L’article original a été publié sur Voix de la Russie
Certains intellectuels français nous promettaient encore jusqu’à très récemment que le risque islamiste serait en quelque sorte emporté dans la fougue démocratique du printemps arabe et du grand changement en Libye. Les Libyens, affirmaient-ils, allaient démontrer « qu’on peut être à la fois un musulman pieux et s’inscrire dans la liberté d’expression, la démocratie, l’égalité des sexes » pendant que le président Sarkozy dans cette affaire aurait lui « été exemplaire ».
Deux ans plus tard force est de constater que nous sommes pourtant bien loin de la Libye libre et démocratique que certains de nos intellectuels prévoyaient, puisque le pays est désormais sous la coupe des mafias les plus diverses et des plus islamistes. Mafias qui ont pu d’ailleurs exporter leur savoir-faire, leurs mercenaires et leurs armes de la Syrie au Mali en passant par l’Algérie, déstabilisant ainsi des états et semant le chaos
sur un continent qui s’en serait bien passé. Hillary Clinton, qui a pu montrer son vrai visage lorsqu’elle a assisté en direct au lynchage du président Kadhafi vient d’ailleurs d’affirmer avec résignationque « Les révolutions arabes ont permis aux terroristes d’élargir leur influence en Afrique du Nord et au Sahel ». Celle-ci a également confirmé que du Mali à l’Algérie,les terroristes impliqués avaient obtenus leurs armes de la filière Libyenne.
Les Américains ont, il est vrai, commencé à payer le prix fort pour cette intervention indirecte dans ces processus destructeurs puisque le
11 septembre dernier leur ambassade à Benghazi a été attaquée et que quatre de leurs ressortissants ont été tués, dont L’ambassadeur
lui-même. Il était alors en mission pour promouvoir l’ouverture d’un centre culturel américain, on aura tout vu. On ne peut que grimacer et
se rappeler que c’est de là pourtant, de Benghazi, que la révolte contre Kadhafi est partie. La ville était alors présentée comme une sorte de
capitale politique de reconquête, une ville à la « soif inextinguible de liberté »et dans laquelle enfin la « classe créative Libyenne » pourrait s’exprimer. Yves-Marie Laulan écrivait en janvier 2011, soit il y a deux ans, que « si l’on sait comment les guerres commencent, on ne sait jamais comment elles finissent » (voir sur ce chapitre le Vietnam, l’Irak, l’Afghanistan, et d’autres encore). Celui-ci, qui a été au Comité économique de l’OTAN et qui préside l’Institut de Géopolitique des Populations, sait de quoi il parle. Il rajoutait : « S’il reste au pouvoir, Kadhafi n’aura qu’un souci en tête, aller chercher refuge dans les bras toujours accueillants de la Chine ou à la rigueur, de la Russie ou de l’Iran (…) S’il est « neutralisé », quelle
gratitude attendre des insurgés ou rebelles devenus la voix de la Libye nouvelle ? Sait-on seulement qui ils sont ? Il serait bien surprenant
que la main invisible d’Al-Qaïda et de l’islamisme ne s’abatte promptement sur cette proie toute fraiche». Deux ans plus tard, on ne peut que s’apercevoir que celui-ci avait raison sur toute la ligne. La Libye ne porte malheureusement sans doute même
plus le nom d’Etat. L’anarchie qui y règne est telle que Benghazi est devenue une ville d’où la plupart des pays occidentaux souhaitent
désormais rapatrier leurs ressortissants, le risque pesant sur eux étant trop grand. France, Angleterre, Australie, Pays-Bas, Suisse font partie des paysqui ont déjà officiellement appelé leurs ressortissants à quitter la ville, en ce début 2013. Symbole du printemps arabe, la ville est aujourd’hui devenue le symbole de l’hiver islamiste. On peut affirmer aujourd’hui que la marque de fabrique de la révolution « made in Benghazi »ne se vend plus, même dans le monde musulman, hormis peut-être chez les mercenaires du grand Djihad international. Quant à la France il n’y a plus guère que certains intellectuels dogmatiques pour tenter de vouloir reproduire l’équation malheureuse avec la Syrie ou l’Algérie.
Pourtant, ceux-ci feraient bien d’écouter attentivement les sons qui arrivent de Syrie, ou pour la première fois une manifestation de djihadistes et mercenaires de l’armée Syrienne libre (pourtant nos alliés nous répète-t-on)a eu lieu récemment, durant laquelle des djihadistes ont publiquement menacé la France et appelé à aller soutenir les islamistes Maliens contre l’armée française. La présence de drapeaux salafistes dans le cortège laisse à réfléchir sur les choix stratégiques qui ont été faits par la France ces dernières années et surtout ces derniers mois dans la région. Alors que nombre d’analystes sérieux pensent que la guerre au Mali ne fait que commencer et pourrait durer des années,on ne peut que souhaiter que le pays ne devienne pas une nouvelle Syrie au cœur de l’Afrique noire.