Vers un monde incertain

L’article original a été publie sur Ria Novosti.

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L’année 2011 vient de finir, et pour commencer cette tribune je souhaite une bonne et heureuse année 2012 aux lecteurs de RIA-Novosti.
L’agence a publié les impressions personnelles des commentateurs de RIA-Novosti et je tenais à apporter ma modeste contribution à ce sujet.
Que penser de l’année qui s’achève et de celle qui commence? Les présidents des deux pays qui me tiennent le plus à cœur, à savoir la Russie et la France, ont eu des mots finalement assez identiques lors de leurs discours de fin d’année, qualifiant 2011 d’année très difficile.
Le monde d’avant la crise nous parait aujourd’hui bien lointain mais la similitude de tonalité des discours présidentiels de fin d’année ne doit pas masquer le fait que les situations en France et en Russie sont sensiblement différentes.

Les conditions économiques se dégradent en France, alors que 2011 aura été l’année de sortie de crise pour la Russie. Selon un sondage publié par le portail de recrutement Superjob.ru, 16% des Russes attendent des changements positifs pour l’année 2012, 8% estiment que 2012 sera stable dans tous les domaines, 7% attendent à une augmentation de salaire, et 6% estiment qu’il ne se passera rien de particulier l’année prochaine. Les pessimistes, qui pensent que 2012 sera marqué par une dégradation de conditions de vie et une flambée des prix ne sont que 9%. Globalement, le sondage montre  donc un optimisme prudent qui tranche avec le fatalisme traditionnel des russes, et qui s’explique sans doute par la santé économique du pays, relativement bonne, et par les perspectives de 2012.
L’incertitude économique qui frappe la zone euro se ressent sur le moral des citoyens. Ce premier janvier 2012 marquait les 10 ans d’existence de l’Euro, et comme le rappelait l’excellent commentateur Vlad Grinkevitch, “la zone euro ne traverse certainement pas sa meilleure période “. “La crise de la dette qui a frappé la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne risque de dégénérer en une catastrophe financière majeure et être à  l’origine d’une nouvelle récession “. Ainsi ce sont 81% des Français qui pensent que 2012 sera une année difficile. Une anxiété cependant bien compréhensible alors que la France pourrait faire face en 2012 à une perte de son triple A, et sans doute s’avancer un peu plus vers une situation de récession économique. Les irlandais, les autrichiens et les belges sont respectivement deuxièmes, troisièmes et quatrièmes au classement du pessimisme, après les français, selon une enquête réalisée dans 51 pays. Les citoyens les plus pessimistes se situent donc clairement du côté des pays réputés les plus riches et les plus développés. Probablement parce qu’ils ont beaucoup plus à perdre et que les perspectives économiques globales sont particulièrement mauvaises pour 2012 dans la plupart des pays riches de l’OCDE.

Logiquement, les dix pays où l’avenir est perçu comme le plus sombre sont concentrés sur le continent européen. Six d’entre eux sont même membres de l’Union européenne. Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, a appelé à poursuivre “l’effort (…) pour que la crise ne conduise pas à une  faillite désordonnée et catastrophique”. Pour le président français Nicolas Sarkozy, “le destin de la France peut basculer” en 2012. La chancelière allemande Angela Merkel a averti que 2012 serait “plus difficile” que l’année qui s’achève. Quand au président italien Giorgio Napolitano, il a demandé à ses compatriotes d’accepter les sacrifices pour éviter “l’effondrement des finances du pays”. Dans une moindre mesure, l’Amérique du Nord – Etats-Unis et Canada – est également dans ce groupe de pays qui entrent dans l’avenir à reculons. En revanche, quatre pays parmi les dix les plus optimistes au monde se trouvent en Afrique. En tête, le Nigeria, mais aussi le Ghana, la Tunisie et le Soudan du Sud. En Asie, le Vietnam et l’Ouzbékistan abordent aussi 2012 avec optimisme.

Mais il n’y a pas que l’économie: 2012 sera aussi une année charnière sur le plan politique car elle sera une année d’élection dans les 3 grands pays que sont la France, les Etats-Unis et la Russie. Sur le plan politique, tout comme sur le plan économique, l’avenir proche de la Russie semble clair: croissance économique soutenue et continuité du pouvoir politique russe quasi assurées. C’est loin d’être  le cas pour la France et les Etats Unis. Barack Obama et Nicolas Sarkozy portent sur leurs épaules de dirigeants les très lourdes responsabilités de la crise économique et monétaire qui continue à se développer. Effet pervers possible, une victoire des républicains en Amérique et des socialistes en France pourrait sensiblement modifier les rapports politiques entre grandes puissances, et créer des impulsions politiques dans de nouvelles directions, avec des conséquences sans doute imprévisibles à ce jour. 

Pendant que je regarde en boucle les images des festivités du nouvel an reprises par Russia-Today, et ces foules qui semblent  insouciantes, je me demande bien à quoi va ressembler le monde qui se réorganise si rapidement, ce monde dans lequel vivront nos enfants et nos petits enfants.

Le printemps arabe tourne à l’hiver et l’économie des pays occidentaux entre dans un automne plus qu’inquiétant. Pour certains analystes comme Olivier Delamarche, l’effondrement du système financier pourrait entrainer une ou plusieurs guerres. Si ce scénario catastrophe est écarté, les grand changements en cours vont se poursuivre : Les pays du groupe BRIC (Brésil- Russie- Inde- Chine) ont rebondi après la crise de 2008, ils  se préparent à leurs rôles de futurs géants économiques,  et le centre de gravité du monde continue à se déplacer vers l’Asie. La crise financière et économique en cours devrait entrainer l’affaiblissement relatif de l’Occident et surtout rendre  son modèle politique, économique et moral de moins en moins crédible. Ailleurs dans le monde, d’autres puissances comme la Malaisie, le Mexique, la Turquie ou l’Iran, se préparent à devenir des puissances régionales dont il faudra tenir compte.
Ce “nouveau monde” qui sera sûrement multipolaire devrait donc voir l’émergence de nouvelles puissances et de nouveaux modèles politiques et
économiques. La question est de savoir si cette transition pourra être pacifique. L’avenir qui se dessine semble bien incertain.

3 thoughts on “Vers un monde incertain

  1. ph

    Alexandre, je tenais à vous dire le respect que m inspire la grande qualité de vos analyses. Bravo pour votre travail et votre vision dissonante dont nous avons tant besoin. Amitiés nationales d un français expatrié à Moscou. Patrice Hubert

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  2. ph

    Alexandre un grand bravo pour la qualité de vos articles et la vision dissonante que vous apportez et a laquelle je souscris en majorité Amitiés Nationales d un français expatrié à Moscou Patrice Hubert

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