Au cœur de l’été 2012, le président Syrien, lors d’une intervention sur la chaine Ad-Dounia avait expliqué que la victoire de l’Etat Syrien était probable mais que le régime avait besoin d’un peu de temps pour venir a bout des groupes armés qui semaient l’anarchie dans le pays et voulait renverser le régime.
A l’époque, peu de gens prêtèrent attention aux propos du président syrien alors que la guerre redoublait d’intensité et que le front était déplacé au cœur même de Damas, la capitale subissant l’assaut de plusieurs milliers de combattants et le régime faisant face au terrible attentat du 18 juillet 2012 qui frappa durement l’Etat major syrien.
Le bouclier de Damas a semble-t-il résisté à ses assaillants et le front s’est dès le printemps 2013 principalement stabilisé dans certains quartiers périphériques du Sud et de l’Est de la capitale, pendant que l’Armée syrienne repassa elle à l’offensive au début d’année, notamment en reprenant en grande partie le contrôle de la province centrale du pays (coupant ainsi les fronts Sud et Nord du pays), après la symbolique et stratégique victoire de Qousseir, acquise avec l’appui visiblement essentiel du Hezbollah libanais.
18 mois plus tard, les prévisions du président syrien semblent se réaliser et la guerre semble avoir pris en cet automne 2013 un nouveau tournant tant sur le plan militaire que diplomatique.
L’armée syrienne continue sa progression dans le Sud de la capitale et la prise ces derniers jours de villes tel que Husseiniyeh, Ziabiyeh, Boueida ou la stratégique Sbeineh permettrait pour la première fois au régime de scinder les fronts occidentaux et orientaux de la Goutta (comme on peut le voir ici) mais surtout de totalement cerner la Goutta orientale dans laquelle se trouveraient plusieurs milliers de combattants armés mais désormais bloqués.
Plus au Nord de la province de Damas, l’assaut devrait être mené prochainement sur la région de Qalamoun, située dans la bande frontalière avec le Liban et qui selon certaines sources comprendrait entre 20.000 et 30.000 rebelles. Cette région est stratégique tant pour les rebelles que pour le pouvoir syrien car elle est le point de passage vers la base arrière des rebelles au Liban : la ville d’Aarsal, d’où de nombreux rebelles passent en Syrie pour combattre l’Etat syrien mais également une solide base arrière de la rébellion syrienne.
La proximité de la zone avec le fief du Hezbollah explique la très vraisemblable participation de 15.000 hommes du Hezbollah dans cette imminente bataille. Une victoire de l’armée syrienne pourrait contribuer à totalement atténuer le front dans le Centre et sur la cote du pays car le contrôle de la zone montagneuse du mont Qalamoun permet à la rébellion de faire peser un danger permanent sur l’axe Damas-Homs, route principale d’approvisionnement vers la cote du pays et le Nord.
Comme on peut le voir sur cette carte interactive qui donne une idée précise de la situation militaire pour chaque ville du pays, la rébellion syrienne n’a plus aujourd’hui de mainmise que sur la région d’Idlib et dans le Nord du pays (l’axe Alep-Raqqa-Deir Ez Zor), où elle fait cependant face au front kurde. Pour autant, ces derniers jours, l’armée syrienne a enregistré de nombreuses victoires dans le Nord et autour d’Alep, que ce soit la reprise de la ville stratégique de Al-Safira ou encore l’offensive sur la base80 d’Alep.
Les correspondants russes de l’agence ANNA-News, qui sont les seuls journalistes étrangers à accompagner l’armée syrienne dans ses opérations, font état sur leur site de grands changements dans le comportement des rebelles ces dernières semaines et de la hausse notable des redditions de combattants rebelles syriens à travers le pays alors que l’opposition syrienne se fragmente de plus en plus et que les divisions internes se superposent à la montée en puissance des groupes islamistes, majoritairement soutenus par l’Arabie saoudite… Est-ce le signe d’un découragement d’une grande partie des combattants rebelles alors que leur guerre semble désormais de plus en plus impossible à gagner et que leurs sponsors sont de plus en plus impuissants et divisés ?
Sur le front diplomatique, alors que les menaces de bombardements occidentaux ne sont plus qu’un souvenir, l’offensive diplomatique russe a fait de la conférence de Genève 2 une étape clef et incontournable du processus de paix.
Que pourrait-il se passer maintenant ?
Il semble quasi-certain que Genève 2 voit la participation d’un pouvoir triomphant militairement et une opposition désunie et qui perd sur le terrain, puisque les groupes islamistes radicaux proches d’Al-Qaïda qui enregistrent les rares succès rebelles sur le terrain ne devraient pas y participer. On voit mal aujourd’hui ce qui pourrait empêcher le président syrien de se représenter à sa succession aux élections présidentielles de 2014 et d’être largement réélu.
L’Iran devrait vraisemblablement participer à la conférence, le pays ayant réouvert un cycle de négociations sur le nucléaire devant aboutir a un accord en vertu duquel le pays s’engagerait a arrêter l’enrichissement de son uranium à 20 % et ne pas utiliser ses centrifugeuses d’enrichissement les plus modernes en échange d’un allègement des sanctions de la communauté internationale à son encontre. Ce faisant, le pays revient habilement dans le grand jeu régional via le soutien direct de la Russie.
Le front sunnite radical (l’alliance stratégique des frères musulmans, du Qatar et de la Turquie) a traversé une année 2013 assez catastrophique ayant marqué l’arrêt de la dynamique islamisante issue du printemps arabe. Apres avoir perdu le pouvoir en Egypte et en Tunisie, ce front s’est heurté militairement et frontalement en Syrie a l’alliance Hezbollah-Syrie-Iran avec les conséquences que l’on connaît en cette fin 2013.
La Turquie a joué gros et semble proche de perdre beaucoup. Le pays traverse des perturbations liées à une gouvernance Erdogan qui est visiblement de plus en plus contestée et semble se préparer à lourdement modifier sa politique extérieure en formulant une demande d’adhésion a l’Union Douanière et en se rapprochant de l’Organisation de la coopération de Shanghai dont elle est devenue partenaire de dialogue au mois de mars de cette année.
L’alliance de l’Arabie saoudite et des pays du golfe (hormis le Qatar) semble rechercher des nouveaux alliés pour combattre le pouvoir syrien, via notamment des pays comme la Jordanie ou le Pakistan.
C‘est ce bloc qui semble à ce jour le plus décidé à mener à terme le renversement par la force du régime syrien.
Une telle politique est elle compatible avec les objectifs du parrain américain de voir la réalisation de Genève 2 ?
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