Category Archives: Sputnik

La Syrie illustre-t-elle une crise de la diplomatie française ?

imagesCes dernières semaines, plusieurs nouvelles du front syrien ont pu laisser penser aux observateurs les plus attentifs que notre diplomatie avait commis de lourdes erreurs d’appréciation, et qu’une prise de conscience était en cours.

Victime d’une agression extérieure à haute intensité qui a commencé en 2011, l’Etat syrien mène une guerre pour maintenir l’unité nationale et éviter une désintégration qui transformerait le pays en un Irak bis.

Dès le début des événements, en 2011, la France a pris sans réfléchir des positions tranchées qui semblaient ne laisser aucun avenir au système Assad. Notre ministre des Affaires étrangères nous ressassait en 2011 et 2012 que Bachar el-Assad n’en avait plus « que pour quelques mois », ajoutant que même les Russes « envisageaient de laisser tomber le président syrien ».Visiblement très mal informée de la réalité de la situation sur le terrain, notre diplomatie n’avait pas envisagé un quelconque scénario alternatif. Pourtant, de nombreux experts non alignés avaient fait à l’époque d’autres prévisions qui se sont finalement réalisées: au cours des années 2013 et 2014, la coalition syrienne, c’est à dire l’appareil politique et militaire syrien et ses nombreux soutiens intérieurs et extérieurs, allait petit a petit regagner du terrain et connaître d’importants succès militaires et politiques. Continue reading

Et si la France rejoignait l’Organisation de Shanghai ?

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Dans un monde dont le centre de gravité se déplace de plus en plus rapidement vers l’Asie, et alors que la Chine est prête à assumer son statut de première puissance planétaire, la France pourrait prouver que l’Europe se souvient que son prolongement géographique naturel est l’Asie.

Environ 45 ans après la fin du cycle historique que constitua la « grande guerre mondiale de 30 ans » (1914-1945), la victoire de l’Amérique et du « monde libre » sur l’Union soviétique a sans doute été rendue possible par la diffusion globale de l’American way of life, très habilement diffusée via un outil de propagande redoutable et historiquement encore inégalé: Hollywood.L’Amérique surfait aussi sur ses authentiques succès, et son image d’après-guerre était illustrée par un cliché plutôt juste: l’Américain du milieu des années 60 était l’homme le plus riche et le plus heureux du monde. Son mode de vie était envié et son avenir radieux semblait assuré, grâce au formidable essor économique de son pays. Si l’Amérique n’avait pas encore gagné militairement ni politiquement la guerre froide, elle avait déjà conquis les cœurs de la majorité des habitants de la planète, et pas seulement dans le monde occidental et européen. Continue reading

Pourquoi il faut soutenir Vladimir Poutine

images« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment.

Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. » (Source: Le dernier Mitterrand de Georges-Marc Benamou).

Ces dernières semaines, de bien surprenantes prises de positions sont apparues sur la toile: la dénonciation des dérives poutiniennes que connaîtraient une certaine classe politique, surtout de droite, tandis qu’une partie de la France aurait, elle, le tort d’être « pro-Poutine ».Hormis la fâcheuse manie franco-française de systématiquement dénoncer son voisin, surtout s’il est francais, on constate qu’une certaine panique gagne les relais médiatiques actifs du dispositif de gouvernance, dont le métier est de rédiger et de diffuser le « prêt-à-penser » démocratique. Il y a peu, émus par le nombre de commentaires pro-poutine sur le web hostiles aux articles de leurs journaux, ils tentèrent maladroitement de mettre cette tendance sur le compte de professionnels de l’agit-prop internet payés par le Kremlin. Une telle explication n’a pas manqué d’amuser les citoyens qui expriment par simple conviction leur opinion dans les commentaires du Figaro ou du Monde, par exemple.

Dans la foulée, ces mêmes experts ne purent que constater la victoire idéologique russe (sic) dans la bataille de la communication, en affirmant que le Kremlin pouvait s’appuyer sur « des fantassins européens, recrutés ou ralliés par conviction ». Diantre! Continue reading

Chypre permet à la Russie de renforcer sa présence en Méditerranée

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Vladimir Poutine remporte une nouvelle victoire diplomatique qui lui permet de réaliser un objectif russe à long terme, en consolidant la présence russe en Méditerranée. La réunification avec la Crimée, le maintien d’Assad au pouvoir et maintenant l’accord avec Chypre sont autant d’évènements qui vont dans ce sens.

En septembre 2012, j’avais esquissé l’idée que Chypre puisse devenir à terme une sorte de tête de pont russe en Méditerranée, peut-être même avec l’installation d’une base militaire russe au sein de l’Union européenne.

Les liens entre Chypre et la Russie sont apparus principalement aux yeux du grand public lors de la crise de 2013, au moment où l’économie chypriote est devenue une victime collatérale de la crise grecque. A ce moment-là, le Mainstream médiatique a propagé un tas de mythes et de simplifications selon lesquels l’économie de Chypre, Etat membre de l’Union européenne, était presque exclusivement une grande lessiveuse pour l’argent sale des mafias russes.

Chypre et Russie: des liens anciens

Pourtant, les liens entre le monde russe et Chypre, anciens et même historiques, existaient bien avant l’apparition des mafias russes. Continue reading

Le monde anglo-saxon en guerre contre l’Europe ?

imagesLes accords de Minsk ont fait ressurgir une vérité oubliée un peu trop vite : les Etats européens ont un rôle fondamental et incontournable quand il faut gérer une crise sur ce continent.

Paris et Berlin se sont en effet bien gardés d’inviter Washington et Bruxelles, c’est-à-dire l’Otan et l’UE, à ces négociations de Minsk, destinées à avancer vers un accord de paix, dans cette guerre civile qui se déroule en Ukraine.

Ironie de l’histoire: la Biélorussie, régulièrement taxée de « dernière dictature d’Europe », a accueilli une rencontre ayant permis aux puissances continentales de bloquer les velléités guerrières anglo-saxonnes.

Prises entre l’enclume des faucons ukrainiens et le marteau de leurs sponsors américains, les élites ukrainiennes, qui auraient naïvement cru à la fable de leur intégration fraternelle au sein de la communauté euro-atlantique, doivent désormais déchanter.Les rêves d’adhésion immédiate à l’Union Européenne et à l’Otan sont partis en fumée, et le pays est maintenant très proche de la faillite. Le divorce avec la Russie sur le modèle géorgien se fait au prix d’une guerre contre le monde russe et donc quasi-directement contre la Russie. Dans le même temps, les oligarques qui ont pris le pouvoir en Ukraine après les événements de la place Maïdan ont mis les nations européennes face à une situation très complexe.

Du côté de l’Europe de l’ouest, on essaie de croire à la paix en Ukraine et de rester optimistes, mais une scission apparaît de plus en plus nettement. D’une part, se profile un axe qui recherche la paix et d’autre part un groupe qui souhaite un affrontement plus direct avec Moscou. Continue reading

Réflexions sur l’assassinat de Boris Nemtsov

imagesLa mort inattendue de Boris Nemtsov en Russie a fait couler beaucoup d’encre et causé un lourd dommage à l’image de la Russie, la grande majorité des commentateurs n’ayant pu s’empêcher de pointer la potentielle et probable responsabilité des autorités russes dans ce meurtre.

Pourtant, loin de « l’émotionnel-militant » qui a envahi nombre de rédactions, il convient de revenir sur le personnage et sa réelle stature politique en Russie, pour comprendre sa mort dans un contexte politique russe complexe, tant sur le plan intérieur qu’extérieur.

Proche du pouvoir et de la grande mouvance réformatrice qui émana de la fin de l’Union soviétique, Boris Nemtsov est issu d’une famille célèbre en Russie puisqu’il serait le petit-neveu de Yakov Sverdlov, révolutionnaire et homme politique russe qui aurait donné en 1918 l’ordre d’assassiner le tsar Nicolas II et toute la famille impériale.

Boris Nemtsov se lança en politique et bénéficia fortement des chaotiques années 90, puisqu’il fut premier gouverneur de l’Oblast de Nijni-Novgorod de 1991 à 1997 avant d’être ministre de l’Énergie sous Boris Eltsine. A l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, il s’investit de plus en plus activement dans l’opposition libérale en Russie, une opposition libérale dont le poids politique allait systématiquement et régulièrement s’amenuiser au cours des années qui suivirent. Continue reading

Accords de Minsk: le choix de l’Eurasie ?

imagesLorsque le mur de Berlin s’est écroulé, et avec lui l’URSS, rien ne semblait pouvoir empêcher l’américanisation de l’ancien monde soviétique, c’est-à-dire la victoire de McDonald’s, de l’anglais comme langue globale et quasi-unique, et du dollar comme seule monnaie de référence.

Rien ne semblait surtout pouvoir entraver la marche en avant du capitalisme ultralibéral et de la démocratie à la mode américaine. Dans le monde unipolaire ainsi créé, la prise de contrôle par l’Otan des gigantesques territoires qui s’étendent de l’est de la Vistule et jusqu’au pacifique paraissait inévitable.

En une décennie, cet “agenda idyllique” a été totalement bouleversé par des événements historiques complètement imprévus. Il y a eu le 11 septembre 2001 et les efforts de guerre qui en ont découlé pour les occidentaux. Les interventions militaires dans le monde musulman n’ont pas eu le succès attendu, elles ont coûté très cher, et ont finalement semé le chaos dans la région. Sur le plan économique, l’essor implacable de la Chine a largement dépassé toutes les prévisions, et le modèle économique et financier “capitalatlantiste” a montré ses limites en provoquant la crise de 2008, appelée “great recession” par les anglo-saxons.Pourtant, la politique américaine à l’égard de l’Europe et de l’Eurasie n’a pas changé. L’extension de l’Otan vers l’Est s’est poursuivie, se superposant à l’extension de l’Union européenne. En conséquence, nombre de commentateurs voient désormais Bruxelles comme un simple sas d’entrée destiné à pré-intégrer des Etats au sein de la communauté euro-atlantique et de l’Alliance militaire sous domination américaine. Continue reading

Les médias occidentaux: marionnettes ou agents inconscients de l’expansion américaine ?

imagesEn mars et mai 2014 j’ai été invité à m’exprimer (très brièvement) sur la chaine française LCI, à propos de l’évolution de la situation en Ukraine.

J’ai dit, à l’encontre de tout le mainstream médiatique ambiant de l’époque, que la Russie n’avait aucun intérêt à une partition de l’Ukraine, et les européens non plus. J’ai aussi affirmé que les évènements en cours avaient leur source hors d’Europe et plus précisément en Amérique.

Il est vrai que quelques semaines auparavant, la presse russe avait révélé un enregistrement bien embarrassant, repris par le Huffington Post. La secrétaire d’état adjointe (américaine) chargée de l’Europe, Victoria Nuland, et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, discutaient de la situation chaotique qui s’installait en Ukraine, et madame Nuland a prononcé une phrase pas très diplomatique: Que l’UE aille se faire foutre. Cette phrase résume parfaitement la façon dont Washington manage sa relation avec son allié européen: L’UE n’a pas à donner son avis sur les affaires européennes.Dès le début de cette crise en Ukraine, les rares commentateurs qui ont accusé Washington de déstabiliser la région se sont fait traiter d’agents russes. On entend bien que le journaliste français de LCI qui m’interroge me présente tout naturellement comme: Le point de vue russe, pour ne pas dire la voix de Moscou, rien que ça! Pourtant je ne représente ni la Russie ni la France, je fais seulement partie des millions d’Européens qui s’inquiètent de voir l’Union Européenne transformée en protectorat américain. Je fais aussi partie de ceux qui, dans de nombreux pays, souhaitent un monde multipolaire. Continue reading

La politique américaine en Ukraine va-t-elle entraîner une nouvelle guerre froide ?

imagesAu cœur du glacial hiver russe de l‘année 1990, le très républicain et très texan secrétaire d’état américain James Baker a fait à Moscou une bien étonnante promesse.

Présent au Kremlin, il a juré la main sur le cœur pendant une discussion avec Mikhaïl Gorbatchev, que l’Alliance militaire occidentale ne s’étendrait pas vers l’est si Moscou acceptait que l’Allemagne réunifiée intègre l’Otan.

Plus largement, cela voulait dire que les occidentaux ne chercheraient pas à profiter de la dissolution du pacte de Varsovie, et du retrait des troupes soviétiques d’Europe centrale. Ceci fut confirmé par le ministre des affaires étrangères allemand qui s’adressait à son homologue soviétique, Edouard Chevardnadze.

Plus tard c’est Bill Clinton lui-même qui raconta dans un ouvrage qu’il avait écrit qu’en 1997, Boris Eltsine lui avait demandé de limiter une éventuelle extension de l’OTAN aux anciens membres du pacte de Varsovie mais d’en exclure les états de l’ex-Union Soviétique, comme les pays Baltes et l’Ukraine.

Alors que la nouvelle Russie était promise à l’effondrement, le sursaut russe avant le chaos s’est traduit par l’élection d’un inconnu: Vladimir Poutine. Pendant les 15 années suivantes, (de 2000 à nos jours) il s’est attaché à rétablir non seulement l’ordre et la stabilité intérieure mais aussi à préserver autant que possible la complexe relation qui existe entre Moscou et ses marches depuis l’effondrement de l’Union Soviétique. Continue reading

La souveraineté contre le terrorisme?

imagesDans mon précédent texte, qui exposait quelques réflexions à chaud sur la «France Charlie Hebdo», j’ai esquissé un concept qui me semble fondamental pour expliquer la situation, critique à plusieurs titres, que connaît notre beau pays, la France. Ce concept est celui du vide politique et de l’effondrement conséquent de l’autorité de l’Etat.

Cet effondrement de l’autorité de l’Etat nous été vendu comme un processus logique, cohérent, moderne et inévitable, s’inscrivant dans une forme d’évolution de la démocratie libérale et pacifique. Ainsi, l’avenir consisterait à transformer nos nations développées en simples territoires sans frontières, en zones de commerces ou même en hôtels.

Au cours des années 90 et 2000, l’intégration supranationale et la «bruxellisation» généralisée ont accentué ce processus de limitation des prérogatives de l’Etat puisque, du moins c’est ce que l’on nous disait: «ON» s’occupait désormais de tout à un niveau supérieur, supranational. En ce début 2015, on se rend compte à quel point notre élite politique «bruxellophile» a fait preuve de légèreté. Continue reading