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Ou vont les touristes russes?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Le mois d’août est bien entamé et Moscou désertée par le gros de ses habitants. Paris au mois d’août, Moscou au mois d’août, il y a quelque chose d’agréable dans ce vide relatif d’une grande ville en plein été. La température cette année n’est pas caniculaire comme l’année dernière, Moscou n’est pas noyée dans la fumée des tourbières, et il y a de la place partout, même si les travaux sur l’anneau périphérique  (le Koltso) sont une vraie catastrophe pour la circulation. A Moscou, le métro est relativement vide et les cafés aussi et franchement ça fait du bien, un peu moins de cohue. Pour une grande partie des moscovites le mois d’août est un mois hors du temps. Nombreux sont ceux qui quittent la ville et partent à la Dacha.

Ces petites maisons de campagne, au confort parfois sommaire, permettent de sortir du monde moderne et revenir à une relation plus saine et directe avec la nature. La pêche, le repos, et la préparation des shashliks (brochettes) sont généralement les occupations principales du Dachnik lambda.

Mais les Russes sont également de plus en plus nombreux à partir en vacances à l’étranger. Bien que le pays soit immense, proposant des théâtres de tourisme très variés, de plus en plus de russes ont, dès la chute du mur, et à la mesure de leurs moyens, profité de la possibilité d’aller enfin voir le monde extérieur, ce qui était quasiment mission impossible à  l’époque de  l’URSS. Dès les années 2000 le flux de touristes russes vers les pays étrangers n’a cessé de se développer. Les destinations prisées par les russes sont, ce n’est pas une surprise les pays chauds, en bord de mer. Des endroits ou on trouve ce qui fait cruellement défaut en Russie, hormis dans le sud du pays: de la chaleur et de la lumière.

En 2010, le nombre de touristes russes ayant voyagé à l’étranger pendant les 9 premiers mois de l’année avait augmenté de 34 % par rapport a 2009, pour atteindre près de 9,79 millions de personnes. Bien sur l’année 2009 était une année de crise, et 2010 une année de sortie de crise. Il est intéressant de regarder ou vont ces touristes russes. La Turquie a été le pays le plus visité par les Russes avec plus de 2,16 millions de touristes, soit une hausse de 26% en 2010 par rapport à 2009.
L’Egypte se classe en deuxième position avec plus de 1,5 million de touristes. Dans ces deux pays, les russes représentent respectivement 7,6 et 13,6% des touristes étrangers qui visitent le pays. En 3ème position on trouve la Chine qui en 2010 a vu un peu plus de 1 million de touristes russes visiter le pays, ces derniers ne représentant que 2% du total des touristes étrangers en Chine. Les pays occidentaux les plus visités par les Russes sont la France, les Etats Unis et l’Allemagne. Mais de nouvelles destinations deviennent à la mode chez les Russes de la classe moyenne.

La Russie occupe par exemple aujourd’hui le deuxième rang, après les États-Unis, dans le tourisme entrant en Israël. En 2010 plus de 550.000 touristes russes ont visité Israël, une augmentation de 37% par rapport à 2009 et de près de 55% par rapport à 2008. L’abolition des visas pour les touristes russes en Israël a sans doute été l’un des facteurs déclenchants de cet essor touristique. LeMexique est aussi l’un des bénéficiaires de cette hausse du tourisme des Russes puisqu’en 2010 plus de 27.000 Russes ont visité le Mexique, soit une hausse de 134% en glissement annuel. En janvier-avril 2011, le nombre de touristes russes y a déjà atteint plus de 14.000 personnes, les chiffres de 2010 seront sans doute dépassés cette année.

Le Vietnam également joue la carte russe puisque selon les statistiques de l’Administration nationale du tourisme,  au cours de ces cinq dernières années, le nombre de visiteurs venus de Russie a augmenté de 20% à 30% par an, et en 2010, le Vietnam a accueilli près de 100.000 Russes.
Pour l’été 2011 les choses semblent cependant avoir sensiblement changé, en partie à cause du contexte international. Selon un récent sondage du Centre d’étude de l’opinion publique russe (VTsIOM), 56% des Russes resteront à la maison et 19% partiront à la campagne pendant les vacances.

En outre les Russes sont cette année prêts à dépenser 17.102 roubles (424 euros) pour leurs vacances d’été soit sensiblement plus que en 2010 (16.207 roubles soit 400 euros). Selon le Service fédéral russe des statistiques (Rosstat), le salaire moyen en Russie s’est chiffré à quelque 548 euros en mars dernier.

L’instabilité née des révolutions du printemps arabe est un facteur inquiétant, tant pour les touristes russes que pour les états d’accueil comme l’Egypte, la Tunisie ou la Syrie, qui voient disparaitre une manne financière importante. Mais le malheur de certaines destinations soleil fait le bonheur des autres, puisque Chypre et la Grèce par exemple semblent bénéficier en 2011 d’un afflux de touristes russes qui allaient sans doute précédemment de l’autre côté de la méditerranée. Le Cyprus Mail du 3 mai dernier expliquait que le tourisme russe vers Chypre était en plein essor. Avec 146.000 touristes en 2007, 181.000 en 2008, 149.000 en 2009 (effet de la crise) et 224.000 en 2010. Pour l’année 2011, ce sont près de 300.000 touristes russes qui devraient visiter l’ile, un record absolu.

Mais si les flux de touristes russes vers l’étranger sont en hausse, la Russie semble avoir du mal à s’imposer comme une destination attractive pour les touristes étrangers. L’Allemagne se classe la première en 2010 pour le nombre de touristes ayant visité la Russie, avec plus de 306.000 entrées, suivie des États-Unis (145000), à égalité avec la Grande-Bretagne. La Finlande occupe la quatrième place avec 110.000 touristes. Au total, en 2010, seulement 4,5 millions de touristes ont visité la Russie. De plus, le nombre de touristes issus des pays occidentaux est en net recul, en moyenne de 10 à 15% pour l’année 2011. Pourquoi? Nombre de touristes pointent du doigt les difficultés de la procédure d’obtention des visas ou l’absence d’infrastructures adaptées. Le prix des séjours en Russie hors tour-opérateurs est souvent un problème car il est vrai que dans certaines villes du pays les tarifs des hôtels sont excessivement élevés.

Pour résoudre ce problème, les autorités russes ont développé un ambitieux projet de transformation de la Russie en une destination touristique majeure. Dès cette année, 62,5 millions d’euros du budget seront alloués au développement du tourisme dans six régions du pays. Et dans les sept prochaines années, plus de 7,5 milliards d’euros seront dépensés pour l’infrastructure touristique. L’objectif est que d’ici la fin de cette période, jusqu’à 25 millions de touristes étrangers visitent la Russie et que le marché du tourisme en Russie se développe jusqu’à générer des rentrées de 15 milliards de dollars par an en 2018. Les autorités de la ville de Moscou, de leur côté, ont présenté un programme qui vise à faire passer le nombre des touristes étrangers dans la capitale russe à près de 10 millions de personnes d’ici 2020.

Sans aucun doute, l’amélioration et la modernisation des infrastructures est une priorité pour que le tourisme puisse se développer en Russie. Un défaut de communication de la partie russe semble également responsable du faible attrait que le pays procure, alors que la Russie regorge de villes et villages pittoresques, et d’espaces immenses où la nature  est encore intacte.

En dehors des plans nationaux pour développer le tourisme en Russie, il y a des initiatives régionales comme c’est le cas en Carélie, où il est prévu de faire augmenter d’ici à 2015 de 50% le nombre de touristes étrangers qui visitent la région. Cette hausse du tourisme se fera en partie par le renforcement de l’intégration européenne, puisque les spécialistes russes du tourisme local ont élaboré un grand projet qui prévoit de créer un nouvel itinéraire international – l’Anneau scandinave – reliant les pays scandinaves au nord européen de la Russie.

Affaire Breivik, la piste russe?

L’article original a été publie sur Ria Novosti

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L’Europe n’a décidément pas de chance. Alors qu’elle est en pleine crise politique, démographique, morale et monétaire, voila que la foudre de la haine s’abat sur un petit pays scandinave considéré comme un émirat du nord: la Norvège. Ce pays de 4,7 millions d’habitants compte aujourd’hui parmi les plus riches du monde, avec une politique sociale très développée. La Norvège est classé première pour l’indice de développement humain et est membre fondateur de l’Otan. Sa prospérité est en grande partie due aux matières premières, et le pays ne fait pas partie de la zone euro, mais il fait partie de l’espace Schengen. Comment a-t-on pu en arriver au drame du 22 juillet dans ce pays?

 

La Scandinavie n’est pas étrangère aux actions violentes. En septembre 2008 en Finlande par exemple, un déséquilibré avait ouvert le feu dans son lycée, sur le modèle de ces serial-killers américains, qui confondent réalité et jeux vidéo. Mais cette fois le profil du tueur norvégien étonne. Il se dit chrétien protestant, néoconservateur, franc-maçon et il a décidé de passer à la lutte armée contre le nouveau multiculturalisme européen. Tout aussi étonnant, le calme dont il fait preuve jusqu’à présent tout du moins, alors qu’il risque au minimum 21 ans de prison, et qu’une accusation de crime contre l’humanité pourrait être retenue contre lui.

 

Breivik, qui avait entamé il y a déjà plusieurs années une désocialisation destinée à lui laisser le temps de passer à l’acte et se préparer à devenir un martyr, ne semble pas avoir été victime d’un excès de jeux vidéos, mais au contraire d’une profonde révolte contre la société, qu’il a exprimée en semant la mort autour de lui. La haine de
Breivik ne s’est pas retournée contre les immigrés mais contre le principal parti de gauche du pays, jugé à ses yeux responsable de la politique migratoire qui aurait défiguré sa Norvège en lui imposant un modèle de civilisation multiculturel. C’est une chose que beaucoup de gens ignorent : La Norvège est l’un des pays les plus généreux et les plus ouverts de l’union européenne, et l’un de ceux qui a accueilli  le plus d’étrangers, qui représentent près de 12% de la population, avec un taux proche de 30% dans la capitale Oslo.

 

La radio “Voix de la Russie” m’a demandé mon opinion sur les probabilités d’une telle explosion en Russie et aussi ce que je pensais de ces sites internet extrémistes qui
prennent ouvertement la défense de Breivik, tant sur la plateforme Livejournal que sur Vkontatke, le Facebook russe. N’a-t-on pas en effet Poutine et la démocratie dirigiste russe? Celui-ci n’a-t-il pas clairement dit dans son manifeste que le mouvement de templiers libérateurs qui devaient sauver l’Europe devait s’apparenter à la structure de jeunesse russe Nashi?

Il y a là une source de confusions et d’amalgames qui viennent à la fois de ces articles de presse et des déclarations de ce serial killer. Quel rapport avec le régime politique de la Russie ou avec le mouvement Nashi? Il semble évident que Breivik ne connait pas du tout la Russie. S’il avait observé l’organisation Nashi, il aurait constaté que c’est un mouvement plus patriote que nationaliste, qui se revendique comme une structure démocratique et antifasciste, bien intégrée dans la vie politique du pays. Les Nashi défendent la Russie plurielle et l’état, comme en témoigne leur attitude lors de la marche russe ou ils déploient des drapeaux de chaque province du pays. Ou encore l’organisation de milices antifascistes pour prévenir les agressions contre les  immigrés lors des journées à risques. Leur site est clair à ce sujet, avec de nombreuses photos qui ne laissent aucun doute sur l’orientation réelle du mouvement. Ils ont du reste violemment démenti les accusations à leur égard suite aux citations de Breivik.

 

Quand à Vladimir Poutine, il a inlassablement défendu la Russie multiethnique depuis son élection en affirmant que “La Russie est un État multiethnique, et c’est précisément ce qui fait sa force. Ceux qui torpillent ces fondements de l’État, quoi qu’ils en disent, déstabilisent, sans conteste, le pays”.  On est donc bien loin des
fantasmes de Breivik. Visiblement, l’abus d’une certaine presse mal informée et qui désinforme (par incompétence ou de façon involontaire) nuit gravement à la santé et Breivik en est la première victime. On peut du reste se demander pourquoi il n’y a que si peu d’articles consacrés aux autres références du Norvégien, que ce soit Winston Churchill, ou encore Nicolas Sarkozy, jugé par Breivik “pas mauvais” dans sa lutte contre l’islamisation de la France.

 

 Peut-on alors imaginer qu’un fou ouvre le feu dans la rue en visant des innocents en Russie  pour mêmes raisons que Breivik? Il me semble qu’il y a des différences fondamentales entres les nations européennes, dont la population vieillissante se crispe face à une immigration souvent massive et récente, bouleversant les modes de vies, et la Russie, qui est un pays “multiculturel de souche“. Bien sûr il est très facile de créer des pages Facebook et d’envoyer des commentaires anonymes pour donner l’illusion d’une masse active, comme cela avait été le cas en décembre 2010 lors des émeutes à Moscou. Bien sûr il y aura toujours une minorité de radicaux pour se réjouir d’un acte de violence contre un système qu’ils jugent coupable de tous les maux. Mais le problème est surtout que personne ne peut empêcher un fou de procéder à un acte criminel de cet ordre, comme c’est le cas très régulièrement aux Etats-Unis. Aucun pays n’est donc à l’abri, à l’heure d’internet et alors qu’il est possible de se procurer des armes à peu près partout dans le monde.

 

Je ne crois pas que l’affaire Breivik ait un rapport quelconque avec la Russie. Par contre elle est sans doute le signe d’un dérèglement au sein d’une Europe en totale mutation et qui fait face à une modification profonde de son environnement et de son identité. Comme l’a précisé récemment le Directeur de l’Institut des pays de la CEI, Konstantin Zatouline: “l’Europe perd son identité et sa culture”. Plus significatif peut être, des députés et sénateurs européens Italiens et Roumains ont déjà dédouané en quelque sorte certaines idées du soit disant templier Breivik. Sans une reprise économique solide et surtout la mise en place d’une politique migratoire digne de ce nom l’union européenne se prépare visiblement des périodes de forte instabilité.

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Vers un terrible mois d’août 2011?

L’article original a été publie sur Ria Novosti

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Aujourd’hui c’est le 3 août. Une date qui rime généralement en France avec été, chaleur, RTT et vacances. Pour les russes le mois d’août rime aussi avec vacances et détente. Soit à l’étranger, j’y reviendrai, soit à la datcha  pour être loin de toute l’agitation des villes et surtout proche de la nature. La Russie cette année n’est pas épargnée par la chaleur et la fin de ce mois de juillet a apporté des températures exceptionnelles dans sa partie européenne : Il a fait par exemple 33° à Arkhangelsk dans le grand nord russe, 35° à Moscou et  plus de 40° dans le sud, vers la Mer Noire. Ces températures élevées ont entraîné des départs d’incendies, comme c’est malheureusement le cas chaque année. Le pays devrait néanmoins cette année échapper à la situation catastrophique de l’année dernière. Malgré tout le mois d’août est attendu avec méfiance par les russes. Ce n’est pas à cause des prévisions météorologiques qui sont plutôt rassurantes, car il va faire moins chaud et même pleuvoir ce qui devrait permettre de calmer les incendies en cours. Ce n’est pas non plus à cause des élections qui vont avoir lieu à l’automne et dont les résultats ne devraient pas apporter de  changements inquiétants. C’est parce qu’il y a souvent eu des évènements graves en août. Comme une malédiction, ce huitième mois de l’année a souvent été en Russie le moment ou des bouleversements imprévus se produisent ou annoncent des catastrophes ou des changements majeurs.


En août 1914 la Russie entre dans le premier conflit mondial. C’est en août 1939 que le pacte Molotov-Ribentrop sera signé, on sait ce qu’il advint, ce pacte de non agression aboutira à l’agression allemande contre l’URSS.  En août 1968 les troupes soviétiques rentrent dans Prague. En août 1961 débutera la construction du mur de Berlin.


En août 1991, un coup d’état éclate, fomenté contre Boris Eltsine, coup d’état qui échouera, et accélérera l’effondrement de l’URSS. Août 1996 va voir la fin de la première guerre de Tchétchénie, qui est un désastre pour la jeune fédération de Russie. Seulement deux ans plus tard, en août 1998, la plus grave crise économique de son histoire récente frappe la Russie. La monnaie est dévaluée, les investisseurs étrangers quittent le pays et les banques et marchés financiers s’effondrent, ruinant des dizaines de milliers d’épargnants.


Un an plus tard, en août 1999, Vladimir Poutine est nommé premier ministre par le président Eltsine, tremplin vers sa prise de pouvoir. Le même mois voit l’invasion du Daguestan par des séparatistes Tchétchènes, cet événement amènera au déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie. La Russie entre dans le second millénaire de façon chaotique puisque le mois d’aout 2000 verra le pays frappé par un grand nombre d’évènements tragiques. Il  y aura d’abord l’attentat place Pouchkine le 8 août 2000, puis le 12 août 2000 la tragédie du Koursk, ce sous marin qui a coulé avec ses 118 membres d’équipage. Enfin le 27 août un grand incendie ravage la tour de la télévision d’Ostankino, l’un des symboles de Moscou. L’année suivante, 2001,  déroge à la règle puisque le mois d’août sera relativement calme. En août 2002, des températures élevées et une forte canicule entraînent de très graves incendies, sans doute les pires de l’histoire moderne après ceux de 2010.

 

En août 2004, deux femmes-kamikazes portant des ceintures d’explosifs se font exploser à bord de deux avions de ligne russes. Le 1ier septembre de la même année, des terroristes envahissent la paisible ville de Beslan en Ossétie et prennent en otage des enfants dans une école. Leur libération sera chaotique, près de 344 personnes perdront la vie dont 186 enfants. En août 2005 le premier cas de grippe aviaire est diagnostiqué en Russie. Août 2006 et 2007 seront très calmes et offriront un répit aux russes. En août 2008, la guerre de Géorgie éclate, elle durera 5 jours et verra les soldats russes repousser les troupes géorgiennes hors de l’Ossétie du Sud. Le cessez le feu sera signé le 16 août. En août 2009, une explosion survient à la centrale hydroélectrique de Saïano-Chouchensk (Rushydro). Malgré l’intervention de près de deux mille sauveteurs, 75 personnes perdent la vie. L’accident serait un attentat revendiqué par des Tchétchènes qui disent avoir posé une bombe dans la salle des machines, mais cela n’a jamais pu être confirmé. Enfin l’été 2010 voit le pays être frappé par des incendies d’une ampleur incroyable, les pires depuis 1.000 ans diront certains officiels russes. Plus d’un million d’hectares brûleront, 3.000 maisons seront détruites et 62 personnes perdront la vie dans ces incendies. Les conséquences économiques seront énormes, puisque la canicule de l’été 2010 et les incendies ont finalement coûté un point de croissance à l’économie du pays.
Alors que nous réserve août 2011? Bien sur le pays reste menacé par le terrorisme et récemment le leader terroriste Doku Oumarov a de nouveau menacé la Russie d’une année de sang et de larmes.  Très récemment (à la fin du mois de juillet), les autorités russes ont annoncé avoir déjoué un attentat qui aurait du visé des infrastructures (en août ?) en Russie. Depuis le début de la saison des incendies, en cet été 2011, 1 million d’hectares ont déjà brûlé, soit autant que pendant tout l’été dernier. Malgré tout et même si les incendies devraient être très étendus cette année, beaucoup de précautions nouvelles ont été prises pour que les vies humaines soient préservées et les habitations protégées. Quand aux Moscovites, ils devraient échapper cette année à l’épreuve des incendies de tourbières, qui avaient rendu l’air brûlant du mois d’aout 2010 vraiment irrespirable dans toute la ville.
Pour autant, nous souhaitons tous un mois d’août 2011 et plus largement un été calme. Les conséquences de la crise financière de 2008 sont en train de s’estomper, il y a de l’optimisme dans l’air. De plus, la Russie a besoin de sérénité pour aborder les échéances électorales qui arrivent.

Politique et erotisme

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Alors que la Russie se prépare à des élections législatives en décembre prochain, puis à une élection présidentielle en mars 2012, la question qui hante les commentateurs et observateurs politiques est toujours sans réponse : Qui sera candidat à la présidentielle, Dimitri Medvedev ou Vladimir Poutine? Le suspense est plus fort que jamais. Ci et là des personnalités russes ont parfois déjà exprimé leur préférence pour l’un ou l’autre des candidats, sans que toutefois n’émerge de ligne de fracture vraiment visible dans l’opinion, hormis pour quelques analystes soit zélés, soit extra-lucides. Pour autant, certains commentateurs ont déjà appelé à ce que les deux hommes forts du régime s’affrontent, ce qui serait la preuve d’une réelle pluralité de la scène politique russe.

Lors d’une interview donnée récemment au journal français le courrier de Russie, Maxime Mishenko, député de Russie Unie, rappelait lui l’importance des élections législatives qui: « définissent les présidentielles  et c’est une des spécificités russes. Si le parti au pouvoir remportait ces élections, alors les élections présidentielles vont être très calmes (…) Bien sûr, les deux leaders Medvedev et Poutine vont se mettre d’accord au préalable sur la personne qui va poser sa candidature: ils ont une force politique commune qu’ils doivent mettre au service des ces élections ». Officiellement donc, et cela avait été confirmé par le président Medvedev, Russie Unie devrait présenter un candidat pour le prochain mandat de président qui , c’est une première, durera 6 ans (2012 – 2018) contre 4 auparavant. Les deux hommes forts du régime n’ont en effet pas exclu leur participation à l’élection présidentielle et ils ont jusqu’à présent toujours affirmé que la décision serait prise conjointement, et ce dans le but de proposer un seul candidat de Russie Unie à la présidence.

Quoi qu’il en soit, malgré les affirmations pessimistes de nombre de commentateurs sur l’effritement du soutien populaire à Russie unie et au tandem Medvedev – Poutine, en cet été 2012 les dirigeants russes actuels ont raison de croire en leur victoire commune aux prochaines élections législatives de cette fin d’année. Le centre de sondages Wciom a en effet récemment interrogé 1600 personnes dans près de 138 communes afin d’évaluer les intentions de vote. Qu’en ressort t-il ? Que le parti Russie Unie devrait recueillir 58% des voix (contre 64% aux législatives de 2007), le parti Communiste (KPRF) est crédité de 14 ,7% (contre 11,7% aux législatives de 2007) et le parti nationaliste libéral-démocrate (LDPR) de 9,8% (contre 8,14% aux législatives de 2007). Le parti de centre gauche Russie Juste est lui crédité de 7,3% (contre 7,74% aux législatives de 2007) et enfin l’opposition libérale est-elle créditée de 2,8% (contre 1,59% aux législatives de 2007). A noter un nouveau venu dans la politique russe, le parti Cause Juste de l’oligarque Michael Prokhorov, que l’on peut qualifier de national-libéral, et crédité cependant de seulement 4,1% des voix, alors que ce parti récent a été considéré comme un potentiel futur contrepoids à Russie Unie.
Ces deux échéances électorales sont très importantes car elles devraient permettre de choisir les leaders qui dirigeront la Russie jusqu’à quasiment 2020. Si Vladimir Poutine, âgé de 59 ans en 2012 n’était pas candidat, il semble peu probable qu’il puisse revenir à ce poste après 2018, alors qu’il est évident que la carrière de Dimitri Medvedev, seulement âgé de 47 ans en 2012, est par contre loin d’être terminée quoi qu’il arrive. Celui-ci avait du reste récemment affirmé qu’il se voyait bien un jour diriger un parti politique. Etait-ce une boutade, suite à l’affirmation de la direction du parti dominant (Russie unie) qui a dit préférer une candidature de Vladimir Poutine en 2012? Ou alors un énième message destiné à brouiller les cartes ? Dimitri Medvedev est cependant pour l’instant le seul des deux candidats à avoir déclaré qu’il fallait s’attendre à ce qu’il se représente en 2012. En 2007, Vladimir Poutine alors président avait attendu le mois de décembre pour désigner son successeur et candidat à la présidentielle de mars 2008, Dimitri Medvedev. Par conséquent tout est encore possible, mais le choix de Russie Unie est visiblement de garder la décision secrète le plus longtemps  possible, pour des raisons tactiques évidentes. Cette méthode empêche pour le moment les autres partis politiques de développer des arguments contre Russie Unie. Le premier ministre Vladimir Poutine, jouissant d’une côte de popularité intacte dans le pays, aurait sans doute toutes les chances d’être élu, quel que soit son adversaire. Il semble donc que la clef du résultat de l’élection de 2012 dépende en très grande partie de lui, ce qui n’est pas une surprise pour les lecteurs de Ria Novosti.
L’humour s’est introduit dans la campagne électorale en cours. Vladimir Poutine  bénéficie d’un nouveau soutien de poids, puisque récemment une ligue de jeunes filles s’est constituée pour encourager  l’homme fort de la Russie. Dans un clip déjà visionné 1,5 millions de fois, une russe du nom de Diana explique qu’elle est prête à tout déchirer pour Poutine, y compris ses vêtements. Ces derniers jours des actions de ces jeunes filles ont eu lieu à  Moscou, pour le plus grand plaisir des moscovites. Place Pouskinskaia tout d’abord, quelques dizaines de militantes se sont rassemblées, mais également dans le sud ouest de la ville et elles ont organisé des nettoyages gratuits de voitures pour monter leur soutien au premier ministre mais également à l’industrie automobile russe. Contrairement aux affirmations de certains, qui ont vu dans ces actions  un témoignage du culte de la personnalité qui se créé autour de Poutine, ou encore comparé ces jeunes filles a la variante russe des amazones de Kadhafi, le premier ministre n’est pas le seul concerné par ces témoignages affectueux des jeunes russes. Au début du mois des activistes féminines avaient déjà organisé une action “embrasse le président Medvedev” et s’étaient rassemblées sur la place rouge pour embrasser une effigie du président Medvedev. Cette action avait lieu pendant la journée du baiser en Russie.
Ces manifestations politico-érotiques  de groupes féminins ne sont pas du reste propres à la Russie. En  Ukraine le mouvement nationaliste et traditionaliste Femen organise  souvent des actions coup de poing  de protestation en petite tenue (voir ici ou la). Les militantes de Femen ont du reste publiquement affirmé leur soutien aux activistes féminines moscovites en organisant une manifestation de soutien en Ukraine, seins à l’air. Elles ont aussi décidé de fonder un parti politique féminin en 2012. Et si ces jeunes femmes Slaves préparaient une révolution dans la manière de faire de la politique?

Vers une réconciliation nationale?

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La cohabitation interethnique et la cohabitation interculturelle posent maintenant des problèmes récurrents dans tous les pays d’Europe. Depuis quelques décennies, la France et l’Union Européenne connaissent pour la première fois de leur histoire des vagues d’immigration non européenne qui posent des problèmes d’intégration, d’assimilation et de cohabitation avec les populations indigènes européennes. La ghettoïsation et la communautarisation sont les deux écueils principaux sur lesquels buttent les tentatives d’intégration harmonieuse des nouveaux venus. Récemment des dirigeants politiques deFranced’Allemagne ou d’Angleterre ont reconnu l’échec de la société multiculturelle telle qu’elle s’est constituée en Europe. Au sein de l’UE, la linéarisation de la vie politique (sur un axe gauche/droite) a relativement exclu du débat les notions de patriotisme et/ou nationalisme, laissées aux mouvements et groupuscules politiques classés comme les plus à droite sur l’échiquier politique. A l’échelle supérieure (l’échelle européenne) la question de l’identité de cette hyper structure est également posée, sans qu’une réponse claire soit pour l’instant apportée. S’agit-il d’un club Chrétien? Est-ce un futur état fédéral ? Jusqu’ou l’extension de l’Europe doit elle continuer? Dans quelle direction? La Russie par exemple serait-elle moins européenne que la Turquie, ce grand état musulman situé en Asie?


J’ai déjà parlé il y a quelques mois de la grande différence de structure entre la fédération de Russie et les sociales démocraties de l’Union Européenne. La fédération de Russie est en effet un empire historique qui comprend en son sein et depuis longtemps des peuples variés et de différentes religions. La gestion de l’autre et la cohabitation interreligieuse y sont donc bien plus anciennes et déjà  ancrées dans les mœurs politiques. L’Islam en Russie, qui est la seconde religion du pays, est un Islam de souche, autochtone, qui ne pose pas les problèmes nouveaux auxquels la société française fait par exemple face. Mais il est vrai que l’Islam de France est importé par des flux migratoires très récents et on peut dire que cet islam de France est en quelque sorte encore en version Beta. Cette paix des religions en Russie, que j’ai illustrée via l’exemple du Tatarstan n’a même pas été menacée par les deux guerres récentes que l’état russe a du mener dans le Caucase. Pourtant, cette expérience de la gestion de communautés différentes en Russie n’a pas empêché l’apparition de graves violences xénophobes dans le pays, ni l’existence de groupuscules extrémistes.


En décembre dernier, des incidents ont ravivé les tensions entre Moscou et le Caucase du nord puisque suite au décès d’un supporter russe pendant une bagarre, plusieurs milliers de jeunes radicaux se sont rassemblés pour protester contre la très importante minorité caucasienne de la capitale. La manifestation a entrainé des violences et tout le mois de décembre a vu des cortèges de nationalistes et de jeunes caucasiens se suivre et même se faire face dans la capitale. Ces manifestations inhabituelles ont permis de faire ressortir au grand jour pour les observateurs étrangers deux conceptions de la Russie qui se font face. Une conception nationaliste ethno centrée considérant même que la Russie devrait se séparer du Caucase musulman et une version patriote fédérale, considérant que l’identité de la Russie est reflétée par la multiplicité des peuples la composant. Suite à ces événements, les deux principaux groupes d’extrême droite de la scène politique russe, l’union slave (Slavianski Soyouz) et le mouvement contre l’immigration illégale (DPNI), ont été interdits pour extrémisme. Ces interdictions font partie des mesures prises par le gouvernement russe pour tenter de faire cesser les crimes et agressions xénophobes dans les principales villes du pays. Récemment, divers groupes de skinheads ont étécondamnés par la justice russe à de très lourdes peines et par ailleurs, près de 500personnes ont, depuis les émeutes de décembre 2010, été condamnées pour extrémisme.


Cette politique semble donner des résultats puisque selon le Bureau des droits de l’homme de Moscou, 41 personnes ont été tuées lors de 188 attaques racistes en 2010, contre  87 tués (et 378 blessés) en 2008, et 71 tués (et 333 blessés) en 2009.

 

Pour autant, malgré ces violences qui sont réprimées, la politique générale de cohabitation des ethnies et des religions en Russie est un modèle dont les pays européens devraient sans doute pouvoir s’inspirer. La création de modèles multiculturels viables est aujourd’hui en effet un impératif pour tous les pays d’Europe. Le président Dimitri Medvedev avait du reste rappelé au début de l’année que la Russie “ne  pouvait se laisser séduire par les réflexions consacrant l’échec du modèle multiculturel”. Plus surprenant encore, le gouvernement de Tchétchénie a officiellement invité les leaders des deux groupes russes d’extrême droite précités et interdits pour leur montrer la vie de la république, mais également pour tenter d’apaiser les tensions entre caucasiens et russes ethniques. Les dirigeants en question s’y sont donc rendu au début du mois et ont pu rencontrer des officiels tout autant que visiter la république. Ils en sont revenus en affirmant qu’ils avaient été agréablement surpris par la république, par la forme “d’ordre moral” qui y régnait et également parce que la vie y avait plus ou moins repris un aspect normal depuis la fin de la guerre. Le ministre des affaires extérieures de la république, Shamsail Saraliev a justifié l’invitation en expliquant que les tchétchènes ne souhaitaient de conflit avec quiconque pour des motifs nationalistes. Cette tentative de réconciliation générale expliquée aux extrémistes n’est sans doute qu’un premier et timide jet, mais il est très symbolique. Le président russe Dimitri Medvedev n’a t-il pas récemment, lors d’une visite dans le Caucase, appelé les organisations musulmanes à contribuer au retour dans le Caucase des peuples non caucasiens mais également appelé le clergé musulman à s’impliquer au plus haut niveau  pour combattre le terrorisme?

Russie, des émigrants fantômes?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Très récement, une série d’articles est venue rappeler à quel point la Russie était un pays sans avenir. Divers médias francophones, tel que le Figaro, la Tribune de GenèveLe soir, ont commenté les résultats d’un sondage qui expliquait “qu’un cinquième des Russes (22%) souhaiterait émigrer de Russie” et que “selon les chiffres officiels, cités par Vedomosti, en trois ans, environ 1,2 million de personnes ont quitté la Russie”. Ces résultats “illustreraient une nouvelle vague d’émigration, et mettent à mal les mots d’ordre patriotiques et les projets ambitieux du Kremlin” écrit encore Europe1.

La naissance d’un mythe

Le chiffre de 1,25 millions de Russes qui seraient partis depuis 3 ans viendrait d’unediscussion en date du 15.01.2011 retransmise à la radio d’opposition Echo de Moscou entre Sergueï Stépachine (président de la  Cour des comptes) et Michaïl Barshevski. Je rappelle le moment clef de l’échange en russe ci-dessous, avec sa traduction en français derrière:
С.СТЕПАШИН: Но у меня есть цифры точные. 1 миллион 250 тысяч человек, которые работают за рубежом. Это не самые плохие наши…
М.БАРЩЕВСКИЙ: Ты имеешь в виду не водопроводчиков?
С.СТЕПАШИН: Ну, это ученые, специалисты.
М.БАРЩЕВСКИЙ: Миллион 250 тысяч?
С.СТЕПАШИН: Миллион 250 тысяч. Примерно столько ушло после 1917 года».

S.STEPACHIN: J’ai des chiffres précis. 1 million 250 mille personnes qui travaillent à l’étranger. Et pas les plus mauvais…

M.BARCHEVSKI: Tu veux dire pas des plombiers?
S.STEPACHIN: Des scientifiques, des spécialistes.
M.BARCHEVSKI: 1 million 250 mille?
S.STEPACHIN: 1 million 250 mille. Voilà à peu près combien sont partis depuis 1917.
1,250 million de russes travaillent donc à l’étranger. Comment en est-on arrivé  à ce que ce chiffre soit repris par la presse francophone comme le nombre de russes ayant soi-disant fui la Russie depuis 3 ans?
Dans un article du 11 février 2011 de Moskovsksi Komsomolets intitulé “courons loin du tandem” (“Бегом от тандема”) il est écrit: “la Cour des comptes a officiellement déclaré que durant les dernières années sont partis de Russie 1,25 million de personnes. La vague d’émigration est à peine moins grande que celle de 1917. Ces données sont confirmées par le directeur du Service Fédéral des Migrations (FMS): “300 à 350.000 Russes partent chaque année travailler à l’étranger. Combien reviennent, il ne l’a pas dit”.
(“Счётная палата официально сообщила: “За последние годы из России уехали 1 250 000 человек”. Волна эмиграции немного меньше, чем после 1917 года. Эти данные подтверждает директор Федеральной миграционной службы Ромодановский: “Порядка 300—350 тысяч россиян уезжают каждый год работать за рубеж”. Сколько возвращается, он не сказал”).
En réalité une vérification sur le lien en question des affirmations du directeur du FMS permet de lire la phrase dans son ensemble et non un morceau sorti de son contexte. Voila ce qu’il y est en fait écrit: “Chaque année 300.000 Russes partent de Russie, dont 40.000 pour aller résider définitivement à l’étranger. Ce chiffre était de 70.000 en gros avant la crise, mais il s’est réduit (..) De tous les Russes qui sortent du pays, a peu près 30 à 40.000 quittent le pays pour aller résider définitivement à l’étranger”.
Каждый год из России уезжают более 300 тысяч россиян, из них около 40 тысяч – на постоянное место жительства, считает глава Федеральной миграционной службы РФ Константин Ромодановский. “До кризиса цифра была 70 тысяч человек, но потом эта цифра сократилась. (…) Из всех уезжающих россиян за границу “примерно 30-40 тысяч” покидают страну на постоянное место жительства”.
Le 29 mai 2011, la revue russe d’opposition Novaya Gazeta dans un réquisitoire intitulé “La Russie ne plait plus” affirme que le pays ne sera pas en état survivre jusqu’à la crise démographique de 2050 en écrivant que le “représentant de la Cour des comptes Serguei Stépachine a affirmé que depuis 2008, 1,25 million de personnes” ont émigré.
(“Председатель Счетной палаты Сергей Степашин еще в январе озвучил цифру — с 2008 года из страны уехало 1,25 миллиона человек”).
Les faits sont bien loin des obsessions idéologiques
L’institut Rosstat donne des chiffres reconnus comme étant assez précis. Regardons les flux migratoires de Russie, entrées et sorties de 1997 à 2010, ici sous forme de tableau:
Depuis 2008 donc, 105.544 russes ont émigré hors de Russie.

Étudions maintenant l’émigration de Russie vers l’étranger lointain et non l’étranger proche, qui correspond à l’ex-monde soviétique. En effet il semble peu plausible que ces émigrants russes récents aient fui en masse la Russie de ces 3 dernières années pour aller chercher refuge en Azerbaïdjan ou en Biélorussie! Les données de 1997 à 2008 sont consultables en ligne ici et celles de 2009 et 2010 ici. J’ai synthétisé sous forme de tableau les résultats :

Depuis 1999 on peut voir que la quantité d’émigrants de Russie baisse, ce qui traduit l’amélioration économique que le pays connait depuis 10 ans.
Depuis 2008: 37.894 Russes ont émigré définitivement vers l’étranger lointain. 
Il y a aussi une méthode indirecte de vérification: La consultation des statistiques migratoires d’Eurostat, des USA, du Canada, ou de l’Australie par exemple. Là encore, ce chiffre de 1,2 millions de Russes ayant obtenu un titre de séjour à l’étranger parait fantaisiste. Il faudrait alors supposer qu’un million de Russes seraient partis sans se déclarer dans des pays qui ne tiennent pas de statistiques, cela semble peu crédible.
 
Sondages et Fantasmes
Maintenant le sondage traduisant “la soi disant nouvelle vague d’émigration, et qui mettrait à mal les mots d’ordre patriotiques et les projets ambitieux du Kremlin”. Regardons attentivement le tableau de ce sondage: si 22% des sondés affirment vouloir émigrer, ils ne sont que 1% à déjà préparer leur départ en faisant leurs sacs (ca n’a pas changé depuis 2009). Ils ne sont que 2% à avoir pris la décision d’émigrer et 6% à étudier les possibilités d’émigration. Ils sont également 69% à ne jamais penser à émigrer. Par comparaison, en 2006, 25% des jeunes britanniques souhaitaient émigrer, ce chiffre a atteint 33% en décembre 2010. Mais à la même date, seulement 2% d’entre eux ont réalisé leur projet d’émigration. En clair, le pays n’a connu aucune fuite massive de cerveaux malgré de tels sondages. En 2009, 20% des Chinois diplômés souhaitaient également quitter le pays. En 2010, 30% des jeunes arabes (des pays de la Ligue arabe) souhaitaient également émigrer. On relève aussi que 20% des Bulgares en âge de travailler souhaitent partir à l’étranger. Ce seuil de 20 à 30% semble donc exister dans de nombreux pays, indépendamment du contexte économique local, bon pour la Chine, ou moins bon pour la Bulgarie par exemple. Par rapport à ces chiffres, on peut surtout se demander s’il y a suffisamment de jeunes Russes diplômés ou pas, qui souhaitent acquérir une expérience professionnelle à l’étranger. La mondialisation de l’économie offre des opportunités de plus en plus nombreuses dans ce sens, et il n’y a rien de malsain dans cette tendance qui améliore les échanges économiques. Ce qui est malsain, c’est de propager dans les médias des chiffres faux, pour alimenter des prévisions catastrophistes.
Quelles conclusions en tirer?
– Les chiffres montrent en Russie une baisse forte de l’émigration et une stabilisation de l’immigration depuis le début des années 2000.
– Le nombre de Russes qui ont définitivement quitté leur pays depuis 2008 est de 105.544 et non pas de 1,25 million.
– Une certaine presse dite d’opposition gagnerait beaucoup à être réaliste dans ses analyses et non à fantasmer en lançant des mensonges, repris et propagés sur la toile. La quantité ne s’impose pas sur la vérité. La Russie devrait par exemple vraisemblablementfaire face à la crise démographique de 2050.
– Certains gros relais médiatiques francophones semblent ne pas vérifier leurs sources et on peut légitimement se poser la question de savoir s’il s’agit de simple mauvaise foi ou d’incompétence.
Dans les deux cas, c’est assez inquiétant et cela ne reflète pas la vérité de la Russie d’aujourd’hui.

Routes de Russie

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Gogol a dit : “En Russie, il n’y a que deux problèmes: les cons et les mauvaises routes”. Bien sur je me garderais bien d’affirmer une telle chose et je laisse à l’auteur des âmes mortes la responsabilité de cette assertion pour le moins excessive sur le genre humain.
 

Pour ce qui est des routes je partage en partie son point de vue, même si la Russie de 1850 et celle de 2011 sont du point de vue des infrastructures certainement deux pays totalement différents.

Bien sur le pays est immense, le climat y est assez terrible, violent et les distances entre villes telles qu’il est sans doute naïf d’imaginer que le réseau routier puisse un jour être de la qualité du réseau français, par exemple. Malgré tout les routes de la Russie de 2011 c’est quelque chose. Quiconque à un peu roulé en Russie, et même pas très loin de Moscou, a pu prendre conscience des lacunes terribles du réseau routier. Je préfère ne pas parler des routes de Pétrozavodsk et de la campagne de Carélie par exemple, je ne suis pas sûr que le mot route soit approprié pour définir de ces axes de circulation.
Moscou encore une fois parade en tête de toutes les démesures puisque son ancien maire avait pour spécialité de faire refaire les routes très régulièrement, comble de l’ironie, celles-ci étaient en 2010 tout simplement 3 fois plus chères au kilomètre que la moyenne russe, 6 fois plus chères que la moyenne européenne et 9 fois plus que la moyenne américaine.

 

Il y a une folie russe, propre à la route, je crois. Les Russes aiment conduire, ils aiment la vitesse et avec des routes en mauvais état, il s’agit de l’équation parfaite pour avoir un nombre record d’accidents et de décès. Les statistiques ne mentent pas, la Russie est encore un des pays du monde ou l’on meurt le plus au volant. En 2007, 35.000 personnes sont mortes sur la route contre 26.000 en 2010. La baisse est maintenant amorcée mais les chiffres sont encore accablants, à comparer, par exemple, aux 4.000 victimes françaises pour 2010 alors que le nombre de véhicule en circulation est sensiblement le même, soit entre 38 et 40 millions de véhicules. En 2010, les russes représentaient 1/3 des tués sur la route en Europe.

 

Ces dix dernières années en Russie, quelque 315.000 personnes ont été tuées et environ 2 millions blessées dans les accidents de la route. Bien sur les choses vont s’améliorer, même si l’adoption récente d’un nouveau code de la route comprenant de nouvelles sanctions n’a pas complètement eu l’effet souhaité, près de 25% des accidents aujourd’hui sont le fait du mauvais état des routes. A cette fin, un fonds routier fédéral a été créé permettant au ministère russe des transports de réparer jusqu’à 85% des routes fédérales d’ici 2015. En 2012, le Fonds accumulera 348 milliards de roubles (8,9 milliards d’euros), tandis qu’en 2013 il atteindra 408 milliards de roubles (10,4 milliards d’euros).

 

Ces ressources devraient permettre de financer travaux et réparations du réseau routier russe et notamment d’asphalter toutes les routes menant aux agglomérations de plus de 125.000 habitants. Lors de son dernier discours du 20 avril dernier sur le travail réalisé par le gouvernement, le premier ministre russe a confirmé l’engagement du gouvernement à  améliorer les infrastructures du pays. Il a rappelé que pour la première fois de son histoire la Russie voyait ses façades est et ouest reliées par une autoroute. On se rappelle en effet que Vladimir Poutine avait inauguré le dernier tronçon d’autoroutel’été dernier. On se souvient de sa fameuse phrase: “Pour la première fois de son histoire, la Russie est reliée d’est en ouest par une autoroute. Voilà déjà un problème de moins” ! Les dépenses autoroutières devraient en 2011 et 2012 dépasser 700 milliards de roubles (17,5 milliards d’euros), soit 40% de plus que l’année passée et permettre la construction de 10.000 kilomètres de nouvelles routes d’ici 2016 ainsi que la modernisation des autoroutes fédérales et régionales d’ici 2020.

 

Pour autant, contrairement à ce que certains pensent, traverser la Russie en voiture n’est pas du tout impossible, bien loin de là. Au contraire, malgré quelques tronçons difficiles, la route Ouest-Est est tout à fait faisable et ce même l’hiver, sans utiliser un 4×4 et sans être un conducteur chevronné. Vous ne me croyez pas ? Regardez ces quelques expériences enrichissantes que de simples citoyens ont vécues en choisissant de traverser la Russie en voiture. Honneur au beau sexe, il y a d’abord cette jeune femme, Uzdina, qui choisit de rouler seule et de traverser une grande partie de la Russie de Saint-Pétersbourg à Kazan puis la mer Noire, avant de rentrer en France.

 

Un voyage de 12.000 kilomètres en Russie, enrichi de photos et de découvertes incroyables que j’incite mes lecteurs à consulter. Ce qu’elle a le moins aimé? Les routes du nord de la Russie en images ici. Bien sur c’était en 2008, deux ans plus tard, en 2010, après la ballade de Vladimir Poutine en Kalina, Les journalistes de Drom.ru se lancent eux dans la traversée Moscou/Vladivostok avec une Lada Kalina Sport. Le résultat? Unblog intéressant et humoristique qui décrit cette épique ballade sur plus de 10.000 kilomètres, et dont la page aura été visionnée près de 200.000 fois.  Malheureusement pour les  lecteurs non russophones, il est entièrement en russe.
Il est par contre possible de simplement se faire une idée en regardant l’état des routes  puisque durant l’automne 2012 l’Apex a filmé la route Moscou-Vladivostok sur sa totalité et qu’il est possible de consulter les vidéos en accéléré de ce périple.

 

Comme vous allez le voir, les routes sont variées, certes, mais leur état général est de façon surprenante bien meilleur qu’on ne l’imagine.

 

Deux périples m’ont particulièrement étonné, tout d’abord l’incroyable Paris-Pékin deMarc Weinberg donc la traversée de la Russie d’Est en Ouest en quatre-chevaux et ce l’hiver, non vous ne rêvez pas, c’est faisable, et les images et le récit du voyageur sont là pour en témoigner. Je vous conseille aussi, pour ma part, la traversée en plein hiver de la Sibérie orientale, les photos valent leur pesant d’or. Les deux roues ne sont pas oubliés, puisque récemment Arthur, que mes lecteurs connaissent, vient de parcourir plus de 3.000 kilomètres avec un authentique side-car Ural, de Irbit dans l’Oural jusqu’à Novorossisk sur la mer Noire.
 

C’est décidé, moi aussi je vais traverser la Russie en voiture!

Vers l’Europe de Lisbonne à Vladivostok?

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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Mercredi dernier, le 22 juin 2011, c’était l’anniversaire du début de la Grande guerre patriotique. Le 22 juin 1941 à 4 heures du matin, la radio annonça le début de l’agression allemande contre l’Union soviétique. Du 22 juin 1941 au 9 mai 1945, soit en un peu moins de 4 ans, cette guerre civile européenne coûtera à la Russie 27 millions de morts. 27 millions, voilà pour les Russes le nombre qui symbolise cette période tragique de l‘histoire de l’Europe. Ce jour est un traumatisme dans la mémoire collective russe en tant que jour du début de la guerre mais également parce que l’URSS n’était absolument pas prête militairement, face à une telle agression. Les premiers mois de guerre furent catastrophiques pour l’URSS et les troupes allemandes pénétrèrent relativement aisément en Russie de l’ouest.

Les Français comprennent parfaitement le sens de cette période tragique,  puisque le schéma de guerre éclair et de débâcle fut le même en France, du moins au début de la guerre. Le 10 mai 1940 commença la bataille pour la France qui ne dura que 42 jours, puisque le 22 juin 1940, le gouvernement Pétain signa l’armistice, reconnaissant la défaite militaire et acceptant l’occupation de la France. Dès le printemps 1942, les Russes au bord du gouffre surent réagir. Les troupes allemandes sont repoussées hors de Moscou et les combats vont se déplacer vers le sud et vers le Caucase. Les batailles terribles de Koursk et Stalingrad contribueront à l’anéantissement du potentiel militaire allemand et contribueront à réduire à néant le plan d’Hitler pour l’Europe. On connaît l’histoire, l’armée rouge poursuivra la guerre jusqu’à Berlin, où la capitulation sera signée le 8 mai 1945 peu avant minuit.

 

Dès lors et pendant près d’un demi-siècle de guerre froide, l’Europe sera coupée en deux, Ouest et Est délimités par le rideau de fer. En 1989, avec l’effondrement du mur de Berlin, l’éclatement de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, on pouvait penser à une détente réelle en Europe. Mais l’extension rapide de l’UE et de l’OTAN vers l’est a créé de nouvelles inquiétudes. Depuis 1989 la frontière physique que représentait le mur de Berlin a été remplacée par une autre frontière, invisible, mais tout aussi pernicieuse, et qui s’est juste déplacée plus à l’est. Ces “clichés hérités du passé et qui planent au dessus de l’Europe” disait récemment le premier ministre russe ont permis à cette frontière psychologique de prospérer. Ces clichés et méfiances datent d’une période pourtant révolue, la guerre froide, durant laquelle Russes et Occidentaux se firent face, risquant un 4ème conflit mondial dont on préfère ne pas imaginer ce à quoi il aurait pu aboutir.

 

Mais une nouvelle frontière pourrait renaître en Europe, matérialisée aujourd’hui par la volonté des Américains d’installer un bouclier antimissile, qui séparerait l’Europe de l’ouest de la zone Russie-Ukraine-Biélorussie et constituerait une nouvelle sorte d’épée de Damoclès au dessus du continent.  Pourtant, je l’écrivais dans ma précédente tribune, effacer cette frontière est possible. Le vendredi 17 juin 2011 par exemple et pour la première fois dans l’histoire de l’OTAN,  un pays membre (la France) livrait du matériel militaire conséquent (le contrat Mistral) à la Russie, brisant ainsi cette méfiance maladive de certains décideurs occidentaux qui vivent encore dans la guerre froide. Bien sur, certains membres du congrès américain ont fait entendre leur mécontentement, et le gouvernement letton a affirmé se sentir désormais préoccupé, mais l’important n’est plus là, le contrat Mistral s’insère dans une idée plus vaste.

 

L’inauguration la semaine dernière d’un monument commun à la mémoire du corps expéditionnaire russe que le Tsar avait fourni à la France, en 1916, tout comme l’histoire de l’héroïque escadrille Normandie-Niemen que personne n’oublie rappellent que de Paris à Moscou, un rapprochement est non seulement une réalité historique, mais aussi qu’il est en route. Une entente réelle est non seulement possible et réalisable sur le continent, mais au 21ème siècle elle est surtout devenue vitale. Les pays d’Europe centrale et de l’est, qui ont pensé que la sortie du parapluie soviétique justifiait l’entrée sous le parapluie de Union Européenne et de l’Otan pour se protéger de la Russie se sont sans doute fondamentalement trompés. Les intérêts des Européens en 2011, ne coïncident en effet plus forcément avec ceux des années 1990. Avec la prise de conscience que la menace postsoviétique ou russe n’existe plus, on peut même se demander l’intérêt de l’Europe à être sous tutelle militaire de l’Otan, organisation qui a servi durant la guerre froide, comme l’a résumé son secrétaire général Hastings Lionel Ismay, à “garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle”.

 

En outre l’espace européen (51 pays) ne coïncide pas non plus avec l’espace de l’Union Européenne (27 pays). En matière de sécurité et d’économie, une architecture beaucoup plus vaste est sûrement nécessaire. Par conséquent, l’avenir de l’Europe en gestation, tel qu’il se préfigure désormais, va sans doute vers une intégration renforcée entre l’est et l’ouest du continent. Le renforcement concret des liens entre les deux puissances de l’ouest du continent, que sont la France et l’Allemagne, avec la puissance de l’est du continent qu’est la Russie est un signe qui annonce que lentement mais sûrement, l’Europe continentale s’unifie et que l’axe Paris-Berlin-Moscou se met en place.

 

Cette alliance continentale souhaitée par le général de Gaulle est également le projet défendu par les dirigeants russes d’aujourd’hui, que l’on songe aux déclarations de Vladimir Poutine sur la création d’une communauté des économies de Lisbonne à Vladivostok ou encore à la  proposition de Dimitri Medvedev de créer une architecture européenne de sécurité. Une architecture nécessaire dans un monde en plein bouleversement afin que l’Europe puisse mettre en place les moyens nécessaires pour préserver la paix mais surtout traverser le 21ème siècle de façon souveraine et indépendante.

De la Marne aux Mistrals, l’alliance franco-russe

L’article original a été publie sur Ria Novosti.
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L’année franco-russe semble finalement avoir tenu ses promesses. En tant que français de Russie, le renforcement des liens entre ces deux pays me tient bien sur particulièrement à cœur. Comme nombre de mes concitoyens mais également d’observateurs lucides, j’ai été extrêmement satisfait par la signature vendredi dernier au forum de Saint-Pétersbourg du contrat d’acquisition par la Russie des deux premiers Mistral. Cette signature n’est pas un simple accord commercial entre deux états souverains, elle est le symbole d’un embryon de coopération militaire entre deux pays qui occupent les façades ouest et est du continent, et sans doute aussi la fin d’une forme de méfiance entre ce qu’on peut appeler l’ouest, tout du moins l’ouest de l’Europe, et la Russie. Une méfiance qui était avant tout une réminiscence de la guerre froide. Il faut noter qu’alors que français et russes ont donc visiblement dépassé cette barrière psychologique, outre atlantique, des officiels Américains ont eux rapidement commenté la transaction sur les Mistral comme représentant une menace pour les intérêts des États Unis dans la région.


L’année franco-russe finalement semble avoir porté ses fruits d’un point de vue économique puisque de nombreux autres contrats sont signés entre russes et français et que la collaboration entre nos deux pays semble à tous niveaux passer à la vitesse supérieure. Hormis le Mistral, de nombreuses collaborations ont abouti ou sont en cours de réalisation, que ce soit au niveau politique, culturel ou économique. Le resserrement des liens entre les deux pays était l’objectif de l’annee franco-russe et en ce sens on peut dire que cette année a été un grand succès. Mais l’année franco-russe pour beaucoup de français et de russes avait un autre objectif: celui de faire tomber les barrières qui perdurent entre nos deux pays. Les quelques 300 événements culturels, organisés des deux côtés et qui ont couvert la quasi-totalité des territoires des deux pays y étaient destinés. Bien sur le rapprochement entre les peuples est long et il faut du temps pour apprendre à se connaître, mais l’amitié franco-russe ne se résume pas à des contrats économiques ni à des échanges de compagnies de ballets ou d’artistes, elle a des fondements bien plus profonds, historiques et civilisationnels.

Cette alliance franco-russe résulte d’une longue histoire commune que Léonid Rechetnikov, le directeur de l’Institut des Recherches Stratégiques à Moscou, définit comme forgée par les guerres. Elle ne se résume cependant pas à l’offensive de Bonaparte contre la Russie mais également à des moments un peu moins connus de l’histoire de nos deux pays, au cœur de la guerre civile Européenne de 30 ans (1914-1945), qui a frappé notre continent au siècle dernier. Bien sur presque tous les français connaissent l’histoire de l’escadrille Normandie-Niemen, qui combattit en Russie en 1943 aux côtés des escadrilles soviétiques. Mais l’histoire militaire commune franco-russe comporte un autre grand moment, plus méconnu encore, tout au moins en France. En 1916 l’Etat-major russe envoya d’Arkhangelsk et de Vladivostok, quatre brigades, composées chacune de deux régiments, chacun de ceux-ci comptant trois bataillons. Elles furent transportées pendant la Grande Guerre sur les fronts français et macédonien. L’effectif total de ces troupes russes était de 745 officiers et de 43.547 soldats. Ces quatre brigades étaient commandées, respectivement, par les Généraux Lokhvitzky, Dieterichs, Marouchevsky, Léontiev et Taranovsky. Les 1ère et 3ème brigades furent dirigées vers l’est de la France, et les 2èmes et 4èmes sur le Front français de l’Armée d’Orient, sous le haut commandement du Général Sarrail. Les quelques 20.000 hommes qui aboutirent en France participeront au défilé du 14 juillet 1916. Ces soldats russes combattront à l’est de la France en Champagne jusqu’en 1917. Cette année là, ils participeront à l’offensive Nivelle au sein de la 5ème armée du général Mazel, attaquant les positions allemandes près de Reims. Subissant les premières attaques chimiques de l’armée Allemande lors de la bataille de la Marne et prenant part à des combats acharnés, les pertes russes seront lourdes final, puisqu’elles dépasseront les 5.000 hommes. En 1917, année de la révolution russe, ces brigades ont été dissoutes mais plus de 1.000 volontaires se sont alors engagés dans les troupes des Alliés. Un site internet entretient la mémoire de ce corps expéditionnaire russe qui a combattu en France.

Hier mardi 21 juin un monument au Corps expéditionnaire russe a été  inauguré hier à Paris. “Sa construction était supervisée par le premier ministre russe Vladimir Poutine et son homologue français François Fillon”, a indiqué l’architecte du projet Vladimir Sourovtsev. En septembre 2010, déjà, un monument au Corps expéditionnaire russe avait déjà été inauguré à Reims, région principale des activités des forces russes jusqu’en 1917. La visite du premier ministre russe s’inscrit donc dans un réel contexte de lune de miel entre les deux pays, puisque par exemple le commerce bilatéral a augmenté de 31,5% en 2010. Lors de sa visite en France, Vladimir Poutine doit notamment se rendre au salon du Bourget mais également rencontrer des membres de l’association “Dialogue franco-russe” qui a pour objectif de développer le partenariat des deux pays en multipliant les contacts dans le domaine des affaires, des investissements, de la science, de la culture et de l’enseignement.



Cette alliance franco-russe face ne repose pas que sur des intérêts géostratégiques éphémères mais également sur l’appartenance commune de ces deux pays à une seule et même civilisation européenne et chrétienne. Eurasienne dirons certains, puisque la France et la Russie s’étendent  de l’océan l’atlantique à l’océan pacifique et que cet immense territoire, qui va de Brest à Vladivostok, est géographiquement à la fois en Europe et en Asie. L’amitié franco- russe, ce n’est donc pas seulement des contrats, ni des territoires, ni même une mémoire commune, c’est surtout et avant tout l’appartenance à une civilisation commune, qui se doit d’être unie et soudée pour défendre ses valeurs.

Et la démographie dans tout ca?

L’article original a été publié sur le site de Ria Novosti
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En décembre dernier, j’écrivais dans une tribune intitulée :“La démographie russe objet de tous les fantasmes” que contrairement à l’idée globalement véhiculée par le mainstream médiatique, la Russie n’est pas en train de disparaître, en tout cas pas plus que de nombreux pays d’Europe.

 

Ces dernières années il a en effet été très fréquent de lire çà et là que la crise démographique russe était telle que le pays pourrait ne pas s’en remettre et que la disparition pure et simple de la population russe était en cours. La Russie, nous disait-on, perdait à un rythme de croisière approximativement 800 à 900.000 habitants par an et devait voir sa population tomber à 100 millions d’habitants vers 2050. L’ONU prédisait même en 2008 que la population de la Russie devrait tomber à 132 millions en 2025 et 116 millions en 2050. Plusieurs éléments permettent néanmoins de penser que cela ne se produira pas.

 

A la chute de l’URSS, l’effondrement de la natalité et l’explosion de la mortalité ont créé un creux démographique sans précédent pendant 25 ans, soit une génération. Dès 1992 la mortalité dépasse la natalité. En 1999, avec 1.214.689 naissances et 2.144.316 décès, la perte nette de population est de 929.627 habitants. Le taux de fécondité cette année-là est de 1,17 enfant par femme alors qu’il était de 2,01 enfants par femme en 1989.

 

Dès les années 2000, le nombre de naissances va doucement remonter, mais la mortalité reste élevée, empêchant toute hausse de la population, malgré l’immigration. En 2005, 1.457.376 naissances ont lieu en Russie et 2.303.935 décès, soit une perte naturelle de population de 846.559 habitants. L’année 2005 est la 5ème année de stabilisation économique en Russie, ainsi que le début du second mandat de Vladimir Poutine. C’est aussi l’année de lancement du plan démographique et aussi d’un programme d’aide à la natalité. Les mamans se voient désormais attribuer des aides financières et matérielles destinées à les inciter à faire des enfants dans de meilleures conditions.

 

Les résultats seront très positifs. En 2010, 1.788.948 bébés verront le jour en Russie, et avec 2.028.516 décès la perte nette de population est de 240.000 habitants. Ces chiffres sont en outre pénalisés par l’exceptionnelle canicule de l’été 2010 qui a entraîné une surmortalité de près de 50.000 personnes. Sans cet évènement climatique la baisse naturelle de la population aurait pu être de “seulement” 200.000 habitants. Le recensement d’octobre 2010 a permis en outre de réévaluer à la hausse la population de la fédération de Russie, puisque selon les décomptes, la population au 01 janvier 2011 se monterait officiellement à 142,9 millions d’habitants, soit 1 million de plus que ce qui était estimé jusque là.

 

Pour l’année 2011 les chiffres de janvier à avril sont disponibles. Ils confirment la tendance entamée depuis 2 ans à savoir que la natalité devrait rester élevée (l’année devrait voir plus de 1,7 million de naissances), tandis que la mortalité est en baisse. Ainsi, pour la première fois depuis 1998 le nombre de décès devrait passer sous les 2 millions. Rappelons que la baisse du nombre de décès est la seconde étape du plan démographique, la première étant la hausse du nombre de naissances. La baisse naturelle de population devrait donc pour cette année s’établir autour de 200.000 habitants, contre 290.000 en 2009 et 240.000 en 2010. En 2009 l’immigration a en outre permis à la population russe d’augmenter de 25.000 habitants et de “seulement” diminuer de 50.000 habitants en 2010.

 

Depuis 2008 la population russe est donc globalement en voie de stabilisation. Le taux de fécondité pour 2010 est approximativement estimé à 1,54 enfant / femme ce qui correspond à peu près au taux médian au sein de l’union européenne, et est supérieur à celui de nombreux pays comme par exemple l’Allemagne ou l’Italie dont on n’annonce pourtant pas la disparition programmée pour le milieu du siècle. Symbole de cette prise de conscience que la Russie existera encore dans le futur, le bulletin démographique 2010 révisé de l’ONU prend en compte ces nouvelles évaluations et projette dans sa variante “moyenne” une population en Russie de 139 million en 2025 et 126,2 millions d’habitants en 2050. Ces nouvelles estimations de l’ONU sont plus en phase avec le scénario démographique prévu par l’institut russe de statistiques Rosstat qui dans son scénario démographique médian pour le pays envisage une population de 140 millions d’habitants en 2025 et 139 millions  en 2030. Mais ces estimations paraissent prudentes dans la mesure où l’impact de l’immigration est sans doute encore largement sous estimé en Russie et le sera sans doute dans les années à venir.

 

Que devrait-il se passer? Dans les prochaines années le nombre de femmes en âge de procréer va lentement diminuer, effet de structure de la pyramide des âges russe. Il y avait en 2010 par exemple 2,56 millions de femmes de 22 ans, 2,23 millions de femmes de 20 ans, 1,84 million de femmes de 18 ans et 1.68 million de femmes de 17 ans. Seul un taux de fécondité à la hausse pourrait compenser la baisse logique du nombre de naissances, due au plus faible nombre de jeunes mamans russes en âge de procréer. La hausse souhaitée du taux de fécondité à 1,6 ou 1,7 enfant par femme, couplée à la réduction de la mortalité en cours (amélioration des infrastructures et changement de génération) devrait donc théoriquement permettre de réduire le gap entre le nombre des naissances, qui ne devrait plus trop augmenter désormais, et le nombre de décès qui lui devrait sérieusement diminuer. Mais seule une immigration d’approximativement 200 à 250.000 personnes / an devrait pouvoir empêcher la population de numériquement décroître. Ces chiffres sur l’apport migratoire sont également ceux fixés pour le scénario démographique de l’institut statistique Rosstat, dans sa version basse, pour arriver à cette population de 139 millions d’habitants en 2030.