Cette semaine à lieu le sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC). Prés de 1.000 membres des 21 pays membres vont durant trois jours se rencontrer et discuter sur l’île de Bali en Indonésie. L’APEC regroupe en effet 21 pays de la zone Asie-pacifique, qui cumulent 42% de la population mondiale, 53% du PIB planétaire et 44% du commerce mondial.
Ce sommet crucial intervient dans une période bouleversée par la crise en Syrie et la crise financière dont l’Amérique subit ces jours ci de plein fouet les conséquences.
Ces deux événements sont à observer comme des marqueurs des tendances lourdes en cours et que l’on peut définir comme suit: le basculement du monde vers l’Asie, sa désoccidentalisation accélérée qui va entrainer la fin du monde unipolaire et enfin la tentative russe de s’ingérer dans cette nouvelle architecture en cours de constitution et définition.
En effet, la crise budgétaire et politique que connaît la première puissance du monde actuellement et qui se traduit par ce que l’on nomme Shutdown tombe vraiment mal pour les Etats-Unis. Cette crise intervient en effet juste après l’incroyable épisode Syrien ou l’administration américaine a opéré un retournement stratégique majeur en annulant une opération militaire qui semblait inéluctable contre la Syrie, et ce grâce au subtil jeu diplomatique russe. Ces événements successifs semblent avoir démontré une certaine rupture dans la dynamique de domination conquérante américaine et ont sans doute considérablement affaibli la position américaine aux yeux du monde entier. Symbole de cet affaiblissement structurel le président Américain a du annuler sa visite au sommet. Le président Américain avait déjà l’année dernière du annuler sa visite au précédent sommet de l’APEC.
Cet affaiblissement palpable de la principale puissance, du cœur même, de l’Occident dominant est à mettre en lien avec le grand basculement du monde vers l’Asie qui s’est accéléré au cours de la dernière décennie.
Cette dernier décennie a vu une totale réorganisation stratégique du monde et surtout dans sa partie Eurasiatique. La Chine bien sur a émergé comme devant de façon inéluctable devenir la première puissance mondiale au cours des prochaines années et le prochain sommet de l’APEC en 2014 aura du reste lieu en Chine. Plus près de l’Europe, mais toujours en Eurasie, la Russie a émergé du chaos pour d’abord réapparaitre comme une puissance régionale incontournable, puis le cœur d’un nouveau bloc en devenir: l’Union Eurasiatique. Ce faisant la Russie maintient et même accentue un cap clairement énoncé il y a un an lors du précédent sommet de l’APEC à Vladivostok ou encore par le président russe qui avait en février 2012 appelé à ouvrir une fenêtre sur l’Asie pour la Russie et à “gonfler les voiles de l’économie russe avec le vent chinois (…) et permettre à la Russie de rejoindre les processus dynamiques d’intégration au sein de la “Nouvelle Asie”. Cette année, il a invité les Etats d’Asie-Pacifique à investir dan
s les projets de modernisation de l’infrastructure de transport de la Sibérie et de l’Extrême-Orient, notamment le Transsibérien et de la voie ferrée Baïkal-Amour (BAM) mais aussi la Voie maritime du Nord dont nous reparlerons très bientôt.
Cette intégration croissante en Asie/Pacifique prend toute son importance alors que la zone est également en proie à un risque de déstabilisation à cause du projet américain de bouclier anti-missile que l’administration Américaine souhaite déployer. Le bouclier devrait en effet encadrer la partie Occidentale de cette alliance (aux frontières de la Russie) mais les Etats-Unis souhaitent aussi l’étendre au cœur de la façade orientale et pacifique, via un radar au Japon et des systèmes de missiles d’interception notamment en Alaska.
Suite aux décisions américaines en vue de contrer la très hypothétique menace issue de la Corée du nord, Russie et Chine ont décidé d’intensifier leur coopération en vue de renforcer leurs systèmes de défense antimissile. La zone pacifique est donc sous la menace de sombrer dans une bipolarisation entre un bloc Occidentalo-pacifique (Amérique-Japon-Corée du sud) et un bloc Continentalo-pacifique (le Tandem Russo-chinois), bipolarisation militaire qui pourrait avoir de fortes répercussions politiques et économiques.
Sans grande surprise, la partie russe a donc proposé un significatif rapprochement économique entre l’APEC et l’Union douanière eurasiatique ainsi qu’avec les BRICS (dont les trois poids lourds sont des puissances continentales Asiatiques) mais aussi et surtout l’organisation de la Coopération de Shanghai (OCS) souvent vu comme le pendant Eurasiatique de l’Otan.
Au cœur du pacifique et de la nouvelle Asie, le nouveau grand jeu continue.
Une confirmation : la France serait avec la Pologne le pays le mieux loti en Europe, grâce à des réserves exploitables désormais estimées à quelque 3 800 milliards de mètres cube (même si l’administration Obama a revu fortement à la baisse son hypothèse précédente ).