la plus mauvaise des nouvelles pour les intérêts américains dans la région Eurasie.