En mars et mai 2014 j’ai été invité à m’exprimer (très brièvement) sur la chaine française LCI, à propos de l’évolution de la situation en Ukraine.
J’ai dit, à l’encontre de tout le mainstream médiatique ambiant de l’époque, que la Russie n’avait aucun intérêt à une partition de l’Ukraine, et les européens non plus. J’ai aussi affirmé que les évènements en cours avaient leur source hors d’Europe et plus précisément en Amérique.
Il est vrai que quelques semaines auparavant, la presse russe avait révélé un enregistrement bien embarrassant, repris par le Huffington Post. La secrétaire d’état adjointe (américaine) chargée de l’Europe, Victoria Nuland, et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, discutaient de la situation chaotique qui s’installait en Ukraine, et madame Nuland a prononcé une phrase pas très diplomatique: Que l’UE aille se faire foutre. Cette phrase résume parfaitement la façon dont Washington manage sa relation avec son allié européen: L’UE n’a pas à donner son avis sur les affaires européennes.Dès le début de cette crise en Ukraine, les rares commentateurs qui ont accusé Washington de déstabiliser la région se sont fait traiter d’agents russes. On entend bien que le journaliste français de LCI qui m’interroge me présente tout naturellement comme: Le point de vue russe, pour ne pas dire la voix de Moscou, rien que ça! Pourtant je ne représente ni la Russie ni la France, je fais seulement partie des millions d’Européens qui s’inquiètent de voir l’Union Européenne transformée en protectorat américain. Je fais aussi partie de ceux qui, dans de nombreux pays, souhaitent un monde multipolaire.
A ma connaissance du reste, LCI n’a pas relevé que le président Barack Obama, qui n’est pas la voix de Moscou, vient récemment de confirmer ce que je disais, en affirmant que l’administration américaine a clairement arrangé le changement de pouvoir en Ukraine. Il confirme ainsi la responsabilité américaine dans la déstabilisation de la région.
Washington semble du reste être passé à la vitesse supérieure dans la volonté de déclencher un conflit en Europe orientale avec la Russie. Le congrès américain discute en ce moment de l’alourdissement des sanctions contre la Russie, et aussi de la livraison d’armes lourdes à l’armée ukrainienne pour qu’elle poursuive ses opérations dites anti-terroristes, qui ont déjà couté la vie à des milliers de civils dans l’Est de l’Ukraine.
Simple effet de prisme et démonstration de l’odieux double standard américain: Imaginons qu’en Russie, en ce moment, la Douma (le parlement russe) soit en train de discuter de la livraison d’armes à longue portée aux fédéralistes de l’Est de l’Ukraine, pour que ces derniers puissent bombarder Kiev. Est-ce qu’il n’y aurait pas une grande indignation dans la pacifique coalition occidentale et internationale?
L’ex-secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen vient d’affirmer il y a quelques jours que les ambitions de Vladimir Poutine vont au-delà de l’Ukraine et qu’il pourrait attaquer un état balte afin de tester la solidarité de l’Occident justifiant ainsi un renforcement historique de l’OTAN à l’est de l’Europe.
Certains analystes américains et certains de leurs collègues européens pensent avoir trouvé une explication à ces comportements supposés qui caractérisent le président russe: Il souffrirait d’autisme, ou plus précisément du syndrome d’Asperger! Très curieusement et alors que c‘est une obscure fonctionnaire du Pentagone qui a fait un rapport dans ce sens il y a plusieurs années, cette information a inondé de façon unilatérale et totalitaire cette semaine la quasi-totalité des médias français sans qu’aucune analyse n’allant pas dans ce sens n’ai la moindre place dans le paysage médiatique.
Cette obsession à vouloir que le président russe ne soit pas quelqu’un de normal est une manifestation de la totale incompréhension de nombre d’acteurs du bloc occidental à accepter l’existence d’un agenda russe qui diffèrent du leur. Ce n’est pas une nouveauté loin de là. Déjà en 1996 des experts militaires américains jugeaient les russes pour la plupart irrécupérables et un fonctionnaire de l’alliance affirmait ne jamais pouvoir s’habituer à Entendre parler russe au QG de l’OTAN. C’est peut être toute cette hystérie qui a finalement contaminé jusqu’à Angela Merkel qui l’année dernière affirmait elle aussi que Vladimir Poutine vivait dans un autre monde.
Tout ça ressemble beaucoup et surtout à une hystérie anti russe dont on doit se demander quels intérêts elle sert.
Qui aujourd’hui pourrait sérieusement imaginer que la Russie ne souhaite ou ait intérêt à attaquer un pays Européen ou un pays de l’Otan? Pourtant, en mars et septembre 2014, j’ai donné deux conférences à Paris, au siège de l’UMP, devant des membres de la droite populaire, et à 6 mois d’intervalle, le même étudiant polonais, (représentant de je ne sais quelle association franco-polonaise) qui s’était assis au même endroit dans la salle, m’a posé la même question: Pensez-vous que la Russie va envahir la Pologne?
On pourrait en rire si ce n’était pas tragique. J’ai posé la question à cet étudiant de savoir qu’est ce qui pouvait lui faire penser ça, il n’a su me répondre. Sans doute vivait-il, et vit-il sans doute encore, dans un autre monde. Un monde défini et modélisé par ce Russia Bashing qui prédomine au sein des soumis médias français.
Et puisque de nombreux médias colportent cette hystérie collective au nom de la liberté d’expression, il ne faudrait pas qu’ils oublient un autre noble aspect de la profession de journaliste qui ne se limite pas à la liberté de publier des caricatures, il y a aussi la recherche de la vérité. Le 17 juillet 2014, l’avion malaisien MH17 a été abattu au dessus de l’Ukraine, 298 personnes ont ainsi été assassinées. Que sont devenues les preuves immédiatement annoncées par les américains qui accusaient la Russie ou les séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine? Pourquoi la commission d’enquête internationale est-elle silencieuse depuis des mois?
On aimerait que des journalistes d’investigation arrêtent le Russia Bashing et, par exemple, s’intéressent à ce dossier en tentant d’apporter des faits et non des émotions.
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