A la lecture d’un texte intitulé « Pourquoi la France doit choisir Poutine » et publié sur le site des jeunes de la Droite Populaire, il m’a semblé intéressant d’interviewer l’auteur.
La Voix de la Russie : Pierre Gentillet bonjour, pourriez vous vous présenter ?
Pierre Gentillet : J’ai 22 ans, je vis à Paris et j’étudie le droit à la Sorbonne. Je suis politiquement engagé à l’UMP depuis plusieurs années et j’ai rejoins l’un de ses courants politiques, la Droite Populaire, duquel je suis devenu président du mouvement jeune : les jeunes de la Droite Populaire.
LVDR : Vous avez récemment écrit un texte assez élogieux sur Vladimir Poutine en le qualifiant de « l’un des plus grands chefs d’Etat de l’histoire russe » mais également comme « l’un des derniers chefs d’Etats européens capable d’exercer le pouvoir avec l’indépendance et le sens des réalités politiques ». Pourquoi pensez-vous cela?
Pierre Gentillet : J’ai en effet écris un article il y a quelques semaines sur Vladimir Poutine ou j’appelais de mes vœux à un rapprochement entre Paris et Moscou. J’ai souligné également les qualités du chef d’Etat qu’est Mr Poutine. Je pense que c’est un des grands chefs d’Etat de l’histoire russe car il est à mon sens parfaitement en phase avec son peuple et son histoire. La Russie a toujours eu une tradition assez dirigiste du pouvoir et elle ne s’en est d’ailleurs jamais vraiment cachée. Vladimir Poutine est fidèle à cette tradition d’exercice du pouvoir. Il décide seul des grandes décisions, il n’est sous la pression d’aucun groupe d’intérêt comme c’est le cas par exemple aux Etats-Unis, il est souverain dans ses décisions. Il respecte la tradition culturelle de la Russie en particulier s’agissant de l’Eglise orthodoxe. En ce domaine la France aurait fort à gagner à s’inspirer du respect que la Russie porte à ses racines religieuses. En Russie, l’Etat subventionne la restauration des Eglises orthodoxes, en France le pouvoir subventionne les Femen qui dégradent nos Eglises.
LVDR : pourquoi d’après vous Vladimir Poutine est-il si populaire dans les milieux conservateurs/patriotes en Europe de l’Ouest ?
Pierre Gentillet : Je pense qu’il y a une grande partie de la droite en Europe de l’Ouest, notamment en France, qui apprécie ce que je vous expliquais précédemment à savoir la fidélité de M. Poutine vis à vis des traditions de son pays. Comme vous le savez nous avons eu en France un long débat et finalement une loi autorisant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. La Russie a pris le contre-pied en adoptant des lois limitant la propagande LGBT. Rien n’est fixé pour l’occident car comme vous le voyez en Espagne le gouvernement veut adopter des lois très voir trop restrictives concernant l’avortement. L’autre raison de sa popularité tient aussi dans son insoumission au nouvel ordre mondial ainsi sans doute qu’au respect qu’inspire de nouveau la Russie sur la scène internationale grâce au changement de politique depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.
LVDR : Vous comparez les voies qui s’offrent à la France pour l’avenir en affirmant que l’Hexagone devait sortir du giron américain et se placer en tant qu’acteur indépendant au cœur du monde multipolaire qui émerge. Pourriez-vous développer ?
Pierre Gentillet : Il me paraît ridicule de penser que le destin de la France se résume à choisir entre un assujettissement soit entre les Etats-Unis ou la Russie. La France doit d’abord sortir du giron américain et se tourner vers Moscou de manière à retrouver un équilibre propre à l’indépendance qui doit lui incomber. Il ne s’agit pas pour la France de devenir une république soviétique assujettie à Moscou mais de reprendre son indépendance en diversifiant ses amitiés. La France a des liens très anciens et très forts avec la Russie, bien plus anciens que les Etats-Unis. En se tournant davantage vers la Russie, la France pourrait par exemple envisager un partenariat pétrolier important pour cesser d’importer exclusivement ses hydrocarbures du Qatar et de l’Arabie Saoudite, alliés des Etats-Unis comme chacun sait. Elle pourrait aussi établir des positions communes en matière de politique étrangère, en particulier au Moyen Orient.
LVDR : De nombreux débats ont eu lieu, qui réjouiraient Huntington, pour savoir si l’avenir de l’Europe de l’Ouest était l’Euramérique ou au contraire l’Alliance euro-russe, voir l’Eurasie. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Pierre Gentillet : J’ai toujours considéré la thèse du choc des civilisations d’Huntington comme une pure fumisterie. Pardonnez moi mais même si je ne sous-estime pas les antagonismes culturels et religieux qui existent dans le monde, je ne suis pas convaincu de l’inévitabilité d’un conflit entre civilisations chrétiennes et musulmanes alors que pour ne prendre que l’exemple de la dernière guerre, l’essentiel des conflits les plus durs ont lieu au sein même de ces civilisations (Chiites, Sunnites). A mon sens c’est une simple manière d’inventer un problème à l’occident pour ranger la France et d’autres pays occidentaux du coté des Etats-Unis pour mieux justifier et appuyer les interventions américaines au Moyen Orient basées très souvent en réalité plus sur des mobiles économiques que politiques ou humanitaires. Il faut très clairement nous tourner davantage vers la Russie et refuser l’Euramérique qui est une mise sous tutelle américaine de l’Europe. Concernant l’Eurasie, je sais que les thèses de Douguine sont très porteuses en Russie et je m’y intéresse moi même beaucoup. Cependant je doute que l’Eurasie puisse devenir une réalité politique à court terme. Je pense qu’en l’état actuel des choses il faut simplement renforcer nos liens vers l’Est. Si une réalité politique eurasienne s’impose, elle ne devra s’imposer que par le consentement des peuples.
LVDR : La Russie a-t-elle à terme le destin selon vous de s’unifier à l’Europe (l’axe Paris-Berlin-Moscou du Général De Gaulle) alors que ce n’est peut-être pas le cas pour l’Amérique ?
Pierre Gentillet : Je pense que la Russie a un rôle très particulier du fait tout d’abord de l’immensité de son territoire et de sa proximité avec la sphère asiatique. Cela fait qu’elle doit rester un gigantesque Etat tampon entre l’Asie et l’Europe. A mon sens il faut clairement un axe Paris-Berlin-Moscou mais qui ne fasse pas entrer la France dans une dépendance vis à vis de la Russie, ce devra être une union diplomatique respectueuse de la souveraineté des Etats-Nations.
LVDR : Vous mentionnez de potentiels « futurs conflits qui pourraient opposer l’Eurasie à l’Amérique ». Pourriez-vous développer ?
Pierre Gentillet : Je traite en effet dans mon article du rôle de la France qui doit être redéfinie en prévision ou en anticipation des conflits futurs. De par sa position géographique charnière entre ces deux grandes entités, la France peut redonner un nouveau sens à sa mission nationale. Longtemps elle a cru que son rôle serait celui d’un empire à travers les exemples de Clovis, Charlemagne et Napoléon. Je pense qu’à l’aube du IIIème millénaire le rôle de la France doit être celui d’un arbitre international, rôle qu’elle peut acquérir par sa position clef dans les grandes instances (siège permanent à l’ONU). Elle peut l’acquérir surtout par sa position géographique. Dans un futur proche, le monde sera bientôt multipolaire avec de nouveaux géants comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Argentine. La formation de ses nouveaux blocs amènera sans doute le Brésil et l’Argentine à acquérir dans un premier temps leur indépendance vis à vis de la tutelle des Etats-Unis mais à terme la géographie et la géopolitique imposera un bloc continental américain pour faire face à un nouveau bloc eurasiatique à savoir Russie-Chine, partenariat à la fois géographique, économique, stratégique et institutionnel de part leur alliance clef à l’ONU du fait de leur sièges permanents. La France se trouvera alors pile au milieu de ces deux ensembles et cette position stratégique appelle la France à tenir un rôle d’arbitre des futurs conflits qui opposeront ces grands ensembles dans un monde multipolaire.
LVDR : Vous souhaitez que la France s’inspire du modèle économique russe qui se traduit pourtant par une présence forte de l’Etat dans les affaires économiques (capitalisme d’Etat) et notamment dans les secteurs stratégiques. Pourquoi cela ?
Pierre Gentillet : Je pense que la Russie a réussi ce que peu de pays ont réussi à savoir conserver une économie puissante et nationale dans un espace mondialisé. A droite nous sommes très attachés à la liberté économique mais nous sommes aussi dans le même temps attaché à ce que l’économie profite aux intérêts de la nation. La Russie oscille entre un modèle qui est celui du capitalisme d’Etat ou bien du capitalisme privé sous surveillance étatique. Je suis très admiratif en particulier de la réussite de Gazprom, cette compagnie ou l’Etat est actionnaire majoritaire et qui représente une part colossale du PNB russe. La Russie, en reprenant la main sur les secteurs clefs comme ceux de l’énergie s’est assurée une reprise importante et durable de sa croissance. Elle réussi à conserver un capital qui demeure national en s’intégrant pleinement au marché mondial. C’est à bien des égards une réussite. Je note cependant qu’un des graves handicaps reste la corruption qui demeure un des principaux problèmes du pays. L’indice de corruption demeure encore beaucoup trop important. Je dirai donc que sur la gestion de l’argent public, la Russie a en revanche cette fois-ci à s’inspirer de la France.
LVDR : Vous êtes membres de la Droite Populaire, quel regard ce mouvement porte-t-il sur la coopération franco-russe et la Russie en général ?
Pierre Gentillet : En règle générale, la Droite Populaire a toujours été favorable à la politique étrangère russe. Je pense notamment au dossier syrien dans lequel la Russie, et en particulier Vladimir Poutine, a réussi à éviter une intervention étrangère et à imposer une médiation diplomatique. Elle l’a été encore plus récemment à propos de l’Ukraine, le chef de file de notre courant Thierry Mariani ayant publié une tribune appelant à revoir les interprétations simplistes des médias occidentaux sur les émeutes en Ukraine. La Droite Populaire, fidèle à sa tradition gaulliste de la politique internationale estime la Russie pour sa prise en compte des réalités politiques, c’est à dire qu’elle base sa politique étrangère sur le rapport Etat à Etat et non pas toujours au nom des droits de l’homme. Vous me permettrez de citer à ce sujet le député de la Droite Populaire Jacques Myard qui disait il y a quelques mois à une conférence au siège de l’UMP sur la politique étrangère« les droits de l’homme c’est bien joli mais ce n’est pas une raison d’Etat».
LVDR : La droite populaire appartient à un parti, l’UMP, qui est souvent vu comme atlantiste. L’une des premières décisions du président Sarkozy après son élection a été de réintégrer la France au sein du commandement intégré de l’OTAN, resserrant ainsi les liens avec les Etats-Unis. Quel regard portez-vous sur cette décision ?Pierre Gentillet : Je pense que même si dans les faits la réintégration au commandement intégré de l’OTAN ne changeait pas grand chose, sur le plan symbolique c’était important car la France conservait son indépendance en restant en dehors et semblait rester fidèle au rôle d’arbitre dont je parlais plus haut et que le général de Gaulle semblait vouloir dessiner, à savoir une France amie de tous mais en dehors des alliances des grands blocs.