Au plus fort de la crise financière de la fin de l’année 2014, il semblait bien téméraire de parier sur un rapide rétablissement de l’économie russe.
La grande majorité des commentateurs envisageaient plutôt la situation comme la preuve de l’échec de la stratégie Poutine, la fin de ses fanfaronnades tandis que la crise le mettait au pied du mur. Pour d’autres, la « bulle Poutine » venait de se dégonfler et l’on pouvait se demander si la crise n’allait pas mettrePoutine à genoux, voire même provoquer sa chute en 2015. Cette crise menaçait même le « projet d’union économique » de Poutine, entendez l’Union douanière puis eurasiatique. Selon un panel d’experts occidentaux interrogés début 2015, la crise allait plausiblement causer une récession très profonde, d’au moins 5% du PIB, ce qui pouvait permettre d’envisager des scenarios politiques assez inattendus.
Dans le même temps, le président russe affirmait lui pourtant son optimisme et sa sérénité en affirmant que la crise était passagère et qu’elle durerait au maximum deux ans. Cette différence d’appréciation de la situation avait vraisemblablement contribué à ce que des experts américains attribuent à Vladimir Poutine une forme d’autisme affectant sa capacité d’interaction avec les autres et le monde extérieur.Un semestre plus tard, il est intéressant de confronter les prédictions astro-économico-politiques occidentales avec la réalité de terrain en Russie, ce qui permet d’en tirer quelques grandes conclusions.
Tout d’abord, contrairement à toutes les prévisions, hormis celles de l’irremplaçable Jacques Sapir, le rouble ne s’est pas effondré mais est revenu à un seuil de 50 et 55 contre le dollar et l’euro. Dans le même temps, les prix du pétrole continuent leur lente remontée pour atteindre aujourd’hui les environs de 65 dollars le baril. Même si les revenus des ménages (et donc la consommation) continuent de diminuer au cours de ce second trimestre, et malgré une forte et inattendue baisse de la production industrielle en avril (indicateur qu’il faudra surveiller), les prévisions pour la Russie sont plus optimistes qu’il y a six mois. Le PIB russe ne se serait contracté « que » de 1,9% lors du premier trimestre 2015 et le FMI ne prévoit plus qu’une contraction du PIB de 3,4% pour 2015 avec une plausible reprise de la croissance dès 2016.
Cette sensible amélioration de la situation économique en Russie est sans doute liée tant à la solidité de l’économie russe, qui s’est avérée bien plus résistante que prévu, mais aussi à l’évolution du contexte international au sein duquel la Russie surfe de victoires en victoires, et dont on ne peut imaginer qu’il puisse être plus favorable au Kremlin.Il y a tout d’abord le dossier ukrainien sur lequel, contrairement à toutes les prévisions et attentes, la Russie est passée du statut de perdante programmée à celui de gagnante potentielle. Acteur diplomatique de poids et garantes du respect des accords de Minsk, les autorités russes peuvent désormais patiemment attendre la faillite ukrainienne tandis qu’elles continuent de surfer sur la vague du succès obtenu en Crimée.
Dans le même temps, les sanctions ont tout autant bénéficié à la Russie qu’elles ont fédéré les Russes derrière leurs élites, la pression de pays extérieurs étant considérée comme injuste par la grande majorité des citoyens russes. Pour autant, les sanctions ont eu des effets ricochets psychologiques lourds en faisant sans doute réaliser à beaucoup de Russes qu’il y avait finalement une vie normale sans les importations d’Europe.
Enfin, et c’est peut-être le plus inattendu, la situation en Syrie et en Irak et l’expansion de l’Emirat Islamique, a favorisé la reprise des discussions entre la Russie et l’Occident, de facto ressoudés face à cet ennemi commun menaçant.
Toutefois, la situation économique reste fragile, à l’instar de la situation en Ukraine — le pays demeure menacé par un effondrement économique et une nouvelle provocation américaine destinée à relancer la logique militaire, et donc la pression sur la Russie.