Monthly Archives: February 2010

Une autre image de la Russie, l’affaire des Russes

J’incite mes lecteurs à lire les articles du projet Russia Beyond the Headlines. Ce jumelage entre Российская газета et divers organes de presses du monde a pour but de mieux faire connaitre la Russie et lui permettre d’améliorer son image. En France, le jumelage est fait avec le Figaro. J’ai contribué avec plaisir à ce projet en écrivant un article sur l’image de la Russie intitulé : “une autre image de la Russie, l’affaire des Russes“.

Extrait :

À propos du groupe qu’elle vient de créer sur Facebook (« Fin des préjugés sur les Russes »), Sofia tient à préciser que« l’URSS a bien disparu en 1991 », qu’elle (Sofia) « n’habite pas dans une isba, ne boit pas de vodka (et jette encore moins les verres) », que son voisin « n’est pas un ours blanc » et qu’accessoirement elle « n’est pas blonde!»
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La suite ici

La Russie face à la crise systémique ..

Le LEAP dont je ne partage pas du tout toutes les analyses a dans son dernier numéro tenu à souligner que la Russie était de loin le pays le mieux préparé pour affronter les prochaines années, je me permets de retranscrire le texte car les exemplaires sont payants ..
La Russie : Mieux préparée que les autres grands acteurs globaux pour affronter les années à venir
Cela peut paraître paradoxal ; notamment si on se contente de lire les médias occidentaux, pourtant ce pays a connu sa grande période de transition vers le monde qui succèdera à celui construit après 1945 … dès 1989. Avec une probable domination du pouvoir russe par Vladimir Poutine pour l’essentiel de la décennie à venir (comme Président ou comme Premier Ministre), la Russie est a priori assurée d’une période durable de stabilité du pouvoir central, ce qui est loin d’être le cas pour les autres grands acteurs globaux.Les revenus du gaz et du pétrole (qui ne connaîtront plus de repli significatif durable par rapport aux prix moyen de l’année 2009) lui permettent de planifier son développement stratégique interne et externe. Trois exemples illustrent le fait que nous voyons dès aujourd’hui une Russie qui est en train de reprendre la maîtrise de son environnement direct : 
* L’ouverture fin Décembre 2009 du Sapsan, premier train à grande vitesse russe entre Moscou et Saint Petersbourg, ouvre ainsi ce qui va être une décennie de forte modernisation des infrastructures de transport, y compris sous formes d’oléoducs et gazoducs.
* Les projets de pipelines visant à « contourner » la Russie, à l’image de Nabucco (1), sont en train de faire long feu puisque, sans le soutien actif politique et financier américain (2), ils dérivent lentement mais sûrement vers de simples logiques économiques qui vont conduire à y réintégrer la Russie ou à abandonner le projet.
* Et l’ouverture en décembre 2009 du premier terminal pétrolier russe, à Kozmino sur la côte pacifique (seuls deux terminaux sur la Baltique et la mer Noire existaient jusqu’à présent), va permettre au pays de s’impliquer pleinement dans la croissance asiatique des années à venir (3).
C’est d’ailleurs le grand enjeu de cette décennie charnière pour le Kremlin : être en mesure de profiter du dynamisme de l’Asie sans se faire bousculer par les Asiatiques (et notamment les Chinois de plus en plus présents en Sibérie) et assurer une forte relation stratégique avec l’Union européenne tout en tenant les prétentions européennes sur l’avenir de la Russie à distance (4). Français et Allemands ont un rôle-clé à jouer dans la relation UE-Russie des prochaines années : tout équilibre européen sera impossible sans une étroite coordination de ces trois partenaires, surtout à un moment où le « cousin d’Amérique » est en train de plier définitivement bagages (5). Français et Allemands ensemble occupent la plus grande part de l’imaginaire russe en terme d’ « Occident » et ils possèdent donc une force d’attraction et de partenariat sans équivalent du point de vue de Moscou. Mais cela n’est vrai qu’à la condition expresse que cet intérêt européen soit bien celui de l’UE et non pas un faux-nez de Washington ou d’ailleurs.
Le refus marquant de la France, l’Allemagne et la Russie (6) d’être entrainées dans la guerre et le mensonge historique de l’invasion de l’Irak en 2002/2003, donne un bon exemple du type de partenariats structurants au niveau mondial qu’Européens et Russes peuvent orchestrer s’ils trouvent des finalités communes. Il en existe une que la Russie met sur la table de négociations potentielles depuis le Sommet du G20 de Londres, c’est le remplacement du Dollar comme devise internationale de référence. C’est l’intérêt objectif de l’Euroland que d’entreprendre une telle démarche afin de faire cesser le chaos monétaire mondial actuel. Si la France et l’Allemagne avaient actuellement des dirigeants possédant une réelle vision stratégique et un sens de l’Histoire comme pouvaient en posséder des De Gaulle et Adenauer, ou Mitterrand et Kohl, nul doute que le tandem franco-allemand aurait déjà poussé l’UE à saisir cette occasion d’en débattre avec Moscou et que ce tandem (représentant officieux de l’UE) serait l’invité spécial du prochain Sommet BRIC.
Source : Global Anticipation Bulletin N°42 du 15 février 2010
(1)  Ce projet censé contourner la Russie n’a toujours pas de fournisseurs clairement engagés et est en train de voir ses partenaires se joindre également au projet russe South Stream (soutenu par l’Italie) … qu’il était pourtant censé concurrencer. De l’Autriche à la Slovénie, en passant par le géant énergétique français EDF, la Russie accumule ainsi les partenaires au détriment du projet Nabucco que soutient officiellement l’UE. Ce dernier est un « projet otanesque » de pipeline officiellement lancé en 2002 avec le soutien de Bruxelles et de Washington. Sources : F Bordonaro, 11/01/2010 ; Rzd Partner, 11/11/2009 ; Reuters, 03/12/2009

(2) Et les Etats-Unis n’ont désormais plus ni les moyens financiers ni la puissance diplomatique pour le faire.

(3) L’ouverture de ce terminal en Décembre 2009 marque en effet une étape majeure dans la diversification des débouchés pétroliers de la Russie et la clé de voute d’un des plus grands projets d’infrastructures de la Russie contemporaine (près de 20 Milliards € au total). Source : Reuters, 27/12/2009

(4) Un éminent membre de l’Académie des Sciences de Russie a résumé admirablement ce dilemme à notre équipe en disant : « Au XXI° siècle, soit nous gèrerons efficacement notre relation avec Bruxelles, soit nous tomberons sous l’influence de Pékin ». Derrière les déclarations parfois très provocatrices du Kremlin, il y a en effet la conviction profonde que c’est à l’Ouest qu’un partenariat solide peut se nouer. Aux Européens, et à ces deux partenaires privilégiés que sont les Français et les Allemands, de s’y atteler honnêtement.

(5) Pour ceux qui doutent encore de cette évolution, il faut lire l’article très intéressant de Judy Dempsey dans le New York Times du 08/02/2010 qui décrit la manière discrète dont le gouvernement allemand, pourtant atlantiste, organise, malgré les protestations de Washington, la suppression définitive des 200 dernières armes nucléaires américaines sur le sol de la RFA.

(6) C’est d’ailleurs un bon exemple de ce que pourrait donner, de manière très constructive, une participation européenne à un  sommet BRIC.
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La phrase “Cela peut paraître paradoxal ; notamment si on se contente de lire les médias occidentaux ” est révélatrice de la propagande sournoise distillée sur la “mauvaise santé Russe”. Pourtant, l’économie Russe, malmenée par la crise comme tous les autres états a passé le “choc” des 18 derniers mois en limitant la casse. La dévaluation a été contrôlée, les colossales réserves de change habilement utilisées pour soutenir l’économie et la stabilité politique (essentielle) a été maintenue. Je rappelle que les réserves de change du pays ont en effet baissées de 568 milliards de dollar en aout 2008 à 384 milliards en avril 2009. Depuis elles sont remontées et s’établissent à 437 milliards de dollars (janvier 2010).

La Russie, seul Européen des BRIC devrait en effet faire partie des 6 économies dirigeantes de la planète, selon les analyses de PricewaterhouseCoopers LLP. D’après eux, le E7 (Chine, Inde, Brésil, Russie,  Mexique, Indonésie et Turquie) devrait remplacer le G7 et en 2030, la Russie être une des 6 premières puissances économieques mondiales.

Les prévisions économiques indiquées ci dessous par un panel d’experts sont également rassurantes, la Russie devant être le pays avec la croissance économique la plus forte d’Europe cette année 2010. Des chiffres économiques liés à une bonne gestion économique …

Indicator Average Median Min / Max
GDP, % 3.3 3.3 -1 / 7
Inflation, % 8.3 8.5 5.5 / 11
Industrial Production, % 4.1 4.7 -3 / 8.2
Fixed capital investment, % 5.3 4.2 -4 / 20
Retail goods sales, % 4.2 4 0.5 / 10
Nominal wages, & 8.5 9.3 1.2 / 16.6
Real household incomes, % 3.4 3.1 1 / 8.4
Exports, $Bln 358 353 290 / 413
Imports, $Bln 230 226 184 / 270
Current account balance, $Bln 56 61 16 / 103
Capital inflows / outflows, $Bln 10 16.5 -60 / 60
Direct foreign investment, $Bln 39 45.5 6 / 70
Central Bank refinancing rate 7.9 8 6.5 / 9
Lending rate to nonfinancial sector 12 12.3 10 / 13.6
Increase in lending volume to nonfinancial sector, % 11.4 10 6 / 18
Increase in consumer lending volume, % 9.5 7.6 2 / 18
Average Urals crude price, $ / barrel 72.1 73.4 60 / 90
Ruble / dollar rate at the end of 2010 28.4 28.5 26.2 / 33
Unemployment, % 7.7 7.6 7 / 9
Participants: Alfa Bank, Bank of Moscow, BDO Unicon, Center for Macroeconomic Analysis and Short-Term Forecasting, Citibank, Higher School of Economics’ Development Center, HSBC, ING, Merrill Lynch, Otkritie, Renaissance Capital, Sberbank Macroeconomic Forecasting Center, Troika Dialog, Trust National Bank, UralSib
— Vedemosti

Commentaires dissonants sur la nouvelle doctrine militaire Russe ..

Le 5 février 2010, le Président Medvedev a validé la nouvelle doctrine militaire Russe et la politique d’Etat en matière de dissuasion nucléaire à l’horizon 2020. Des 11 menaces définies par le document, 7 viennent de l’ouest et la première est toute désignée :  l’Amérique via son système de bouclier anti missile et l’extension à l’est de l’OTAN qu’elle pilote.
Toujours selon ce document : “le caractère et l’ampleur de l’emploi par la Russie de l’arme nucléaire en réponse à une agression dépend en premier lieu de l’efficacité des mesures politiques, diplomatiques, militaires et autres qui précèdent de recours à l’arme nucléaire”. En clair, Moscou se donne le droit si besoin de frappes nucléaires préventives si sa sécurité en tant qu’état est menacée.

Comme le souligne très bien Xavier Moreau : “Cette doctrine marque, en fait, la fin du rêve occidental russe. Il est difficile, aujourd’hui, de se représenter la naïveté avec laquelle la Russie a ouvert les bras à l’Occident, au début des années 90. Ce fut le cas dans les domaines économique, culturel, militaire et même dans celui de l’espionnage. Evgueni Primakov raconte dans ses mémoires* comment le nouveau chef des services secrets russes, pour faire preuve de bonne volonté, avait transmis les emplacements des micros-espions de l’ambassade américaine à Moscou. Les Etats-Unis avaient, de leur côté, offert des garanties sur la non extension de l’OTAN, et sur leurs intentions pacifiques. La suite est connue. Les vingt années qui suivent voient l’OTAN arriver aux frontières de la Russie, son allié serbe bombardé, et la population serbe de Krajina subir un nettoyage ethnique sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale. Les minorités russes sont persécutées dans les pays baltes, tandis que dans le berceau même du premier état russe, à Kiev, le département d’état américain met en place un gouvernement hostile. La rupture définitive survient lorsque la Russie observe avec effarement les démocraties occidentales restées indifférentes aux bombardements à l’artillerie lourde de la capitale ossète et, notamment, à la destruction complète du quartier juif. Pour l’administration russe, il est désormais clair que la posture morale de l’Occident est une hypocrisie et un mensonge“.
Plus grave encore, la Russie constate que le “droit international” n’existe plus. Le document dit :

-La violation par un état des accords internationaux, et l’échec à ratifier et à mettre en œuvre les traités internationaux précédemment signés sur la limitation et la réduction des armes 

-Le recours à la force militaire dans les territoires des états riverains de la Russie en violation de la Charte des Nations Unies et aux autres normes du droit international
-L’escalade des conflits armés sur les territoires voisins de la Russie et des nations alliées
Serguei Lavrov le rappelait à la dernière conférence de Munich le 06 février 2010 :
Que le principe de l’indivisibilité de la sécurité au sein de l’OSCE ne fonctionne pas n’est pas long à prouver. Rappelons-nous le bombardement de la République fédérale de Yougoslavie en 1999, quand un groupe de pays de l’OSCE, lié par cette déclaration politique, a commis une agression contre un autre pays de l’OSCE, qui était également couvert par ce principe.” 

Tout le monde souvient aussi de la tragédie d’août 2008 en Transcaucasie, où un pays membre de l’OSCE qui est lié par divers engagements dans le domaine du non-usage de la force, a utilisé cette force, y compris contre les soldats de la paix d’un autre pays membre de l’OSCE, en violation non seulement de l’acte final d’Helsinki, mais également de l’accord concret de maintien de la paix consacré au conflit Géorgie-Ossétie du Sud, qui exclut l’utilisation de la force.”

Cette vision d’un OTAN agressif est fondée. Il est vrai que depuis 20 ans et l’effondrement de l’URSS, les États-Unis et l’OTAN ont militarisé l’Europe à un niveau sans précédent – subordonnant  en fait presque tout le continent sous un bloc militaire dominé par Washington. Des 44 nations en Europe et dans le Caucase (à l’exclusion des micro-états et du pseudo-état otanien du Kosovo ), seulement six – Belarus, Chypre, Malte, Moldavie, Russie et Serbie – ont échappé à la mobilisation de leurs citoyens par l’OTAN pour le déploiement sur le front de la guerre d’Afghanistan. De ces 44 pays, seulement deux – Chypre et Russie – ne sont pas membres de l’OTAN ou de son programme de transition de Partenariat pour la Paix, et Chypre est soumise à une pression intense pour se joindre à la seconde.
Le 4 février 2010, soit la veille du jour ou le président Russe validait cette nouvelle doctrine militaire, le Président roumain Traian Basescu annoncait qu’il avait satisfait à la demande de l’administration Obama de baser des missiles intercepteurs US dans sa nation, cinq semaines après la nouvelle que des missiles antibalistiques U.S. Patriot seraient stationnés dans une région de la Pologne à une demi heure de la frontière la plus occidentale de la Russie.

Le 10 février 2010 la presse locale Tchèque (PraguePost) a écrit que “la République Tchèque est en discussion avec l’administration Obama pour accueillir un centre de commandement pour le plan de défense antimissile modifié des États-Unis.”

Vladimir Voronin, Président jusqu’en septembre dernier de la Moldavie, limitrophe à la fois de la Roumanie et de l’Ukraine, a averti que les déploiements de missiles US sur et au large de la côte de la Roumanie “peuvent transformer la Moldavie voisine en une zone de front de première ligne” et que “la position de la Roumanie sur le bouclier antimissile U.S. et un soutien aussi ouvert de la part de la direction actuelle moldave pourraient avoir des conséquences désastreuses pour la sécurité dans la région.” Celui ci ajouta que “le déploiement d’ ABM  US en Roumanie est de ramener l’Europe à la «Guerre Froide» ” et qu’il “doute que les ABM US soient braqués contre les menaces de l’Iran.” 

Le 12 février 2010 le premier ministre bulgare Boiko Borisov a révélé que les États-Unis tiendront des pourparlers avec son gouvernement pour placer des composants potentiels de missiles intercepteurs liés potentiellement à la première frappe dans cette nation de la Mer Noire. Le chef de l’Etat bulgare a expliqué la raison de sa volonté de prendre cette mesure risquée: «mon opinion est que nous avons à faire preuve de solidarité. Lorsque l’on est membre de l’OTAN, il faut travailler pour la sécurité collective

Ce cordon sanitaire autour de la Russie est évidemment parfaitement facile à comprendre : il traduit l’obsession américaine de fortifier son implantation sur le continent Européen, de repousser au maximum la Russie à l’est et de poser un nouveau “mur”, non plus à Berlin, mais à Chisinau, puisque Kiev à choisi de s’émanciper du giron américano-orange.



Cette obsession Américaine à empêcher tout rapprochement continental, dont ils seraient de facto exclus, a créé une situation de tension et de retour à des blocs militaires, car si l’OTAN est un bloc militaire, comme l’affirme Xavier Moreau avec beaucoup de finesse : “la Russie, la Chine et les pays d’Asie Centrale opposent désormais l’Organisation de coopération de Shangaï. Cette structure politique et militaire, sera un levier incontournable dans les relations internationales, alors que le continent asiatique remplace peu à peu l’Occident dans son leadership mondial. La Russie est la pénétrante naturelle de l’Europe vers l’Asie. Elle est la jonction entre ces deux continents. 

En laissant les Etats-Unis construire un nouveau rideau de fer sur le continent européen, et en acceptant de diluer leur puissance au sein de l’Union Européenne, la France et l’Allemagne se privent d’une ouverture vers l’avenir. La réaction positive du ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, au sujet du projet russe de sécurité collective mais également sa volonté de libérer l’Allemagne des armes nucléaires Américaines, ainsi que l’achat d’une frégate française par la Russie, laissent cependant entrevoir la possibilité d’un retournement politico-stratégique“.

Analyse dissonante des élections en Ukraine

Un peu moins de 900.000 voix voix séparent Viktor Ianoukovitch (48.95% et 12 480 053 voix), et Youlia Timoshenko (45.47% et 11 589 638 voix) mais c’est le premier qui a été élu président, au cours d’une élection, dont la transparence a été soulignée par tous les grands états et les principales instances internationales mais qui a surtout mis un terme au mythe de la « démocratie Orange ». Seule la ravissante Youlia (l’Evita Peron de la mer noire), malheureuse perdante, a quelque peu tardé à reconnaitre le choix de ce peuple qui l’avait pourtant généreusement soutenu en 2004, veillant dans le froid et la nuit sur la place centrale de Kiev. 
 
Orangisme, mauvaise gestion et dérives nationalistes
La gestion économique et politique des Orangistes n’a pas été brillante, aggravée il est vrai par la crise économique qui a très durement frappé le pays, comme le montre le graphique dessous sur l’évolution du PIB sur la période 2006-2009.  
 
Les brimades linguistiques à l’encontre de la minorité Russophone n’ont certainement pas contribué à favoriser leur implantation électorale à l’est du pays et le président sortant Viktor Iouchenko, héros de la démocratie et chouchou de l’Occident en 2004 (!), a réuni moins de 6% des suffrages et a choisi de décorer (entre les deux tours) la figure historique Ukrainienne de la collaboration nazie, Stepan Bandera, (dont les hommes ont tués plus de 100.000 Polonais pendant la seconde guerre mondiale). Il est d’ailleurs assez surprenant de n’avoir entendu aucun commentaire des démocraties Occidentales a propos de cette “émouvante cérémonie” de l’entre deux tours. Le premier ministre ayant alors affirmé que le président Ukrainien « crachait au visage de ses anciens sponsors». Logiquement, au second tour, les mouvements d’extrême droite Ukrainiens  ont appelé à soutenir le candidat Orange. 
 
Cet échec flagrant des Orangistes est à la fois électoral mais également financier, la crise ayant privé de crédits leurs principaux bailleurs de fonds, les stratèges des diverses ONGs qui pullulent dans les pays frontaliers de la Russie, Ukraine et Géorgie en tête. 
 
La victoire du candidat bleu n’est pas cependant une surprise totale pour tout commentateur initié, elle était même au contraire relativement prévisible. Un sondage de l’institut Ramsukov (pourtant affilié au parti du président défait) montre bien l’évolution forte des mentalités en Ukraine de 2005 (révolution Orange) à 2009 et le basculement “a l’est”. En 2009 un sondage durant l’été montrait que le gouvernement Orange d’Ukraine était le gouvernement avec le soutien populaire le plus faible au monde, 85% des Ukrainiens désapprouvant l’action de leur gouvernement. 
 
L’Ukraine plus unie qu’il n’y parait
Les élections de 2004 avaient dévoilées l’existence de deux Ukraines, la bleue (orientale, tournée vers la Russie) et l’orange (tournée vers l’Occident). Cette coupure n’est pas seulement politique et culturelle. Elle est aussi linguistique, les Ukrainiens « bleus » lorsqu’ils ne se considèrent pas comme Russes sont souvent Russophones voir parlent un dialecte local Ukraino-russe. Dans la partie Orange les populations sont Ukraïnophone (ou parlent un dialecte local Ukraino-polonais).
 
Les élections de 2010 ont quelque peu atténués cette coupure, comme le précise Jean Marie Chauvier, Ianoukovitch et son Parti remportent leurs plus grands succès dans les régions à majorité russophone de l’Est et du Sud : 90% à Donetsk (Donbass), 88% à Lugansk, 71% à Kharkov, 71% à Zaporojie, 73% à Odessa, 79% à Simféropol (Crimée), 84% à Sébastopol. Le leader « régionaliste » avait reçu l’appui du Parti Communiste et d’autres formations de gauche, en très net recul au premier tour.  Mais Ianoukovitch remporte également de substantiels succès dans l’Ouest ukraïnophone : 36% à Jitomir, 24% à Vinnitsa, 18% à Rovno, 41% en Transcarpatie…C’est seulement dans les régions de Galicie (Lvov, Ternopol, Ivano-Frankovsk), traditionnels bastions du nationalisme radical antirusse et antisémite, que ses scores sont les plus faibles : inférieurs à 10%. 
 
Une remarque symétrique s’impose pour les résultats de Ioulia Timochenko. Majoritaire à l’Ouest (de 85 à 88% dans les régions galiciennes, 81% à Lutsk, 76% à Rovno, 71% à Vinnitsa, mais seulement 51% en Transcarpatie), elle remporte également des succès remarquables à l’Est (29% à Dniepropetrovsk, 34% à Kherson, 22% à Kharkov). Les 29% à Dniepropetrovsk ne sont pas le fruit du hasard : Ioulia en est originaire, et le clan industriel de cette région est rival de celui de Donetsk que domine Ianoukovitch. Comme quoi, là non plus, le clivage « est-Ouest » ou « Russophones contre ukraïnophones ne joue pas. La ville de Kiev se partage entre 65% pour Ioulia et 25% pour Viktor Ianoukovitch, alors que cette capitale est très majoritairement russophone. Le leader de l’Est industriel et ouvrier n’y est pas reconnu par une bourgeoisie et une « classe moyenne » pourtant très attachée à la langue et à la culture russes. 
 
 
Enfin la percée du 3ième homme Sergueï Tiguipko montre bien que la lassitude des électeurs envers cette scission et l’intérêt que porte une grande partie d’entre eux à une éventuelle 3ième voie.
 
 
L’Ukraine nouvelle, pont entre l’est et l’ouest
Pourtant contrairement à ce que beaucoup de journalistes ou commentateurs ont affirmé, le résultat des élections en Ukraine ne traduit pourtant pas du tout un retour de l’Ukraine dans le giron Russe ou une quelconque résurgence impériale Russe qui serait un danger pour l’Ouest. Bien au contraire, la victoire bleue affirme la position de l’Ukraine comme nation périphérique de la Russie, sur la « route vers l’Europe » mais également comme « partenaire de nouveau fiable » pour la Russie. La position de Ianoukovitch de tendre la main à l’ouest et à l’est ne fait que confirmer la situation économique réelle du pays (afflux de capitaux Russes) mais également son besoin de capitaux Européens pour moderniser le pays et faire face au problèmes économiques aggravés depuis l’été 2008. A ce titre l’Ukraine de Ianoukovitch pourrait se retrouver dans la position d’un « pont » entre l’Europe et la Russie et non plus d’un fusible dirigé par Washington pour déstabiliser les relations Euro-Russes (guerre du gaz, conflits de pipelines etc.). La volonté du nouveau président de faire ses deux premiers voyages à Bruxelles et Moscou devrait rassurer les chancelleries Européennes mais également le Kremlin quand à la création du cartel énergétique Ukraino-Russe mais également du maintien de la flotte Russe en Crimée ou son opposition à ce que l’Ukraine rejoigne l’OTAN.  

Comme l’a précisé le président Ukrainien lors de son investiture : ” L’Ukraine poursuivra l’intégration avec l’Europe et les pays de l’ex-URSS en tant qu’Etat européen n’appartenant à aucun bloc … L’Ukraine sera un pont entre l’Est et l’Ouest, une partie intégrante de l’Europe et de l’ex-URSS en même temps, l’Ukraine se dotera d’une politique extérieure qui nous permettra d’obtenir un résultat maximum du développement des relations paritaires et mutuellement avantageuses avec la Russie, l’UE, les Etats-Unis et autres pays qui influencent le cours des événements dans le monde“. (source de l’extrait).
L’élection de Ianoukovitch semble donc ancrer l’Ukraine entre Bruxelles et Moscou, mais l’éloigner de Washington et cette ligne « globale » semble être souhaitée par le peuple Ukrainien, au début de l’année, un sondage du Kiev post montrait que 60% des Ukrainiens souhaitaient l’intégration à l’UE, 57% sont contre l’intégration à l’OTAN et seuls 7% voient la Russie comme un état hostile, 22% souhaiteraient un état unique Russie-Ukraine (Source : Johnson Russia List 2010 issue 34 number 2).
 
Ianoukovitch, un « poutine ukrainien » pour la presse Occidentale ?
 
Il est symptomatique de voir à quel point la presse anglo-saxonne a critiqué les résultats de l’élection, l’égérie Kremlinophobe du Moscow Times, Youlia Latynina allant même jusqu’à expliquer le résultat des élections comme logique, les électeurs pauvres étant tentés par des votes Poujadistes (« letting poor people vote is dangerous »). Pas de chance pour elle, la carte électorale montre bien que c’est la partie la plus riche d’Ukraine, la plus industrielle qui est majoritairement « bleue » et pro Russe. 
 
 
 
Autre critique plutôt surprenante du résultat des élections, l’oligarque en exil Boris Berëzovski qui s’est fendu d’un commentaire des plus insultants (Uk / Ru), après avoir affirmé qu’il avait soutenu et financé la révolution orange.  

L’Ukraine au cœur de l’Eurasie.  

Le 1er janvier 2012 entrera en vigueur l’Espace économique commun Russie-Biélorussie-Kazakhstan impliquant la liberté de circulation des capitaux et des travailleurs. L’Ukraine est fortement invitée à s’y joindre ou, du moins, à s’en rapprocher. Les Russes insistent sur « l’intérêt pour l’Europe » d’encourager la formation de ce nouveau « marché commun » opérant une sorte de trait d’union entre les parties orientales (principalement la Chine) et occidentale (Union Européenne) de l’Eurasie.   

On peut se poser la question de savoir si le futur du continent ne se dessine pas également via la création de ces deux «zones», celle Occidentale de Bruxelles et celle Eurasiatique de Moscou. Une scission entre ces deux Europes, l’Occidentale, et l’Orientale reprenant la délimitation territoriale telle que le définit le projet de sécurité Européenne proposé par la Russie qui définit dans son point 10 la zone de Vancouver à Vladivostok comme séparée en deux, avec une partie qualifiée d’Euro-Atlantique et l’autre partie qualifiée d’Eurasiatique. 
 
Pour l’heure comme le souligne l’expert Michael Averko, la tentative d’installer le nouveau mur entre les Europes à Kiev a échoué. L’impatience de l’OTAN et son extension à l’est forcenée, ou ses différentes actions militaires anti Serbes ont finalement contribué à involontairement et indirectement améliorer l’image de la Russie.

La crise, de 2006 à 2010

Publication d’un recueil de textes de Dmitry ORLOV sur la fameuse crise économique mondiale, des articles de 2006, 2008 et 2009. Je vous incite à les lire, il ne faudra pas dire que nous n’avions pas été prévenus …

L’Union Soviétique (URSS) s’est effondrée il y a environ dix-sept ans. Les États-Unis (ÉU) s’effondreront (économiquement ou politiquement) à un certain point

Les 5 stades de l’effondrement (11/2008)
Stade 1 : L’effondrement financier
Stade 2 : L’effondrement commercial
Stade 3 : L’effondrement politique
Stade 4 : L’effondrement social
Stade 5 : L’effondrement culturel

Chez Taddéi : la Russie 10 ans après ..

Chers lecteurs : vous pouvez envoyer vos messages de soutien et remerciement à messieurs Sapir, Todd et Kalika pour leur brillantes interventions chez Taddéi.
Un malus aux autres intervenants dont la mauvaise foi (par Poutinophobie primaire) les éloignent de toute analyse objective …
Le lien de l’émission est ici

7 ans déjà

Beaucoup de travail et de nombreux articles sur commandes font que le blog est provisoirement peu alimenté … Ne vous inquiétez pas chers lecteurs, cela n’est que provisoire.

Le 14 février c’était l’anniversaire de ce discours qui même si il n’a pas de lien direct avec la Russie mérite d’être de nouveau écouté.
Que mes lecteurs comprennent bien, ces 15 minutes 36 de discours ont fait de Dominique de Villepin l’homme à abattre pour la nébuleuse Atlantiste.

Dominique de Villepin à l’ONU – 14 février 2003
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Chroniques de la vieille Europe : cap Russie !

Votre serviteur a été interviewé en direct sur le journal de la nuit ce 09 février, notamment sur l’année croisée et les élections en Ukraine …

Le “Libre journal de la nuit de la vieille Europe” est une émission diffusée toutes les 4 semaines, le mardi de 21h30 à 23h00 sur Radio Courtoise.
Présentation : Patrick Péhèle (journaliste), Philippe Christèle (consultant international), Xavier van Lierde (journaliste), Lucien Valdes (journaliste), Grégoire Gambier (journaliste), Olivier Lebrun (spécialiste sur la Défense).
Dans chaque émission les chroniqueurs commentent l’actualité géopolitique, européenne et culturelle. Un invité est reçu autour d’un thème consacré à l’actualité ‘européenne (géopolitique, diplomatie, économie, littérature, cinéma…).
Les interventions sont écoutables sur le site “chroniques de la vieille Europe“.
La Russie a déjà été traitée avec de prestigieux intervenants notamment :

– Andréï Gratchevjournaliste, écrivain, ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev.
Georges Nivat, professeur de littérature russe à l’Université de Genève et à l’Université européenne de Saint-Pétersbourg sur la Russie et la politique de Vladimir Poutine.
– Jean Robert Raviot sur son dernier livre “Démocratie à la russe, pouvoir et contre-pouvoir en Russie” au édition Ellipses.
Alexandre Douguine sur sa conception géopolitique d’Eurasisme.