Au IVe siècle avant Jésus Christ, au cœur de l’antiquité grecque, le plus ancien mais aussi le plus célèbre sans domicile fixe de l’humanité, Diogène de Sinope, parcourait les rues d’Athènes à la recherche d’un homme authentique.
Lorsque le roi de Macédoine Alexandre lui rendit visite pour lui proposer de lui offrir ce qu’il voulait, Diogène, qui vivait dans la rue et dans une jarre, lui répondit: “Ote-toi de mon soleil” », dont le roi de Macédoine obstruait vraisemblablement la lumière. La rumeur (fondée) affirme que le même Alexandre aurait avoué un jour vouloir être Diogène s’il n’avait pas été roi, preuve s’il en est que les responsables politiques et militaires de l’époque étaient également d’authentiques intellectuels et Hommes avec un grand H.
Lorsque Syriza a pris le pouvoir en Grèce, peu de relais informatifs ont visiblement bien compris les raisons justifiant cette prise de pouvoir, et nombreux sont ceux qui ont pensé que le vote grec était un vote de colère un peu accidentel, similaire à celui des Français le 21 avril 2002, lorsqu’ils ont permis au Front National d’accéder au second tour de l’élection présidentielle. Pour beaucoup, Alexis Tsipras était un grand benêt hébété qui n’allait pas tarder à se faire mettre au pas par une structure européenne totalitaire et des marchés affamés et en attente de remboursement.Quasiment aucun commentateur ni observateur français n’a su non plus traduire le sens “politique” profond de l’alliance entre Syriza, mouvement de gauche, et un petit parti grec souverainiste du nom dénommé Grecs indépendants. Une alliance qui reviendrait à voir en France peu ou prou Jean-Luc Mélenchon s’allier avec Nicolas Dupont-Aignan, pour faire fi de leurs minimes différences au nom d’un intérêt supérieur: celui du peuple et de la patrie.
Le turbulent et insoumis Tsipras ne tarda pas à clairement afficher la couleur en faisant bien comprendre aux créanciers de la patrie grecque que désormais rien ne serait plus comme avant et que le peuple grec ne pourrait continuer à supporter une charge financière négociée maladroitement par des élites politiques clairement incompétentes. L’impossibilité pour les élites grecques de s’entendre avec leurs interlocuteurs incita sans doute les premières à faire le choix du référendum pour demander au peuple souverain s’il souhaitait que tout continue comme avant, ou pas.A Bruxelles, on tenta de faire capoter cette consultation populaire en gardant sans doute en tête que lors du référendum français du 29 mai 2005 sur le traité établissant une constitution pour l’Europe et qui demandait aux citoyens français de savoir s’ils “approuvaient le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe”, le “non” avait recueilli 54,68 % des suffrages exprimés. Bien que le choix du peuple ne fut pas respecté, nul doute que les instances européennes sont parfaitement conscientes du risque à faire voter les peuples, particulièrement lorsque ceux-ci sont mal gouvernés.
Pour cette raison sans doute, lors de l’annonce de la tenue du référendum en Grèce, l’Eurogroupe a menacé de stopper toute négociation avant sa tenue, démontrant ainsi le respect de l’oligarchie européenne à l’égard des peuples qu’elle est pourtant censée gouverner. Pour cette raison également, les médias ont parfaitement joué leur rôle de désinformation sans aucune mesure, en assurant jusqu’au jour du référendum que “le oui serait le scénario le plus probable” pour les analystes du Monde, que les Grecs allaient tout simplement “virer Tsipras” pendant que Reuters affirmait que les sondages donnaient “le oui en tête“, confirmant à quel point la presse française est aux ordres d’une presse américaine qui donnait elle aussi le oui en tête.En Grèce, les chaines de télévision privées ont atteint un niveau de propagande qui frôle l’absurde. La chaine Skaï a par exemple réussi l’exploit ne pas dédier une seule seconde au non, et a appelé ouvertement à voter pour le oui sur son compte Twitter. A “grands coups d’émissions spéciales et de débats totalement orientés, c’est une propagande pro-oui que les six chaînes privées du pays ont déployée à longueur de journée”, explique Marianna Karakoulaki, journaliste indépendante, une propagande voyant par exemple les chaînes privées grecques utiliser de fausses images et de fausses nouvelles quant aux risques pour les Grecs de voter non.
Cette odieuse propagande n’a cependant pas empêché le peuple grec de voter conformément à ses convictions et de refuser la poursuite de la politique d’austérité engagée en votant non à 61,3%, les jeunes de moins de 34 ans ayant eux voté non à plus de 67%. En votant non, le peuple grec a montré sa cohésion (contrairement à l’image de pays divisé que l’on tentait de nous vendre), tandis qu’il manifestait son unité derrière un leader politique qui a la confiance de ses concitoyens.Sans surprise, ce matin, la campagne de désinformation frappe Alexis Tsipras, traité d’égoïste d’extrême gauche ou encore de menteur et démagogue par des hommes politiques français qui n’ont pourtant vraiment aucune leçon de morale à donner puisqu’ils ont purement et simplement trahi le choix du peuple francais il y a 10 ans en ne respectant pas les résultats du referendum national.
Pour Athènes, le premier round est gagné mais il reste à la Grèce encore bien des batailles pour se libérer d’un système voué à détruire les peuples et les économies, et d’une dette insoutenable pour l’Etat grec. Une libération qui ne peut passer que par la sortie de la monnaie unique, car il y a bien une vie hors de la zone euro. De nombreux pays sont du reste sans doute disposés à coopérer avec la Grèce, que l’on pense par exemple à la Russie, la Chine, l’Inde, les BRICS (via leur nouvelle banque?), ou encore le monde musulman. La Turquie vient d’ailleurs de proposer un soutien financier à Athènes, en lien direct avec le projet gazier russe Turkish Stream à destination de l’Europe.
Une Europe qui devrait voir émerger des mouvements contestataires dans toute l’Europe, de droite comme de gauche, mouvements qui à très court terme devraient prendre le pouvoir dans nombre de pays ou devenir assez influents politiquement pour accentuer l’affaiblissement d’une union monétaire dont la disparition semble à ce jour plus plausible que jamais, incapable qu’elle a été de gérer la crise d’un petit pays de 11 millions d’habitants.