Ligne directe de Vladimir Poutine: ce qu’il faut retenir

imagesLe président russe a tenu la semaine dernière sa 13e séance annuelle de questions-réponses avec la population, répondant à 74 questions en 3 heures et 57 minutes.

Cet événement assez surprenant s’est, au fil des années, converti en une authentique tradition pour Vladimir Poutine et est devenu une pièce non négligeable de sa communication au sens large, nationale comme internationale.

Hormis quelques questions plus que surprenantes le ton et les réponses du président russe permettent de dégager quelques grandes orientations stratégiques dont aucun des medias francais n’a fait part.

La victoire démographique

Le président est revenu sur la situation démographique, en rappelant que celle-ci s’était amélioré en 2014 avec une hausse sans précèdent du nombre de naissances, ce que les lecteurs de Sputnik savent déjà.

En insistant sur ce point essentiel pour l’avenir du pays, le président russe remet la vie au centre du débat et ce faisant, conforte le statut de la Russie comme champion de la défense des valeurs chrétiennes au sein d’un monde européen et occidental qui mène lui une politique de destruction de ces mêmes valeurs.Merci les sanctions!

Le président russe n’envisage pas la levée des sanctions et confirme ce que beaucoup pensaient et savaient déjà: les sanctions sont un mal qui fait finalement du bien à la Russie.

Les sanctions ont en outre également permis à la Russie, en parallèle à la dévaluation de la monnaie, de créer une certaine stimulation de la situation intérieure et permis à la banque centrale russe d’éprouver sa politique et ses répercussions sur l’économie russe.

Si le président russe estime qu’il faudra moins de deux ans à l’économie russe pour sortir de la crise, plusieurs analystes jugent désormais plausible que la Russie ne renoue avec la croissance dès 2016.

Il semble globalement et à ce jour certain que l’économie russe a beaucoup mieux traversé la crise que prévu et que comme en 2008, 2009 la crise a permis une saine épuration du marché. De leur côté, les contre-sanctions ont selon le président pour but russe de « contribuer à évincer les produits étrangers de nos étals au profit de nos produits nationaux », que ce soit dans le domaine alimentaire ou pharmaceutique.

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Vladimir Poutine est revenu sur le bouillant dossier ukrainien en rappelant que la seule chance de paix en Ukraine était le respect des accords de Minsk, fruit d’une coopération diplomatique entre Paris, Berlin, Kiev et Moscou, soit entre puissances européennes etsans immixtions anglo-saxonnes.

Le président a rappelé qu’il ne faisait pas de différences entre les Russes et les Ukrainiens en tant que peuple, que les autorités de Kiev menaient une politique suicidaire qui ne pouvait mener qu’à une profonde rupture entre Kiev et le Donbass et qu’il fallait prendre en compte les intérêts régionaux russes dans la région.

Vladimir Poutine a enfin réaffirmé qu’il n’y avait toujours pas de troupes russes en Ukraine, confirmant ainsi les propos récents tenus par le courageux General Français Christophe Gomart a l’Assemblée Nationale.

Pas de problèmes avec la France

Le président russe est revenu sur la calamiteuse affaire de la vente des Mistral que les autorités françaises ne semblent pas destinées à livrer à la Russe en affirmant c’était sans importance.

« La non livraison d’un navire acheté par contrat est mauvais signe, mais cela n’a aucune incidence pour nos capacités de défense. (…) Les Français sont des gens bien élevés, ils nous rendront l’argent. Nous ne voulons pas exiger d’amendes, de compensations extravagantes. Mais les sommes dépensées doivent être remboursées. (…) On y survivra ».

Cette volonté de clore le dossier Mistral sans incident confirme ce que beaucoup redoutaient: les Russes ont sans doute déjà fait une croix sur ces navires, laissant la France avec deux porte-hélicoptères inutilisables et une réputation de fournisseur qui ne respecte pas ses engagements.La Russie, pivot du monde multipolaire

En rappelant la situation économique catastrophique des Etats-Unis et que Moscou ne serait jamais un vassal de Washington, Vladimir Poutine confirme que sa politique étrangère extérieure n’est plus la même qu’en 2001 quand, après le 11 septembre, une fenêtre de tir semblait s’être ouverte pour une détente Amérique/Russie. Une détente qui permettait d’envisager un nouveau binôme au sein de l’hémisphère nord.

La politique américaine menée au cours des deux septennats suivants, axée sur l’extension au cœur de l’Europe, l’immixtion au Proche-Orient et en Eurasie n’aura pas finalement grandement nui à Moscou. Elle aura en revanche convaincu les autorités russes de mener une politique ayant pour objectif de renforcer le monde multipolaire.

A ce titre, la décision des autorités russes de procéder aux livraisons de missiles S-300 à l’Iran est une onde de choc qui aura des conséquences géostratégiques sans précédents. Elle confirme la place de la Russie comme puissance stratégique essentielle au sein du nouvel ordre mondial multipolaire qui émerge rapidement.L’Eurasie remplace l’Europe?

Interrogé sur les authentiques alliés de la Russie, le président russe a confirmé que l’horizon de la géopolitique russe allait se concentrer sur l’espace eurasiatique. En effet, Vladimir Poutine a qualifié les BRICS, l’Organisation de Shanghai, et l’Organisation du traité de sécurité collective (organisation à vocation politico-militaire regroupant la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, et le Tadjikistan) comme les principaux alliés de la Russie.

Cette tendance eurasianisante prend clairement le pas sur la tendance européanisante qui avait émergé de l’effondrement de l’Union soviétique. Une telle tendance devrait représenter l’objectif de la géostratégie russe au cours de la prochaine décennie.

Poutine, entre Pierre le Grand et Fréderic II de Prusse

La vraie nature du chef de l’Etat russe apparaît de plus en plus clairement: Vladimir Poutine est un chef d’Etat d’une trempe qui n’existe plus au sein du monde européen et occidental actuel.

Il est un mélange de Fréderic II et de Pierre le Grand, qu’il a d’ailleurs cité au cours de sa ligne directe. Une sorte de réformateur étatiste et éclairé. La sérénité absolue dont il fait preuve confirme la qualification réalisée par une des rares journalistes françaises qui ne fait pas honte à la profession: il est un authentique volcan de givre.

 

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