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Russian’s returning home?

I have been working in the HR Field for more than 12 years, and 5 years in russia, and I meet (mostly since 2 years) more and more russians coming back from the west, especially from France (I am mostly  working with French companies looking for French speaking candidates, most of them have spent some times in France).The main state organization dealing with unemployment in France predicts 235.000 more unemployed people in France in 2012. The figure should be 500.000 more from June 2012 to June 2013 says the famous French economist Jacques Sapir.
So this move of Russians coming back from France to Russia should continue, and even increase. But since the situation is getting worse in France, a new trend is developing and yet I meet more and more French families coming to Russia, because one of the two members of the family has found a Job in Russia, and they want more than everything  escape from a totally economically closed situation, when its non from a systemic closed situation. More and more often, those new French migrants even put their French and non speaking kids in russians public school, because they are less expensive this is not the only reason. I think what we begin to see is a new migration, a long term one. People leave the West (?) and move east, in Russia, because the country has got an economic growth and is showing its ability to face the future with a strong human, economical and moral potential.
Around me, I know more and more French Citizens who are even thinking torenounce their French citizenship in order to become Russian. They are mostly in their mid 30ies, married, with russians citizens, they have been living in russia for more than 5 years and they are very mad at and fed up with the situation in France, which I can by the way totally understand…Let’s see where it goes… You can read more about this topic here Continue reading

Système antimissile : une polémique à l’origine d’un nouvel axe politique?

Je me permets de reproduire la très fine analyse d’Emmanuel Archer concernant le systeme antimissile, parue sur realpolitik.tv
Du
discours de Munich en 2007 à l’article pour le Moskovskie Novosti en 2012: Un
retour à la case départ !
L’idée de coopération entre la Russie et l’Otan sur la création
du bouclier antimissile en Europe a été posée sur la table des négociations de
Lisbonne, lors du sommet Russie-Otan en novembre 2010. Lors de ce sommet,
auquel participait le président russe Dimitri Medvedev, Moscou avait accepté de
collaborer au projet avec l’Alliance Atlantique. De nombreux observateurs
avaient parlé du résultat positif de la rencontre. Les relations entre Medvedev
et Obama avaient alors été qualifiées de « cordiales » par le président russe,
et le premier ministre italien Berlusconi s’était même risqué à jouer la carte
de l’optimisme, en annonçant « un grand pas en avant mettant définitivement un
terme à la guerre froide ». Les craintes dénoncées lors de la conférence sur la
sécurité à Munich en 2007, par le président Poutine semblaient n’être qu’un
mauvais souvenir. Et les signes encourageants d’un nouveau départ entre Moscou
et les États-Unis, envoyés lors de la signature du traité sur les armes
stratégiques (START-3) quelques mois auparavant, semblaient se confirmer.
L’heure était à la détente et au réchauffement diplomatique.
Et pourtant, en février 2012, dans son article pour le quotidien
Moskovskie Novosti consacré à sa politique étrangère, le candidat Poutine
réitère les critiques de 2007. Il y dénonce à nouveau l’attitude de l’Otan, des
États-Unis ainsi que l’architecture du bouclier antimissile en Europe. Ces propos qui rappellent étrangement ceux tenus quelques années
auparavant lors de son discours musclé de Munich, marquent l’échec des
négociations entre la Russie et le Bloc Américaniste Occidentaliste (BAO) sur
les principaux points de sécurité internationale.

Les
raisons d’un échec
Rappelons d’abord que quelques mois après les attentats du 11 septembre
2001, le président Bush s’était retiré de façon unilatérale du traité ABM de
1972 ; traité qui interdisait dans ses statuts aussi bien le déploiement du
système global anti-missile, que le déploiement des systèmes ABM en dehors des
frontières du pays signataire.
Libérée des
différentes contraintes juridiques, l’administration américaine s’est alors
employée à développer des partenariats stratégiques avec un certain nombre de
pays européens, de façon à obtenir des accords visant à implanter des systèmes
ABM sur leurs sols. Des discussions sous forme de négociations sont toujours en
cours avec la Bulgarie, la République Tchèque, la Lituanie et même la Géorgie.
Des accords ont en revanche déjà été trouvés en 2011 avec la Turquie – qui
possède un radar couvrant une partie de l’espace russe – la Pologne (2008), et
la Roumanie (2011)- qui devrait accueillir un radar couvrant le territoire
russe jusqu’en Oural.
Pourtant, dès le début des négociations, la Russie avait été
très claire. La coopération sera pleine et entière ou elle ne sera pas.
Aussi le Kremlin avait-il milité pour l’installation d’un seul
système, intégrant les dispositifs des deux parties, Russie et Otan. Cette
proposition avait l’avantage, malgré le désengagement des États-Unis sur le traité
ABM de 1972, de conserver un statu quo et ainsi garantir un bon équilibre
stratégique et géopolitique entre les puissances.
L’Otan,
seule force décisionnelle en la matière n’ayant alors pas jugé bon de prendre
en considération les demandes répétées du Kremlin, l’ex-président Dimitri
Medvedev mit en garde les États-Unis et l’Alliance Atlantique, sur les mesures
de rétorsion qu’il pourrait mettre en œuvre si de tels agissements persistaient
: déploiement de missiles de type Iskander dans la région de Kaliningrad qui,
rappelons le, vient de mettre en service un radar capable de contrôler jusqu’à
500 cibles dans un rayon de 6000 km (soit l’ensemble de l’Europe et de
l’Atlantique) ; mise en place dans le sud et l’ouest du pays, de systèmes
offensifs modernes capables de détruire les installations du bouclier antimissile ; abandon, si nécessaire, du traité russo-américain de désarmement
nucléaire, START, entré en vigueur en février 2011 et considéré comme le
symbole du réchauffement des relations entre les deux pays.
Si un tel scénario devait se produire, nous assisterions alors à
une rupture de l’équilibre fragile des forces dans le domaine nucléaire : la
parité stratégique en serait modifiée et l’équilibre militaire et politique
s’en trouverait ébranlé.
Pourquoi
l’actuel développement du système ABM ne sera jamais accepté par la Russie ?
L’argument majeur avancé par les États-Unis pour justifier
l’implantation du bouclier antimissile en Europe, consiste à répéter que cette
installation est nécessaire pour assurer la protection des populations contre
les menaces balistiques des pays qualifiés selon leurs critères de « voyous »,
notamment l’Iran. Vis à vis de la Russie, le caractère uniquement défensif du
bouclier revient comme un leitmotiv pour apaiser Moscou, qui selon l’Otan n’a
rien à craindre d’un « ennemi imaginaire ».
Malgré cela, en février 2012, Poutine alors encore premier
ministre déclarait « le bouclier antimissile américain qui est en train d’être
déployé en Europe, vise la Russie ». Le maintien de la position russe sur le
dossier s’explique pour les raisons suivantes :
       
– Un bouclier antimissile même défensif, procure, comme tout
bouclier un avantage certain sur l’adversaire qui en serait dépourvu.
Lapalissade ? peut-être. Mais il est utile de rappeler que celui qui a l’arme
et le bouclier est maître d’un jeu dont il peut déclencher le signal à sa
convenance, face à celui qui n’a que l’arme. Le système offensif/défensif
contre le système défensif seul, entraîne un déséquilibre évident dans le rapport
des forces.
       
 
       
– La grille de lecture des États-Unis en ce qui concerne le
ciblage des menaces potentielles ne saurait être un argument recevable pour les
Russes qui ne prennent au sérieux ni la raison invoquée, ni la menace
balistique iranienne. Tout d’abord parce que la Russie a proposé à plusieurs
reprises une alternative plus efficace consistant au déploiement de missiles
intercepteurs à proximité immédiate des frontières de l’Iran, en Turquie, au
Koweït, ou même encore en Irak. Propositions restées lettres mortes. Ensuite
parce que la Russie ne partage pas les craintes des États-Unis concernant la
politique extérieure iranienne. Enfin, parce que nombre de spécialistes
s’accordent à dire que l’Iran ne possède ni la technologie ni le potentiel
industriel permettant de concevoir et de fabriquer des missiles
intercontinentaux capables de parcourir les quelques 10000 Km qui les séparent
des États-Unis.
       
– La confiance que la Russie accorde aux États-Unis et à l’Otan
est aujourd’hui sapée par de lourds antécédents. La Russie n’a toujours pas
oublié que, contrairement aux promesses faites en 1989 à Gorbatchev, l’Otan a
continué de s’étendre vers l’Europe de l’est et notamment vers les pays du
Pacte de Varsovie. Elle n’a pas apprécié non plus le retrait unilatéral du
traité ABM par les États-Unis en 2002. Plus récemment, elle n’a pas digéré les
libertés que l’Otan a pu prendre en Libye pour renverser le gouvernement en
place. Enfin, la Russie reste méfiante sur la politique étrangère du BAO, à qui
elle reproche une attitude générale belliciste et d’ingérence.
       
– Les nombreuses tergiversations et revirements concernant les
négociations avec les pays comme la Pologne ou la République tchèque sur
l’adoption du bouclier antimissile ne sont pas de nature à rassurer la Russie.
De même que le refus de l’administration américaine de fournir des garanties
juridiques attestant que le système déployé ne sera pas dirigé contre les
forces de dissuasions russes, inquiète le Kremlin.
Pour toutes ces raisons, la Russie considère que l’implantation
du bouclier antimissile en Europe est une tentative de prendre un avantage
stratégique structurel décisif sur la Russie au profit de la puissance
américaine.
Vers
un nouvel axe politique : sino-russo-iranien
Les relations entre la Russie, la Chine et l’Iran ne datent pas
d’hier. En revanche les récents rapprochements entre la Russie et les deux
pays, Chine et Iran, sont liés aux rapports de force qui ont animé les
relations entre le Kremlin et la Maison Blanche au moment de la chute de
l’URSS.
Relations
Russo-Chinoises
A la chute du mur de Berlin, avec l’expansion de l’Otan vers
l’est, la Russie a vu sa zone d’influence géopolitique diminuer d‘autant. Afin
de contrer cet encerclement stratégique, la Russie finit par se tourner vers la
Chine, inquiète elle aussi de son isolement croissant sur la scène
internationale. En 2001, les deux pays mettent en place l’Organisation de
coopération de Shanghai. La même année, la Russie et la Chine signent le traité
de bon voisinage, d’amitié et de coopération, dont l’article 12 stipule que la
Chine et la Russie respecteront « les accords fondamentaux relatifs à la
sauvegarde et au maintien de la stabilité stratégique ». Cet article est
symboliquement important. Il est à la fois un signe fort envoyé aux États-Unis
et à l’Otan, et un marqueur de séparation entre deux blocs.
Relations
Russo-Iraniennes
Au moment de l’implosion de l’URSS en 1991, la Russie se
retrouve dans une situation de fragilité économique importante. La survie de
celle-ci dépend en partie de la santé de son complexe militaro-industriel qui
tient traditionnellement une place économiquement importante aussi bien dans
l’ex-URSS que dans la Russie d’aujourd’hui. C’est ainsi que la Russie va se
tourner vers l’Iran, qui deviendra l’un de ses trois plus grands marchés
extérieurs avec l’Inde et la Chine. Les relations bilatérales vont se renforcer
petit à petit avec la mise en place, en 1995, d’une coopération nucléaire et la
signature d’un partenariat pour la construction de la centrale nucléaire de
Bouchehr. En 2001, Poutine signe également avec son homologue iranien un «
pacte de coopération civile et militaire». Au-delà de ces relations économiques
et énergétiques, l’Iran est aussi l’un des membres observateurs de l’OSC, lui
conférant de facto une position au moins diplomatique dans cette organisation.
D’une relation
trilatérale conjoncturelle à la création d’un axe structurel
Les relations trilatérales entre la Russie, la Chine et l’Iran
étaient surtout d’ordre diplomatique, économique, énergétique et elles étaient
motivées, au moins dans leur démarrage, par des causes circonstancielles. Mais
en réaction au durcissement de la stratégie européenne et eurasiatique des
États-Unis et de l’Otan, les relations trilatérales de ces trois pays sont en
passe de rentrer dans une phase d’alliance objective.
Tout d’abord parce que la Chine, la Russie et l’Iran ont
aujourd’hui bien conscience de la volonté du bloc BAO d’instaurer un nouvel
ordre mondial (ou monde unipolaire), en totale opposition avec leurs intérêts
propres et leur conception multipolaire du monde. Cette conscience maintes fois
exprimée aux travers des discours de Vladimir Poutine peut se résumer dans
cette phrase tenue devant les étudiants de l’université polytechnique de Tomsk lors
de sa campagne présidentielle « ils (ndlr : les Américains) veulent tout
contrôler (…). J’ai parfois l’impression que les États-Unis n’ont pas besoin
d’alliés mais de vassaux, et qu’ils préfèrent la domination à un partenariat
d’égal à égal ».

 Ensuite parce que le double veto sino-russe dans le dossier
syrien a rapproché les deux pays non seulement pour des raisons intrinsèques
(accord sur la stratégie à suivre et succès diplomatique commun) mais aussi
pour des raisons extrinsèques (schéma particulier du « Seuls contre tous »).
Les succès dans ce dossier renforcent évidemment la position de l’Iran qui n’a
jamais caché son soutien au gouvernement syrien en place.
L’implantation du bouclier antimissile en Europe est perçue par
ces trois pays comme un danger mortel : l’Iran, parce qu’il craint que ce
bouclier défensif ne puisse se transformer en un bouclier offensif pour une
future attaque contre son territoire. La Russie par sa crainte de voir son
potentiel stratégique neutralisé et donc son influence sur la scène
internationale diminuer. Et enfin la Chine, qui craint avec l’affaiblissement
de ses principaux alliés, de se retrouver dans une situation d’isolement à la
fois économique et stratégique.
Ainsi, l’implantation du système ABM, pourrait
devenir, au-delà du rapport de force militaire et stratégique entre nations, le
symbole d’une ligne de démarcation, voire même de fracture entre deux
conceptions du monde qui s’affrontent aujourd’hui sur la scène internationale.
D’un côté celle des américains soutenue par l’Alliance Atlantique, perçue par
de plus en plus de pays, comme interventionniste et unipolaire. Et d’un autre
côté, celle des pays comme la Russie, la Chine ou encore l’Iran, favorable à un
monde multipolaire et à un équilibre des forces.
Emmanuel
Archer

Le traité de sécurité paneuropéen : une fontaine de jouvence pour l’Europe?

Je me permets de reproduire ci dessous le texte que m’a fait parvenir un jeune étudiant en journalisme de 21 ans, vivant en Belgique. Adrien Koutny est passionné depuis toujours par l’Europe de l’est et plus particulièrement par la Russie. Par le biais de ses articles, il aimerait contribuer à changer l’image encore trop négative qu’à la Russie aux yeux des pays occidentaux.
**

Le 29 novembre 2009, Dmitri Medvedev, actuel président de la Fédération de Russie, a présenté un projet de traité de sécurité devant réunir les pays européens. Cet accord aurait avant tout pour objectif de resserrer les liens de l’OSCE avec les membres de l’Otan présents en Europe. Le projet russe a d’ores et déjà rencontré l’assentiment de diverses grandes nations européennes (Espagne, Royaume-Uni, France), mais reste à l’heure qu’il est lettre morte. Pourtant, il pourrait représenter la tête de proue d’un navire trop souvent en perdition dans un monde troublé.

Le renforcement des liens OSCE-UE permettrait avant tout de pallier aux coupes européennes dans les budgets de la Défense effectuées au lendemain de la crise de 2008. La France et le Royaume-Uni se sont rapprochés et ont pour projet de partager des porte-avions. Cet accord inédit, engageant deux pays responsables de 50% des dépenses militaires européennes,  démontre bien les inquiétudes du vieux continent. Les puissances émergentes, notamment les membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) marchent de plus en plus allégrement sur les plates-bandes des nations vieillissantes d’Europe. La Russie, qui par ailleurs modernise actuellement son armée, a émis l’idée d’un traité européen de sécurité collective. Cet accord  prévoit notamment que toute action militaire se doit de rencontrer l’aval des autres pays signataires.
Cette clause, négociable comme toutes les autres, permettrait à la Russie d’empêcher l’OTAN d’agir unilatéralement. L’ennemi d’hier se verrait affaibli, et les alliés « indésirables » de Moscou (Syrie, Belarus, Iran) seraient dès lors à l’abri de toute offensive européenne. Un autre mécanisme, comparable à celui régissant l’Alliance Atlantique, poussera les pays membres à tous se considérer comme attaqués si au moins un des pays l’est.

La Fédération de Russie semble désormais chercher l’apaisement avec l’OTAN et les États-Unis, et ce malgré le fait que leur nouvelle doctrine militaire désigne l’OTAN comme principale menace extérieure. Les relations entre Dmitri Medvedev et Barack Obama paraissent relativement bonnes, nonobstant certains points de divergence. La guerre en Géorgie en 2008, le bouclier anti-missile américain en Europe, l’éventuelle adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie ainsi que les manœuvres de l’alliance atlantique aux portes de la Russie sont autant de pommes de discorde. La coopération en Afghanistan, la signature du traité START (dénucléarisation bilatérale) et l’ensemble des éléments de la doctrine « reset » viennent  cependant contrebalancer les dissensions énumérées ci-haut. Les dirigeants du Kremlin ne se départissent cependant pas  des préceptes de la realpolitik. L’intégration russe dans le dispositif sécuritaire européen permettrait à Moscou de discréditer encore un peu plus l’OTAN. Cette organisation sécuritaire, qui a pendant presque un demi-siècle fait face aux chars du Pacte de Varsovie, est aujourd’hui en perte de vitesse. Beaucoup se questionnent quant à son utilité alors que l’ennemi soviétique a disparu dans les limbes du temps. Avec la création d’un traité paneuropéen de sécurité, l’OTAN ne détiendrait plus le monopole de la Défense sur le vieux continent. Moscou se positionnerait alors en leader potentiel, au vu des ses importantes capacités militaires et de la largeur de ses ressources en matières premières. Par ailleurs, des voix se font entendre en Occident, plus particulièrement aux États-Unis, réclamant l’intégration de la Russie dans l’alliance atlantique. Ce soudain intérêt semble être un réflexe compulsif face au projet russe de sécurité européenne, qui priverait quelque peu l’Oncle Sam de son rôle de protecteur de l’Europe. Cela pourrait répondre également à une volonté d’encerclement stratégique de la Chine. Par ailleurs, certains voient cette démarche comme la seule pouvant définitivement réconcilier un continent.

La signature d’un traité paneuropéen de sécurité pourrait porter un coup décisif à un projet américain que la Russie n’a jamais porté dans son cœur : le bouclier anti-missile. Officiellement dirigé contre des « états voyous » (ndlr : George W. Bush) tels que l’Iran ou la Corée du Nord, l’ours russe l’a cependant toujours appréhendé comme une menace majeure. Récemment, Washington a trouvé un accord avec la Roumanie pour l’installation de certaines composantes de ce bouclier. Le déploiement de ce système déréglerait totalement l’équilibre militaro-stratégique en Europe, la Russie se trouvant dès lors en position de faiblesse. Ce mercredi 18 mai, le président russe a par ailleurs promis de renforcer le potentiel nucléaire de son pays au cas où il ne trouverait pas un terrain d’entente avec la Maison Blanche. Cette menace fait suite à une autre, qui consistait à dire que la Russie installerait à Kaliningrad (enclave russe au nord de la Pologne) des missiles Iskander capables de toucher les plus grandes capitales européennes. La Russie manie tout aussi bien le bâton que la carotte. Elle se veut conciliante, mais n’hésite pas à user d’une rhétorique belliqueuse tant que ses exigences les plus fondamentales ne sont pas respectées. 

La Fédération russe cherche également à assurer sa propre sécurité face à l’appétit grandissant du voisin chinois. De nos jours, les deux puissances coopèrent au sein de l’Organisation de Shangaï, qui vise à protéger le continent  asiatique d’une incursion américaine. Pourtant, à Moscou on s’inquiète. Le pays partage 4300 kilomètres de frontière avec la Chine… L’homme de la rue n’oublie d’ailleurs pas que les seules invasions qui ont réussies venaient de l’est. Les raisons de cette inquiétude sont qui plus est des plus fondées. La Chine vit un essor économique et démographique qui la pousse à prospecter en dehors de ses frontières pour répondre à  ses besoins. Son emprise sur grande nombre de pays africains est déjà une réalité. Les Européens ont d’ailleurs l’audace de s’insurger en criant au colonialisme ! Reste que l’Empire du Milieu risque de comprendre tôt ou tard qu’il ne sert à rien de chercher au bout du monde ce qu’il peut prendre juste à côté… Au nord, la riche Sibérie s’étend sur des espaces gigantesques. On y rencontre quelques zones de peuplement, mais dans l’ensemble c’est assez désertique. Cette réalité ne va qu’en s’empirant : les jeunes quittent toujours plus nombreux leurs provinces reculées pour se rapprocher des grands centres économiques du pays. Quant à la Chine, elle favorise l’immigration (souvent illégale) de ses citoyens vers la Sibérie, dans une stratégie qui rappelle le colonialisme cromwellien. Le Kremlin n’est pas aveugle et se rend bien compte que dans ce contexte, les rapports de bon voisinage avec le dragon chinois ne peuvent pas durer éternellement. Il tente déjà de limiter l’influence croissante des Chinois près de la frontière en réduisant les importations et en compliquant l’octroi de visas. Des incitations financières sont offertes aux personnes souhaitant s’installer dans la région. Pour lutter contre le danger que représente le principe des vases communicants, la Russie renforce sa présence militaire dans ces contrées reculées. Cependant, que pourra-t-elle faire face à une armée par dix fois supérieure en nombre et de mieux en mieux équipée ? Sans appui international, leur fameux patriotisme ne fera sans doute pas le poids. L’appui européen pourrait être l’élément qui calmera les ardeurs de Pékin. Moscou espère par ce biais que le fleuve Amour, qui gorge ses provinces les plus orientales, ne devienne pas le fleuve de la haine…

Finalement, nous pouvons affirmer que la création d’une alliance sécuritaire paneuropéenne intégrant la Russie est dans l’air du temps. La coopération militaire entre la Russie et ses partenaires européens est de plus en plus prégnante. La vente de navires porte-hélicoptères français de type « Mistral » à l’armée russe n’en est qu’un exemple. Récemment, des soldats allemands ont suivi les traces de leurs ancêtres en se rendant en Russie. Ils y ont effectué des manœuvres, avec l’assistance technique de leurs homologues locaux. La politique de la main tendue prônée par Moscou semble sincère. Le Kremlin ne se cache pas qu’il tente d’occuper un rôle plus important en Europe, sans pour autant chercher à rétablir l’hégémonie d’antan. Il est dorénavant urgent de rompre l’isolement diplomatique dans lequel les Occidentaux souhaitent confiner la Russie. Il en va de notre sécurité, à l’heure où l’émergence des puissances de demain redessine la carte géopolitique mondiale. L’Europe se trouve à un tournant de son Histoire.

Sergey Lavrov, realpolitik.

Chers lecteurs, permettez moi de vous suggérer la lecture de cet excellent article de Realpolitik-TV intitulé: “la realpolitik en action” et qui fait écho à une interview tout simplement extraordinaire de Serguey Lavrov à  Russia-Today.

Extrait: “Je pense que, nous les Russes, avons eu assez de révolutions dans notre histoire et je ne pense pas que notre conseil à nos amis soit d’avoir leur propre révolution. C’est toujours sanglant, désordonné, cela ramène toujours le pays en arrière dans son développement”.

La Russie des année 90 ? Un bordel géant..

Le magazine Flash à eu l’amabilité de m’interroger en tant que Français de Russie, sur les raisons motivant nos concitoyens à s’installer en Russie. Je reproduis donc mon interview ci dessous.

*
Dans son livre ‘le parrain du Kremlin’, consacré à la Russie des années 90, le journaliste Paul Klebnikov décrit sa rencontre avec un des premiers européens expatriés  en Russie de l’après chute du mur. Ce dernier,  ébahi, lui confie ses premières impressions sur Moscou et la sur  la Russie en ces  termes: « Les filles, les filles, et un salaire mirobolant ».
La scène se passe dans une boite de nuit de la rue Arbat, célèbre rue du centre de Moscou, pendant que des beautés slaves se déhanchent sur la piste de danse, les yeux rougis par la drogue. Voila ce qu’était dans les années 90 l’image de la nouvelle Russie « libérale » et « libérée » du communisme : un bordel géant, un pays dont les ressources, énergétiques,  financières et génétiques  étaient pillées, livrées à diverses mafias et aux grandes corporations étrangères.  Cette histoire vous la connaissez plus ou moins, la Russie pour beaucoup rimant avec « armes », « mafia », « filles/Putes » , « pollution» et « vodka ».

C’est la description  d’une époque révolue, et la Russie d’aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec la Russie des années 90.  Bien sur la prostitution existe encore (comme partout) mais les jeunes filles ne sourient plus par principe aux étrangers, les packages salariaux des expatriés ayant beaucoup  baissé et le niveau de vie des hommes Russes considérablement augmenté, dépassant souvent dans les villes celui des étrangers. Un récent sondage montrait que le mari étranger ne faisait plus désormais rêver qu’une petite minorité de femmes.

Et surtout, maintenant les Russes (femmes et hommes) peuvent regarder avec fierté leur pays, qui se développe à une vitesse météorique. Un développement soutenu par l’explosion du prix des matières premières mais également et surtout par un pouvoir politique efficace qui a su parfaitement utiliser les bénéfices de la croissance. Conséquence directe ? Aujourd’hui des milliers de francais résident à Moscou ou Saint Petersbourg principalement mais également dans des villes de Sibérie et Il n’est plus rare de rencontrer des couples franco-russes ou franco-français, qui après avoir vécu a l’ouest, ont délibérément choisi de s’installer en Russie.  Bien sur il y a l’amour, le travail, ou un réel intérêt pour le pays mais ce n’est pas tout. Pour nombre de Français de Russie, désormais vivre « chez Poutine », c’est bien.   

Et c’est même un choix volontaire !

Et il y a des raisons à cela, la Russie des années 2000 a certes changé à une vitesse incroyable, mais le pays a su garder une âme. La Russie présente aujourd’hui un nombre incalculable de points forts. On peut en citer quelques uns : en Russie par exemple, pas de problème d’insécurité, même dans les lointaines banlieues des grandes villes, les femmes prennent le métro ou marchent en mini jupe à n’importe quelle heure, avec très peu de risque.  En Russie pas de grèves à répétition, dans les grandes villes qui empêchent de vivre normalement. Dans les villes toujours, les magasins , les bars, les restaurants sont ouverts 24/24, ce qui confère une liberté importante.

En opposition aux villes, les villages ont su préserver une atmosphère très  traditionnelle et hors du temps.  La Russie d’aujourd’hui est un subtil mélange de modernité et de tradition, on y trouve à la fois le 19ième siècle, le 20ième et le 21ième siècle. Le pays est réellement multiculturel et multiconfessionnel mais contrairement aux sociétés occidentales , les tensions ethnico-religieuses n’y existent  quasiment pas.  J’ajoute que les étrangers qui font l’effort d’apprendre la langue y sont très bien acceptés.
Enfin la Russie est un pays qui offre un cadre de vie très varié, on y trouve des parfums d’orient comme d’occident, le Caucase chaud et l’Arctique glacial, ainsi qu’un mélange d’Europe et d’Asie. Cette variété reflète la taille du pays qui s’étale sur 11 fuseaux horaires. La sensation d’être dans un pays fort, qui sait ou il va et dans lequel la situation s’améliore, change énormément de la situation Française par exemple et de la sensation de déclin omniprésente que l’on y ressent. Enfin disons le, se sentir en accord avec la grande majorité des décisions prises par l’élite politique du pays est un sentiment fort plaisant.

Bien sur, vous trouverez toujours des étrangers, souvent des expatriés mutés pour raisons professionnelles et qui sont critiques sur la Russie. Ces critiques sont connues, et focalisées sur  une hypothétique « dictature Poutinienne ». Ceux la arrivent généralement dans le pays avec une vision très formatée « made in France », néo-coloniale (« moi y en à montrer toi ») et restent souvent critiques durant tout leur séjour (les contrats d’expatriés durant de 2 à 4 ans). Pour certains néanmoins, la vie en Russie remet les pendules à l’heure et leur fait prendre conscience de la réalité autre que l’on peut apprécier de vivre dans une démocratie dirigée, qui procure stabilité et liberté.


Si il y a 15 ans, les Russes, femmes en tête, fuyaient la Russie à la recherche de meilleures conditions de vie, alors que leur pays était en totale décomposition. Aujourd’hui,  de nombreux Russes de l’étranger sont déjà revenus en Russie et des centaines de milliers de citoyens de l’OCDE y résident.

On pense que ce nombre devrait sensiblement augmenter dans la prochaine décennie, au vu des prévisions économiques solides en Eurasie (Russie, Biélorussie et Kazakhstan, les 3 pays de la nouvelle union douanière) et relativement faibles en Occident (Amérique et Europe de l’ouest). Déjà la Russie se classe devant la France et juste derrière l’Allemagne selon le FMI, dans le classement des pays selon leur PIB à parité de pouvoir d’achat. Pour ma part, en tant que Français d’Eurasie, c’est décidé, je suis très bien «chez  Poutine » et pour rien au monde ne souhaite rentrer à l’ouest !

L’effondrement de l’empire du Mal

 A l’occasion du 20ieme anniversaire de la chute de l’URSS, Fabrice Fassio m’a transmis ce texte interessant intitulé ‘ L’effondrement de  l’empire du Mal’:
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En 1990, Boris Eltsine proclamait l’indépendance de la Russie qui, dorénavant, ne ferait plus partie de l’Union soviétique. A la surprise générale, se fracturait un pays que le président Ronald Reagan avait, quelques années auparavant, surnommé « l’empire du Mal ». Cet événement majeur de l’histoire contemporaine a fait couler beaucoup d’encre mais, vingt ans plus tard, il n’a toujours pas été compris. Comprendre un phénomène d’une telle ampleur et d’une telle complexité exige une approche théorique de la société communiste. Cette théorie existe et a été élaborée dans les années 1970-1980 par le sociologue et logicien russe : Alexandre Zinoviev. Dans cet article, je vous propose un bref aperçu de l’analyse zinovievienne de la crise du communisme réel.

Communisme et capitalisme
Selon le sociologue russe, la société communiste (1) est née et s’est développée en Russie durant les décennies postérieures à la Révolution d’Octobre et s’est ensuite étendue à d’autres pays de la planète. Elle diffère profondément de la société capitaliste (2) qui s’est formée, il y a deux cents à deux cent cinquante ans, en Europe occidentale et dans une partie de l’ Amérique du Nord, peuplée de colons européens. Les rapports (relations) spécifiques de la société capitaliste sont des rapports professionnels, régissant l’organisation du travail, et des rapports marchands, ayant le profit pour objectif. Ces relations ne deviennent dominantes que lorsqu’un certain nombre de conditions sont remplies : la propriété privée des moyens de production, des travailleurs vendant leur force de travail à un employeur, des capitaux prêts à être investis dans une affaire lucrative etc. Une fois ces conditions remplies, ces rapports étendent peu à peu leur emprise à l’ensemble du corps social, reléguant à l’arrière-plan des relations d’une autre nature.

A l’instar du capitalisme, note Alexandre Zinoviev, le communisme est un système, c’est-à-dire une manière de faire vivre les hommes ensemble, de génération en génération. Selon le philosophe russe, les rapports spécifiques du communisme réel sont des rapports sociaux structurant les grandes collectivités humaines (3) : la division des hommes en chefs et subordonnés, la hiérarchie des chefs, le commandement et la subordination, le pouvoir du groupe sur l’individu etc. Ces relations sociales existent dans tous les ensembles humains, y compris dans les pays occidentaux, mais ne deviennent dominantes que lorsqu’un certain nombre de conditions sont remplies : la nationalisation des moyens de production, une gestion centralisée de la vie de l’ensemble social, une économie et une culture complexes etc. Dans les années 70, élaborant sa théorie sociologique de la société communiste, le philosophe russe avait établi l’inéluctabilité de l’existence de crises au sein des systèmes sociaux. Ce dernier point est absolument essentiel pour le sujet qui nous intéresse.

Le concept de crise
Les sociétés sont des organismes vivants composés d’un grand nombre d’individus et d’associations d’individus, or tous les organismes vivants traversent des situations critiques et sont sujets à des maladies. Dans le domaine des grandes sociétés humaines , ces situations critiques diffèrent en fonction des rapports fondamentaux qui régissent l’organisme social. C’est la raison pour laquelle la crise de la société capitaliste est de nature économique, alors que celle de la société communiste est de nature sociale et se manifeste par une profonde désorganisation des différentes sphères de l’organisme. Selon le philosophe russe, afin de comprendre l’essence de la crise du communisme, il est important d’établir une distinction entre deux facteurs : les causes et les conditions de la crise. Dans ses ouvrages consacrés à ce thème (4), le philosophe explique que les causes les plus profondes de la crise d’une société communiste résident dans une accumulation de dérogations à la norme, engendrées par les tendances mêmes qui génèrent le fonctionnement normal de cette société. Quant aux conditions de la crise, elles consistent en un ensemble de facteurs tels que l’existence d’autres pays, une politique gouvernementale, une catastrophe naturelle etc. Ces conditions favorisent l’action des mécanismes d’une crise, accélèrent ou bien, au contraire, bloquent l’éclatement d’une crise. C’est ainsi que la politique de la nouvelle équipe mise en place à Moscou en 1985 joua un rôle essentiel dans le déclenchement de la crise qui mûrissait depuis des années au sein de la société soviétique. Je reviendrai plus tard sur ce point. A la différence des conditions qui peuvent changer ou disparaître avec le temps, les causes d’une situation critique sont les compagnons de route de l’organisme social durant toute son existence. Si des sociétés communistes se développent dans le futur, elles seront sujettes à des mécanismes générateurs de crises, semblables à ceux qui ont provoqué une situation critique au sein de la société soviétique à la fin de l’ère Brejnev.
La théorie zinovievienne constitue un puissant éclairage en direction de l’avenir.

Les causes
Dans ce chapitre, je propose au lecteur un exemple destiné à illustrer ce que je viens de dire. Selon les règles juridiques de la société communiste, tout individu adulte capable de travailler doit être rattaché à une cellule reconnue par l’Etat (une usine, une exploitation agricole, un bureau etc.) ; en échange du travail fourni, notre homme reçoit de la cellule un salaire et bénéficie d’un certain nombre d’avantages. Telle est la norme. En revanche, un individu qui parvient à survivre sans travailler dans une organisation reconnue par l’Etat est une dérogation à la norme. Dans une société communiste parfaite (idéale, abstraite), où n’existerait aucune dérogation à la norme, (5) tous les citoyens en âge de travailler seraient rattachés à une cellule et n’obtiendraient des revenus et des avantages qu’en échange de leur travail. Dans la réalité de la vie quotidienne, l’idéal de rattachement de la totalité des citoyens à une cellule agit comme une tendance dominante : la majorité des citoyens gagnent effectivement leur vie en travaillant dans des organisations reconnues par l’Etat. Toutefois, au travers de nombreux canaux, la société offre la possibilité à des individus de survivre sans être rattachés à une cellule. A l’époque de Léonid Brejnev, le nombre de ces individus, officiellement dénommés « parasites », s’était notoirement accru, engendrant une forte tendance à échapper au travail obligatoire. D’une façon plus générale, Alexandre Zinoviev note que, à la fin de l’époque brejnévienne, ce phénomène d’accumulation des dérogations à la norme s’était renforcé dans plusieurs domaines de la vie soviétique : le pouvoir de l’idéologie officielle (le marxisme-léninisme) sur les esprits s’était affaibli, des mafias s’étaient constituées au niveau de la direction des républiques et de l’Etat central, le contrôle des instances planificatrices sur les entreprises de production de biens et de services avait diminué, manipulations comptables et fraudes avaient augmenté dans le secteur économique etc.
En résumé, les innombrables petits ruisseaux constitués par les dérogations à la norme se sont joints pour former un fleuve puissant : celui de la tendance à la crise.

Une première condition
Parmi les conditions majeures qui se sont « superposées » aux mécanismes internes générateurs de la crise, il convient de citer la guerre froide et la perestroïka gorbatchévienne. Arrêtons-nous un peu sur cette période que les historiens ont nommée : la guerre froide, et qui s’est étendue de 1945 jusqu’au début des années 90. Durant toutes ces années, l’Union soviétique, sortie victorieuse d’une terrible guerre qui s’est déroulée en grande partie sur son sol, va vivre au rythme d’une tension caractérisée par l’existence de deux blocs antagonistes. Cette tension entre les deux grandes puissances se manifeste dans de nombreux domaines : la sphère de l’économie, celle de l’idéologie, le monde des services secrets, les guerres locales, la constitution de zones d’influence etc. A ce propos, Alexandre Zinoviev explique que les points forts et les points faibles des deux systèmes ont joué des rôles différents à des moments différents. Durant les années 1950-1960, l’Union soviétique développe une prodigieuse puissance militaire et fait preuve d’un impressionnant activisme au niveau international, favorisant la diffusion du communisme dans les moindres recoins de la planète. Cette capacité qu’ont les dirigeants d’une société communiste de concentrer toutes les ressources du pays vers un but précis est justement l’un des points forts du communisme et cette première période de la guerre froide est plutôt favorable à l’URSS et à ses alliés. Cependant, dans les années 1970-1980, l’Occident commence à dévoiler ses propres atouts, en particulier sa supériorité dans les domaines économique et technologique. Durant ces années, la situation change aussi sur le plan idéologique. Arrêtons-nous sur ce dernier point de façon à comprendre comment s’est opérée la « fusion » entre causes et conditions de la crise.
Dans les années 70-80, le modèle soviétique fait l’objet d’une très forte attaque de la part des médias occidentaux ; soviétologues, sociologues, politiciens et journalistes imposent peu à peu l’idée selon laquelle communisme et capitalisme représentent une division du monde en deux parties : un immense Goulag (un empire du Mal) d’un côté, et une démocratie parée de toutes les vertus, de l’autre. L’idéologie occidentale ne se contente pas d’exercer son action sur les esprits des Occidentaux mais pénètre à l’Est par les canaux les plus divers. Jeans, musique rock, appareils sophistiqués accessibles à tous et films fabriqués aux Etats-Unis offrent une image séduisante de l’Ouest et font partie du processus d’occidentalisation au même titre que l’extrême valorisation de la démocratie parlementaire et du capitalisme, pudiquement rebaptisé : libéralisme. Vers la fin de l’ère brejnévienne, note Alexandre Zinoviev, l’idéologie occidentale exerçait une action corrosive sur les différentes couches de la société soviétique en général, et sur les couches supérieures en particulier. Causes et conditions de la crise idéologique se sont donc entremêlées en un inextricable écheveau : si l’influence occidentale pénétrait si facilement les esprits des citoyens du bloc de l’Est, c’est bien parce que l’idéologie soviétique avait perdu une partie de sa puissance, laissant en quelque sorte la place vacante. Des phénomènes tels que la rupture avec la Chine communiste ou la naissance de l’eurocommunisme contribuent aussi à affaiblir l’Union soviétique. A l’époque où Mikhaïl Gorbatchev et son équipe accèdent aux plus hautes instances du pouvoir soviétique, il est clair aux yeux de beaucoup que le plateau de la balance commence à pencher très nettement du côté occidental.

Une seconde condition
La politique nouvelle, mise en place par la direction soviétique à partir de 1985, est évidemment une condition majeure de la crise du communisme. Sous les vivats des dirigeants et des médias occidentaux, cette politique va plonger le pays dans la désorganisation la plus totale. Cette condition diffère de toutes les autres en ce sens qu’elle a joué le rôle d’un « détonateur » mettant le feu aux poudres et transformant la tendance à la crise en crise bien réelle. Dans ses ouvrages consacrés aux événements qui sont survenus en URSS à partir de 1985, Alexandre Zinoviev note que Mikhaïl Gorbatchev et son équipe n’avaient pas sciemment l’intention de plonger le pays dans le chaos ; bien au contraire, les velléités réformistes de la nouvelle direction étaient destinées à renforcer l’Union soviétique tout en séduisant l’Occident mais, dans une société mûre pour la crise, une « avalanche » imprévue d’événements transforma très rapidement l’équipe au pouvoir en marionnettes incapables de maîtriser un processus que ladite équipe avait pourtant enclenché. Selon le philosophe russe, la direction soviétique était donc animée des meilleures intentions du monde, mais son action a plongé des millions de citoyens du bloc de l’Est dans le chaos et ravalé la Russie au rang de puissance moyenne. Si un tel phénomène n’a rien d’exceptionnel dans l’histoire de l’humanité, il n’en constitue pas moins une nouvelle preuve que les rues de l’enfer -cet autre empire du Mal- ne sont pavées que de bonnes intentions.

Un exemple de politique gorbatchévienne
Dès 1985, la nouvelle direction soviétique met en place une politique de transparence (glasnost), de liberté de création et de réhabilitation de la vérité historique. Le pouvoir gorbatchévien se donne pour but de rétablir la vérité concernant l’histoire de l’Union soviétique, de prendre ses distances avec ses prédécesseurs et de mériter les éloges des Occidentaux. Les autorités soviétiques réhabilitent des victimes du stalinisme, autorisent la publication d’œuvres interdites ainsi que l’évocation d’événements qui, hier encore, étaient passés sous silence. Le nouveau pouvoir ne ménage pas non plus ses critiques envers la direction brejnévienne, accusée de conservatisme ; des dissidents célèbres, qui avaient été contraints de s’exiler en Occident, obtiennent le droit de rentrer au pays et de s’exprimer librement. Commence alors en Union soviétique un processus d’autoflagellation et de dénigrement de toute l’histoire du pays. Le passé soviétique ne consisterait qu’en une litanie de trahisons et de crimes et le marxisme-léninisme ne mériterait que le mépris. Beaucoup de Soviétiques n’accordent plus aucune valeur aux affirmations de l’idéologie soviétique concernant le capitalisme et perçoivent en revanche les idées provenant d’Occident comme de sacro-saintes vérités. « L’avenir radieux de l’humanité » aurait donc bien été construit mais … à l’ouest du rideau de fer. En pratique, la politique de glasnost et de réhabilitation de la vérité historique amplifie la crise de confiance des Soviétiques envers le système communiste et l’idéologie officielle, apportant ainsi sa contribution à l’explosion sociale.

Les manifestations de la crise
Cette explosion sociale se manifeste, entre autres formes, par une profonde désorganisation de la vie quotidienne et par une tendance à la désintégration au niveau de la société tout entière. Déclarations anti-communistes, grèves, manifestations et mouvements de foule envahissent le devant de la scène sociale et deviennent monnaie courante. Beaucoup de contestataires ne sont plus rattachés à une quelconque cellule ; mécontents de l’ordre existant, ces protestataires défilent dans les rues et forment le fer de lance de mouvements revendicatifs. A un niveau élevé de la hiérarchie sociale, certains personnages haut placés comprennent très vite quel parti tirer de foules sensibles à la démagogie ; la décomposition de la société communiste permettra à ces individus de satisfaire leurs ambitions personnelles et nombre d’entre eux deviendront les chefs des unités territoriales issues de l’éclatement. Le phénomène de désorganisation de la vie quotidienne se double d’un processus de désintégration du bloc soviétique. Ce dernier point est particulièrement intéressant du point de vue sociologique. L’existence de grands rassemblements humains comptant des millions d’individus est caractéristique de l’époque contemporaine ; au sein de tels ensembles, existent des tendances à la désintégration du tout et à la formation de groupes autonomes. La crise de la société communiste décuple la force de ces tendances séparatistes qui ébranlent avec une extrême violence deux ensembles pluriethniques : l’Union soviétique et la Yougoslavie, ce pays des Balkans né après la première guerre mondiale. Les événements tragiques qui surviendront en Yougoslavie durant la dernière décennie du vingtième siècle trouvent leurs racines dans la crise du communisme réel : l’éclatement du pays et la désorganisation sociale raviveront d’anciennes blessures inter-ethniques que l’on croyait guéries et en susciteront de nouvelles. Le proverbe affirmant que les chevaux ne se mangent entre eux que lorsque l’avoine vient à manquer dans l’écurie, garde toute sa force lorsqu’il s’agit de groupes humains vivant au sein d’une entité soudainement en proie à une violente secousse. Au début des années 90, la crise atteint son paroxysme et frappe le cœur de l’empire du Mal : la Russie.
Boris Eltsine, haut fonctionnaire de l’Union soviétique et membre du parti communiste, proclame l’indépendance de la Russie dont il prend la tête. L’ancien membre suppléant du politburo de l’Union soviétique promet aux dirigeants occidentaux de rompre avec l’odieux passé communiste et d’adopter le système occidental. Les Soviétiques plaisantent : nous détruisons le communisme sous la direction … des communistes.

Une contre-perestroïka ?
En Union soviétique, beaucoup de gens comprennent que le pays s’enfonce dans une catastrophe qui fait le jeu des puissances occidentales. La perestroïka s’achève en katastroïka (6), comme l’avait prédit Alexandre Zinoviev, ce théoricien majeur de la société communiste que les médias occidentaux commencent à mettre à l’écart. Le philosophe a longtemps pensé qu’une contre-perestroïka, seul moyen de sortir de la crise, pourrait avoir lieu dans son pays. Quelle forme aurait donc revêtu cette contre-perestroïka ? Il est impossible de répondre à cette question sans prendre en compte la nature du communisme réel. La société communiste est une société de fonctionnaires, dominée par les rapports de commandement et de subordination. Un pays communiste sans Etat fortement développé est aussi impensable qu’une société capitaliste sans argent, sans circulation de capitaux et sans profit, or la crise de la société communiste a fortement ébranlé le pouvoir étatique. La direction du pays a perdu le contrôle de la société dirigée et, à l’intérieur même du système de direction, les règles normales de fonctionnement ont été mises à mal. Beaucoup de Soviétiques comprennent que le seul moyen de sortir de la crise est de restaurer la puissance de l’Etat.
La direction gorbatchévienne elle-même, effrayée par l’ampleur du bouleversement social, essaye de reprendre en main le système administratif soviétique composé d’un nombre gigantesque d’institutions et d’organismes. Comme Joseph Staline l’avait fait en son temps, Mikhaïl Gorbatchev tente de mettre en place un appareil de pouvoir personnel chapeautant l’appareil du Parti, d’où la volonté de renforcer les pouvoirs du « président »(7), c’est-à-dire de lui-même. Alexandre Zinoviev explique que ces manœuvres de la direction soviétique ne relèvent pas de la volonté subjective de Gorbatchev et de ses amis, mais sont l’unique façon de sortir le pays du marasme dans lequel il est plongé. Si ce super pouvoir personnel avait été mis en place, il aurait permis au « président » et à son équipe de reprendre en main l’appareil du Parti dans un premier temps, puis l’appareil d’Etat tout entier dans un deuxième temps, mais cette contre-perestroïka n’est pas menée à son terme. Mikhaïl Gorbatchev, oscillant sans cesse entre son désir de plaire aux Occidentaux et la volonté de reprendre en main le pays, finit par être évincé par Boris Eltsine qui engage définitivement la Russie sur la voie de l’occidentalisation.
L’empire du Mal éclate de toutes parts et le soir du 8 décembre 1991, date officielle de la mort de l’Union des républiques socialistes soviétiques, le président Ronald Reagan, enfin rasséréné, peut dormir paisiblement sur ses deux oreilles.

Quelle occidentalisation ?
L’effondrement de l’empire du Mal et de ses alliés provoque un gigantesque bouleversement sur le continent européen. Le destin de tous ces pays, hier intégrés dans un même bloc, va dorénavant diverger. La République démocratique allemande (RDA), par exemple, est purement et simplement annexée par l’Allemagne de l’Ouest, membre du camp occidental, qui s’empresse de restructurer l’ancienne zone socialiste en vendant les entreprises de l’Est au secteur privé. Les citoyens de l’ex-RDA auront dorénavant le droit de manifester librement dans la rue, celui de voter pour le député de leur choix ainsi que la possibilité de faire leurs achats dans d’énormes supermarchés regorgeant de marchandises, mais ils perdront le travail léger et garanti, les loyers symboliques, la gratuité des soins et de l’enseignement, la vie au sein des collectifs d’entreprise, l’insouciance du lendemain et autres avantages du socialisme réel. S’ensuivra « l’ostalgie » (8), la nostalgie du mode de vie communiste. Le cas allemand est cependant bien particulier. En effet, s’il existe une Allemagne de l’Ouest capable de verser des allocations et des aides aux chômeurs provenant de l’ancienne zone socialiste, il n’existe pas de Pologne ou d’ Union soviétique de l’Ouest. La situation de la Russie, désormais gouvernée par « des réformateurs » désireux d’effacer toute trace de socialisme, est bien différente de celle de l’ancienne République démocratique allemande.
Dans ses ouvrages consacrés à la société communiste (9), Alexandre Zinoviev explique que l’économie d’un pays socialiste est gérée par des principes autres que ceux de l’exigence de profit ou de rentabilité ; cette économie a pour mission, par exemple, de fournir du travail à l’ensemble de la population. Avant l’effondrement du pays, la quasi-totalité des entreprises appartenaient au secteur public et les instances planificatrices géraient la vie économique. Sous la direction des « réformateurs » dorénavant installés au Kremlin, s’opère un véritable bradage des entreprises publiques ; un certain nombre d’entre elles deviennent la propriété d’individus extrêmement riches (les « oligarques ») liés au pouvoir d’Etat. Le chômage fait son apparition, le niveau de vie d’une large partie de la population baisse, des firmes occidentales s’établissent dans le pays et le dollar circule librement comme monnaie d’échange. Les Soviétiques plaisantent une nouvelle fois : les communistes nous mentaient toujours, sauf lorsqu’ils affirmaient que le capitalisme … c’est encore pire. Nec plus ultra de l’occidentalisation : la démocratie parlementaire s’installe dans les murs du Kremlin, mais de quelle démocratie s’agit-il exactement ?

Quelle démocratie ?
Durant toutes ces années de la guerre froide, l’Occident a renforcé son idéologie qui, au fil du temps, est devenue une arme puissante dont l’action s’est exercée des deux côtés du rideau de fer. Ce renforcement s’est effectué en structurant l’idéologie autour de plusieurs thèmes. C’est durant cette période, par exemple, qu’est apparue l’idée selon laquelle la démocratie parlementaire est un mode de gouvernement valable pour tous les temps et pour tous les peuples.
Les années passant, cette idée a acquis la force d’un axiome. Dans ses écrits consacrés à la société occidentale (10), Alexandre Zinoviev souligne que la démocratie parlementaire est un type de pouvoir intrinsèquement lié à la structure des Etats-nations ; le philosophe ajoute que, contrairement à ce qu’affirme l’idéologie occidentale, ce type de pouvoir n’est pas transposable sous tous les cieux et à toutes les époques. Sur le continent américain, la démocratie parlementaire s’est construite en même temps que se développait une économie capitaliste et que naissait une nation nouvelle : les Etats-Unis. Lors d’un voyage sur le nouveau continent, un sociologue hors pair, Alexis de Tocqueville, avait d’ailleurs pressenti la force potentielle de cette jeune nation qui se construisait sous ses yeux. Afin d’approfondir le sujet qui nous préoccupe, répertorions d’abord quelques termes couramment associés à l’expression « démocratie parlementaire » : élections libres, séparation des pouvoirs, partis politiques, élus du peuple, régimes présidentiel ou parlementaire. Arrêtons-nous ensuite sur le cas des principaux partis politiques présents sur la scène d’un pays occidental contemporain. Ces partis sont le produit d’une longue histoire et représentent des couches et des catégories sociales bien précises ; ils ont évolué avec le temps et ont acquis aujourd’hui une grande expérience de la relation avec le pouvoir d’Etat auquel ils fournissent des cadres. A l’heure actuelle, ces partis politiques sont devenus des éléments majeurs de la structure du pouvoir d’un pays occidental. Qu’y a-t-il de tout cela dans la Russie issue de la fragmentation de l’empire du Mal ?
Une multitude de partis ont certes poussé comme champignons après la pluie durant la période gorbatchévienne, mais ils ne reposaient sur aucune base historique et ne représentaient aucune couche sociale. La Russie n’a pas de tradition dans ce domaine que les Occidentaux nomment : la vie politique. Le parti communiste de l’Union soviétique n’était pas un parti politique au sens occidental du terme, mais l’axe central d’un pouvoir d’Etat fortement hiérarchisé dont la fonction était de gérer la société tout entière. A ce propos, Alexandre Zinoviev souligne que l’Etat a joué un rôle essentiel dans l’histoire de la Russie, dès le début de l’existence de ce pays, et que le communisme représente en quelque sorte le couronnement de la tendance russe à l’étatisme. A l’évidence, n’existe dans l’actuelle Russie qu’une caricature de démocratie parlementaire, élément d’une occidentalisation imposée par les vainqueurs de la guerre froide.

Un lièvre avec des cornes
Alexandre Zinoviev utilise (11) l’expression : « un lièvre avec des cornes », afin de qualifier la Russie issue de l’éclatement de l’empire du Mal. Cette Russie nouvelle serait un hybride social de même qu’un lièvre avec des cornes serait, s’il existait, un hybride biologique. Que cela signifie-t-il ? Selon le philosophe russe, la société qui s’est formée dans les années postérieures à l’effondrement de l’Union soviétique n’est pas l’aboutissement d’une évolution sociale naturelle, mais résulte pour une large part d’une occidentalisation forcée du pays consécutive à la défaite de la Russie pendant la guerre froide. Cette société nouvelle est constituée d’un assemblage d’éléments disparates, en particulier : l’occidentalisation, la résurrection du passé ainsi que l’existence de tendances au communisme. Ces facteurs divers engendrent des situations qui semblent paradoxales à l’observateur de la Russie actuelle. Illustrons ce qui vient d’être dit par un exemple.
A l’évidence, la constitution d’un large secteur économique privé en Russie est un pas en direction de l’occidentalisation du pays. A l’opposé de cette tendance, la volonté du Kremlin de reprendre en main de grandes entreprises russes appartenant au secteur énergétique est très clairement la manifestation d’un retour à une politique économique de type soviétique. Dans le domaine idéologique et religieux, la situation paraît elle aussi très complexe. En accordant leur soutien au christianisme orthodoxe, les autorités russes manifestent leur intention « d’enterrer » définitivement le marxisme-léninisme, mais aussi leur volonté de promouvoir le nationalisme russe et de ressusciter des éléments du passé tsariste dont fait partie l’orthodoxie. Au sujet de cette dernière, Alexandre Zinoviev note que la « renaissance » de la religion en Russie est une opération organisée par le pouvoir ainsi que par la hiérarchie ecclésiastique et qu’elle ne repose sur aucune assise populaire. En résumé, plusieurs facteurs hétéroclites de différentes origines forment à l’heure actuelle l’ossature de cet étrange animal qu’est un lièvre avec des cornes. Le philosophe explique enfin qu’il est difficile de prédire la durée de vie de cet organisme social hybride dont la qualité principale, aux yeux des dirigeants occidentaux, est de constituer un rempart protégeant la Russie d’un retour à la norme communiste.
L’empire du Mal s’est donc effondré à la suite d’une profonde crise intérieure et d’un coup de poing donné par l’Ouest qui vivait depuis 1945 sous la menace d’un conflit dangereux pour sa survie. Utilisant très adroitement la situation critique que traversait l’Union soviétique dans les années 80, les Occidentaux ont déclenché une attaque contre le communisme.
Affaiblir le système social d’un pays signifie affaiblir ce pays lui-même. Cette attaque a été couronnée d’un succès inespéré : l’empire du Mal en proie à une violente crise interne s’est effondré à la façon d’un château de cartes. Les conséquences de cet écroulement furent nombreuses et diverses. Arrêtons-nous un instant sur ce dernier point. En modifiant en profondeur les rapports entre les principaux acteurs de notre planète, l’écroulement du bloc de l’Est mit fin à une époque née au sortir de la seconde guerre mondiale. La guerre froide s’éteignit d’elle-même sans se transformer en un terrible conflit armé qui aurait ensanglanté une grande partie de l’humanité. La chute de l’empire du Mal eut aussi pour effet d’ouvrir grande la voie à l’épanouissement d’une période nouvelle caractérisée par la domination, à l’échelle mondiale, d’un autre empire que le président Ronald Reagan, j’en suis convaincu, n’aurait pas hésité une seule seconde à surnommer … l’empire du Bien. (12)

Fabrice Fassio
Manille, septembre 2010
NOTES
(1) socialisme réel, société de type soviétique
(2) société occidentiste, occidentaliste (selon le terminologie d’A.Zinoviev)
(3) afin de désigner ces rapports, le philosophe utilise les termes : collectifs, communaux ou communautaires.
(4) je pense en particulier à : Perestroïka et contre-perestroïka (en français), la Katastroïka (en français), La caida del imperio del mal (en espagnol), Il superpotere in URSS (en italien).
(5) dans son étude de la société communiste, Alexandre Zinoviev utilise les procédés logiques du passage de l’abstrait au concret, que Karl Marx avait déjà utilisés dans Le Capital .
(6) néologisme conçu par A.Zinoviev à partir des mots : perestroïka (reconstruction) et katastroph (catastrophe)
(7) en mars 1990, Mikhaïl Gorbatchev est devenu président de l’Union soviétique.
(8) terme formé à partir des mots allemands : « ost »(l’est) et « nostalgie » (la nostalgie)
(9) je pense en particulier à : Le communisme comme réalité, Perestroïka et contre-perestroïka.
(10) l’Occidentisme (en français), La supra-société globale et la Russie (en français). Je n’ai pas pris connaissance de La fourmilière globale (en russe).
(11) Postsoviétisme (en russe), Un lièvre avec des cornes (en russe)
(12) dans cet article, j’ai adopté la façon relativement récente d’écrire avec une seule majuscule : Union soviétique, Union des républiques socialistes soviétiques.

A very clear analysis from Timothy Post

Since this last 3 years, i have been reading comments from pseudo specialists about Russia which sometimes made me laugh, sometimes upseted me and sometimes were making me feel totally depressed .. Many of those comments were made by people who weresupposed to be “specialists” )).. Whatever today i red this short analysis from Timothy POST and i founded that is was so clear and logical that i decided to post it ! You can find Timothy on Facebook.

Think of the Russian presidents since perestroika as a continuum which started with a closed society and a planned economy and has as its destination a modern liberal democracy (think: France).
– The first 8 years of Yeltsin’s rule was a messy dismantling of the old system. The dislocation was perhaps unnecessarily rough but the job was finished. 
– Putin’s 8 years were about regrouping and stabilization. The key goal and accomplishment of Putin’s was that Russia was able to stand on its own two feet and was beholden to no organization (IMF, World bank, etc.) or country (USA, Germany, China, etc.). 
– Medvedev’s 8 years are all about modernizing (i.e. bringing Russia up to Western European standards)“.

One possible scenario would be for Putin to shift over to become head of the Supreme Court and a women appointed Prime Minister with the expectation that she will become President after Medvedev in 2016. This will enable Putin to continue to play a stabilizing role and also for him to take his place his unique place in history as the only person to have served as head of FSB, President, Prime Minister, and head of Supreme Court.

These guys are all on the same team and want the same thing- to ensure that Russia is self-sufficient  (economically and militarily), a full partner amongst the leading nations of the world, and to improve living standards. 

So far they have executed very well on this plan.

Les Européens ne nous comprennent pas

Le Premier ministre de la République d’Abkhazie répond aux questions de Laurent Vinatier pour RealpolitikTV :

” L’Abkhazie n’entend nullement ne rester orientée que vers la Russie. Nous voulons construire une politique étrangère multidirectionnelle. C’est une priorité stratégique que nous envisageons en trois temps, à court, moyen et long terme. A court terme, il s’agit essentiellement de se rapprocher de la Biélorussie. A moyen terme,  il faudra construire un partenariat privilégié avec la Turquie, certains Etats du Moyen-orient et d’Amérique latine, c’est-à-dire, à l’exception du voisin turc, la plupart des pays indépendants de l’OTAN. Enfin, à long terme, évidemment, c’est vers l’Union européenne qu’il sera nécessaire de se tourner”.

“A l’heure actuelle, les relations entre l’Abkhazie et les pays européens, sont très difficiles. Ceux-là ne veulent pas reconnaître la réalité ; ils ne portent pas un regard objectif sur la situation dans le Caucase et sur l’Abkhazie en particulier. Ils pratiquent une politique à double standard, en maintenant des positions fermes et absurdes telles que l’affirmation de « ne jamais reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie ». Pourtant pour le Kosovo, cela n’a pas posé de problème ! L’intégrité territoriale de la Serbie n’a pas été un obstacle. Pourquoi ce principe devrait-il primer pour la Géorgie, à notre désavantage ?”

” Il faut que les Européens comprennent que l’intégrité territoriale de la Géorgie est une illusion depuis 15 ans maintenant. En fait ils défendent une conception très arrièrée de la Géorgie, la conception stalinienne, qui a pris forme en 1931, lorsque le maître de l’Union Soviétique a décidé de faire de la Géorgie, ce qu’Andreï Sakharov a appelé un « petit empire », façonné sur le modèle de l’URSS. Les Abkhazes à cette époque avaient déjà violemment réagi avant d’être écrasés. L’Europe au fond veut et promeut la Géorgie de Staline. Ils ne nous comprennent pas ! C’est une erreur historique. Il est erroné de croire que l’Abkhazie n’a pas ses propres intérêts et qu’elle est de toute façon manipulée par la Russie”.

“La Géorgie a constamment refusé les compromis. La seule option qu’elle a considérée est celle de la force. A ce titre, il est désormais impossible pour les Géorgiens et les Abkhazes de vivre ensemble. Historiquement, la Géorgie n’a pas le droit de prétendre à l’Abkhazie. Par ses actions et politiques au 20ème siècle, elle a également perdu toute légitimité à garder en son sein le territoire abkhaze. C’est pourquoi en août 2008, la Russie n’a eu d’autres choix que de garantir la sécurité de l’Abkhazie et de reconnaître son indépendance”.
” Sur les plans économique et social, de même, les investissements en provenance de Russie augmentent rapidement. Parmi eux, certaines personnalités influentes de Moscou, à l’instant d’Iouri Loujkov, le maire de la ville ou Konstantin Zatouline, qui depuis les années 90 s’occupent des relations avec les anciens satellites soviétiques, n’hésitent pas à mobiliser des sommes importantes”.

” L’un de nos objectifs stratégiques à court terme est d’ouvrir des voies de communication directe par la mer et par les airs avec la Turquie. Actuellement, 60% de nos échanges se font avec la Russie, 30% avec la Turquie et 10% avec la Roumanie et la Bulgarie.”

“Il semble que la Turquie souhaite nous rapprocher de la Géorgie. Elle a en tête, je crois, un rôle de médiateur entre Tbilissi et nous. Si cela doit nous éloigner de la Russie, ce n’est pas un bon calcul. La Russie est évidemment notre partenaire privilégié mais nous souhaitons comme je l’ai dit, développer d’autres partenariats privilégiés en toute souveraineté. Donc, la Turquie a tout intérêt à soutenir notre indépendance, ni Géorgie, ni Russie, mais l’Abkhazie indépendante. Ainsi elle remplirait ses objectifs dans le Caucase Sud. Nous ne demandons même pas dans l’immédiat de reconnaissance officiellement mais un engagement concret avec nous. Cela renforcerait clairement le rôle et l’influence de la Turquie dans la région”.

“Nous regardons aussi du côté iranien, complètement indépendant en l’occurrence des Américains. L’Iran est un acteur important dans le Caucase. Après le Moyen-Orient, c’est l’espace stratégique qu’il entend investir. Au début de 2009 ainsi une délégation iranienne a été accueillie à Soukhoum”.
” Mais c’est l’Europe qui ne répond pas à nos appels. Les Européens refusent des visas aux Abkhazes, contre toute logique et au détriment de notre jeunesse qui souhaite recevoir une éducation internationale. Concernant les Etats-Unis, jusqu’à l’année dernière, il n’était même pas envisageable de même penser à une quelconque action. Nous plaçons certains espoirs en Obama, qui semble vouloir changer d’optique sur la Géorgie, mais cela ne signifie nullement qu’il s’intéresse davantage à nous.”

“L’Abkhazie est sans doute l’un des Etats les plus démocratiques du Caucase. La presse est libre ; les partis sont indépendants. L’élection présidentielle en 2004 en a donné un exemple significatif. Celle de décembre 2009 n’a pas dérogé à la règle”.

“La société abkhaze est très politisée. Il est vrai qu’il existe en son sein une tendance assez nationaliste, qui craint qu’en ouvrant trop le pays, y compris aux Russes, les Abkhazes perdent leur identité. Compte tenu des menaces récurrentes d’assimilation et du problème démographique actuel, cette posture gagne en popularité”.

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