On parle beaucoup et sans arrêt de la place de la Russie dans le ‘monde’, serait elle tournée vers l’Ouest ou vers l’Est ? Serait elle “Occidentale” ou “Eurasienne” ?
La question avait aussi récemment animé un “article” du blog echo de russie intitulé “Medvedev, Dostoievski et les asiates blonds” et suscité des commentaires assez passionnés !
Cette doctrine a été construite au début des années 20 avant de tomber dans l’oubli. Depuis la fin de l’URSS, cette doctrine a été remise en avant, parfois sous le nom de néo-Eurasisme, par le philosophe et géopoliticien russe Alexandre Douguine ( lire son excellente biographie).
Ce dernier a creusé son trou dans l’entourage du Président Poutine et prône une contre thèse aux affirmations Atlantistes (théorie de Mackinder en 1904, qui prévoyait l’endiguement et l’encerclement de la Russie) et conçoit l’histoire comme l’affrontement éternel entre un “Léviathan” et un “Béhémoth”, soit entre la “Terre” et la “Mer”. L’Allemagne et la Russie sont les forces de la Terre en lutte contre les forces malfaisantes et déliquescentes de la Mer, représentées aujourd’hui par les Etats-Unis et l’Angleterre. Douguine s’inscrit dans la tradition de la “politique hermétique”: ce sont en effet des forces spirituelles qui guident le monde et l’ont toujours guidé. Originalité de sa position : le communisme russe, après l’éviction des comploteurs “atlanto-trotskistes” (selon sa terminologie), est devenu une sorte de “voie de la main gauche”. Cela signifie qu’une force en apparence anti-traditionnelle (comme l’a été l’URSS rouge et antiChrétienne) peut en réalité dissimuler une puissance active et positive qui va subrepticement dans le sens de la Tradition, donc de l’esprit de la “Terre” par opposition à celui de la “Mer”. Douguine se place tout naturellement dans le sillage de la révolution conservatrice allemande des années 20 et 30. Il est l’homme qui a réintroduit en Russie les thèses énoncées par le néo-nationalisme soldatique allemand d’après 1918, période de défaite pour Berlin, comme l’effondrement de l’URSS était, finalement, une période de défaite pour la puissance russe.
Douguine est évidemment séduit par la russophilie des “révolutionnaires conservateurs”, dont la première source d’inspiration a été l’œuvre de Dostoïevski, traduite à l’époque en allemand par l’exposant principal de la “révolution conservatrice”, Arthur Moeller van den Bruck, dont toutes les idées politiques dérivent de l’oeuvre du grand romancier russe du 19ième siècle. La “révolution conservatrice” allemande est donc essentiellement “dostoïevskienne”. Il est donc naturel et licite de la ramener en Russie, où, espère-t-il, elle trouvera un terreau plus fécond.
Douguine a introduit ensuite la “pensée traditionaliste” en Russie en y vulgarisant, en y traduisant et en y publiant les œuvres de René Guénon et Julius Evola. Dans cette optique, Douguine n’adopte pas entièrement les mêmes positions que ses homologues ouest-européens. A l’influence des deux traditionalistes français et italien, il ajoute celle du Russe Constantin Leontiev pour qui la Tradition est ou bien othodoxe ou bien islamique. Pour Leontiev, le catholicisme et le protestantisme sont des voies résolument anti-traditionnelles, produits de l’Occident dégénéré”.
Pour en savoir plus :
– Le site du mouvement Eurasien et en francais et son “manifeste”
– Le mouvement de la Jeunesse Eurasiatique
– Le site TV Eurasie
– Divers textes de Alexandre Douguine (lire les archives)
– Le néo-eurasisme vu par Marlène Laruelle (téléchargez le .pdf)