Vers un redémarrage russo-japonais ?

Cet article a été publié originalement sur Ria-Novosti

 

Le 11 mars dernier, un violent séisme suivi d’un tsunami ont frappé le Japon, faisant à ce jour  plus de 20.000 victimes et disparus et près de 360.000 déplacés. La centrale nucléaire de Fukushima, située à seulement 250 km de Tokyo, est depuis victime d’une série d’incidents techniques graves, faisant craindre une contamination radioactive dans l’archipel nippon, mais également un accident nucléaire pouvant avoir des conséquences régionales. Ces évènements au Japon ont réveillé des souvenirs tragiques pour les Russes mais aussi pour tous les habitants de l’ex Union Soviétique.

 

Le 26 avril 1986, à la frontière entre l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie, près de la petite ville de Tchernobyl, un accident à la centrale nucléaire Lénine déclencha la catastrophe nucléaire la plus grave de l’histoire. Les conséquences de cet accident se font encore sentir 25 ans après, puisque les experts de l’OCDE affirment que les populations de Biélorussie, d’Ukraine et de Russie en ressentent encore dans une certaine mesure les conséquences sanitaires. D’ailleurs, lors des terribles incendies de forêts qui ont frappé la Russie l’été dernier, des craintes d’évaporation dans l’atmosphère de particules radioactives déposées dans le sol russe (que ce soit dans la région de Briansk ou de Mayak) ont ressurgis, réveillant des souvenirs douloureux.

 

La question du nucléaire est donc de nouveau au premier plan et de nombreux pays ont remis sur la table la question de savoir s’il fallait ou non mettre un coup d’arrêt au développement des centrales. Les 27 pays de l’Union Européenne par exemple tirent 31% de leur électricité et 15% de leur énergie primaire du nucléaire. L’Allemagne est bien sur en tête de ce mouvement anti-nucléaire, le pays ayant une tradition écologiste assez prononcée. Mais les autres pays de l’UE comprennent également des partis écologistes, traditionnellement opposés au nucléaire et dont l’importance politique n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Cette question pourrait donc devenir un des points essentiels des futures échéances électorales, notamment au sein de pays fortement dépendants du nucléaire comme la France par exemple. Pour autant ce sentiment anti-nucléaire ne semble pas partagé partout, notamment en Asie, en Europe de l’est au Moyen Orient. A tel point que le nombre de centrales nucléaires dans le monde devrait doubler dans les 14 prochaines années selon l’association mondiale du nucléaire.

Les pays gourmands en nucléaire ne sont pas seulement les grands pays émergents comme la Chine ou l’inde qui devraient théoriquement doubler le nombre de leurs centrales d’ici 2030. La Turquie mais également la Biélorussie ont récemment, et malgré l’accident au Japon, réaffirmé leur souhait de construire leurs premières centrales nucléaires, avec l’appui de la Russie, comme cela a été le cas pour l’Iran et la centrale de Bouchehr. La Russie qui compte 32 réacteurs opérationnels sur son territoire à une grosse expérience de participation à la construction de centrales partout sur la planète. C’est aussi l’un des pays les plus nucléaires de la planète, derrière les Etats-Unis (104 réacteurs), la France (58 réacteurs) et le Japon (54 réacteurs). Ces réacteurs russes assurent 18% de sa production électrique nationale mais la part du nucléaire devrait attendre 35% d’ici 2030. Le président russe a récemment réaffirmé son soutien au développement du nucléaire lors d’une rencontre avec le premier ministre turc sur le projet de collaboration pour la construction du premier réacteur turc par la Russie. Selon le président russe: “l’énergie nucléaire n’est pas dangereuse si les centrales sont construites au bon endroit et convenablement surveillées”.

 

Le terrible accident japonais survient en outre dans un contexte très tendu entre la Russie et le Japon, puisque la question des îles Kouriles empoisonne la relation entre les deux pays depuis plus d’un demi-siècle. Le Japon revendique quatre îles rattachées après la guerre à l’Union soviétique, puis transmises à la Russie en tant que successeur en droit de l’URSS. Au début de cette année 2011 une visite du président Russe dans les îles Kouriles avait déclenché un incident diplomatique et la colère des Japonais. Le 7 février, des militants japonais d’extrême-droite ont manifesté devant l’ambassade Russe à Tokyo, traînant par terre un drapeau russe déchiré et couvert d’inscriptions. La justice Japonaise refusera d’organiser une enquête sur cet outrage au drapeau ni d’en poursuivre les responsables. Malgré cela, la Russie a rapidement et très généreusement réagi à la tragédie japonaise, et immédiatement proposé l’envoi d’une aide très conséquente. Dès le 13 mars, un Il-76 du ministère russe des Situations d’urgence a emmené 50 sauveteurs, ainsi que trois véhicules spéciaux et près de 17 tonnes de fret humanitaire. Le 15 mars, un second groupe de 25 sauveteurs russes à rejoint la première équipe, accompagné de quatre voitures de sauvetage, de matériel de recherche et d’instruments hydrauliques, de modules, de groupes électrogènes, de denrées, d’eau mais également de médicaments.
Les sauveteurs russes opèrent dans la région de Sendai, la zone la plus touchée par le séisme. Enfin, le 19 mars, deux Il-76 transportant près de 40 tonnes de chargement humanitaire se sont envolés de Khabarovsk et Blagovechtchensk, en Extrême-Orient. A cette aide humaine et matérielle s’ajoute une aide énergétique, puisque la Russie devrait livrer rapidement du gaz naturel liquéfié, et augmenter ses livraisons de charbon. La Russie, qui a en extrême orient des surcapacités énergétiques, a aussi proposé au japon la fourniture rapide de 6.000 mégawatts d’électricité supplémentaire. La Russie vient aussi d’annoncer qu’elle était prête à accueillir des victimes du séisme mais aussi et à proposer des emplois aux ressortissants du japon en Extrême-Orient russe. Enfin, elle a proposé que des sociétés japonaises participent  à l’exploitation de gisements de gaz en Sibérie tout en espérant considérablement augmenter en 2011 les livraisons d’hydrocarbures au Japon.

 

La centrale de Fukushima ne devrait plus être utilisée semble affirmer le gouvernement Japonais. Une solution à la Tchernobyl est même envisagée, c’est-à-dire la constitution d’un sarcophage pour envelopper la centrale et tenter d’en limiter les émanations toxiques. Les graves accidents nucléaires ont toujours permis d’apprendre et de développer des méthodes de sécurité toujours supérieures. L’accident de Tchernobyl a par exemple mis en évidence la nécessité des enceintes de confinement, qui ont fait leur preuve lors d’un autre grave accident nucléaire survenu en 1979 aux Etats-Unis, celui de three miles island. De son malheur, le Japon va sans doute tirer des leçons qui bénéficieront au monde entier. L’économie japonaise ne devrait pas connaitre trop de difficultés à se relever et surmonter cette tragique épreuve. Exsangue après le second conflit mondial, l’empire du soleil levant est devenu en 30 ans la seconde puissance économique de la planète. Suite aux évènements récents, on ne peut donc que souhaiter que s’opère un réel reset des relations avec la Russie afin de purger toutes les tensions inutiles, et rendre possible une réelle coopération régionale, garante de l’émergence d’un monde multipolaire stable.

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