Far Est

Cet article a été publié originellement sur Ria-Novosti

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Lorsque j’ai décidé d’émigrer en Russie, les nombreux français de ma génération tentés par l’expatriation pensaient en général à des destinations plus classiques, comme le Canada francophone, l’Angleterre et l’Irlande, alors en plein boom économique, ou encore l’Australie et surtout les USA, parce qu’on pense toujours qu’en Amérique, tout est possible. Bien sur, la situation n’est pas encore catastrophique en France mais nous sommes nombreux à pressentir qu’il n’y aura pas d’améliorations dans les années à venir. Je fais partie d’une génération de Français dont un très grand nombre c’est vrai est parti s’installer à l’étranger. Je ne parle la pas des retraités qui pensent avant tout à leur confort de vie et à partir dans des régions ensoleillées et bon marché, chaudes et peu chères, comme le Maroc par exemple, mais des jeunes diplômés, dont l’émigration est à finalité économique, professionnelle.

La crise financière de 2008 a cependant modifié les choses en profondeur. L’Angleterre et l’Irlande ont perdu leur attractivité, les USA sont en pleine crise économique et sociale, et les Français sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans des régions moins habituelles, mais présentant de réelles opportunités économiques, que ce soit par exemple le Brésil, la Chine ou encore la Russie. C’est un signe de confiance dans l’avenir du pays et les sociétés françaises du CAC 40 s’installent  les unes après l’autre en Russie. Pourtant, même si la présence française en Russie augmente, elle reste encore relativement faible par rapport à d’autres pays Européens comme l’Allemagne. Que l’on en juge par le nombre de sociétés présentes, en Russie: environ 600 pour la France et 6.000 pour l’Allemagne. Il y a une logique à ce fort attrait économique qui se traduit dans les chiffres d’immigration et qui démontre bien l’influence croissante de la Russie, par ailleurs seul pays européen du groupe BRIC, dans la région Eurasie. La Russie est en effet le second pays au monde accueillant le plus grand nombre d’étrangers juste après les Etats-Unis.
En 2010, il était estimé que la Russie comptait 12 millions d’étrangers sur une population de 142 millions d’habitants. Bien sur les gaustarbeiters d’Asie centrale (main d’œuvre à faible coût) représentent le gros de ces migrants, mais selon l’AEB (l’Association of European Business) près de 500.000 ressortissants de l’Union Européenne vivent ou travaillent en Russie, tout du moins occasionnellement.

Désormais les nouveaux arrivants d’Europe de l’ouest sont de moins en moins nombreux à arriver mutés au sein d’une société, mais plus nombreux à venir en Russie individuellement pour une courte période, que ce soit un stage ou un échange étudiant. Certains choisissent de  rester pour chercher du travail, voire commencer une nouvelle vie. D’un point de vue professionnel, la forte croissance et le dynamisme du marché intérieur de la Russie sont une mine d’or pour les entreprises étrangères et cette bonne santé économique permet de trouver des débouchés en tant que salarié bien plus facilement que dans nombre de pays d’Europe de l’ouest.

Pour autant la Russie n’est pas encore la destination qui fait rêver et elle n’est vraiment pas non plus le pays le plus simple dans lequel émigrer, même pour les jeunes spécialistes. Les difficultés de la langue russe, la dureté du climat (si l’on pense à la Russie Européenne et donc aux pôles économiques que sont Moscou et aussi Saint-Pétersbourg) ou surtout les nombreuses difficultés administratives (visas, démarches diverses..) n’ont il est vrai rien pour faciliter la tâche. En outre, la grande méconnaissance qu’ont encore la majorité des Français par exemple de ce pays et le tableau noir qu’en font nos médias coupent toute envie d’y aller pour travailler, ne parlons pas de s’y installer.Malgré tout à Moscou, j’ai rencontré de nombreux français qui ont eux aussi choisi la Russie, certains depuis peu, et d’autres depuis 10 ans voire plus. Dans des discussions sur la vie en Russie, sur la dureté du climat, ou sur les difficultés de la langue russe, j’ai été étonné d’entendre souvent la même phrase: “Je ne souhaite pas repartir”. C’est vrai que mes premières impressions, à titre personnel, ont aussi été assez rapidement plutôt positives. En Russie, il n’y a pas ces grèves à répétition qui empêchent de vivre normalement et de se déplacer.

Dans les villes, les magasins, les bars, les restaurants sont souvent ouverts 24/24, ce qui confère une sensation de liberté importante. Le pays est réellement multiculturel et multiconfessionnel mais contrairement aux sociétés occidentales, les tensions ethniques, religieuses et sociales se ressentent très faiblement, et n’empoisonnent pas la vie de tous les jours, comme par exemple en France. On peut ressentir à Moscou l’énergie qui se dégage de la ville et la vitalité des gens, dans les rues, dans le métro, dans les magasins. Il y a dans cette ville quelque chose de vibrant, de positif et d’attachant.

La sensation d’être dans un pays ou l’impression de déclin (omniprésente en France) ne se fait pas sentir, est fort plaisante, il faut bien l’avouer. Je pense que c’est une des clefs pour comprendre l’attrait que la Russie procure sur les étrangers. En Russie, cette sensation de  “c’est possible” existe encore, alors qu’elle semble avoir disparu dans bien d’autres pays. La Russie, Far-Est du 21ème siècle, saura-t-elle être l’eldorado des Européens, comme les Etats-Unis l’ont été au cours du siècle précédent?  Il est difficile de prévoir l’avenir, néanmoins il y a deux décennies, si les Européens migraient d’est en ouest, aujourd’hui il n’est pas impossible que nous assistions au début d’un mouvement inverse, d’ouest vers l’est, vers les immenses espaces par delà l’Oural.

Ce mouvement devrait selon moi sensiblement s’accélérer dans la prochaine décennie, au vu des prévisions économiques solides en Eurasie (Russie, Biélorussie et Kazakhstan, les 3 pays de la nouvelle union douanière) et relativement faibles en Europe de l’ouest. Déjà la Russie se classe devant la France et juste derrière l’Allemagne selon le FMI, dans le classement des pays selon leur PIB à parité de pouvoir d’achat.

Pour ma part, en tant que Français d’Eurasie, c’est décidé depuis longtemps, je reste vivre en Russie!

5 thoughts on “Far Est

  1. Anonymous

    Bonjour,
    Nous sommes deux étudiantes françaises à Moscou depuis plus de six mois maintenant, nous partageons ton amour pour la Russie, cependant nous trouvons que ton article n’est pas très objectif.
    Certes pas de greves dans les transports et des commerces ouverts 24/24, mais a quel prix ? (quid de la babouchka qui travaille 24h non stop, 3 ou 4 jours par semaine, ou de la caissiere qui doit rentrer chez elle à minuit …)
    quant au “pays multiculturel et multticonfessionnel qui ne connait pas de tensions”, c’est vite oublier les attentats, les rassemblement fascistes sur la place rouge, et les appels au Jihad pas plus tard qu’aujourdhui ( http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/03/03/97001-20110303FILWWW00466-un-islamiste-appelle-au-jihad-en-russie.php ).
    Finalement, une phrase nous interpelle particulièrement “La sensation d’être dans un pays ou l’impression de déclin (omniprésente en France) ne se fait pas sentir”, le déclin est bien présent et c’est le pire de tous : le déclin démographique, n’est ce pas la preuve d’un peuple qui na plus foi en l’avenir de son pays ? on ne compte plus nos camardes étudiants qui n’attendent qu’une chose : quitter leur pays une fois leurs études terminées.

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  2. Alexandre LATSA

    Bonjour mesdemoiselles

    La babouchka qui travaille 24/24, n’exagérons pas vous en connaissez beaucoup? La Russie n’est pas la france, et il faut bien imaginer que si des restaurants trouvent des serveuses pour bosser la nuit c’est “peut être” que ces serveuses ont besoin d’argent, de travailler pour vivre ? Après tout il y a 15 ans quel choix auraient elles eues ? Faire pute?
    Vous mentionnez une serveuse qui “doit” rentrer à minuit chez elle, mais enfin en france quand vous allez dans un bar a 1 heure du matin, la serveuse ne doit pas rentrer chez elle après ? Vous pensez qu’elle dort dans le bar ?
    Vous vivez à Moscou je pense que vous avez compris qu’il vaut mieux prendre le métro à moscou en banlieue a minuit que en banlieue parisienne non ?

    Les minoritaires regroupements fascistes existent dans tous les pays du monde même ceux qui sont monoculturels et monoethniques, et d’ailleurs même au sein de l’UE, comme la Lettonie par exemple. En Russie du reste, les néo nazis sont les amis de l’opposition libérale que nos médias nationaux nous vendent tant..
    http://win.ru/en/ideas/6645.phtml
    Et en détail ici:
    http://www.eurasia-rivista.org/8546/les-revolutions-de-couleur-en-eurasie
    Vous noterez dans le dernier article que l’indépendance du Caucase est un fait ancien , voulu par l’ouest et que les wahabites d’aujourd’hui sont non caucasiens et bénéficient de l’aide de la CIA.

    Mais vous savez les precheurs de la haine il y en a partout, en france, a londres…

    Quand au déclin démographique, je pense que vous devriez arrêter de lire le figaro 😉
    http://alexandrelatsa.blogspot.com/2011/02/2010-la-reprise-demographique-confirmee.html

    Le taux de natalité en Russie en 2010 est le même que en UE.

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  3. Anonymous

    Bonjour Alexandre,

    Je lis vos articles avec intérêt depuis quelques mois, l’ayant découvert pendant un séjour d’étude cette année à Saint-Pétersbourg, notamment concernant la démographie russe.

    Partant cet été en stage à New-York pour un stage au sein d’une organisation américaine qui informe et défende des principes auprès des institutions de l’ONU. Elle s’intéresse notamment à la politique nataliste russe, assez unique au monde, quand on voit malheureusement le peu d’entrain et de volonté que manifestent des pays comme l’Italie et surtout l’Allemagne d’augmenter leurs naissances.

    Parlant russe, ils me proposent de rédiger une étude sur la politique russe pour améliorer la natalité et baisser la mortalité du pays(donc comprenant la réforme de la Santé, la restriction de l’accès à l’avortement comme l’a laissé entendre Madame le ministre de la Santé en février 2011,…).

    Je voulais vous demander si vous pouviez me conseiller des sources pour fonder mon étude, en dehors des sites officiels des ministères et Rostat que vous citez régulièrement et utilement ?

    Je vous en serai très reconnaissant,

    Vous pouvez m’écrire à fearfouquet@hotmail.fr

    Merci pour votre attention,

    Quentin

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