Réflexions sur l’assassinat de Boris Nemtsov

imagesLa mort inattendue de Boris Nemtsov en Russie a fait couler beaucoup d’encre et causé un lourd dommage à l’image de la Russie, la grande majorité des commentateurs n’ayant pu s’empêcher de pointer la potentielle et probable responsabilité des autorités russes dans ce meurtre.

Pourtant, loin de « l’émotionnel-militant » qui a envahi nombre de rédactions, il convient de revenir sur le personnage et sa réelle stature politique en Russie, pour comprendre sa mort dans un contexte politique russe complexe, tant sur le plan intérieur qu’extérieur.

Proche du pouvoir et de la grande mouvance réformatrice qui émana de la fin de l’Union soviétique, Boris Nemtsov est issu d’une famille célèbre en Russie puisqu’il serait le petit-neveu de Yakov Sverdlov, révolutionnaire et homme politique russe qui aurait donné en 1918 l’ordre d’assassiner le tsar Nicolas II et toute la famille impériale.

Boris Nemtsov se lança en politique et bénéficia fortement des chaotiques années 90, puisqu’il fut premier gouverneur de l’Oblast de Nijni-Novgorod de 1991 à 1997 avant d’être ministre de l’Énergie sous Boris Eltsine. A l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, il s’investit de plus en plus activement dans l’opposition libérale en Russie, une opposition libérale dont le poids politique allait systématiquement et régulièrement s’amenuiser au cours des années qui suivirent. Continue reading

Voyage de deux Français de Russie au Donbass

A la veille de Noël 2014, deux Français de Russie, consternés par la situation au Donbass, se sont rendus sur le territoire de la république de Donetsk pour offrir des cadeaux de Noel aux enfants victimes de guerre. De retour à Moscou, DISSONANCE a recueilli les impressions de l’un d’entre eux, Nicolas Fréal.

DISSONANCE : Quelle était votre motivation ?

Nicolas Fréal : Pour commencer, l’idée première était de nous rendre dans cette zone afin de voir ce qu’il s’y passait réellement et d’échanger avec la population locale. Pour cela, nous avons voulu nous rendre utile et venir les mains pleines, et non pas en voyeurs du malheur des autres. Avec mon coéquipier Nicolas, nous avons mis nos fonds propres et récolté encore un peu d’argent auprès d’une poignée de Français – en tout environ 150 000 roubles –, afin de mettre sur pieds un chargement suffisant que nous pourrions distribuer nous-mêmes le temps d’un week-end. Tous les francais de Moscou a qui nous nous sommes ouverts de notre projet nous ont supporte financièrement et moralement, tant ils sont outres et scandalises par la tromperie colportée par la couverture médiatique occidentale des évènements en Ukraine.

 

DISSONANCE : Comment fait-on pour pénétrer sur ce territoire ?
N.F. : Nous nous sommes mis a la recherche de fixeurs efficaces. Un mois plus tôt, une première tentative avait avortée, et cette fois-ci, je disposais de trois contacts potentiels. Je suis parti donc en précurseur le vendredi a Rostov-sur-le-Don et j’ai fait les achats avec l’aide de cosaques que nous connaissions pour avoir participe ensemble en août 2012 a la cavalcade Moscou – Paris qui commémorait la chevauchée de l’ataman Platov en 1814. Notre projet était d’aller jusqu’à Donetsk, mais le convoi qui s’y rendait a retardé son départ et nous avons opté pour une autre filière qui a accepté de nous emmener seulement pour un jour à Snejnoïe, à une trentaine de kilomètres a l’intérieur du Donbass. On nous a fait remarquer que si Donetsk attirait les regards parce qu’elle etait sous le feu, cette ville recevait aussi beaucoup d’aide au moment des fetes, ce qui n’était pas le cas de villes plus petites ou les habitants etaient d’autant plus exposés a l’indifférence et a l’oubli. Cet argument nous a paru solide et nous avons décidé de changer de destination. Continue reading

La démographie russe, entre mythes et réalité

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La démographie russe est un sujet fort complexe qui a donné lieu à de terribles erreurs d’appréciation (stratégiques, économiques…) et de compréhension de la réalité russe.

Loin des calculs d’experts et des idées reçues, la situation démographique de la Russie ne semble pas connaître une dynamique aussi dramatique et aussi grave que nombre d’observateurs l’ont laissé entendre.La décennie infernaleBrutalement propulsé dans l’économie de marché après la chute de l’URSS, le pays a traversé durant les années 90 une période de dérèglement politique, économique, social et moral généralisé. Un dérèglement caractérisé par un effondrement démographique sans équivalent historique, dont les conséquences démographiques étaient équivalentes à celles d’une guerre, alors que le pays était à peu près en paix.

Sur le plan sanitaire, l’explosion de la toxicomanie a provoqué une explosion du VIH et l’on a vu réapparaître de nombreuses maladies qui n’existaient plus que dans certains pays du tiers monde comme par exemple la diphtérie, le typhus, le choléra ou la tuberculose.

La conséquence de ce grand dérèglement sur la démographie du pays fut quasi-instantanée. Dès 1991 le nombre de naissances va commencer à diminuer, passant annuellement de 1.794.626 à 1.214.689 en 1999, tandis que le taux de fécondité s’effondrait de 1,89 à 1,17 enfants par femme. Dans le même temps, le nombre de décès augmentait en flèche, passant de 1.690.657 en 1991 à 2.144.316 en 1999. Cette situation donna naissance à une nouvelle terminologie démographique propre au pays: le terme de « croix russe » définissant une natalité en baisse et une mortalité en hausse. Continue reading

Российская демография, между мифами и реальностью

Российская демография ― очень сложная тема, которая дает повод к чудовищным ошибкам в оценке (стратегическим, экономическим…) и понимании российской действительности.

Далекая от расчетов экспертов и расхожих представлений, демографическая ситуация в России, похоже, развивается не столь драматично и опасно, как предполагали многие наблюдатели.

Страшное десятилетие

Резко вытолкнутая в рыночную экономику после распада СССР, Россия в 90-е годы пережила период общего политического, экономического, социального и морального упадка. Упадок характеризовался беспрецедентным демографическим коллапсом, последствия которого были эквивалентны последствиям войны, хотя страна жила почти в мире.

imagesЧто касается здравоохранения, взрыв наркомании спровоцировал взрыв ВИЧ, вновь появилось множество болезней, существующих только в некоторых странах третьего мира, таких как дифтерия, тиф, холера или туберкулеза.

Последствия этого потрясения для демографии страны были почти мгновенными. С 1991 года число родившихся начинает ежегодно уменьшаться, сократившись с 1.794.626 до 1.214.689 в 1999 году, в то время как коэффициент рождаемости падает с 1,89 до 1,17 ребенка на одну женщину. Одновременно резко выросло количество смертей, увеличившись с 1.690.657 в 1991 году до 2.144.316 в 1999. Эта ситуация породит новый демографический термин: «русский крест», означающийявление ежегодного превышения количества умерших над количеством родившихся. Continue reading

Accords de Minsk: le choix de l’Eurasie ?

imagesLorsque le mur de Berlin s’est écroulé, et avec lui l’URSS, rien ne semblait pouvoir empêcher l’américanisation de l’ancien monde soviétique, c’est-à-dire la victoire de McDonald’s, de l’anglais comme langue globale et quasi-unique, et du dollar comme seule monnaie de référence.

Rien ne semblait surtout pouvoir entraver la marche en avant du capitalisme ultralibéral et de la démocratie à la mode américaine. Dans le monde unipolaire ainsi créé, la prise de contrôle par l’Otan des gigantesques territoires qui s’étendent de l’est de la Vistule et jusqu’au pacifique paraissait inévitable.

En une décennie, cet “agenda idyllique” a été totalement bouleversé par des événements historiques complètement imprévus. Il y a eu le 11 septembre 2001 et les efforts de guerre qui en ont découlé pour les occidentaux. Les interventions militaires dans le monde musulman n’ont pas eu le succès attendu, elles ont coûté très cher, et ont finalement semé le chaos dans la région. Sur le plan économique, l’essor implacable de la Chine a largement dépassé toutes les prévisions, et le modèle économique et financier “capitalatlantiste” a montré ses limites en provoquant la crise de 2008, appelée “great recession” par les anglo-saxons.Pourtant, la politique américaine à l’égard de l’Europe et de l’Eurasie n’a pas changé. L’extension de l’Otan vers l’Est s’est poursuivie, se superposant à l’extension de l’Union européenne. En conséquence, nombre de commentateurs voient désormais Bruxelles comme un simple sas d’entrée destiné à pré-intégrer des Etats au sein de la communauté euro-atlantique et de l’Alliance militaire sous domination américaine. Continue reading

Les médias occidentaux: marionnettes ou agents inconscients de l’expansion américaine ?

imagesEn mars et mai 2014 j’ai été invité à m’exprimer (très brièvement) sur la chaine française LCI, à propos de l’évolution de la situation en Ukraine.

J’ai dit, à l’encontre de tout le mainstream médiatique ambiant de l’époque, que la Russie n’avait aucun intérêt à une partition de l’Ukraine, et les européens non plus. J’ai aussi affirmé que les évènements en cours avaient leur source hors d’Europe et plus précisément en Amérique.

Il est vrai que quelques semaines auparavant, la presse russe avait révélé un enregistrement bien embarrassant, repris par le Huffington Post. La secrétaire d’état adjointe (américaine) chargée de l’Europe, Victoria Nuland, et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, discutaient de la situation chaotique qui s’installait en Ukraine, et madame Nuland a prononcé une phrase pas très diplomatique: Que l’UE aille se faire foutre. Cette phrase résume parfaitement la façon dont Washington manage sa relation avec son allié européen: L’UE n’a pas à donner son avis sur les affaires européennes.Dès le début de cette crise en Ukraine, les rares commentateurs qui ont accusé Washington de déstabiliser la région se sont fait traiter d’agents russes. On entend bien que le journaliste français de LCI qui m’interroge me présente tout naturellement comme: Le point de vue russe, pour ne pas dire la voix de Moscou, rien que ça! Pourtant je ne représente ni la Russie ni la France, je fais seulement partie des millions d’Européens qui s’inquiètent de voir l’Union Européenne transformée en protectorat américain. Je fais aussi partie de ceux qui, dans de nombreux pays, souhaitent un monde multipolaire. Continue reading