Comment BHL a poussé la France à s’engager dans le conflit libyen

J’invite mes lecteurs à lire avec soin et à diffuser le plus possible ce texte de Dmitry Babitch publié sur Ria-Novosti, c’est un joyau!

L’homme qui pratiquement à lui seul a réussi à convaincre le président français Nicolas Sarkozy de reconnaître le gouvernement “alternatif” de la Libye, exhortait à la fin des années 1990 l’Occident à reconnaître le “président” tchétchène Aslan Maskhadov et son “premier ministre” Chamil Bassaïev. Après les événements de Tskhinvali (conflit russo-géorgien d’août 2008, ndlr), il qualifiait également Mikhaïl Saakachvili d'”homme le plus hostile à la guerre” qu’on puisse jamais rencontrer. Tous ces faits invitent à se poser la question suivante: sur quelles informations et en provenance de quelles sources l’opération militaire internationale en Libye se base-t-elle?
Le nom de cet homme, de l’informateur de Sarkozy, est Bernard-Henri Lévy, BHL pour les intimes. Il signe ses articles, comme son ami et collègue André Glucksmann, “Bernard-Henri Lévy, le philosophe.”
BHL est millionnaire, et il a accordé un entretien aux journalistes du magazine allemand Spiegel dans sa résidence permanente de l’hôtel parisien Raphaël en présence d’un valet. Ses jugements sont comme toujours péremptoires et sans appel: “Vous avez un mauvais ministre des affaires étrangères et il vous faut s’en débarrasser…

Et l’Allemagne aura beaucoup de mal à satisfaire son ambition légitime d’avoir un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU”.

On pourrait croire entendre le seigneur de l’Univers, et non pas un modeste “activiste de la diplomatie populaire qui n’a aucun pouvoir, à l’exception de celui que lui donne la conscience” (c’est ainsi que BHL s’est modestement décrit lors d’une conférence en ligne avec les lecteurs du quotidien Le Monde). Mais le problème est précisément dû au fait que l’influence de BHL sur la politique mondiale au cours des dernières semaines a été plus importante que celle des 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis.
En se rendant début mars à Benghazi, Lévy appelle Sarkozy et propose au président de la république de rencontrer personnellement les dirigeants du Conseil national de transition (CNT) qui luttent contre Kadhafi. Sarkozy donne immédiatement le feu vert à la visite de ces messieurs accompagnés par Lévy à Paris, sans même prendre la peine de prévenir son propre ministre des Affaires étrangères Alain Juppé.

Le 10 mars, Sarkozy annonce personnellement la reconnaissance du CNT par la France en tant que gouvernement légitime de la Libye. Juppé a été pris au dépourvu par cette décision.

“C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’une décision majeure de politique étrangère est annoncée par… des personnalités étrangères !”, s’étrangle  dans Le Monde un diplomate français qui a souhaité garder l’anonymat.
Le fait est que les diplomates français sont arrivés en Libye quelques jours après Lévy. Et les Libyens ont expliqué aux diplomates qu’une personnalité bien plus importante qu’eux, “l’homme du président”, était déjà venu et qu’il avait accompagné les dirigeants des rebelles à Paris.
“Tu mesures que leur arrive,  c’est un acte politique majeur ? “, lui demande Bernard-Henri Lévy.

Ces phrases de Lévy ont accompagné la discussion avec Sarkozy et ont beaucoup impressionné les Libyens. Seul un philosophe du calibre de Lévy ou de Glucksmann peut se permettre de tutoyer le président français.

“J’ai seulement proposé au président d’accueillir les représentants de la Libye libre”, dit modestement Lévy aujourd’hui, depuis que sa “proposition” a provoqué un nouveau cycle de guerre civile en Libye avec l’implication des puissances européennes.

Rappelons que de la même manière en 1999, après l’attaque contre le Daguestan par Chamil Bassaïev, Lévy avait recommandé à l’Occident de reconnaître l’autorité de Maskhadov en Tchétchénie.

Le reconnaître afin de contrarier le régime russe “stalino-hitlérien” (sa propre expression!). Il ne reste plus qu’à regretter qu’à l’époque les Français n’aient pas apprécié à sa juste valeur la proposition de Lévy et ne l’aient pas envoyé de l’hôtel Raphaël dans un établissement plus adapté pour des auteurs d’idées de ce genre.

Probablement, Alain Juppé, qui a rencontré le philosophe hyperactif pendant son premier mandat à la tête du ministère des Affaires étrangères en 1993-1995, aurait même accepté de l’accompagner.

A l’époque, après s’être rendu à Sarajevo, Lévy exigeait des pays de l’OTAN qu’ils bombardent sans attendre les positions serbes en sabotant ainsi les actions des diplomates français et allemands, qualifiées à l’époque de “plan Kinkel-Juppé”, qui cherchaient un règlement politique du conflit.

En regardant les images de l’opposition libyenne à la télévision et en voyant ces “cavaliers” du XXIe siècle avec des mitrailleuses sur des pick-up japonais, d’autres protégés de Lévy viennent à l’esprit.

Les combattants tchétchènes, les moujahids afghans (la mention du nom de Massoud dans l’appel téléphonique de Benghazi n’est pas un hasard), les miliciens bosniaques d’Alija Izetbegovic. Et le tout dernier: Mikhaïl Saakachvili. Voici ce qu’a écrit Lévy à son sujet le 20 août 2008 dans Le Monde: “Il est francophile et francophone. Féru de philosophie. Démocrate. Européen. Libéral au double sens, américain et européen, du mot. De tous les grands résistants que j’aurai rencontrés dans ma vie, de tous les Massoud ou Izetbegovic dont il m’a été donné de prendre la défense, il est le plus évidemment étranger à l’univers de la guerre, à ses rites, ses emblèmes, sa culture – mais il fait face.”

Personnellement, les emblèmes de la guerre sont probablement étrangers à BHL, mais il ne dédaigne pas de déclencher des guerres.

L’algorithme est toujours le même: il faut d’abord trouver un conflit, suivi de “l’hystérie pour la défense des droits de l’homme”, puis un règlement militaire (et seulement militaire, jusqu’à l’anéantissement total de l’ennemi!).

“Allez fouiller dans mon inconscient!”, a lancé avec mépris Lévy aux lecteurs du Monde, lorsqu’ils ont osé supposer que l’amour pour les combattants était proche des complexes étudiés par Freud. Ou peut-être les Etats-Unis, l’Union européenne et surtout la France devraient fouiller dans leur propre subconscient: pourquoi de telles personnes forgent-elle l’opinion publique et sont-elles considérées comme la “conscience de l’Europe”? Et cela vaut-il la peine de les écouter? Ainsi que les interlocuteurs recommandés par messieurs Lévy et Glucksmann en Russie, au Kosovo, en Libye…

11 thoughts on “Comment BHL a poussé la France à s’engager dans le conflit libyen

  1. Anonymous

    Cet article est tout de même aussi exagéré que les protubérances de la personnalité people que BHL se forge.
    Il n’en reste pas moins que ce discrédit sur la décision de la France d’être actif en Libye me semble totalement présomptueux.
    Il est rare dans l’histoire moderne, que des pays occidentaux prennent le risque d’affronter un dictateur, et il faut le rappeler, à l’occasion d’un massacre quasiment déclaré de la population de Benghazi si aucune action n’avait été prise.
    Doit-on être critique parce que nous avons favorisé l’existence de tous ces dictateurs ? Ou doit-on être critique parce que nous répondons à l’appel au secours d’un peuple ?

    Je comprends mal pourquoi les médias russes sont à ce point virulents, et ne mettent que peu d’eau dans leur vin.

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  2. Sclavus

    Dites donc monsieur anonyme, vous parlez mieux qu’un professeur de catéchisme :
    « Je comprends mal pourquoi les médias russes sont à ce point virulents, et ne mettent que peu d’eau dans leur vin. »
    A vous lire on a surtout l’impression que vous ne comprenez pas grand chose finalement de monde dans lequel nous vivons.
    Pour ce qui est de la virulence je préfère vous renvoyer ver les prestations de vos idoles du genre Gluksman, BHL, Daniel Cohn Benditt…
    Je crois qu’en la matière personne n’est capable de les approcher.
    Pour le moment ces gens restent des vrais mystères pour moi car une telle capacité de joindre des mensonges inimaginables à la virulence d’expression je n’ai jamais vu dans l’Histoire.
    Les médias russes ne sont qu’une douce et pudique réaction à ce phénomène sans précédent.

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  3. yves

    @Sclavus,tout a fait d’accord avec votre commentaire.
    il faut noter que le parlement Français n’a pas été consulté sur l’emploi des forces armée du pays contre la Libye.
    Ces philosophes sont maintenant des ministres de la République? l’Elysée une ambassade étrangère.
    yves

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  4. Anonymous

    J’entends bien vos réponses, mais plutôt que de me renvoyer mes propos à la figure, expliquez-moi plutôt. Je ne cherche pas de prises de becs, juste à éclairer ma lanterne.

    Je ne reviens pas du tout sur la critique de BHL, qui n’est pas un personnage à qui je voue une quelconque admiration, mais bien sur celle sous-jacente de la position de la France. (faîtes la différence, svp). Position plutôt soutenue dans l’opinion publique, avec TOUTES les nuances et mises en gardes qui vont avec.
    Le parlement français a été consulté après-coup effectivement, mais s’est tout de même prononcé en faveur d’une intervention militaire.

    Aujourd’hui, en quoi n’est-elle pas justifiée ? Des collègues étaient à Benghazi jusqu’au rapatriement, puis y sont retournés en aide humanitaire… Je ne comprends rien au monde selon vous, très bien, j’essaye alors d’écouter ceux qui peuvent me le raconter.
    Pourquoi cette ville n’avait-elle pas le droit d’être protégée face à des chars et avions de chasse ?
    Juste pour une question d’ingérence ?…

    Répondez-moi à ces deux questions, pour connaître vos opinions et vos arguments, qu’au moins si nous ne sommes pas d’accord, nous puissions nous comprendre.

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  5. yves

    Éclairage de lanterne,si vous pensez le gouvernement(Sarkozy)lui seul, en quelques heures décide une action militaire,sans faire voter le parlement et que la France part en guerre un peu a la légère et un modèle démocrate,c’est pas mon opinion. Oh oui c’est le vote de ce machin a New York qui est important,pour les Français un peu de propagande médiatique de quelques parlementaires sur cette action.
    Après Bernard Kouchner(le chouchou des Français),un autre bernard fait surface dans la politique d’ingérence de la France,je pense que vous êtes bien naïf depuis mai 2007 nous assistons a la destruction de la France.
    L’Allemangne et la Russie s’est apercu d’une décision en un temps aussi court relève du fascism.

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  6. Anonymous

    Bon, je crois que ça ne sert à rien, vous passez d’une caricature à une autre ; d’une médisance, à une autre ; et vous mélangez tout sans chercher à expliquer.
    Vous dérivez du sujet que je souhaite vraiment aborder : je ne veux pas me focaliser sur la manière dont la décision a été prise, mais sur la raison et sa légitimité (ou non, selon les opinions, et avoir un avis calme et posé).
    Arrêtez d’avoir ce ton désagréable s’il vous plait en me traitant de naïf, on est là pour discuter.

    D’autre part, l’Allemagne et la Russie se sont abstenues pour des raisons totalement différentes. C’est absolument impossible de les mettre dans le même panier. Parler ensuite de fascisme concernant la France, à côté de la démocratie autoritaire qu’est la Russie… excusez-moi, il y a des limites.

    Je ne peux qu’approuver une déliquescence de nos valeurs républicaines depuis 2007 (voire plus), et la plupart des français commencent enfin à s’en rendre compte… néanmoins cette action, peu importe qui l’amène (et qui la mène),a un fort retentissement dans notre pays, en raisons de nos VALEURS justement que l’on croyait perdues.
    Parlez de propagande si vous le souhaitez, j’ai foi en mes capacités à aller chercher différents médias en France avec des avis divergents, mais qui pour beaucoup convergent sur ce débat.
    Pour une fois, avec cette action militaire en faveur d’un peuple opprimé face à son dictateur, les Français ressentent les valeurs que nous nous clamions de défendre depuis un siècle… c’est à l’opposé de ce que vous êtes en train de dire.

    Oui on peut se poser des questions sur l’honnêteté de Sarkozy à travers cette action, oui on peut s’interroger sur le rôle agaçant de BHL, oui on peut aussi se dire que l’on est intervenu probablement car il y a des intérêts pouvant être financiers derrière…

    Mais la rapidité n’a été que lié à l’urgence de la situation : on ne sait pas ce que sera le destin, mais on savait ce qui allait se passer si nous n’étions pas intervenu … un massacre.

    Et pour une fois depuis longtemps nous sommes intervenus.

    Alors pourquoi pas ?
    Répondez-moi à cette question, pourquoi ne pas intervenir quand un peuple est sur le point de se faire massacrer.

    Au nom de toutes les autres fois où nous ne sommes pas intervenus (au Darfour par exemple) et où nous, français, avions honte d’entendre dire que nous étions un pays humaniste.

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  7. Sclavus

    @Anonymus
    Effectivement ça avait l’air d’une prise de bec ; mais ce n’était pas le cas – c’est juste une question du temps disponible ; alors on tape vite on essaie d’être rapide on joue au Lucky Luck.
    Une autorité n’est digne qu’à partir du moment où elle est juste et équitable ; elle a même droit d’être impitoyable dans ses moyens de coercition si ceux-ci sont employés d’une façon impartiale.
    Dans l’ensemble des problèmes très complexes de la géopolitique actuelle la loi qui prédomine – telle qu’elle est imposée par USA et ses inféodés – est celle des hyènes et des lycaons ; même pas celle de lion car les lions chassent seuls ou en binôme.
    Ce ne sont que des parties de chasse et rien d’autre ; et le procédé est le même partout dans le monde depuis la chute du mur de Berlin : On déstabilise un pouvoir en place via les « révolutions » (en vérité des voyous sponsorisés et entrainés par la CIA et MI6) et on attend que la situation pourrisse suffisamment – en la faisant mousser par les médias de masse – pour pouvoir la traitée devant les forums internationaux.
    Le pays-cible de ces opérations l’est toujours pour des raisons géopolitiques précises.
    Le prétexte droaaaa-de l’hommistes n’est qu’un pitoyable cache-sexe (et encore la métaphore n’est pas appropriée car en vérité il s’agit des affaires incroyablement plus tragiques et sordides) et ne s’est jamais soucié de la justice internationale ni des droits de l’homme.
    Si c’était le cas on ne laisserait pas un peuple vivre en cage (Palestinien) ou servir de pièces détachées pour les cliniques américaines (voir les mandats de Dr Kouchner).
    Un homme admirable américain à écrit un livre sur son expérience de « assassin économique » ; son nom est John Perkins.
    Sur les mécanismes menant aux différentes décisions punitives, d’extorsion ou de broyages des sociétés-cibles il suffit d’aller sur voltairnet.com ; ils m’ont l’air très documentés.
    Là où vous croyez voir des valeurs de justice n’a en vérité que des bas instincts de prédation.
    Vous êtes sans doute une personne très jeune, s’intéressant au fonctionnement du monde et vous avez tendance à croire ce que racontent les médias dont les propriétaires majoritaires sont très souvent bailleurs de fonds de ces mêmes expéditions.

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  8. yves

    Donc si j’ai bien compris vous faites partie d’ONG c’est a dire d’ingérence,le général De Gaulle a donné l’indépendance aux colonies Francaise pour mettre un terme a cette politique, commence sous la troisième République.
    Je fais partie de ceux qui refuse cette action d’ingérence,une ingérence deviens souvent une occupation militaire.
    Je ne mets pas dans le meme panier Allemagne et la Russie car je pense qu’ils connaissent l’agenda de M.Sarkozy, par la meme occasion la Russie est une démocratie tout comme Allemagne.

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  9. Anonymous

    Merci pour votre message Sclavus, j’irai regarder les références que vous donnez.
    Je préfère cette version sans Lucky Luke 🙂

    Je suis effectivement jeune, mais je préfère rester optimiste et ne pas croire à chaque fois à la théorie du complot. Le monde à partir d’un moment me semble “trop” chaotique pour pouvoir tout contrôler ou influencer sous couvert.

    Je ne suis pas d’une ONG, mais d’une compagnie qui comme beaucoup d’autre fait son profit sur le développement des pays “ne l’étant pas encore”. Et de ce point de vu, la France avait des rapports trop bons avec les Kadhafi pour vouloir les rompre inopinément, économiquement je ne suis vraiment pas sûr qu’elle y gagne.

    C’est ce qui me fait encore penser que, malgré certainement d’autres intérêts économiques non-déclarés, il y avait tout de même une ville prête à être condamnée, et qu’il n’était pas humain quand on y avait mis les pieds pour y investir de ne pas s’en émouvoir et d’accepter de repartir sans rien faire. En laissant le peuple à l’abandon.
    La non-ingérence diplomatique a ses limites, et selon moi, on y était arrivé.

    Le droit international a ses vides juridiques.

    Les pays du BRIC et l’Allemagne se sont abstenus, ils n’ont pas voté contre. Cela aussi, ça a un sens important.

    En tout cas, merci pour ces dernières réponses tout de suite plus sympathiques.

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  10. Anonymous

    Anonyme bis,

    j’observe les faits tels qu’ils sont en aboutissement la plupart du temps a une position anti-establishment. Dans le cas de l’operation lybienne, nous assistons a une operation de type “Baie des cochons”. Lamentable, honteux. Les vies des revoltes lybiens n’ont pas ete prises en consideration. Elles ne comptent guere pour nos manoeuvriers francais. La presse allemande voit dans cette mesaventure une operation de politique interieure francaise; c’est aussi mon ressenti. Quelle image la France va t-elle avoir au bout du compte ?

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