La presse française, qui sur le dossier ukrainien témoigne de sa totale inaptitude à porter un regard neutre et non américano-centré sur les enjeux internationaux, a sans doute « cru » apercevoir un effritement du système Poutine récemment. Deux journalistes américaines travaillant pour la chaîne d’Etat Russia Today ont en effet, l’une démissionné, l’autre émis des critiques quand à la politique russe en Ukraine. Peu de temps après, un professeur du très réputé MGIMO aurait lui comparé Poutine à Hitler, se faisant ainsi sans doute involontairement le docile porte-parole des diplomaties américaine, tchèque ou lituanienne qui tentent de faire croire (mais à qui hormis aux journalistes ?) que la Russie serait prête à envahir l’Europe et déclencher une guerre.
Le rouleau compresseur du flux médiatique occidental fonctionne en parfaite adéquation avec les diplomaties des nouveaux alliés de l’Amérique et de l’Otan en Europe de l’Est. L’objectif unique de ce dispositif organisé est l’extension à l’Est de sa propre sphère d’influence. Ces processus soutenus ont dès la chute du mur visé l’Est du continent et le monde postsoviétique avec des fréquences d’interventions variées, que l’on pense aux bombardements sur la Serbie, aux coups d’Etats organisés via les révolutions de couleurs ou à la création d’Etats fantoches au cœur de l’Europe afin d’y héberger des bases militaires americaines, comme par exemple au Kosovo. Les lecteurs intéressés peuvent se référer à cette excellente analyse de Michel Collon qui met en exergue les liens entre « extension de l’Otan et mensonges médiatiques ».
Cette extension militaire et politique à l’Est s’est accompagnée d’un flux médiatique autoritaire visant à légitimer aux yeux de l’opinion cette extension. La victoire médiatique de l’Occident américano-centré devait lui assurer la victoire des esprits. Ce dispositif médiatique totalitaire a lui mis en place des verrous psychologiques et techniques afin de contrecarrer les flux d’informations contradictoires et non-conformes. Toute personne osant critiquer la politique américaine en Europe ou pire, dire du bien du modèle russe, serait de fait un « agent d’influence russe » et un « outil de propagande du Kremlin ». Les communistes en leur temps traitaient de fascistes tous ceux qui ne pensaient pas comme eux, tandis qu’en leur temps également les fascistes traitaient de communistes ceux qui ne pensaient pas comme eux.
Bien sûr, il est difficile pour un journaliste ou un analyste étranger de tenir cette forte pression permanente en sachant pertinemment que chaque jour qu’il passe dans une structure d’information russe implique pour lui de faire un trait sur ca carrière de journaliste à l’Ouest, dans le monde soit disant « libre ». On peut évidemment ne pas être d’accord avec les positions des journalistes et analystes étrangers ou russes qui refusent de se soumettre à la pensée dominante et/ou travaillent pour des agences de presse russes. Mais on ne peut pas ne pas leur reconnaître une qualité qui fait souvent défaut à nombre de leurs confrères de l’Ouest : le courage. Car que l’on soit ou pas d’accord avec la ligne éditoriale d’un média d’Etat comme l’AFP ou Russia Today, cela demande beaucoup plus de courage de travailler dans le second, a contre courant, que dans le premier.
Sous perfusions de l’Etat car hautement déficitaire, la presse francaise est elle en outre de plus en plus malmenée par des blogueurs et des plateformes d’analyses strictes et sérieuses. Certains se sont même récemment demandés pourquoi Internet regorgeait de commentaires favorables à la Russie et à la gouvernance Poutine. La lecture des commentaires sous l’article apporte sans doute un embryon de réponse. Hormis les accusations de « cellules informatiques sous le contrôle du FSB ou de l’ambassade de Russie », accusations qui traduisent d’incurables pathologies, quiconque suit la presse francaise sait aujourd’hui parfaitement qu’Internet a révélé une société civile 2.0 militante et déterminée, dont la blogosphère (qui souhaite faire entendre une voix dissonante à celle du mainstream médiatique) reflète assez bien l’esprit global.
Une blogosphère qui a clairement démontré durant ces dernières années que la multiplication des sources ne signifie pas forcément la diversité de l’information mais que le formidable développement des méthodes de communication 2.0 permet de ne plus subir uniquement le scenario narratif officiel et imposé.
Il y a donc des raisons d’être optimistes.
Les dissidents sous l’époque soviétique ont eux aussi longtemps pensé qu’ils étaient seuls et isolés.