Alors que l’attention du monde entier était, il y a encore quelques mois, concentrée sur une petite bande de territoire à la frontière Ukrainienne qui porte le nom de Donbass, elle l’est désormais sur une autre bande de terre qui s’étend du nord d’Homs en Syrie jusqu’au sud d’Alep.
En quelques semaines, le Kremlin aura pris de cours toutes les chancelleries occidentales en agissant sur deux fronts avec des fréquences temporelles opposées.
Non seulement l’armée russe est sans doute moins que jamais présente en Ukraine de l’Est, mais il semble plus improbable que jamais que l’Ukraine ne retrouve un semblant d’unité politique avec la moitié du Donbass. Moscou a sans doute réussi à habilement faire pression sur les nouvelles autorités locales pour qu’elles ne repoussent pas les élections locales. En face, l’autorité de Kiev faiblit de façon proportionnelle, avec l’effondrement de l’économie ukrainienne. Alors que plus personne ne parle désormais d’une quelconque nouvelle offensive militaire, Moscou sait que le temps joue en sa faveur dans le dossier ukrainien.
En Syrie, c’est précisément l’inverse. L’affaiblissement du pouvoir central syrien s’est accéléré ces derniers mois, et le temps était compté pour pouvoir encore reprendre l’initiative sur le plan militaire et appuyer tactiquement l’armée syrienne dans sa gigantesque opération anti-terroriste contre la galaxie islamo-terroriste qui s’est en quatre ans emparée de 50% du territoire syrien. La rapidité de déploiement et de passage à l’action du dispositif militaire russe en Syrie traduit bien que Moscou sait que, dans ce dossier, le temps pourrait jouer contre lui si des armes antiaériennes tombaient dans les mains des opposants au régime.En prenant la main sur ces deux dossiers, Moscou se pose en partenaire inévitable pour la résolution de ces conflits régionaux, mais pas seulement.
Le Kremlin montre en premier lieu aux Européens que leurs intérêts réciproques sont plus communs qu’opposés, que ce soit pour la paix sur le continent ou pour la lutte contre le terrorisme international. Cette dernière passe, pour le Kremlin, par une lutte active à la source du mal contre les terroristes, et ce, alors que de nouvelles estimations indiquent que ce seraient désormais de 5.000 à 7.000 ressortissants de l’espace postsoviétique qui se trouveraient en Syrie au sein des divers groupes islamo-terroristes. Une politique finalement similaire à celle de la France qui depuis quelques semaines frappe les Français de Daech qui opèrent sur le territoire syrien.
Pour la France, ce “moment” serait une chance historique de s’extirper du bourbier idéologique dans lequel notre ministre des Affaires étrangères s’est enfoncé en réclamant obsessionnellement le départ d’el-Assad. Des réclamations au mépris du principe de réalité puisque Moscou et Téhéran semblent plus que jamais déterminés à régler le problème syrien, évitant par là même le renversement d’el-Assad qui était jusque-là envisagé par les ennemis de la Syrie.De Sébastopol à Damas, la politique étrangère russe a, au cours des 24 derniers mois, totalement bouleversé les fondements de l’organisation sécuritaire héritée du monde sous domination américaine et occidentale. Il est possible et plausible que nous soyons déjà rentrés dans un nouveau cycle historique de l’organisation des relations entre Etats.
Un nouvel ordre qui va justifier que soient totalement repensées les relations entre la Russie et les Etats européens afin de faire face aux nombreux défis communs qui nous attendent, qu’ils soient économiques, sécuritaires ou civilisationnels.Les dossiers ukrainiens et syriens, qui étaient des pièges tendus à la Russie et à l’alliance entre la Russie et l’Europe, auront peut-être, sur le long terme, des effets inverses et bénéfiques pour tout le continent.
A condition bien sûr qu’aucune puissance extérieure ne vienne empêcher ces saines dynamiques de se mettre en place.