La Russie et l’espace Eurasiatique, analyse de STRAFOR

La Russie d’aujourd’hui est très différente de la Russie d’il y a 10 ou 20 ans. A la chute de l’URSS, l’Occident à commencé une offensive géopolitique avec de grands succès. Néanmoins depuis deux mois une réorganisation sans précédent de l’espace Russo-Eurasien est en cours. Il y a tout d’abord cet espace douanier commun qui s’est créé entre 3 états que sont la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Mais il y a également la prise de pouvoir d’un gouvernement pro-Russe en Ukraine. Cela fait que la Russie est en bonne place pour devenir la superpuissance dominante en Eurasie et mettre à mal les infiltrations Occidentales sur cette zone. La question est : jusqu’où la Russie peut et veut aller ?
 

 

Le dilemme Russe
La Russie par la définition de sa géographie n’a pas de frontières naturelles. Pour compenser cela, la Russie a historiquement toujours opéré de la même façon : installer un pouvoir fort et purger toutes influences extérieures déstabilisatrices et créé des zones tampons autour de ses frontières. La Russie a quelque fois poussé cette influence trop loin mais elle n’a jamais été aussi forte (localement comme internationalement) que lorsque cette zone tampon a existé. Le meilleur exemple est l’union soviétique qui a permis à Moscou d’étendre son influence dans un grand nombre de pays, en Europe ou en Asie centrale. L’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 a fait retourner la Russie à ses frontières du 17ème siècle, celle ci redevenant faible et vulnérable. A ce moment la, les Etats Unis ont tenté de saisir l’opportunité d’empêcher la Russie de redevenir “forte” en tentant de la neutraliser à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.
De façon interne, les EU ont tenté de soutenir des forces politiques progressistes afin de changer la “nature” même du pouvoir politique en Russie, la nature du Kremlin.
De façon externe, les EU ont tenté d’empêcher la résurgence de l’influence Russe en Eurasie, notamment par le biais de l’extension de l’OTAN et l’implantation de bases en europe de l’est et en asie centrale, mais également des révolutions de couleurs dans les états frontaliers avec la Russie.

 

Sous le règne de Vladimir Poutine, la Russie s’est reconsolidée intérieurement et re centralisée politiquement. Cette étape étant terminée (facilitée par la hausse des matières premières), la Russie renforcée cherche désormais à reconstituer sa zone tampon.
 

 

La fenêtre de tir
Pendant que la Russie se reconsolidait, les EU devenaient préoccupés eux par le monde Islamique, s’impliquant dans des guerres en Irak et en Afghanistan. La Russie a très justement vu dans cette évolution le “bon” moment pour repousser l’influence Occidentale en Eurasie et à ses frontières. Il est difficile de dire ce qu’il se serait passé sans cette obsession Islamique à la maison blanche et au Pentagone. Les connexions Russes dans le monde musulman ont été un levier de négociations importants pour en contrepartie inspirer les EU à alléger la pression en Eurasie. La Russie il est vrai a su souffler le chaud et le froid en complexifiant habilement l’attribution d’une route militaire pour l’Afghanistan tout en soutenant ouvertement l’Iran.
 

 

Certes la guerre géopolitique entre Washington et Moscou n’a pas été facile. Mais il est maintenant visible que Moscou a su parfaitement conserver et même renforcer son influence dans des pays qui lui sont frontaliers comme la Biélorussie et le Kazakhstan  La Russie a aussi prouvé la difficulté pour l’Occident  cesser sa militarisation de l’espace frontalier avec la Russie (CF la guerre en Georgie) et à également marqué des points cruciaux en Ukraine ou les 4 candidats en tête aux dernières élections étaient relativement pro Russes, achevant ainsi définitivement la “période orange”.
 

 

La question qui se pose donc est la suivante : qu’est ce que la Russie doit se dépêcher d’accomplir avant que les EU n’aient terminé leurs affaires prioritaires en Irak, Afghanistan ou Iran ?
 

 

L’idée Russe
Contrairement à ce que l’on peut lire ici ou la, le Kremlin ne cherche absolument pas à rétablir l’URSS. La Russie regarde plutôt l’ancien monde Soviétique en essayant d’y déterminer les impératifs pour y maintenir sa puissance et la stabilité. La Russie a semble t’il essentiellement placé les pays de l’ancien espace Soviétique dans quatre catégories :
 

 

    • D’abord la catégorie de pays dans lesquels la Russie doit totalement reconsolider son influence : Biélorussie, Kazakhstan, Ukraine et Georgie. Ces pays protègent la Russie de l’Europe de l’ouest et de l’Asie et donnent à Moscou un accès aux mers Noire et Caspienne. Elles sont aussi le point essentiel intégré autour du Heartland industriel et agricole Russe. Sans ces quatre pays, la Russie est en effet relativement impotente. Jusqu’ici, la Russie a reconsolidée son influence dans 3 des quatre pays, et la Georgie est dans une situation particulière avec une partie de son territoire occupée. En 2010 il est plausible que la Russie cherche avant tout à renforcer ses liens avec ces pays.
       

 

  • Il y a ensuite 6 pays dans lesquels Moscou souhaiterait reconsolider son influence si elle a l’opportunité de le faire avant que Washington ne se re-focalise sur l’Eurasie. Ce sont les 3 états Baltes, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Uzbékistan. Ces pays ne sont pas nécessaires à la Russie pour qu’elle reste une puissance forte, mais s’ils basculaient dans l’orbite Occidentale, cela placerait l’Occident à une trop forte proximité de la Russie. C’est le cas par exemple de l’Estonie dont la capitale est proche de la frontière Russe et de la seconde ville du pays : Saint pétersbourg.
    Il est plausible que Moscou agisse vers ces pays mais uniquement si elle a au préalable assuré son influence dans les 4 premiers états cités au paragraphe précédent.

 

  • Le 3ième groupe n’est pas du tout essentiel pour le Kremlin, ni politiquement, ni géographiquement, ni économiquement, mais le pouvoir Russe sent qu’il pourrait développer son influence dans ces pays de par leur grande faiblesse naturelle. Il s’agit de la Moldavie, du Kyrghistan, du Tadjikistan et de l’Arménie. Certains de ces états sont déjà plu ou moins sous l’influence de Moscou mais leurs faiblesses et leur instabilité naturelle peut les rendre plus créateurs de troubles qu’autre chose, c’est pourquoi le pouvoir Russe préfère “avoir un oeil dessus”.

 

  • Enfin le dernier groupe consiste dans des états qui n’appartiennent pas à l’ancien bloc Soviétique mais sur lesquels Moscou pense pouvoir influer. Il s’agit de l’Allemagne, de la Turquie, de la France et de la Pologne. Ces pays sont tous des puissance régionales (ou sont en passe d’accroitre leur puissance régionale) et pourrait donc si ils étaient en conflit avec  Moscou lui mettre de sérieux bâtons dans les roues. Le Kremlin sent donc une nécessité impérieuse de ne pas être en contentieux avec ces pays et de faire passer le message de sa nécessaire influence prééminente dans l’ancien espace Soviétique. En outre ces états sont tous des membres de l’OTAN et ont des relations “complexes et particulières” avec les Etats-Unis. Le grand jeu pour Moscou sera de s’assurer que ces états ne deviennent pas des “adversaires”, voir des “ennemis”.

 

Le compte à rebours
Les succès Russes ne doivent pas faire oublier que les Américains vont tôt ou tard s’émanciper de leurs affaires pesantes en Irak, Afghanistan et Iran. L’horloge tourne pour la Russie et le décompte à commencé. La Russie a un gros avantage qui est que il sera beaucoup plus difficile pour les EU de se réinstaller en Eurasie face à une puissance régionale déjà existante que d’empêcher une puissance régionale d’émerger (comme cela aurait pu être le cas il y a 10 ans). Néanmoins il est trop tôt pour crier victoire du côté Russe.
Les impératifs géopolitiques Russes restent les mêmes : le pays doit se développer, se maintenir dans une certaine zone d’influence pour devenir une puissance régionale et cela même si la conséquence est la création de problèmes dans le coeur Russe. Cette tâche difficile pourrait s’annoncer encore plus dure si les EU se mettaient à leur mettre des bâtons dans les roues en voulant re développer leur influence en Eurasie.
 

 

Stratfor se propose donc d’étudier chaque pays sus cités et d’examiner quelle stratégie et de quels leviers d’actions la Russie dispose sur ces pays. La version .pdf du rapport de Stratfor est disponible la

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