Conférence de Xavier Moreau à la droite populaire

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I La crise ukrainienne et l’Europe.

A l’heure où les Présidents Poutine et Porochenko tentent de trouver une issue pacifique à la guerre civile ukrainienne, il est temps de faire le bilan de ces 10 derniers mois de conflit. Nous devons prévenir nos auditeurs que ceux qui attendent le récit d’un combat du bien contre le mal, de la démocratie contre la dictature, vont être déçus. Je ne parlerai que d’alliances, d’intérêts, de zone d’influence. Je parlerai enfin et surtout des intérêts de la France, ceux qui nous importent réellement et qu’il convient de définir, non seulement dans le cadre de cette crise, mais dans le cadre plus vaste du nouveau monde multipolaire.

J’aborderai donc dans un premier temps, l’études des intérêts des puissances en présence, puis dans un deuxième temps, j’analyserai le positionnement français, en tâchant de comprendre, pourquoi ce conflit qui aurait pu se clore par un triomphe diplomatique de la France ne l’a pas été.

Les intérêts des principales forces en présence : La situation en Ukraine est celle d’une guerre civile. Il y a donc les puissances qui soutiennent le camp occidental, et celles qui soutiennent le camp oriental.

a)      Les acteurs du camp occidental.

Le renversement du pouvoir légal en Ukraine, le 21 février 2014, a été rendu possible par la convergence d’intérêt entre quatre entités :

–          Une puissance américaine déclinante et inquiète sur sa domination en Europe,

–          Une Allemagne impatiente de compléter sa domination dans le Mitteleuropa, et inquiète de voir la Russie redevenir une puissance influente en Europe

–          Une Pologne frustrée mais ambitieuse,

–          Une Union Européenne, avide de prouver à ses membres, qu’elle n’a rien perdu de son pouvoir de séduction.

La position des États-Unis sur l’empire russe est relativement connue, par tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu, aux problèmes politico-stratégiques en Europe. Elle est héritière de la géopolitique anglo-saxonne et a été exposée par Zbigniew Brezinski, en 1997, dans « le Grand Echiquier ». Les Etats-Unis étaient alors au faite de leur puissance, et l’ancien conseiller de Jimmy Carter, énonça sans ambages, la volonté hégémonique américaine contre la puissance russe, qui semblait alors devoir disparaître.

Le but de Washington, ainsi exposé, est de réduire au maximum l’ « européannité » de cet empire eurasiatique, qu’est la Russie. Les Etats-Unis doivent s’efforcer de contenir la tendance naturelle des puissances européennes, essentiellement la France et l’Allemagne, de s’entendre avec la Russie. Washington souhaite orienter la majorité de ses efforts vers l’Asie et la Chine en particulier, tout en maintenant à moindre frais, sa domination en Europe. Pour parvenir à cette fin, les Etats-Unis s’appuient sur une militarisation forcée de l’espace européen par le bouclier anti-missiles et par la construction d’un nouveau rideau de fer, le plus près possible de la frontière russe. Washington souhaite que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN, en passant par son antichambre, qui est l’UE. Si ce but ne peut être atteint, la crise ukrainienne doit être utilisée, pour permettre l’érection de ce nouveau mur entre la Russie et le reste de l’Europe. L’Union Européenne est un instrument essentiel de cette politique, en délayant la puissance des états souverains, susceptibles de s’opposer à ce plan, et en noyant toute volonté de puissance dans le magma des institutions européennes. Washington a également un autre intérêt dans ce conflit, qui est la destruction ou l’affaiblissement des complexes militaro-industriels ukrainien, russe et français. En plus de Bruxelles, les Nord-Américains peuvent s’appuyer sur les nations moyennes, issues de l’éclatement du bloc soviétique.

Parmi ces nations moyennes, sur lesquelles Washington s’appuie, la Pologne est la plus importante. Elle bénéficie largement de l’effet de levier, de l’Union Européenne contre la Russie. Varsovie seule n’aurait aucun moyen de pression contre Moscou, ni économique, ni militaire, ni politique. La Pologne souhaite élargir sa sphère d’influence vers l’Ukraine, car ses frontières orientales actuelles sont loin de correspondre à celles de son expansion historique maximum. Elle a beaucoup gagné en 1945 en se voyant attribuer par Staline, la Silésie et la Prusse orientale. Elle aurait donc beaucoup à perdre en remettant en cause ouvertement ces redécoupages. La solution consiste à faire rentrer l’Ukraine dans sa sphère d’influence, en la faisant basculer dans le camp occidental. La Pologne dispose d’un atout non négligeable, qui est celui de sa transition réussie vers l’économie de marché. Malgré cela, la galaxie de mouvements fascistes autour du parti « Svoboda », sur laquelle elle s’appuie, lui est autant hostiles qu’aux Russes. Leur figure historique, Stepan Bandera, avait d’ailleurs commencé sa carrière en assassinant le ministre de l’intérieur polonais en 1934. La Pologne est en fait dans une situation assez inconfortable ; même dans le cas où elle parviendrait à faire tomber l’Ukraine dans sa zone d’influence, elle ne serait elle-même, qu’un élément du dispositif allemand en Europe de l’est.

L’Allemagne dispute aux Etats-Unis, le contrôle de l’Union Européenne, dont elle est en Europe, le principal bénéficiaire. Elle souhaite ardemment intégrer l’Ukraine dans son nouveau « Zollverein », et Angela Merkel a très mal pris la fin de non-recevoir de Viktor Ianoukovich en novembre 2013. L’accord de coopération lui permet, en effet de contrôler l’Ukraine, sans ne rien avoir à dépenser. Les intérêts allemands sur cette question, rejoignent les intérêts nord-américains, exactement comme ce fut le cas dans les années 90, lorsque l’Allemagne et les Etats-Unis firent basculer la Yougoslavie vers la guerre civile, servant avec succès leurs objectifs politico-stratégiques respectifs. Pour Berlin, le contrôle de l’Ukraine achève celui qu’elle exerce sur le « Mitteleuropa », où elle est de plus en contester par une Russie, rendu attrayante par ses succès économiques, son énergie bon marché et son modèle civilisationnelle. Berlin encourage de plus avec Washington, tout ce qui peut désindustrialiser l’Ukraine, la Russie ou la France, particulièrement dans le domaine militaire. Elle est aussi intéressée par le contrôle du charbon ukrainien, depuis qu’elle a renoncé à l’énergie nucléaire.

De plus en plus contestée par ses populations, l’Union Européenne se bat désormais pour sa survie. Intégrer, ou faire semblant d’intégrer un pays de la taille de l’Ukraine, aurait été un moyen de redonner un peu d’élan, à cette structure bureaucratique épuisée. Comme l’Allemagne et les Etats-Unis, l’Union Européenne est également en guerre contre le modèle civilisationnel russe, dont le social-conservatisme, le souverainisme, et la défense des valeurs chrétiennes séduisent de plus en plus les populations européennes. Comment pourrait-elle admettre la pérennité de la République Populaire du Donbass, qui a inscrit dans sa constitution, comme en Hongrie, la protection de l’être humain dès sa conception et l’affirmation du mariage comme ne pouvant être que celui d’un homme et d’une femme? L’Union Européenne porte une lourde responsabilité dans le déclanchement de la guerre civile. José-Manuel Barroso, en refusant des négociations tripartites, avec la Russie, en décembre dernier, a démontré que l’objectif réel de cet accord n’est pas le bien de l’Ukraine, mais sa séparation forcée d’avec la Russie. C’est ce refus, qui a forcé Viktor Ianoukovich à rejeter l’accord d’association et a précipité ainsi l’Ukraine dans le chaos.

b)      Les acteurs du camp oriental.

Dans ce camp, nous ne trouvons en fait que la Russie. Même si elle a reçu le soutien de facto des BRICS, notamment de la Chine, elle est la seule à avoir un intérêt direct en Ukraine. Les conséquences de la signature de l’accord d’association de l’Ukraine avec l’Union Européenne, seront bien plus dramatiques pour Kiev que pour Moscou. Cet accord annule en effet automatiquement la zone de libre échange qui existait entre la Russie et l’Ukraine. L’embargo sur la collaboration militaro-industrielle, sonne la mort du complexe militaro-industriel ukrainien. C’est une première victoire concrète de Washington, mais c’est l’Ukraine qui a perdu. Le Kremlin a déjà pris les mesures nécessaires pour remplacer les sous-ensembles ukrainiens d’ici 3 ans. Les 21000 employés de Motorsich ont du souci à se faire.   L’intérêt de la Russie n’est pas qu’économique, il est même essentiellement géostratégique. La réunification avec la Crimée a sécurisé sa présence en mer noire. Il ne lui reste désormais plus qu’à s’assurer que l’Ukraine ne fasse jamais partie de l’OTAN. Pour cela, elle peut compter sur les régions orientales, et même à terme sud-orientales de l’Ukraine, dont le lien avec la Russie a résisté à 23 ans de matraquage pro-occidental, dans les écoles et les médias.

Pour conclure cette première partie, je voudrais vous lire ce que déclarait général Groener, chef d’état-major du commandant des troupes allemandes en Ukraine, le 27 mars 1918. A l’époque l’Allemagne occupait l’Ukraine, que certains dirigeants allemands espéraient retourner contre la Russie. Groener estimait, que l’Ukraine n’était : « qu’une création artificielle, à laquelle le Reich pouvait assurer une alimentation artificielle, mais dès qu’on laisserait tomber cet avorton, il se précipiterait sur le sein de la « petite mère Moscou pour revenir là, grâce au lait maternel, à la vraie vie ».

II La politique française en Ukraine.

Comme vous avez pu le constater dans ma première partie, le soutien des occidentaux au Maïdan, n’a rien à voir avec une lutte de la démocratie contre la dictature ou du bien contre le mal. C’est ce qui explique que Washington n’a pas hésité à utiliser et à promouvoir des mouvements fascistes en Ukraine, pourtant largement minoritaires.

La France, me demanderez-vous ? La France n’a pas plus d’intérêt en Ukraine en 2014, qu’elle n’en avait en Crimée en 1853, quand le lamentable Louis Napoléon Bonaparte envoya 310 000 Français se battre pour l’Angleterre, et dont 95 000 ne revinrent pas.

Bien évidemment, notre alignement aveugle sur la politique américaine en Ukraine aura, pour la France, de moins graves conséquences qu’en 1856. C’est pour l’Ukraine que Notre sortie de l’Histoire est grave. Si la France avait tenu son rang, ni Washington, ni Berlin n’auraient pu pousser le gouvernement de Kiev, à se lancer dans cette épouvantable guerre civile. La fédéralisation aurait eu lieu en mars 2014, et aurait épargné 10 000 morts à l’Ukraine, des villes et des infrastructures réduites en cendres.

La France a les mains libres en Ukraine. Son volume d’échange se monte à moins d’1 milliards d’Euros. C’est-à-dire 20 fois moins qu’avec la Russie. L’Ukraine ne nous vend rien de stratégique que nous ne pourrions remplacer, et nous n’avons pas de frontières communes. Même les journalistes français s’en sont aperçus,

Tout avait bien commencé pour la France.

En novembre 2013, les services français sont absents de Maïdan, au contraire des Nord-Américains, des Allemands et des Polonais, qui ont largement contribué à l’organisation du mouvement. Encore mieux, ni notre ministre des Affaires Etrangères, ou l’un de ses collaborateurs ne se rend sur Maïdan. Tandis que Victoria Nuland, Guido Westerwelle, Radoslaw Sikorski défilent en distribuant des gâteaux la France se fait discrète. Seul, notre bouffon national, BHL, vient se donner en spectacle sur l’estrade, d’où les éléments trop radicaux, ont été temporairement écartés. BHL s’est-il recueilli devant l’immense portrait de Stepan Bandera qui a trônait à gauche de ladite estrade ? L’Histoire ne le dit pas.

La prudence française est malheureusement de courte durée. Admettons que Laurent Fabius ignore le coup d’état en préparation, lorsqu’il contresigne le document de sortie de crise avant le 21 février. Admettons qu’il ignore ce qui va se passer, et que ce n’est pas pour cela qu’il quitte Kiev précipitamment, avant que cela ne se produise. La validation immédiate du coup d’état par le gouvernement français enlève toute crédibilité à la signature française désormais.

A partir de ce moment, la France n’est plus maîtresse de son destin. Elle valide sans nuance les affirmations de l’OTAN et du Département d’Etat américain, sur le Boeing MH17, sur la présence de l’armée russe en Ukraine, sans que jamais une preuve soit apportée et bien que l’OSCE dise exactement le contraire.

Grâce notamment au ministère de la Défense et à Jean-Pierre Chevènement, elle résiste tant bien que mal aux pressions sur la livraison des Mistral. Pas parce qu’il en va de l’honneur et de la crédibilité de la France, mais parce qu’une annulation ruinerait nos chantiers navals, c’est déjà ça. Pour finir, le Président succombe sous les pressions américano-germaniques, pourtant s’il s’était adressé à la Nation en lui expliquant les menaces qu’il subissait de l’Allemagne et des Etats-Unis, le peuple français l’aurait largement soutenu.

En laissant faire Washington mettre à feu et à sang l’est de l’Ukraine, Paris porte une part de responsabilité, même si la rencontre du 6 juin 2014, a sans doute été une étape préliminaire du règlement pacifique. Finalement, c’est à Minsk que cette crise se résoudra peut-être et pas à Paris.

 

Quelles leçons la France peut-elle tirer de cette crise : En Europe en général et en Europe de l’Est en particulier, les intérêts de la France n’ont rien à voir avec les intérêts de l’OTAN ou de l’UE. Ils s’opposent même fondamentalement dans de nombreux cas.

En 2010, le Président Medvedev a proposé une réorganisation de l’architecture de défense européenne, prenant comme principe, que les Nations européennes n’avaient pas besoin de puissances extra-européennes pour garantir leur sécurité. C’est une base de travail qu’il faut utiliser.

Durant la crise, l’OSCE a démontré qu’elle était redevenue un instrument fiable et neutre. C’est désormais sur cette organisation que la paix en Ukraine tâche de se construire. Rappelons en outre qu’au début des années 90, les Russes avaient déjà proposé que cet organisme, issu des accords d’Helsinki deviennent la plateforme principale de la coopération en Europe.

Dans tous les La France doit se concentrer sur ses intérêts propres, et il convient de le dire clairement : c’est la Russie qui doit devenir l’allié privilégié de la France en Europe. Le système actuel OTAN/UE, qui fut fondé par Washington doit être remplacé par une structure purement européenne, qui permettra de rééquilibrer la puissance allemande, dont les appétits deviennent un facteur déstabilisant pour l’Europe en général et la France en particulier.

Pour que la France reprenne le contrôle de sa politique étrangère, la première étape doit consister à remplacer la quasi-totalité des conseillers et des structures de conseil du gouvernement actuel, qui étaient déjà présent lors de la présidence précédente. Les analystes français homologués se systématiquement trompés, pas seulement sur la crise ukrainienne, mais sur toute l’histoire de ces 14 dernières. Ils ont été incapables de donner à nos dirigeants des analyses lucides et dépassionnées des événements. La division Russie de l’IFRI, think tank conseillant le ministère des AE s’est totalement trompé sur la réalité russe depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir et s’est montré incapable dans la crise actuelle de ne proposer aucune prospective réaliste aux dirigeants français, ne serait-ce qu’une semaine à l’avance. Les différents chercheurs que l’on entend régulièrement dans les médias et qui collaborent à la fondation pour la recherche stratégiques se sont révélés d’une incompétence inouïe, à l’exception notable d’Isabelle Facon. Nous pourrions nous consoler en nous disant que les analysent absurdes de Bruno Tertrais, du général Desportes, de Frédéric Encel, de Thomas Gomart, seront à jamais gravées dans le marbre d’internet et les hanteront jusqu’à la fin des temps, mais ce ne serait pas productif.

Il ne s’agit pas de punir les coupables, mais de les remplacer et de donner une chance à une nouvelle génération d’analystes, mieux formés, plus compétents et moins idéologues, qui permettront grâce à la justesse de leurs analyses prospectives aux décideurs français de prendre les décisions qui serviront au mieux l’intérêt supérieur de notre Nation.

Il s’agit de soumettre de nouveau les réalités politico-stratégiques de notre temps à cet intelligence française, faite de raison et débarrassée du romantisme, qui a fait de notre pays une puissance diplomatique, dont l’absence se juge à l’aune du désordre mondial.

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