Category Archives: Révolutions de couleur

Russie : La révolution orange et ses arrières-plans

 Le texte ci dessous est une analyse de Romain Bessonet, du Cercle Aristote.
La  Russie vient de connaître plus de 3 mois d’agitation politique sur fond d’élection présidentielle. L’observateur attentif (ce qui n’est pas le cas de la presse française) y aura vu les prémices de révolution orange. La date est d’ores et déjà fixée : le 5 mars 2012, au lendemain de l’élection. En effet, l’opposition libérale l’a déja annoncée par la voix de ses ténors : Navalny, Nemtsov, Kasparov et autres : Le résultat du scrutin sera illégitime, même si les élections sont propres et honnêtes. Le fameux coup d’État annoncé par Boris Berezovsky en 2007 est en marche.

Le moment ne pouvait pas être mieux choisi : 

– Usure classique du pouvoir, après douze ans de règne de Vladimir Poutine ;
– Apparition d’une classe moyenne issue du secteur marchand qui en a marre d’être dirigée par l’élite issue des corps militarisés et qui est soutenue par les “péquenauds de province, dépendants de l’État et qui ne comprennent rien à l’économie privée (Ksenya Sobtchak)” ;
– Corruption et inefficacité dans l’appareil d’État qui met du temps à être corrigée ;
– Stratégie offensive de Washington contre le régime russe, qu’illustre la nomination d’un ambassadeur de choc à Moscou : Michael Mac Faul.

La Russie de Vladimir Poutine, n’est ni un modèle, ni un paradis. C’est un État en pleine réforme, convalescent après 70 ans de communisme totalitaire et centralisé et 10 ans de libéralisme et de déliquescence de l’État russe. Les problèmes à résoudre y sont immense (corruption, alcoolisme, retards dans les infrastructures) et relèvent plus de la baguette magique que de la politique pour y apporter des solutions à court terme.Je comprends que les recettes du redressement russe fassent peur en occident. En effet, comment est-il possible de faire passer la dette extérieure du pays de 110% à 20 % du PIB en 10 ans, avoir des taux de croissance entre 5 et 7 % par an, renouer avec une croissance des naissances, le tout  avec une politique étatiste, protectionniste et une promotion du patriotisme au plus haut niveau de l’État?
En attendant, le plan de la révolution orange avance :
– agitation avant les élections pour promouvoir l’idée qu’il y aura des falsifications ;
– monter de toutes pièces des falsifications (car si elles n’existent pas il faudra les inventer) ;
– préparer l’organisation des manifestations et piquets dans Moscou (les tentes sont entrain d’être préparées).Face à cela, l’équipe de Vladimir
Poutine a monté des contre-offensives assez efficace :
– mobiliser des populations ouvrières et paysannes de province, qui sont la base populaire de Vladimir poutine dans des manifestations et des
réunions publiques ;

– redonner une colonne vertébrale idéologique à l’action de Vladimir Poutine (c’est le sens des 07 longs articles qu’il a fait paraître dans la presse sur la question nationale, l’économie, la politique de sécurité, la politique étrangère, la politique sociale)
– prendre l’opposition à son propre jeu : vous craignez des falsifications, d’accord alors nous accédons à toutes vos demandes (vidéo surveillance sur internet de tous les bureaux de vote, urnes transparentes, nombre illimité d’observateurs, stricte égalité de temps de parole sur les chaînes de télévisions fédérales)
– réformer le système politique pour donner plus de représentativité (libéralisation des modalités d’enregistrement des partis politiques ; retour de l’élection des gouverneurs au suffrage universel ; abaissement du seuil de représentativité à la Douma)
– montrer le vrai visage des contestataires :  Le 10 janvier 2012, le nouvel ambassadeur des USA Mac Faul a invité à l’ambassade, en présence du 17eme adjoint à la secrétaire d’Etat des USA (William J. Burns) les chefs de l’opposition “hors système” : Evgueniya tchirikova (connue pour son combat “écologiste” contre la contruction de l’autoroute Moscou – Saint Petresbourg) ; Boris Nemtsov (ancien 1er vice premier ministre sous Eltsine) ; Lev Ponomarev (fondateur de l’association mémorial) ; et de l’opposition “dans le systeme” : Oksana Dmitrieva (cheffe de la fraction “russie Juste” à la Douma) ; Serguei Mitrokhine chef du parti “Yabloko”.Le 10 mars 2011, lors de sa visite à moscou, Jo Bayden avait rencontré :
Lyoudmila Alexeeva (comité Helsinki)Evgueniya TchirikovaLeonid Gozman (Parti juste cause)Grigori Yavlinski (Parti yabloko)Oksana Dmitrieva (parti “russie Juste” )Nina Ostanina (parti communiste)Boris NemtsovVladimir RyjkovGary Kasparov.
On sait donc pour qui roulent tous ces gens …

A cette occasion, Jo Bayden avait annoncé la couleur : “La Russie est fatiguée de Poutine. Et cette fatigue va s’amplifier et conduira sans
aucun doute à des événements analogues à ceux que connait le monde arabe actuellement” (http://www.km.ru/news/baiden-shantazhiroval-putina).

Les Etats-unis avait penser tenir avec Medvedev leur Gorbatchev du XXI eme siècle, qui allait concéder la destruction de l’État russe contre une réputation en or à l’ouest, et ainsi terminer le travail commencé en 1991. Or, la candidature de Poutine à un nouveau mandat présidentiel contrecarre ces plans. Il faut penser que ce n’est pas un hasard si la nommination de Mc Faul comme ambassadeur a eût lieu quelques semaines après l’annonce par Poutine de sa candidature comme Président de la Fédération de Russie.

Le CV de ce diplomate est impressionnant :
– début des années 1980 étudie en URSS
– 1985 – 1987 : est étudiant en Pologne, où il devient un des proches des leaders de “Solidarnosc”
– arrive comme “sociologue” en URSS en 1990, il se lie d’amitié avec lesleaders les plus libéraux de la dissidence (Gavril Popov, Arkady Muravev, Evgueny Sevastianov, Mikhaïl Schneider, Viktor Dmitriev) ;
– 1993-1995 : travail au centre Carnegie de Moscou

– 1996 : membre de l’équipe de “spin doctors” recrutés par Alexandre Korjakov et Anatoly Tchoubaïs pour faire réélire Eltsine face à Zyouganov – membre de l’institut Hoover (think tank néo-conservateur)
– membre du conseil des directeurs des institutions suivantes : Eurasia Foundation, Firebird Fund, Freedom House, International Forum for Democratic Studies of the National Endowment for Democracy, et International Research and Exchange Board (IREX).

Comme il le dit lui-même : “Je suis un expert de ​​la démocratie, des mouvements anti-dictatoriaux, des révolutions. Et quand je suis venu en URSS, en 1989, c’était justement l’époque d’un tel mouvement. Et alors que je vivais à Moscou en 1990-1991, je suis devenu très proche des démocrates russes. Ce fut probablement le meilleur moment de ma vie.

Tout ceci se passe sur fond d’affrontement entre USA et Russie sur la question syrienne. Question sur laquelle Moscou reste inflexible. Le but de ces mouvements de contestation en Russie est aussi de délégitimer la parole russe. En effet, une tactique répressive du pouvoir russe permettrai à Washington d’avoir l’argument suivant face à l’opinion publique mondiale : La Russie bloque à l’ONU, car elle est une dictature répressive. Son point de vue est illégitime. Donc, on peut, on doit intervenir en Syrie, malgré le véto russe.

Je pense que ce n’est pas un hasard si, actuellement pressions pour une intervention militaire en Syrie, tension en Iran (allié naturel de la Russie depuis la fin de l’URSS, notamment dans le Caucase) et mouvements de protestation en Russie se conjuguent. Il s’agit pour Washington et ses alliés de Ryad et du qatar de faire sauter les verrous qui s’opposent au modelage du moyen-orient sur un nouveau paradigme : mosquée, voile intégral et al jazeera

Ayons donc les yeux grand ouvert.

De Belgrade a Moscou?

Mais en 2001, il choisit la politique, adhère au parti libéral Iabloko
dont il se démarque quelques années plus tard pour fonder un mouvement
de jeunes, « Da ! », dans le sillage des révolutions ukrainienne et
géorgienne. (…) Dans son échange avec la journaliste du New Yorker, l’an dernier, Alexeï Navalny dévoilait un pan de sa stratégie.
«Moins
le mouvement s’identifie à une personne, plus il est multiforme et plus
il est difficile de l’acheter, de le dévier, de l’enfermer..
Ils
peuvent détruire une personne, mais s’ils essaient de faire quelque
chose systématiquement contre un grand nombre de personnes, la machine
se grippe 
». 

**
Concernant Aleksandar Maric (Belgrade 2004) – 
Aleksandar est formateur au Centre de la résistance non violente de l’ONG Otpor (Belgrade, Serbie).
« Le principe fondamental sur lequel repose toute l’organisation, c’est
qu’elle doit être dénuée de leader : c’est ce qui fait sa force. En
Serbie, la police ne comprenait pas que nous puissions nous passer de
leader ; notre structure les rendait fous
».

Russie: l’idéologie nationale-démocrate devient manifeste

L’article original a été publié sur RIA-Novosti

*
Des lecteurs français se sont étonnés de voir, sur les photos des manifestations de décembre 2011, à Moscou, à la fois des mouvements dits nationalistes, et des sympathisants de mouvements dits libéraux, puisque par essence ces idéologies sont théoriquement totalement opposées sur la scène politique. Plusieurs m’ont demandé ce que représente l’opposition anti Poutine qui a manifesté. Cette question est fondamentale, si on veut comprendre les évolutions politiques qui se dessinent dans la Russie d’aujourd’hui. La recomposition de la scène politique russe et le multipartisme existant au sein de la démocratie dirigée russe, font de la fédération un alien parmi les systèmes politiques européens.
A la fin de l’année 1999, le président Eltsine démissionne et s’efface au profit de son nouveau premier ministre Vladimir Poutine. Son ascension sera organisée par les oligarques d’Eltsine, et en septembre 1999, un nouveau parti centriste à été créé, le parti “Unité”. Ce parti était destiné à permettre l’accession de Vladimir Poutine au pouvoir. Unité fait face, à l’époque, à 15 autres structures dont principalement le Parti Communiste, le “Parti Libéral Démocrate” (étatiste-nationaliste), et le parti “Notre patrie-la Russie” dirigé par le puissant maire de Moscou Iouri Louzkov et par Evgueny Primakov. Aux législatives de 1999, Unité obtient 23.32% des voix, contre 24,29% pour le parti communiste et 13,39% pour le bloc de Louzkov et Primakov. L’opposition libérale (Iabloko et l’union des forces de droite) obtient près de 14%. La présidentielle de mars 2000 voit la victoire de Vladimir Poutine, qui jouit du soutien des leaders du bloc “Notre patrie la Russie”. En avril 2001, “Unité” et “Notre patrie la Russie” fusionnent pour créer un seul parti: Russie-Unie. Durant les 8 ans qui ont suivi sa création, le parti Russie Unie ne s’est pas défini une idéologie ou une orientation politique spécifique. Pendant cette période, Russie Unie s’est considéré comme le parti de  la reconstruction et de la restauration de l’état. Ce n’est qu’en 2009 lors du 11ème congrès du parti que la ligne idéologique du parti a été définie, à savoir le conservatisme russe. Cette ligne idéologique a été adoptée par les trois clubs ou courants qui composent Russie unie: le courant Social-conservateur, le courant Libéral-conservateur et le courant Étatique-patriotique.  On peut donc qualifier Russie-Unie de parti centriste et conservateur. Russie-unie est le parti de gouvernance principal en Russie et son poids électoral est devenu le plus important. Autour de Russie Unie qui gouverne, l’échiquier politique ne s’est pas organisé de manière linéaire, de l’extrême gauche à l’extrême droite, comme par exemple en France, mais plutôt en cercles concentriques.

Au centre, le cercle Russie Unie avec ses courants internes. Autour, un “premier cercle” est constitué de partis qui pratiquent l’opposition non systématique et qui ont une solide assise électorale en Russie. Le parti communiste qui est comme son nom l’indique un parti de gauche, étatiste et nostalgique de l’Union Soviétique. Plus à droite de l’échiquier politique, le Parti Libéral-Démocrate est un parti nationaliste, étatiste et qui défend un patriotisme plus ethnique, panrusse. Enfin récemment un parti étatiste et patriote de gauche, Russie-Juste, a fait son apparition. Il est une sorte de pendant de centre gauche de Russie-Unie. Ces partis ont un point commun: ils défendent une forme de patriotisme fédéral, post-impérial et non ethnique, un patriotisme pan-Russien. Le parti communiste et Russie Juste ont beaucoup progressé aux dernières législatives, au détriment de Russie Unie. Bien que faisant partie de l’opposition, ils forment avec Russie Unie une sorte de cercle global de gouvernance. 

Enfin un “cercle extérieur” d’opposition existe, qui rassemble une série de partis qui comprend à la fois des partis radicaux extrémistes, tout comme des partis libéraux. Certains ont parfois été présents aux échéances électorales des 15 dernières années. Ce cercle extérieur comprend aussi des mouvements non organisés en partis politiques. C’est précisément ce troisième cercle hétéroclite qui s’est exprimé politiquement dans la rue en décembre dernier. C’est ainsi qu’on a pu voir dans le rassemblement du 4 décembre 2011 à la fois les partis libéraux, l’extrême droite, ainsi que divers mouvements de la société civile, d’orientations plutôt libérale. Les manifestations de décembre dernier ont été cela dit coordonnées par des partis libéraux  d’opposition dont le poids électoral est passé de 14% aux élections législatives de 1999, à 4% en 2003, 1,56% en 2006 et 3,43% en 2011. Ces partis ont en général une vision ouest-orientée (pro-occidentaux). Des mouvements radicaux extrémistes de droite, et dans une moindre mesure de gauche ont aussi joué un rôle important, via le front de gauche ou les radicaux de l’ex DPNI, un mouvement d’extrême droite aujourd’hui interdit. 


Le charismatique blogueur Navalny est une fusion intéressante de ces différents courants. Ancien militant d’Iabloko (parti d’opposition libéral) cela fait plusieurs années qu’il tente de bâtir des ponts entre libéraux et nationalistes puisqu’en tant que membre d’Iabloko il avait rédigé un manifeste nationaliste et s’était défini comme un “nationaliste-démocrate”. Cette idéologie nationale-démocrate concerne donc l’opposition libérale mais également une frange nationaliste, créant ainsi une sorte de coalition Orange-brune. Un parti Nazdem (National-démocrate) a même fait son apparition fin 2010, prônant notamment la coopération avec l’OTAN ou encore la sécession du Caucase. Le point commun de ces mouvements? Leur grande proximité avec l’étranger, Navalny tout comme l’opposition libérale ayant été régulièrement accusés d’être financés de l’extérieur, notamment  par le département d’état américain. Des preuves ont récemment mis en évidence la réalité de ces accusations.  Pour autant cette idéologie “nationale-démocrate” n’est pas nouvelle. En 2005 déjà l’analyste Dimitri Kondrachov affirmait déjà qu’à la suite du renforcement de l’influence américaine et de l’idéologie de droite dans la politique de l’UE, la doctrine Brezinski (affirmant que la Russie doit être “refoulée à la périphérie est de l’Eurasie”) allait trouver des soutiens en Europe de l’ouest. En effet les pays de la vieille europe comme la France et l’Allemagne (jugés trop favorables à a la Russie), devaient désormais être refoulés a la périphérie ouest de l’Eurasie”, dans  l’arrière-cour de la nouvelle Europe, régie par ”l’idéologie nationale-démocrate”. 


Peut-on parler d’émergence d’un courant politique national-démocrate d’opposition comme résultat principal des évènements politiques de décembre dernier?
La question reste posée.

A la conquete de l’est: aux origines de « l’Orangisme ».

Le 20ème siècle a vu le remplacement de la domination anglaise par la domination américaine. Ce remplacement d’une puissance maritime par une autre ne modifiera pas l’existence de deux contraintes incontournables: d’abord la maîtrise des mers mais aussi l’obligation d’intervenir  dans le centre géo économique du monde. Ce deuxième objectif est inscrit dans la doctrine géopolitique anglo-saxonne, qui définit les rapports entre puissances mondiales comme une concurrence entre les puissances dites maritimes (Angleterre, Amérique), et celles dites continentales (Allemagne, Russie, Chine). Cette théorie est celle d’un des pères de la géopolitique moderne, Halford Mackinder (1861-1947), qui a défini l’existence d’un “pivot du monde“ (Heartland) situé en Eurasie, dans une zone couvrant l’actuelle Sibérie,l’Asie centrale et le Caucase. Mackinder redoutait (c’était avant la seconde guerre mondiale) que cette zone du monde ne s’organise et ne devienne totalement souveraine, excluant ainsi l’Amérique (située sur une île excentrée) de la gestion des affaires du monde. Mais le plus grand danger selon Mackinder aurait été une alliance des deux principaux empires continentaux que sont l’Allemagne et  la Russie. Il appelle donc à la constitution d’un front d’états capable d’empêcher une telle coalition de voir le jour. Après 1945, l’URSS est vue de par sa taille et son influence comme la principale puissance susceptible d’unifier ce Heartland. Elle est donc devenue par défaut l’adversaire principal de l’Amérique.


Une seconde théorie géopolitique développée par Nicholas Spykman (1893-1943) considère que la zone essentielle n’est pas tant le Heartland que la région intermédiaire entre ce dernier et les mers riveraines. Cette seconde théorie, complétant  la première, proposait d’empêcher la puissance continentale principale (URSS hier et Russie dès 1991) d’avoir accès aux mers. A cette fin, un front d’états devait également être créé mais afin de constituer et de contrôler une zone tampon entre l’URSS et les mers voisines (mer du nord, mer caspienne, mer noire, mer méditerranée). Pour l’historienne Natalia Narochnitskaya, cette volonté d’endiguement est toujours d’actualité. Il s’agit surtout d’écarter  la Russie du secteur nord de l’ellipse énergétique mondiale, zone qui comprend  la péninsule arabe, l’Irak, l’Iran, le Golfe persique, le Caucase nord (Caucase russe) et l’Afghanistan. Concrètement il s’agit de couper l’accès aux détroits, aux mers, aux océans ainsi qu’aux zones à fortes ressources énergétiques, et donc de repousser la Russie vers le Nord et vers l’Est, loin de la méditerranée, de la mer noire, et de la mer caspienne. Cette poussée s’exerce donc sur un premier front allant des Balkans à l’Ukraine pour le contrôle de la mer Egée et de la mer noire, et sur un deuxième front allant de l’Égypte à l’Afghanistan pour le contrôle de la mer rouge, du golfe persique et de la mer caspienne.
 

Mainmise américaine sur la nouvelle Europe
 
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’Amérique et l’URSS se font face, c’est la guerre froide  dans un monde que l’on peut définir comme bipolaire. Cette guerre froide finira avec l’effondrement de l’URSS en 1991. Le monde d’après 1991 sera unipolaire et américano-centré,  le nouvel ordre mondial du président Bush père se concrétise dans les sables d’Irak en 1991. A l’époque beaucoup pensent que plus rien ne changera jamais, on parle de la fin des idéologies, voire de la fin de l’histoire avec une Amérique qui régnerait à jamais sur la planète.

Pendant la guerre froide, l’Union européenne s’est bâtie sur des fondements transatlantiques, puisque c’est l’Amérique via le plan Marshall qui a « aidé » l’Europe ruinée à se reconstruire, avant de superviser sa transformation en Union européenne. Ambrose Evans-Pritchard, journaliste britannique du Daily Telegraph, expliquera après l’étude de documents renduspublics par les Archives nationales des États-Unis le rôle des services secrets américains dans la campagne en faveur d’une Europe unie, dans les années 1950 et 1960. Ces documents montrent que l’instrument principal de Washington dans la mise en œuvre de ce plan pour le continent était le Comité américain pour une Europe unie (American Committee for a United Europe – ACUE), créé en en 1948. Donovan, qui se présentait alors comme un avocat en droit privé, en était le président de ce comité. Le vice-président était Allen Dulles, directeur de la CIA dans les années 50. Le conseil d’administration de l’ACUE comprenait Walter Bedell Smith, qui avait été le premier directeur de la CIA, et toute une liste d’anciennes personnalités de l’OSS et d’officiels qui faisaient des allers-retours avec la CIA. Les documents révèlent aussi que l’ACUE a financé le Mouvement Européen, qui était la plus importante organisation fédéraliste européenne pendant les années d’après-guerre. En 1958, par exemple, l’ACUE a assuré 53,5 % du financement de ce  mouvement. Le Mouvement de la Jeunesse européenne (European Youth Campaign), un des bras du Mouvement Européen, était entièrement financé et contrôlé par Washington. (…) Les chefs du mouvement européen – Retinger, Le visionnaire Robert Schumann et l’ancien premier ministre belge Paul-Henri Spaak  –  étaient tous considérés comme des hommes de main par leurs parrains américains. Le rôle réel des Etats-Unis fut camouflé comme dans une opération secrète. Les fonds de l’ACUE provenaient des fondations Ford et Rockefeller ainsi que de divers groupes d’affaires ayant des liens étroits avec le gouvernement américain. (…) Le dirigeant de la fondation Ford, une des principales ONG Américaines) était l’ancien officier de l’OSS Paul Hoffman qui devint aussi un dirigeant de l’ACUE vers la fin des années 50. Le Département d’État joua également un rôle puisqu’une note de la direction Europe, datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la communauté économique européenne [CEE, qui a précédé l’UE], Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l’édification d’une union monétaire européenne. Elle recommande d’empêcher tout débat jusqu’à ce que “l’adoption de telles mesures devienne pratiquement inévitable”. Enfin les documents confirment que l’Amérique œuvrait très activement dans les coulisses afin d’amener la Grande Bretagne à intégrer l’organisation européenne. Ceci permet de mieux comprendre la guérilla que l’Amérique a menée contre le général De Gaulle de  1961 à 1969 surtout lorsque celui-ci empêchait  l’entrée de l’Angleterre dans l’Union européenne naissante.

Cette intégration transatlantique et occidentale se traduira par une solidarité anti soviétique pendant la guerre froide, et plus tard par la participation des principaux pays européens (France en 1993 en Bosnie et Allemagne en 1999 en Serbie) aux opérations militaires de l’OTAN. Peu à peu, l’extension de l’Otan est devenue une sorte de complément naturel de l’intégration de nouveaux états à l’Union européenne, vers l’est et la Russie. Ainsi l’Otan empêche toute souveraineté militaire en Europe, alors même que l’organisation supranationale européenne est dépourvue de toute souveraineté politique. Cette extension vers l’Est de l’Otan, à un moment ou le pacte de Varsovie n’existe plus aura un dessein géopolitique bien précis: utiliser l’Europe comme tête de pont pour aider  la percée Américaine vers le continent eurasiatique et refouler l’influence russe le plus a l’est de ce continent eurasiatique. La logique géopolitique est évidente: garder le contrôle du continent et une Europe coupée, afin d’éviter que l’Europe unifiée ne devienne un géant pôle politico-économique, concurrent de l’Amérique.
 

Années 2000 : La nouvelle donne
 
L’élection de Vladimir Poutine (qui pour l’analyste Aymeric Chauprade est un événement géopolitique majeur) et la renaissance rapide de la Russie ont modifié les rapports entre puissances pendant la dernière décennie. Il y a eu la  destruction militaire et politique de la Serbie en 1999 et l’agrandissement de l’Otan en Europe orientale, mais il y a eu aussi le traumatisme du 11 septembre  2001, l’enlisement de l’Amérique et de plusieurs membres del’Otan dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan, avec des problèmes financiers de plus en plus importants pour financer ces guerres. Pourtant, les pressions sur l’est de l’Europe et sur le Caucase ont continué. Curieusement plusieurs états ont été visés par des événements politiques similaires dans les années 2000 : des révolutions de couleurs.

Ces révolutions ont concerné principalement des états frontaliers de la Russie, et dont les régimes n’étaient pas spécialement hostiles a Moscou, ni réellement pro occidentaux. Dans le cas de l’Ukraine et de la Géorgie, le projet était de changer les régimes politiques puis l’adhésion à l’Otan.

Dans le mainstream médiatique occidental on a souvent présenté ces événements comme des soulèvements spontanés et démocratiques. On sait aujourd’hui que les révolutions de couleur étaient en réalité des coups d’états démocratiques, sponsorisés et co-organisés de l’extérieur via un grand nombre d’ONGs, dont la liste est consultable ici. On a parlé d’Orangisme (en lien avec la révolution orange en Ukraine) pour qualifier ce courant géopolitique occidentaliste. La révolution en Ukraine a aussi pu bénéficier du soutien financier de donateurs plus inattendus comme l’oligarque libéral en exil Boris Berezovski pour qui la révolution était avant tout dirigée contrela Russie.

Le morcellement de la Russie, un objectif géopolitique
 
La politique du morcellement peut être une méthode d’affaiblissement d’états jugés trop denses géopolitiquement. Ce sera le cas de la Tchécoslovaquie, de l’ex Yougoslavie et c’était aussi un des projets américains pour la Russie. En effet, en septembre 1997, l’un des plus influents politologues Américain, Zbigniew Brezinski a publié  un article sur la géopolitique de l’Eurasie. Cet article explique que le maintien du leadership
Américain passe par un découpage de  la Russie en trois états distincts qui seraient ensuite regroupés sous l’appellation “Confédération Russe”.

Brezinski  propose ce découpage dans le but de libérer la Sibérie Occidentale et sa voisine Orientale de la mainmise bureaucratique de Moscou tout en affirmant dans son ouvrage « Le grand échiquier » qu’ainsi la Russie serait moins susceptible de nourrir des ambitions impériales et ne serait pas capable d’empêcher la prise de contrôle de l’Eurasie par l’Amérique. 

 

Cette idée de démembrer  la Russie en plusieurs états est ancienne. Lors du grand jeu au 19ème siècle, pendant la lutte opposant les empires russe et britannique en Asie centrale et dans le Caucase, l’Angleterre avait bien compris l’importance et donc la menace pour elle des récentes conquêtes russes aux dépens de l’empire Ottoman. Ces conquêtes ouvraient à  la Russieune possibilité d’accéder à la méditerranée et à la mer noire. Dès 1835 l’Angleterre a donc tenté de déstabiliser  la Russie notamment par des livraisons d’armes dans le Caucase, et par la création de comités Tchétchènes ou Tcherkesses lors du congrès de Paris en 1856, après la guerre de Crimée. Ce front Caucasien restera, au cours du 20ème et 21ème siècle une sorte de zone molle par laquelle l’Angleterre puis l’Amérique tenteront de déstabiliser  la Russie. Au début du 20ème siècle en effet des responsables des républiques musulmanes de Russie, principalement dans le Caucase et en Asie centrale, tenteront d’organiser la bataille vers leur indépendance avec le soutien de l’Occident, c’est la naissance du Prométhéisme, un mouvement qui a travers le siècle va lutter pour réveiller les identités et encourager divers séparatismes, afin d’affaiblir la Russie. Cette vieille idée de déstabiliser le Caucase russe et d’écarter la Russie de la mer Caspienne s’est manifestée à nouveau pendant la révolution de couleur qui a eu lieu en Géorgie en 2003, puis pendant la guerre qui a été déclenchée en Ossétie du sud. Face à ces pressions géopolitiques, en Europe orientale, dans le Caucase et en Asie centrale, la Russie reste sur la défensive. Après la dislocation de l’URSS et la disparition du pacte de Varsovie, une partie des élites russes avait pensé avec naïveté que la guerre froide était finie, et que l’Otan ne chercherait pas à s’agrandir.  Le soutien de Vladimir Poutine à Georges Bush
en 2001 aurait pu marquer le début d’une collaboration dans l’hémisp
hère nord, au sein d’une alliance allant de Vancouver à Vladivostok. A cette fin en partie, un conseil Russie-Otan a même été créé en 2002. Mais contrairement aux promesses faites a la partie Russe, l’extension de l’Otan a
continué vers l’est, dans une logique post guerre froide, il y a eu les révolutions de couleur, et les intentions de l’Amérique dans le Caucase et en Asie centrale ne sont pas claires. Aujourd’hui l’encerclement de la Russie se poursuit avec l’installation du bouclier anti missile aux frontières du pays. Les idées de Mackinder
, de Spykman  et de Brezinski ne sont peut être pas mortes et la Russie est aujourd’hui la cible d’une pression « orangiste » visant au démembrement du pays.

Bataille pour l’orient (4)

Et ailleurs dans le monde?
 
Après l’Eurasie et le monde arabe, dans quelle zone du monde peut-on s’attendre à une nouvelle révolution non violente? Le 15 février 2011 le sénateur Mc cain, candidat malheureux  à la dernière présidentielle a affirmé que « les évenements en Egypte allaient entrainer une croissance des mouvements vers la démocratie et les droits des individus et que cela devait être l’occasion pour les états comme la Russie et la Chine de réfléchir à leur modèle politique (…) Et qu’après le renversement de Moubarak, si j’étais Vladimir Poutine je me serais senti plus inquiet, assis au Kremlin avec mes amis du FSB ». Une menace non voilée qui n’a rien de surprenant lorque l’on sait les liens directs de Mc cain avec l’Iri, une des ONGs orange les plus actives. C’est en effet l’Iri qui s’est chargé de financer une grande partie des activités d’Otpor, et de l’organisation des séminaires au printemps 2002 sur les méthodes de Lobbying, de négociation et de communication. La belle Ioulia Timoshenko avait également prononcé des paroles similaires lors de la révolution Orange en Ukraine, sur la place principale à Kiev pour haranguer la foule des manifestants oranges.

Quand à G.W.Bush il avait affirmé en 2005 la volonté des Etats Unis d’exporter la démocratie dans les endroits les plus retirés du monde lors du sommet de Bratislava en 2005. A la fin de l’année 2010, Freedom House à établi un rapport sur l’état du monde et défini 4 pays cibles prioritaires dans lesquels la situation politique devait changer : la Russie, la Chine, l’Iran et l’Egypte.
Rien de surprenant à ce que les 3 pays restants soient visés à court ou moyen terme par des mouvements révolutionnaires non spontanés. La bataille pour l’influence en orient peut en outre se traduire comme une volonté américaine de ne pas laisser ses principaux adversaires chinois et russes gagner de l’influence dans cette partie du monde. Lors des manifestations de contestations en Syrie, des affiches et slogans hostiles à la Russie –et à la Chine- sont apparus. Cela n’est pas sans rappeler les émeutes en Iran en 2009, durant lesquelles des slogans très hostiles à la Russie cette fois avaient été scandés, des groupes Facebook avaientmême été créés pour dénoncer la Russie, comme le groupe « we hate Russia ».
Les violences (militaires et diplomatiques) entamées contre la Libye et la Syrie peuvent en outre être considérés comme des attaques indirectes de la Russie, tant ces deux états sont considérés comme des régimes non hostiles, voire amis de la Russie.
Pour Artachec Geyamian, président du parti arménien Unité-Nationale, ces évènements sont tout sauf anodins, ils représentent au contraire le premier pas vers une totale
réorganisation du monde et des frontières, sous le contrôle des etats-unis. Leur but est d’encourager tous les séparatismes et d’allumer des foyers de révolutions partout, afin de préparer la dislocation des grands ensembles, notamment de la Russie, via les séparatismes dans le caucase et en asie centrale, qui deviendront ensuite des modèles pour les différents peuples de russie. Le président russe Dmitri Medvedev avait justement au début de l’année lors d’un déplacement dans le Caucase russe rappelé que
« la situation dans le monde arabe secoué par des révoltes populaires risque d’aboutir à la désintégration de certains Etats » mais aussi que « Un scénario similaire a également été préparé pour la Russie mais ce scénario n’a aucune chance de réussir ».
Doit-on rapprocher ces propos du projet géopolitique de remodelage du moyen orient exprimé en 2003 par le président Bush lors d’une conférence dans les locaux de l’AEI ? Le projet s’appelle « grand moyen orient » et vise un vaste ensemble d’états (28 au total) dans le but de transformer le paysage politique et économique de cet ensemble et cela afin d’y favoriser l’implantation de la démocratie et la liberté.Bien sur ce grand jeu Amérique/Russie/Chine n’a pas commencé au moyen orient. Les révolutions de couleurs en Eurasie, qui ont échoué puisque tous les régimes qui en sont nés sont tombés hormis la géorgie. De plus on peut dire que le « front »
s’est plus ou moins stabilisé entre la Russie, l’UE, l’Otan et l’Amérique sur la façade ouest de l’Eurasie. La Chine et la Russie, par des contacts bilatéraux ont également plus ou moins trouvé des accords sur le point sensible des frontières pendant que leur coopération économique atteint des sommets. Il reste cependant un point de conflit éventuel entre ces 3 pays en Asie centrale. La présence américaine dans le trou noir afghan, l’influence grandissante de la Chine dans la région et la volonté de Moscou de ne pas s’en faire déloger laissent penser que le risque est relativement grand de voir des secousses oranges déstabiliser  certains pays, comme cela a été le cas au Kirghizistan en 2005 avec la révolution des Tulipes.
 
Et maintenant ?
 
On peut se demander pourquoi le régime égyptien a été abandonné, alors qu’il était loyal et fidèle à Washington. Quel aurait été l’intérêt de l’Amérique à sacrifier ce pion en quelque sorte? Une réponse est apportée par Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (Cf2R), et ancien du renseignement.
Pour lui les « conférences organisées sous l’égide d’ONG américaines, comme Freedom House, l’International Republican Institute ou Canvas, et où étaient présents la plupart des blogueurs et des leaders de ces mouvements, ont créé un contexte favorable aux révolutions. Le processus était le même que celui qui a précédé le  démantèlement de l’URSS, la Révolution serbe, la Révolution orange en Ukraine ou encore celle des Roses en Géorgie ».
D’autre part « De telles contestations populaires ou étudiantes dans les pays arabes se produisent régulièrement, mais elles sont à chaque fois réprimées par l’armée et la police. Pour la première fois, l’armée s’est désolidarisée de la police, en refusant de réprimer les soulèvements en Tunisie comme en Égypte, et les mouvements ont été observés par la presse internationale. Mais surtout, dans la semaine précédant les événements, les plus hauts représentants des armées de Tunisie comme d’Égypte se sont rendus à Washington, qui assure l’essentiel du financement de l’armée, pour obtenir le feu vert des États-Unis à un renversement des dirigeants. Ils ne supportaient plus la prédation des clans au pouvoir. »« Il n’y a pas de renouvellement d’élites, la nouvelle équipe au Caire comprend le chef d’état-major de l’armée ainsi que l’ancien chef du service des renseignements, et s’est immédiatement engagée à respecter les accords internationaux signés, notamment les accords de Camp David auxquels est hostile une large partie de la population. « Quand au nouveau gouvenement de Tunis, il comprend en majorité des collaborateurs de l’ex-président Ben Ali. (…) Ces révolutions sont donc un renouvellement des classes dirigeantes qui ont, avec l’accord de Washington, organisé des coups d’État en douceur, en profitant d’une vague de contestation
populaire qu’elles ont intelligemment exploitée.
Ainsi, leur arrivée aux affaires bénéficie en apparence d’une grande légitimité et donne le sentiment d’une rupture profonde avec le régime précédent. La situation est en réalité bien différente ».
« Washington encourage et appuie les armées d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient pour qu’elles évoluent vers un rôle « à la turque » : c’est-à-dire qu’elles n’occupent pas le pouvoir – sauf cas de force majeure – mais soient les garantes de la stabilité du pays contre l’islamisme, qu’elles contribuent à la stabilité régionale et qu’elles ne manifestent pas d’hostilité réelle à l’égard d’Israël. »
*
Le basculement de l’armée est en effet dans tous les états la condition sine qua non de l’effondrement du politique pouvoir. Cela a été le cas en Serbie, ou l’armée n’a pas empêché les manifestants de prendre l’assaut le parlement, mais également en Egypte. Bien sur dans tous les états, les conditions étaient réunies pour  une explosion.  Les groupes cités de jeunes activites ont principalement eu le rôle d’allumer le brasier puis de l’attiser. Il faudra désormais l’éteindre alors qu’en Egypte, l’armée peine à refaire
revenir l’ordre et en début de ce mois d’aout 2011 tente de déloger les derniers manifestants de la place Tahir. Le facteur islamiste et la position des frères musulmans forment une équation complexe. Une aggravation de la situation économique du pays leur serait sans doute électoralement favorable, à la veille d’élections législatives qui devraient être reportées à la fin de l’année. Les Frères Musulmans viennent il y a quelques jours de procéder à une démonstration de force via une manifestation monstre aux côtés des Salafistes, sous les slogans comme « il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu » ou « l’Égypte est islamique ». Des incidents ont du reste éclaté, l’armée accusant des “acteurs étrangers” de fomenter des troubles en manipulant les manifestants. Le mouvement du 6 Avril a rejeté ces accusations, tout comme le parti Liberté et justice
créé par les Frères musulmans. Néanmoins on voit mal comment le pays pourrait échapper à plus ou moins long terme à une prise de pouvoir des frères musulmans, sans recourir à une solution à la Turque c’est-à-dire avec une armée prédominante.
C’est dans cette logique qu’il faut éxaminer les autres évenements au proche orient, comme première étape d’un remodelage géographique, politique et sans doute  structurel, qui s’accompagnera sans doute d’une pluie de subventions occidentales. Cela afin de brider les vélléités islamistes radicales, mais surtout pour permettre à l’équilibre géopolitique précaire de la région de ne pas vaciller.Le procès de Moubarak devrait permettre à l’Egypte de tourner la page d’une époque, mais l’avenir est bien
incertain, et le pays est désormais sous le regard de tous ses voisins arabes qui le tiennent pour modèle.

Bataille pour l’orient (3)

La révolution internet, depuis l’étranger.
 
La révolution s’est propagée en grande partie via le net les réseaux sociaux nous l’avons vu. Dès 2008 lors de la première grève géante organisée en Egypte, facebook et les blogs avaient été utilisés en masse pour animer la contestation et informer les manifestants des lieux de rendez vous ou des dernières nouvelles des évenements. Une idée émerge alors dans la tête des activistes pour faire disparaitre la peur chez leurs concitoyens: faire signer à un million d’Egyptiens une pétition en faveur de réformes démocratiques. Cette pétition sera organisée via un site sécurisé, hébergé aux Etats-Unis, sur lequel les signataires doivent laisser leurs coordonnées personnelles, y
compris leur numéro de carte d’identité, de téléphone et leur adresse e-mail. Bref, une méthode idéale pour constituer une base de données.
Comme le dira plus tard Sherif Mansour de Freedom House «L’idée était de montrer à un million de personnes qu’elles pouvaient s’engager en politique sans risque».
Le 6 juin 2010, un évenement va précipiter l’activité internet. Un blogueur du nom Khaled Said entre dans un café internet à Alexandrie, afin de mettre en ligne
une vidéo dénonçant la corruption. Il est arrêté par la police et torturé.

Cette arrestation est utilisée par le mouvement du 6 avril et une page facebook «Nous sommes tous des Khaled Said» est créée. Pour des raisons de sécurité la page a
au moins trois administrateurs, restés anonymes jusqu’à la révolution: un journaliste cairote de 25 ans, une activiste qui vit à Washington et un responsable marketing de Google basé à Dubai, le désormais célèbre Wael Ghonim. Curieuse alliance coordonnée depuis les Etat-unis  via des ONGs (freedom house) ou via des relais au sein des corporations internet (Facebook et Google).
L’affaire de la fausse blogueuse syrienne enlevée à Damas est un exemple de tentative d’immixtion étrangère dans les activités du pays. Son prétendu rapt par la police avait mobilisé de nombreux blogueurs et une page Facebook qui a atteint 15.000 membres en quelques jours. Mais très rapidement des blogueurs se mettent en tête de vérifier
les informations. Ils remontent  vers les groupes de discussion sur Yahoo ou Amina est passée, et également vers les registres de propriétaires des états américains où elle est supposée avoir vécu, les adresses IP, pour finalement aboutir à une adresse… En Géorgie, aux États-Unis, appartenant  à Thomas MacMaster et Britta Froelicher.
Le couple niera avant de finalement avouer, en disant qu’ils ont agi  pour des motifs humanitaires. Thomas est en fait un activiste américain tourné vers la politique au Moyen-Orient, tandis que son épouse, Britta, consacre une thèse à l’économie de… la Syrie. Ils se trouvaient d’ailleurs visible ;ent temporairement dans un pays voisin, la
Turquie, “en vacances’, quand les cyber-enquêteurs les ont contactés.
*
Le 16 mai dernier, au Caire, dans une Egypte libérée de son dictateur, le mouvement du 6 avril organisait une première réunion avec des Serbes d’Otpor, pour parler du Soudan, où un mouvement de jeunes démarre, sur le modèle des autres. Comme Otpor dans le passé, le mouvement du 6 avril en Egypte a du reste décidé de ne pas devenir un parti qui présente des candidats aux élections. Comme les Serbes, les Egyptiens forment aujourd’hui d’autres révolutionnaires en herbe. Ils sont en contact avec de
jeunes Algériens, Syriens, Yéménites, Marocains, Libyens, Iraniens etc…L’avant-garde égyptienne a passé le relais. Pour beaucoup, si la révolte est partie de Tunisie, c’est l’Egypte qui l’a mené à son terme le plus rapidement. Il est facile en regardant la signalétique des groupes qui se créent dans d’autres pays arabes pour y  déceler
l’influence Orange, Serbo-Egyptienne.
 
 
C’est le cas au Maroc
 
 
Ou en Tunisie
 
L’Arabie Saoudite n’a pas non plus été épargnée. Comme on peut le voir ci-dessous, l’appel à manifester utilise également une signalétique bien reconnaissable.
 
 
 
L’agitation internet qui a frappé le royaume  saoudien a été relayée par les réseaux sociaux comme Facebook mais les messages émanaient de l’étranger, principalement d’autres pays arabes, comme l’ont confirmé le directeur du centre d’études légales et stratégiques pour le Moyen-Orient, Anwar Eshki ou encore un défenseur des droits de l’homme : Fouad al-Farhan. En outre les conditions de vie de la jeunesse en Arabie Saoudite ne sont pas aussi mauvaises que dans d’autres pays arabes, le pays est plus riche et le chômage à moins de 10%. Cela explique en grande partie l’échec du mouvement. La mobilisation était plus difficile, et de plus, les autorités ont également rapidement réagi en payant des blogueurs professionnels pour organiser une contre-agitation et une contre propagande massive. L’Arabie  saoudite fait donc partie pour le moment, d’un groupe de pays qui n’ont pas été déstabilisés par ces agitations organisées, avec la Russie, la Biélorussie, la Chine, l’Iran ou la Moldavie.

Bataille pour l’orient (2)

Le mouvement du 06 avril en Egypte, un Otpor Arabe?
 
La signalétique  du mouvement du 06 avril ne laisse planer aucun doute quand à l’influence exercée par Otpor et par les mouvements de jeunesse actifs lors des révolutions de couleurs en Eurasie. La présentation de l’association elle même ne laisse pas planer de doutes. Le site internet permet également  d’y retrouver les icônes de la révolution Otpor notamment le poing levé :
 
 Un poing levé créé originalement par Otpor et repris par les mouvements affiliés orangistes, que ce soit Kmara en Géorgie ou Oborona en Russie.

Deux câbles Wikileaksde novembre 2008 et janvier 2010 (08CAIRO2371 et 10CAIRO99) mentionnent ces liens qui se sont établis entre l’ambassade américaine du Caire et divers activistes Egyptiens. La blogueuse Israa Abdel Fattah est mentionnée comme faisant partie d’un groupe d’activistes ayant participé à un programme de formation organisé à Washington par Freedom House. 
 
Ce programme, nommé « New Generation », a été financé par le département d’état et l’ USAID. Il avait pour but de former des « réformateurs politiques et sociaux ». Le compte rendu de la visite est consultable sur le site de Freedom house ici et la. (Ce programme est  à mettre en parallèle avec les activités de l’ambassade américaine Américaine envers les leaders des minorités des banlieues françaises, dont j’ai déjà traité).
En janvier 2010 ces soutiens de la diplomatie américaine à une opposition Egyptienne alors en formation pour organiser un coup d’état démocratique étaient publiquement dévoilés sous l’appellation Pomed, qui ne se cantonne pas à l’Egypte mais concerne tout le moyen orient.  Suite à cela, des arrestations préventives ont eu lien en Egypte, comme le précise un câble de janvier 2010 «  le groupe comprenait des blogueurs, des journalistes et des activistes de l’oppositon, par exemple  El-ghad, le parti du front démocratique, Kifaya et le 6 avril. » (..) Parmi les détenus se trouvait un français (…) Certains des détenus venaient d’effectuer à Washington un training « new generation » (cité plus haut) et un autre devrait participer au projet sur la démocratie au moyen orient (Pomed). »
Pourtant en mars 2010, certains leaders du mouvement du 06 avril ont été de nouveau reçus (ici et la) pour subir un entraînement dans le domaine des mobilisations civiques, de la  réflexion stratégique et dans l’utilisation des nouveaux médias, mais aussi pour professionnaliser la société civile en matière d’information et amener les politiques et le public à dénoncer la situation des libertés via internet.

 

 
Il faut noter qu’à ce moment précis (début 2010), les mouvements d’opposition, “6 avril”, Kifaya, Frères Musulmans, Parti socialiste, s’étaient déjà mis d’accord pour lancer une action avant les élections présidentielles égyptiennes de 2011, un plan que l’ambassadeur qualifiait alors d’irréaliste, révèle également le câble Wikileaks.
 
L’Egypte, le projet moyen orient et l’alliance Orange-Verte ?
 
 
L’Egypte est l’une des pièces maitresses du moyen orient. Dans la region les Etats-Unis disposent de deux alliés de poids que sont Israel et l’Arabie Saoudite. Mais le pays clef est évidemment l’Egypte, pays le plus peuplé et épicentre du monde arabe.
Que l’Egypte bascule dans un sens ou un autre et toute la région en sera affectée. Voila sans doute la raison qui pousse la diplomatie américaine à jouer autant la
carte du pouvoir officiel (Moubarak) que la préparation de son éventuelle succession.
Le lien avec les islamistes « radicaux » que sont les frères musulmans est trouble. Cette confrérie créée en 1928 et interdite depuis 1954 en Egypte revient au cœur de la scène politique Egyptienne depuis la chute de Moubarak, via un parti politique : « le Parti de la liberté de la justice ». Ils ont créé une chaine de télévision appelée Egypt 25, clin d’oeil au mouvement du 25 janvier qui a fait tomber l’ancien président Hosni Moubarak. Ils sont sans doute aujourd’hui la force principale dans la rue  (sur le plan numérique) et ils représenteront peut être après les élections le plus gros bloc  parlementaire. 
Quel est donc le lien entre des blogueurs progressistes et une conférie radicale Islamique prônant le Jihad? Dès le début de la révolution en Egypte, dès l’apparition des
premiers Flasmobs, qui semblent spontanés (comme le disait Ivan marovic, l’un des cadres d’otpor, les révolutions semblent spontanées à la télévision, mais elles le sont très rarement),  les fascicules de révolution non violente ramenés de Belgrade ont été très largement distribués dans le cercle des frères musulmans que Mohamed Adel (qui a bénéficié de la formation Otpor à Belgrade) a fréquenté quelques temps.
 
Sans surprise,  lors de la première grande manifestation unitaire organisée le 25 janvier, une curieuse coalition se met en place, réunissant tant le mouvement du 6 avril que
les frères musulmans ou encore un mouvement du nom de Kefiya qui fait la charnière entre les deux.  Cette structure créée en 2004 est une sorte de cache sexe des frères musulmans, dont elle bénéficie du soutien tacite. Se revendiquant plutôt non religieuse, Kefiya s’affirme très anti américaine et anti sioniste, pro-Palestinienne et critique du président Moubarak.  Le terme Kefiya signifie « ça suffit ! », « stop ! », voire « il y en a marre ! », une réthorique du reste assez similaire au « gotov je » (il est fini) de Otpor enSerbie , ou au « Pora » (il est temps) des groupes de jeunesses ayant mené la révolution de couleur en Ukraine.
Kifaya a dès sa création été soutenu par l’organisation International Center for Non-Violent Conflict. Kifaya est un mouvement à grande échelle ayant également pris position sur la Palestine et l’interventionnisme des États-Unis dans la région. Pour certains spécialistes  du renseignement Français, comme Eric Denécé, (directeur du Centre français de recherche sur le renseignement et ancien du renseignement) l’absence de slogans ou de prises de position contre Israel lors des manifestations montre bien leur très solide encadrement.Enfin, une quatrième structure est présente, le comité de soutien à Mohamed El Baradei,

cet ex-directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Lorsque celui-ci rentre au pays pour faire campagne au début de l’année 2011 les jeunes activistes du 6 avril organisent son accueil à l’aéroport. «Il y avait 5 000 personnes, ce qui n’était jamais arrivé», dit Bassem Fathi, très impliqué dans l’opération. Vous souvenez vous de
Basem Fathy ? Cité dans le premier article, il est un des membres influents de l’académie du changement, basée au Qatar, et qui à servi d’interface entre Otpor et le mouvement du 6 avril. Désormais le groupe  à une cause politique.
Il faut noter que Mohamed El Baradei est au comité de direction de l’International Crisis Group, créé en 1995 comme organisation non-gouvernementale internationale sur l’initiative d’un groupe de personnalités transatlantiques célèbres désespérées par l’incapacité de la communauté internationale à anticiper et répondre efficacement aux tragédies survenues en Somalie, au Rwanda et en BosnieL’un des principaux conseillers de cette organisation qui appartient à la nébuleuse des ONGs orange, n’est autre que Zbigniew Brezinski, l’un des grands théoriciens de la géopolitique américaine moderne.

L’Assault américain sur les banlieues françaises (3)

La France ne le sait pas, mais nous  sommes en guerre avec l’Amérique. […] Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique […] Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde… Vous avez vu, après la guerre du Golfe, ils ont voulu tout contrôler dans cette région du monde. Ils n’ont rien laissé à leurs alliés. […]Il ne faut pas se laisser faire, il ne faut pas se laisser impressionner.”
Citation de François Mitterrand, rapportée dans Le dernier Mitterrand (G.M.Benhamou)
 
Cette démarche américaine a l’égard de futurs cadres n’est absolument pas une nouveauté. De nombreuses structures américaines fonctionnent déjà en Europe, avec pour objectif de former des élites pro américaines. En France, on peut par exemple citer la très célèbre fondation Franco-américaine qui a été crée en 1976 par trois éminents Américains: James G. Lowenstein, James Chace et Nicholas Wahl. Les deux premiers étaient membres du très influent CFR (Council on Foreign Relations) dans lequel s’élabore la politique étrangère américaine tandis que le troisième était professeur de science politique. Ces représentants américains se sont appuyés sur des Français occupant de hautes fonctions pour développer l’influence américaine au sein des élites françaises. Le lancement de la fondation franco-américaine eut lieu grâce à la
proposition du président Giscard d’Estaing, lors d’un repas à l’ambassade de France à Washington le 18 mai 1976, en présence du président des Etats-Unis, Gerald Ford et du secrétaire d’Etat, Henry Kissinger. Le but recherché, comme le rappellent les textes officiels, est le suivant: « L’objectif de la Fondation franco-américaine est de renforcer la relation franco-américaine considérée comme un élément essentiel du partenariat transatlantique. » Depuis 1981, un programme de « jeunes leaders » existe qui a concerne un grand nombre d’hommes politiques français mais également de journalistes (Cf. Liste). 
***
La nouveauté de cette politique de séduction est qu’elle est focalisée sur des communautés ethnico-religieuses en France. Le projet consiste  à dire aux Français qu’ils peuvent réussir à valoriser les minorités comme cela a été fait aux États-Unis. Cette politique diplomatique passe donc par des élites tout comme des sites internet de la communauté immigrée en France. Sont cités deux sites principaux que sont les sites oumma et saphir, qui se sont livrés à une sorte de coming-out à propos de leurs relations avec l’ambassade des Etats-Unis en France:
1. Oumma.com: « Nous entretenons effectivement des rapports cordiaux avec le personnel de l’ambassade et ce contact privilégié nous a permis, par exemple, de décrocher l’exclusivité d’un entretien avec Farah Pandith, membre de l’Administration Obama. »
2. Saphirnews: « Des liens ont en effet été tissés depuis longtemps entre les officiels américains en France et Saphirnews, qui a été amené, par exemple, à rencontrer la porte-parole du Congrès américain, Lynne Weil, en décembre 2008, pour discuter de l’état de la société française ».
 
***
Les personnalités visées sont aussi emblématiques. On peut citer parmi les plus médiatisées :
Rokhaya Diallo, une jeune militante associative française d’origine sénégalaise qui est chroniqueuse pour la télévision et la radio. Cette dernière, féministe convaincue, intégrera l’organisation d’extrême gauche Attac, avant de s’engager activement dans le féminisme et le milieu associatif via diverses associations comme Mix-cité et les indivisibles. En mars 2010, elle est sélectionnée pour participer au programme International Visitor Leadership : invitée du gouvernement fédéral des États-Unis, elle visite le pays pour y étudier la diversité. En septembre 2010 elle sera invitée au 40ème Congressional Black Caucus, événement annuel qui réunit les parlementaires Afro-Américains des États-Unis.
Reda Didi est un autre de ces français d’origine immigrée courtisés par les Etats-Unis. Cet ex-responsable du mouvement socialiste écologiste français « les verts » a lui aussi fait un séjour aux Etats-Unis, accompagné de 8 personnes sélectionnées dans le cadre du programme « Graines de France ». Graines de France a pour objectif d’impliquer les citoyens dans la vie politique en créant des nœuds de militants actifs, recrutés dans les populations d’’origine immigrée si possible. Will Burns, directeur de campagne d’Obama pour son élection au sénat américain en 2000, vient par ailleurs d’intégrer le conseil d’administration de leur club de réflexion.
Ali Soumaré est le plus connu en France. Candidat PS aux élections régionales, ce responsable associatif, très engagé sur le terrain lors des émeutes à Villiers-le-Bel, est reconnu aux Etats-Unis depuis plus de deux ans comme “jeune leader des quartiers issu de l’immigration”. Il a été reçu plusieurs fois à l’ambassade américaine de
Paris et a participé à des groupes de travail sur la manière de mener une campagne électorale. Il a aussi été consulté sur divers sujets d’actualité comme l’intégration. A chaque fois, on lui a déroulé le tapis rouge. « Mon propre parti, le PS, ne m’a jamais montré la moitié de l’intérêt que les américains m’ont porté », raconte-t-il. « Avec une certaine humilité, ils essaient vraiment de comprendre nos problématiques. C’est passionnant et extrêmement flatteur. »
Almamy Kanouté, militant associatif et à la tête d’une liste indépendante à Fresnes, est rentré le 6 mai dernier de trois semaines de périple à travers les États-Unis. Nom du programme: “Gestion de la diversité ethnique”. “C’était intensif, nous avons enchaîné les réunions, les visites, raconte-t-il, conquis. J’en ai conclu que, si les américains n’ont pas forcément toujours mieux réussi l’intégration des populations d’origine étrangère que les français, ils y consacrent plus de moyens et plus d’efforts. Là-bas, je me suis senti compris: ici, on me taxe d’extrémiste communautaire. Eux, au moins, ne nous jugent pas.”  
Said Hammouche, 37 ans, a également participé au programme des Visiteurs internationaux. Il est né à Paris et a grandi à Bondy, en Seine-Saint-Denis. Fondateur du cabinet de recrutement Mozaïk RH, qui vise à favoriser la diversité dans l’entreprise, il est parti fin 2008 aux États-Unis via ce programme d’échange: « Pour eux [les Américains], ces voyages servent à briser nos idées reçues sur leur pays. On n’est pas dupes de leur démarche, on sait qu’on est peut-être manipulés mais je comprends mieux aujourd’hui la volonté de créer, d’entreprendre et d’avancer des Américains. C’est quelque chose de très fort, que je connaissais mal auparavant. »
 
Mais les séjours de quelques leaders identifiés ne sont pas tout. En novembre 2010, à l’occasion du premier grand forum de l’emploi lancé par l’association « Nos quartiers ont des talents », l’ambassade américaine a participé à l’organisation d’une rencontre avec des patrons de très grosses sociétés à l’hôtel Newport Bay Club à Disneyland Paris. Cette structure d’aide à l’insertion pour les jeunes des minorités existe depuis 2005 et a été créé par le Medef (Syndicat patronal français ) de Seine Saint Denis, le département à plus forte densité ethnique et religieuse étrangère de France. Le forum a rassemblé près de 5.000 jeunes. L’association « Nos quartiers ont des
talents » a été mise en place en décembre 2009. Elle souhaite multiplier par dix le nombre de jeunes suivis et le réseau de parrains d’ici 2015, sans doute avec le soutien discret de l’ambassade Américaine.
***
Ce travail de réseau vise aussi directement les musulmans français. Le 2 décembre, le consul américain Mark Shapiro lançait une association, nommée Confluences, destinée à promouvoir les minorités et particulièrement la  minorité musulmane. Ce projet est le résultat d’un partenariat entre la région Rhône-Alpes et le département d’état américain, l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères.  Selon les messages diplomatiques révélés par Wikileaks, les Américains craignent en effet
que la discrimination des musulmans puisse susciter des crises répétées et puisse faire de la France un “pays faible” et “un allié moins performant”. L’association Confluences a pour objectif de créer, d’animer et de gérer à Lyon, un centre dédié à la diversité et à la lutte contre les discriminations. L’attaché culturel du consulat américain à Lyon siège au conseil d’administration de l’association.
Les petites ingérences américaines prennent parfois d’autres formes :
Le 3 août dernier, BBC News révélait que les États-Unis avaient très largement financé un manga japonais (Manga to promote US-Japan military alliance) destiné au jeune public japonais afin de le convaincre de l’intérêt de l’alliance militaire entre les États-Unis et le Japon (et notamment le maintien de la base américaine d’Okinawa, de plus en plus contestée par la population).C’est dans la même veine qu’en décembre 2010 est apparu aux Etats-Unis un nouveau super héros de bande dessinée appelé  ightrunner. Il s’agit en réalité de Billi Asseiah, un islamiste sunnite algérien de 22 ans immigré en France (censé représenter la France) et installé à Clichy sous-Bois. Incarnant les valeurs de justice, d’honneur et de droiture, il secourt la veuve et l’orphelin selon l’expression consacrée. Il défend aussi et surtout les intérêts de sa communauté (les musulmans) injustement attaquée. Un élément d’autant plus inquiétant que le premier épisode de la BD se déroule durant les émeutes de banlieues de 2005 en France. Accompagné par un ami, Bilal, alors âgé de 16 ans, est injustement pris à partie par la police, passé à tabac alors qu’il n’a rien fait de mal. Ensuite,
son ami est abattu après avoir incendié un commissariat. Bilal devient alors ightrunner pour rétablir l’ordre juste et démocratique. Figurant dans Annual
Batman Detectiye Comics (n” 12) et dans Batman Annual ( N° 28 ), nul doute que ce Batman d’un nouveau genre n’apparaisse prochainement dans les kiosques
français.
 
En outre et selon Wikileaks, dans le texte envoyé en  janvier 2010 par l’ambassadeur Rivkin, on peut lire : « De plus, nous continuerons et renforcerons notre travail avec les musées français et les enseignants pour réformer le programme d’histoire enseigné dans les écoles françaises, pour qu’ils prennent en compte le rôle et les perspectives des minorités dans l’histoire de France ». 9 mois plus tard, en septembre 2010, est voté une loi réduisant au minimum la partie des manuels d’histoire consacrée a des personnages historiques (François Ier, Henri IV, Louis XIV et Napoléon) ou à certains moments de l’histoire de France, dans certaines classes, au profit de cultures étrangères, notamment africaines. 
 
Cette décision officielle a été prise en France, en 2010, au nom de « l’ouverture aux autres civilisations de notre monde ». De même, l’étude de la Révolution et l’Empire sont sacrifiés pour mieux pouvoir étudier les grands courants d’échanges commerciaux au XVIIIème et XIXème comprenant les traites négrières et l’esclavage. Dans le nouveau programme des classes de 4ème: 4 heures de cours sont consacrées aux traites négrières alors que toute l’histoire de la révolution et de l’empire est expédiée en moins de 8 heures. Autre exemple édifiant, Louis XIV qui constituait un temps fort du 1er trimestre de 4ème est remplacé par un thème appelé: l’ « Émergence du roi
absolu ». Le Roi Soleil est désormais renvoyé en 5ème à la fin de l’année d’étude, année au terme de laquelle on se sera longuement attardé sur les civilisations africaines du Monomotapa et Songhaï et sur la traite orientale. En réalité, François Ier, Henri IV, Louis XIV et Napoléon Ier sont relégués dans ce que les nouveaux programmes scolaires qualifient « d’éléments de compréhension contextuels » et ne feront donc plus l’objet de chapitres d’étude à part entière dans les programmes de l’éducation nationale française.
 
Quelles conclusions faut-il tirer de cette activité dirigée vers les minorités et des programmes en direction des banlieues et des français d’origine étrangère qui coûtent chaque année 3 millions de dollars à l’ambassade des États-Unis ?Tout d’abord que les américains sont dans une démarche impérialiste de promotion de leur modèle de société et de protection de leurs intérêts futurs en France, et que la politique de détection et de promotion des minorités n’est évidemment pas une action humanitaire dénuée d’intentions masquées. Ces programmes américains en faveur des minorités se développent dans un contexte économique médiocre qui rend difficile l’intégration de nouveaux immigrés en France. Il s’agit surtout d’améliorer l’image des États-Unis auprès des jeunes musulmans de France, suite aux guerres en Irak et en Afghanistan, sous prétexte de promouvoir la diversité, le respect des différences culturelles et la réussite pour tous.Mais ces stratégies de réseaux et d’influence présentent un réel danger
pour la France. L’intégration réussie des nombreuses vagues d’immigration que notre pays à connu dans le passé s’est toujours réalisée sans aucune revendication ethno-religieuse mais bel et bien par un processus complexe de totale assimilationLa volonté américaine de miser sur des élites ethniques et religieuses est fondée sur la reproduction d’un modèle américain communautariste totalement contraire au modèle français d’intégration, qui est républicain, égalitariste et non discriminatoire.
Les difficultés que la France rencontre actuellement avec ses minorités sont liées au développement excessif de la communautarisation, qu’elle soit identitaire, sociale et ethnico-religieuse. Sur le territoire se sont développés des sous cultures transversales, indépendantes voire hostiles à l’identité française. 
Pour la France, pays chrétien et européen dont l’avenir est en Europe, cette activité d’ingérence est extrêmement négative. En accroissant les sentiments communautaristes et revendicatifs de minorités ethniques et religieuses à l’égard de l’état français, les américains prennent le risque de créer des tensions qui pourraient aboutir à un point de non retour. En outre, cette agression en règle contre le modèle assimilationiste choisi par la France pourrait avoir des conséquences explosives, lorsque l’on sait que les
revendications ethno-religieuses s’ajoutent à des revendications régionalistes déjà sous jacentes. On peut s’interroger sur les intentions américaines dans ce domaine. Propager leur modèle de société ? Affaiblir la cohésion des sociétés visées pour éviter la formation en Europe d’un pôle économico-militaire indépendant, et concurrent des USA? N’oublions pas de faire un parallèle avec l’obsession des américains à faire entrer la Turquie dans l’UE, mais aussi à empêcher tout rapprochement avec la Russie.
 
Source : le blog gestion des risques interculturels, Faits et documents 308 du 15 au 31 janvier 2011

L’Assaut américain sur les banlieux francaises (2)

En janvier 2010, l’ambassade américaine à Paris rédige un câble ou l’ambassadeur Charles Rivkin explique les activités américaines envers les minorités. Le câble est divisé en
10 points qui sont respectivement une explication de la crise de la représentation en France, la nécessité pour les américains de développer une stratégiepour la France, de s’engager dans un discours positif, de mettre en avant un exemple fort, lancer un programme agressif de mobilisation de la jeunesse, l’encouragement des voix modérées, une diffusion des meilleures pratiques, l’approfondissementdes compréhensions du problème, et enfin le ciblage des efforts. Je ne ferais qu’une brève synthèse des différents points ci-dessous :
 
SUMMARY (Résumé)
 « Au regard des circonstances et de l’histoire uniques de la France, l’Ambassade de Paris a créé une Stratégie d’Engagement envers les Minorités qui concerne, parmi d’autres groupes, les musulmans français, et qui répond aux
objectifs définis dans le reftel A [référence télégramme A]. Notre objectif est de mobiliser la population française à tous les niveaux afin d’amplifier les efforts de la Francepour réaliser ses propres idéaux égalitaires, ce qui par suite fera progresser les intérêts nationaux américains. Alors que la France est à juste titre fière de son rôle moteur dans la conception des idéaux démocratiques et dans la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit, les institutions françaises ne se sont pas montrées elles-mêmes assez flexibles pour s’adapter à une démographie de plus en plus hétérodoxe. »
 
BACKGROUND:
THE CRISIS OF REPRESENTATION IN FRANCE (Arrière-plan: la crise de la représentation en France)
 « La France a longtemps fait la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit, à la fois sur son territoire et à l’étranger, et se perçoit elle-même à juste titre comme un leader historique parmi les nations démocratiques. Cette histoire et cette perception de soi nous serviront d’autant plus que nous mettrons en œuvre la stratégie exposée ici, et qui consiste à faire pression sur la
France afin qu’elle s’oriente vers une application plus complète des valeurs démocratiques qu’elle promeut. »
 « Les médias français restent très largement blancs, avec seulement une modeste amélioration de la représentation des minorités face aux caméras des principaux journaux télévisés. Parmi les institutions éducatives de l’élite française, nous ne connaissons que Sciences-Po qui ait pris d’importantes mesures en faveur de l’intégration. Alors qu’on note une légère amélioration de leur représentation dans les organisations privées, les minorités en France sont à la tête de très peu d’entreprises et de fondations. Ainsi, la réalité de la vie publique française s’oppose aux idéaux égalitaires de la nation. Les institutions publiques françaises se définissent encore par des groupes d’initiés et des politiques élitistes, tandis que l’extrême droite et les mesures xénophobes ne présentent de l’intérêt que pour une petite minorité (mais occasionnellement
influente). »
 « Nous croyons que la France n’a pas profité complètement de l’énergie, du dynamisme et des idées de ses minorités. Malgré
certaines prétentions françaises à servir de modèle à l’assimilation et à la méritocratie, d’indéniables inégalités ternissent l’image globale de la France et affaiblissent son influence à l’étranger. Selon notre point de vue, un échec durable pour développer les opportunités et fournir une authentique représentation politique à sa population minoritaire pourrait faire de la France un pays plus faible et plus divisé. Les conséquences géopolitiques de la faiblesse et de la division de la France affecteront négativement les intérêts américains, dans la mesure où nous avons
besoin de partenaires forts au cœur de l’Europe pour nous aider à promouvoir les valeurs démocratiques. »
Les Américains vont donc utiliser à leur profit cette contradiction française. Leur crainte est de voir là un possible affaiblissement de la France, et donc des intérêts américains en Europe. Implicitement, il est affirmé que la France reste une tête de pont essentielle pour les intérêts américains en Europe.
 
A
STRATEGY FOR FRANCE: OUR AIMS (Une stratégie pour la France: nos objectifs)
 « L’objectif essentiel de notre stratégie de sensibilisation envers les minorités consiste à mobiliser la population française à tous les niveaux afin de l’aider à réaliser ses propres objectifs égalitaires. Notre stratégie est concentrée sur trois grands publics cibles :
(1) la majorité, et spécialement les élites ;
(2) les minorités, avec une attention particulière pour les leaders ;
(3) et la population en général.
En utilisant les sept tactiques ci-dessous, nous visons (1) à accroître la conscience des élites de France à propos des bénéfices qu’il y a à élargir les opportunités et des coûts qu’il y a à maintenir le statu quo ; (2) à améliorer les compétences et développer la confiance des leaders de la minorité qui cherchent à augmenter leur influence ; (3) et à communiquer à la population générale de France notre admiration particulière
pour la diversité et le dynamisme de sa population, tout en insistant sur les avantages qu’il y a à bénéficier de ses qualités en ouvrant les opportunités pour tous. »

 
TACTIC 1: ENGAGE IN POSITIVE DISCOURSE (S’engager dans un discours positif)
 « Premièrement, nous concentrerons nos discours sur le problème de l’égalité des chances. Quand nous ferons des déclarations publiques au sujet de la communauté des démocraties, nous insisterons sur les qualités de la démocratie, dont le droit à être différent, la protection des droits des minorités, la valeur de l’égalité des chances et l’importance d’une authentique représentation politique. »
 « Nous nous efforcerons d’informer sur les coûts liés à une sous-représentation des minorités en France, tout en soulignant les avantages que nous avons accumulés dans le temps en travaillant durement pour éliminer les obstacles rencontrés par les minorités américaines. »  « De plus, nous poursuivrons et intensifierons notre travail avec les musées français et les enseignants pour réformer les programmes d’histoire enseignés dans les écoles françaises, de telle sorte qu’ils prennent en compte le rôle et le point de vue des minorités dans l’histoire de France. »
 
TACTIC 2: SET A STRONG EXAMPLE (Mettre en avant un exemple fort)
 « Nousutiliserons le moyen de l’exemple. Nous poursuivrons et élargirons nos efforts pour faire venir en France des leaders des minorités des Etats-Unis, en travaillant avec ces leaders américains pourcommuniquer un jugeme nt honnête de leur expérience aux mêmes leaders français issus des minorités ou non. Quand nous enverrons des leaders français en Amérique, nous inclurons aussi souvent que possible un élément de leur séjour qui concernera l’égalité des chances. A l’Ambassade, nous continuerons à inviter à nos événements un large spectre de la société française et nous éviterons ainsi d’organiser des événements où il n’y aurait que des blancs ou que des minorités. »
 
TACTIC 3: LAUNCH AGGRESSIVE YOUTH OUTREACH (Lancer un programme agressif de mobilisation de la jeunesse)
 « Troisièmement, nous poursuivrons et étendrons nos efforts de sensibilisation de la jeunesse afin de communiquer sur nos valeurs communes avec le jeune public français de quelque origine socioculturelle que ce soit. En soutenant le poids de cet effort, l’interagence Youth Outreach Initiative de l’Ambassadeur vise à produire une dynamique positive parmi la jeunesse française qui mène à un soutien plus grand pour les objectifs et les valeurs des Etats-Unis. »
« Afin de réaliser ces objectifs, nous nous appuierons sur les ambitieux programmes de Diplomatie Publique déjà en place au poste et nous développerons des moyens créatifs et complémentaires pour influencer la jeunesse de France en employant les nouveaux médias, des partenariats privés, des concours sur le plan national, des événements de sensibilisation ciblés, notamment des hôtes américains invités. (..) Nous développerons aussi de nouveaux outils pour identifier les futurs leaders français, apprendre d’eux et les influencer. Dans la mesure où nous développons les opportunités de formation et d’échange pour la jeunesse de France, nous continuerons à nous assurer d’une façon absolument certaine que les échanges que nous soutenons soient inclusifs. Nous nous appuierons sur les réseaux de la jeunesse existant en France et nous en créerons de nouveaux dans le cyberespace en reliant entre eux les futurs leaders de France au sein d’un forum dont nous aiderons à former les valeurs, des valeurs d’inclusion, de respect mutuel et de dialogue ouvert. »
 
TACTIC 4: ENCOURAGE MODERATE VOICES (Encourager les voix modérées)
 « Quatrièmement, nous encouragerons les voix modérées de la tolérance à s’exprimer elles-mêmes appuyant notre action sur deux sites internet très en vue tournés vers les jeunes musulmans francophones – oumma.fr et saphirnews.com – nous soutiendrons, nous formerons et nous mobiliserons les militants médiatiques et politiques qui partagent nos valeurs. »

religieuses et avec le Ministère de l’Intérieur – les techniques les plus efficaces pour enseigner la tolérance actuellement utilisées dans les mosquées américaines, les synagogues, les églises et les autres institutions religieuses. Nous nous impliquerons directement avec le Ministère de l’Intérieur afin de comparer les approches françaiseset américaines en matière de soutien aux leaders des minorités qui promeuvent la modération et la compréhension mutuelle, tout en comparant nos réponses à celles de ceux qui cherchent à semer la haine et la discorde. »

 
TACTIC 5: PROPAGATE BEST PRACTICES (Diffuser les meilleures pratiques)
 « Cinquièmement, nous poursuivrons ce projet visant à partager les meilleures pratiques avec les jeunes leaders dans tous les domaines, y compris les jeunes leaders politiques de tous les partis modérés, telle sorte qu’ils disposent de la boîte à outils et de l’accompagnement nécessaires à leur progrès. Nous créerons et soutiendrons les programmes de formation et d’échanges pour enseigner les bienfaits durables d’une large inclusion aux écoles, aux groupes de la société civile, aux blogueurs, aux conseillers politiques et aux responsables politiques locaux. »
 
TACTIC 6: DEEPEN OUR UNDERSTANDING OF THE PROBLEM (Approfondir notre compréhension du problème)
 « En examinant en profondeur des développements importants, tel que le débat sur l’identité nationale, nous projetons de suivre les tendances et, idéalement, de prédire les changements concernant le statut des minorités en France, en évaluant comment ce changement affectera les intérêts américains. »
 
TACTIC 7: INTEGRATE, TARGET, AND EVALUATE OUR EFFORTS (Intégrer, cibler et évaluer nos efforts)
« Enfin, un Groupe de Travail sur les Minorités intégrera les discours, actions et analyses des sections concernées
et des agences de l’Ambassade.
Ce groupe travaillera en tandem avec le Youth Outreach Initiative, il identifiera et ciblera les leaders et les groupes influents au sein de notre public principal. »
 « Il évaluera également notre impact au cours d’une année en examinant des indicateurs de succès à la fois matériels et immatériels. Les changements matériels incluent une augmentation mesurable du nombre de minorités dirigeantes ou membres d’organisations publiques ou privées, y compris au sein des établissements d’enseignement de l’élite ; une croissance du nombre d’efforts constructifs par les leaders des minorités pour obtenir un soutien politique à la fois au sein et au-delà de leur propre communauté minoritaire ; un reflux du soutien populaire pour les partis et programmes politiques  xénophobes. Comme nous ne pourrons jamais revendiquer le crédit pour de tels développements positifs, nous concentrerons nos efforts sur les activités décrites ci-dessus qui encouragent, poussent et stimulent le mouvement dans la bonne direction. »
 
Source : le blog « gestion des risques interculturels » 
*

L’Assaut américain sur les banlieux francaises (1)

En octobre 2005 la France a connu de violentes émeutes urbaines. Présentées comme des révoltes sociales, elles concernaient en fait en majorité des jeunes d’origine non européenne, principalement issus des quartiers périphériques des grandes villes. Les émeutes furent déclenchées officiellement par le décès de deux jeunes délinquants poursuivis par la police et qui sont morts électrocutés après s’être réfugiés dans un transformateur électrique pour éviter un banal contrôle d’identité. Le bilan de ces émeutes a été lourd : En 3 semaines, il y a eu 3 morts, 3.000 interpellations, 10.000 voitures brûlées et le saccage de dizaines d’édifices publics, notamment des écoles, gymnases, entrepôts, commerces, médiathèques ou encore des églises. Ces désordres se sont rapidement transformés en émeutes identitaires, opposant des jeunes français
d’origine arabo-africaines à l’état Français. Au summum de leur violence, près de 11.000 policiers ont été mobilisés pour contenir les fauteurs de troubles. L’état d’urgence a même été décrété à un certain moment. Le coût de ces émeutes est estimé à près de 200 millions d’euros. Ce furent les pires violences urbaines que la France ait connu depuis 1968 .
 
En 2009, un journaliste et romancier allemand, Udo Ulfkotte, publiait un livre tout à fait étonnant intitulé Der Krieg im Dunkeln: Die wahre Macht der Geheimdienste
(La guerre dans l’obscurité : le pouvoir des secrets) dans lequel il développait une thèse selon laquelle ces émeutes n’étaient pas totalement spontanées mais avaient été organisées, et entretenues, via des agitateurs professionnels. Dans son livre, le journaliste assimile cette agitation révolutionnaire à une variante de révolution colorée, mais au cœur de la France de 2005. Sans savoir si cette théorie est juste ou fondée, elle est à mettre en parallèle avec une des conséquences les plus inattendues de ces émeutes, l’intérêt grandissant et affirmé des États-Unis envers ces jeunes issus de l’immigration, français et pourtant en révolte contre l’état Français.  
 
C’est un câble datant du 25 janvier 2007 publié  par Wikileaks qui semble révéler l’affaire. L’ambassade Américaine y affirme développer une politique de soutien et de développement envers les communautés afro-arabes de France, en visant clairement les jeunes musulmans français. Les premiers jets de  cette politique furent fixés en 2001, après le 11 septembre.  Des diplomates américains affirment en effet que l’évolution démographique de la France est telle que de nombreux français d’origine afro-arabe feront partie des décideurs français de demain.  Après le 11-Septembre et la guerre en Irak, il semblait vital au département d’état de tenter d’améliorer l’image de l’Amérique aux yeux des musulmans d’Europe.  Plusieurs personnages sont des acteurs clefs de ce dispositif américain en France.
 
En 2009, Barack Obama nomme Charles Rivkin comme ambassadeur des États-Unis en France. Après une carrière dans l’industrie du divertissement et de la publicité, il a été un des plus importants collecteurs de fonds pour la campagne de Barack Obama. Dès septembre 2009 le ton est donné, l’ambassadeur Rivkin et son épouse sont les invités d’honneur du maire de Villiers-le-Bel pour l’inauguration de la première peinture murale réalisée dans le cadre d’un programme franco-américain d’échanges artistiques et éducatifs sur l’art urbain. 
 

 

Villiers le Bel n’est pas une ville comme un autre, c’est de là que sont parties les émeutes de 2005. En novembre de la même année, l’ambassade des États-Unis d’Amérique invite 24 lycéens français à devenir des ambassadeurs de leur culture aux États-Unis. Le programme « Jeunes Ambassadeurs », mis en place pour la deuxième année consécutive en France, permet à des lycéens de condition modeste de passer 15 jours aux États-Unis, accompagnés et entourés, comme nous allons le voir. 

 

En mars et en avril 2010, une trentaine de jeunes est envoyée aux États-Unis via le programme de jeunesse du Département d’Etat: Visiteurs Internationaux. Parmi ces
jeunes de nombreux responsables d’associations, des rappeurs ou des jeunes impliqués dans le milieu associatif notamment au sein des communautés immigrées, ou d’origine immigrée.
 

 

Ce programme des « Jeunes Ambassadeurs » n’est pas fait nouveau en soi puisqu’une note publiée en 2007 , et qui s’intitule : « L’élection présidentielle française, parfait exemple du succès du IVLP » (International Visitor Leadership Program) » nous apprend  que de nombreux responsables politiques français aussi bien de droite que de gauche (sont cités Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, François Fillon ou encore Christine Boutin) ont bénéficié eux aussi de ce programme. 
 

 

Le 02 avril 2010, Charles Rivkin se déplace à Bondy (une des villes à plus forte concentration de population immigrée de la banlieue Parisienne) à la rencontre des jeunes. Il leur déclare notamment: « Chez moi, c’est différent. Tu peux être africain, indien, mais tu es avant tout américain. […] J’aime parler avec tous les Français. Je sais, et je suis sûr, que le prochain leader français est en banlieue ». Avant de partir, il demande aux jeunes : « Si vous aviez des artistes américains que vous voudriez rencontrer, ce serait qui ? ». Promesse tenue le 13 avril 2010 l’ambassadeur est de retour à Bondy, accompagné de l’acteur noir Américain Samuel L. Jackson et de sa femme, à la rencontre des jeunes. L’acteur déclarera : « Vous êtes l’avenir, saisissez votre chance, construisez-vous un réseau, […] dites que ce n’est pas normal quand je ne vois pas à l’écran des gens qui me ressemblent. ». 

 

Le 24 juin 2010 l’ambassade des Etats-Unis organise un forum  intitulé Create Today  avec des jeunes entrepreneurs américains et français. Lors du déjeuner dans le jardin de la Résidence, les invités ont pu assister à des expositions d’art ou encore écouter la dernière chanson « Vida loca » du groupe de rap Français  Kommando Toxik de Villiers-le-Bel.Le 29 juin 2010, l’ambassadeur américain inaugure le premier Paris Hip Hop Campus à La Villette. Il assiste à la première table ronde sur le thème France vs. US : une nouvelle école de la réussite ! Le 5 août 2010, c’est  Sylvester Stallone, Jason Statham et Dolph Lundgren qui visiteront (avec la délégation de l’ambassade Américaine) la ville de Rosny-sous-Bois, connue également pour sa très forte population d’origine immigrée, ses problèmes sociaux et ses émeutes fréquentes. Sylvester Stallone déclarera après la rencontre:  « C’était formidable de rencontrer des gens de Rosny-sous-Bois, des gens vrais».
 

 

En juillet 2010, pour appuyer ces activités, Mark Taplin est nommé n°2 de l’ambassade des Etats-Unis en France. Diplomate de carrière, M.Taplin est un spécialiste de la diplomatie publique. Avant sa nomination, il était professeur à l’Université George Washington, et plus précisément à l’Institute for Public Diplomacy and Global Communication. Il tenait un blog   qui traitait des méthodes d’influence et du smart power. M. Taplin a été  auparavant Attaché Culturel adjoint en 1984-1987 puis Attaché de Presse adjoint en 1994 à l’ambassade Américaine à Moscou.  De 1999 à 2001 il a été conseiller pour les Affaires publiques de l’ambassade américaine à Kiev, en Ukraine.  De 2002 à 2004, Mark Taplin a été Directeur du Bureau des Affaires de l’Ukraine,  de la Moldavie et  de la Biélorussie au Département d’État américain.
Il a contribué à développer la politique des États-Unis vers l’Ukraine dans la perspective de l’élection présidentielle ukrainienne de 2004. Il a d’ailleurs quitté son poste durant l’été 2004. La « révolution orange » ayant elle commencé le 21 novembre de la même année. De 2005 à 2008, il a occupé ensuite le poste de Chef de Mission adjoint à l’Ambassade des États-Unis de Bucarest en Roumanie. Fervent soutien d’Obama, Mark Taplin est aussi connu pour avoir orchestré la petite campagne médiatique ayant abouti au licenciement d’Alain Joyandet, secrétaire d’Etat français à la Coopération, qui en déplacement en Haïti, s’était interrogé publiquement sur le rôle des États-Unis.En effet, après la prise de contrôle de l’aéroport  de Port au Prince par les troupes Américaines (suite au tremblement de terre qui a frappé l’Ile), celles-ci se sont opposées à l’atterrissage de deux avions français d’assistance humanitaire. Alain Joyandet  déclara souhaiter une enquête sur le comportement des Américains à Haiti pour « savoir s’il s’agit d’arriver, d’aider Haïti, ou d’occuper Haïti». Peu de temps après il sera révélé que ce dernier a utilisé un avion privé pour se rendre en Martinique dans le cadre de ses fonctions ministérielles, puis qu’il aurait bénéficié d’un permis de construire illégal et enfin qu’il aurait passé des cigarettes en note de frais. Trois scandales qui tombaient à point, Alain Joyandet démissionne finalement du gouvernement français le 05 juillet 2010. 

 

 
Taplin et Rivkin ne sont pas seuls pour développer cette stratégie de séduction à l’égard des minorités en France. Toutesces opérations de séduction (que certains  pourraient qualifier de manipulation) sont également orchestrées par Laura Berg, attachée culturelle de l’ambassade, mais surtout par une Française, Randiane Peccoud, qui supervise, depuis une dizaine d’années, les opérations américaines en direction de la communauté musulmane. Particulièrement discrète, cette femme de 53 ans, officiellement « chargée de la société civile » à l’ambassade américaine à Paris n’est pratiquement jamais citée. France-Soir (Comment Ali Soumaré a été « traité » par l’ambassade américaine, 6 août 2010) avait levé le voile sur elle, révélant qu’elle disposait du « meilleur carnet d’adresses français de la diversité (avec) tous les contacts : leaders d’opinion, politiques et associatifs ».

 

Bien sur les ingérences américaines de toutes sortes en France ne sont pas un fait nouveau. Sydney Hooks, un des responsables du Congrès pour la liberté de la culture, un vaste programme financé par la CIA durant la Guerre froide, déclarait déjà en 1941: « Rééduquer, ré-informer le public français, me semble être la tâche la plus fondamentale aussi bien que la plus urgente pour la politique démocratique américaine en France ».  Sydney Hooks, de toute évidence, pensait au public français dans son ensemble. Ce qui est nouveau, c’est de voir cibler cette portion particulière de la population française.